Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Madame Prunaud, nous n’allons pas, à cette heure, engager un long débat sur la nature du terrorisme. Toute forme de terrorisme est évidemment condamnable. Pour autant, dans une loi de programmation militaire, il est préférable de nommer son adversaire : cela permet de mieux promouvoir les modes d’organisation à mettre en place et les efforts à consentir pour lutter contre celui-ci.
Or force est de constater que, depuis 2015, c’est tout de même bien le terrorisme djihadiste qui a durement frappé la France et fait quelque 280 victimes.
Dans ces conditions, même s’il ne faut pas négliger les autres formes de terrorisme, j’estime que nous ne pouvons pas les citer de manière exhaustive. Dans une loi de programmation militaire, qui est un texte destiné à marquer notre volonté, il importe de désigner l’adversaire afin de pouvoir mieux le combattre et finir par le battre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Monsieur le rapporteur, je sais bien que l’on ne peut pas énumérer toutes les formes de terrorisme dans ce texte. Cela étant, il faut bien préciser les choses pour que personne ne se sente stigmatisé. Certes, l’ennemi principal, c’est le terrorisme djihadiste, mais n’oublions pas que ses premières victimes sont les musulmans des pays du Moyen-Orient.
Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié est retiré.
L’amendement n° 122 rectifié, présenté par MM. Requier, Guérini, Vall, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Menonville, est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 15, première phrase
Après le mot :
climatiques,
insérer les mots :
la menace de conflits hydriques,
La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Cet amendement vise à insérer dans le rapport annexé une référence aux nouveaux risques de conflits hydriques, qui pourraient survenir sous l’effet des dérèglements climatiques. Même si ceux-ci ne sont pas forcément ou directement à l’origine des conflits hydriques, ils les aggravent souvent. Les exemples sont nombreux et ces conflits ont des conséquences transnationales.
L’accès à l’eau dans le contexte d’une démographie galopante est un enjeu économique important à l’échelle de la planète. C’est pourquoi le groupe du RDSE souhaite que les risques de conflits hydriques soient mentionnés explicitement dans le texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La précision que vise à introduire l’amendement est tout à fait essentielle. L’avis de la commission est donc favorable.
Il apparaît en effet que les conflits liés à la ressource en eau, qui sont bien souvent associés à la problématique du climat, sont sources de tensions internationales, d’où la nécessité de combattre le fléau du changement climatique, notamment par le biais de la mise en œuvre des accords de Paris. Le Sénat s’était déjà penché sur cette question au travers d’un rapport établi en 2015 par M. Cédric Perrin et nos anciennes collègues Éliane Giraud et Leila Aïchi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Laborde. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 47, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rapport annexé
I. – Alinéa 23, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Plus spécifiquement, le déploiement européen-oriental de l’OTAN s’est accompagné d’un renouveau des capacités de défense russes et d’un recours préoccupant à des formes d’intimidation stratégique de part et d’autre, créant un point de tension plus vu depuis la fin de la Guerre froide.
II. – Alinéa 31, dernière phrase
Supprimer le mot :
, transatlantiques
III. – Alinéa 66, seconde phrase
Supprimer les mots :
, en particulier de l’Alliance atlantique
IV. – Alinéa 77, première phrase
Supprimer les mots :
, notamment dans le cadre des mesures de la posture de défense et de dissuasion de l’OTAN,
V. – Alinéa 94, première phrase
Supprimer les mots :
de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord et
VI. – Alinéa 114
Supprimer les mots :
par des brigades alliées pour constituer une division de type OTAN
VII. – Alinéa 127, seconde phrase
Supprimer les mots :
, notamment au sein de l’OTAN,
VIII. – Alinéa 176
Supprimer cet alinéa.
IX. – Alinéa 310, première phrase
a) Supprimer les mots :
et le maintien de leur interopérabilité avec l’OTAN
b) Remplacer les mots :
seront réalisés
par les mots :
sera réalisée
X. – Alinéa 364
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les contradictions de plus en plus fortes entre la participation de la France à l’OTAN et son ambition de revitalisation de l’ONU impose une réflexion sur le retrait de la France du traité de l’Atlantique Nord, sans pour autant signifier une rupture militaire totale avec les États-Unis.
XI. – Alinéa 368
Supprimer les mots :
, notamment à l’OTAN,
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Je retire cet amendement, madame la présidente. Nous avons déjà évoqué le sujet de l’OTAN.
Mme la présidente. L’amendement n° 47 est retiré.
L’amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Requier, Guérini, Vall, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt et Menonville, est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 25, seconde phrase
Remplacer les mots :
est venu contraindre fortement, au moins jusqu’en 2025, le programme nucléaire iranien
par les mots :
, l’accord sur le programme nucléaire iranien, est fragilisé
et les mots :
s’est renforcé
par les mots :
se poursuit
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement vise simplement à faire en sorte que le rapport annexé prenne en compte l’actualité du dossier nucléaire, qui a suscité des inquiétudes du côté iranien et quelques espoirs du côté coréen.
En effet, le rapport annexé évoque le caractère contraignant de l’accord de Vienne sur le programme nucléaire iranien. Hélas, le 8 mai dernier, le président Trump a fragilisé cet accord signé en 2015, en décidant le retrait unilatéral de son pays.
Alors que l’Union européenne se mobilise pour déminer la situation, les États-Unis ont encore accentué leur position hier, par la voix de leur nouveau secrétaire d’État, Mike Pompeo. Celui-ci a fait une nouvelle démonstration de force face à l’Iran, en dressant une liste de douze conditions à respecter, dont certaines sont sans rapport avec le programme nucléaire iranien et beaucoup sont irréalisables.
L’amendement tend également à la prise en compte de la nouvelle donne concernant la Corée du Nord, qui, sans abandonner complètement son programme nucléaire, promet le gel des essais et la destruction des sites. Nous avons choisi une terminologie qui atténue la rédaction actuelle de l’alinéa 25, tout en restant prudents dans le choix des mots, car la vigilance s’impose toujours sur la question de la prolifération nucléaire dans ce pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement, dans la mesure où l’actualisation du contexte géostratégique, notamment au travers de la problématique du Joint Comprehensive Plan of Action – le JCPOA –, et l’évolution positive du dossier nord-coréen vont évidemment avoir de nombreuses conséquences, y compris sur la loi de programmation militaire et sur nos réflexions géostratégiques. Il s’agit d’un très bon apport.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Madame la ministre, le Gouvernement ne pourrait-il pas profiter de cette occasion pour nous donner un peu plus d’informations ? Où en est-on ? On sait qu’une négociation se tient avec nos amis européens, que le ministre des affaires étrangères iranien est allé voir Poutine puis s’est rendu à Bruxelles. Nous sommes en train de tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien. Les Iraniens ne sont pas disposés à signer n’importe quoi avec l’Union européenne, mais ils souhaitent tout de même le maintien de l’accord. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, madame la ministre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Florence Parly, ministre. Monsieur le sénateur, je ne veux évidemment pas répondre à la place du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mais, comme vous l’avez indiqué, la France, avec ses partenaires européens, en particulier l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui sont signataires du traité de Vienne, a rappelé son attachement à la poursuite de la mise en œuvre de ce dernier.
La réunion qui s’est tenue à Bruxelles en présence de Mme Mogherini, qui est également partie prenante à cet accord au nom de l’Union européenne, a confirmé l’unité européenne autour de cette volonté de poursuivre l’application du traité de Vienne, malgré les décisions prises par les Américains.
Pour l’Iran, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir quelles sont les conséquences économiques du retrait américain. Pour l’Europe, il s’agit de savoir quelles sont les conséquences économiques de ce retrait pour les entreprises européennes, compte tenu de l’existence, que l’on doit regretter, de lois américaines d’application transnationale prévoyant des sanctions économiques en cas de non-respect.
Lors du sommet qui s’est tenu à Sofia il y a quelques jours, auquel le Président de la République participait, l’Europe a décidé d’opposer aux États-Unis un front uni en matière commerciale et de mettre en place un certain nombre d’outils permettant aux entreprises européennes de se prémunir ou de s’immuniser, en quelque sorte, contre les conséquences potentielles des sanctions américaines qui pourraient les frapper.
Monsieur le sénateur, voilà, en quelques mots, où nous en sommes. Je ne suis pas en mesure, dans le peu de temps qui m’est imparti, d’analyser devant vous toutes les répercussions que ce retrait des États-Unis du traité de Vienne pourrait avoir sur l’ensemble de la région. Cela nous conduirait très loin, puisque l’Iran est très influent au Moyen-Orient. Le président Macron a été amené très tôt à déclarer que le traité de Vienne, s’il n’était pas doté de toutes les qualités, avait au moins le mérite d’exister. Il a aussi appelé l’attention sur le fait que les agissements de l’Iran en matière balistique et son influence au Moyen-Orient devaient faire l’objet de discussions avec ce pays. Pour l’heure, ces négociations n’ont pas encore pu s’ouvrir, mais cela reste tout à fait un objectif.
J’espère avoir répondu au moins en partie à vos interrogations, monsieur le sénateur. Je reste naturellement à votre disposition pour poursuivre l’échange en dehors de cet hémicycle.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin et les membres du , est ainsi libellé :
Rapport annexé
I. – Alinéa 37, deuxième et troisième phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Ainsi, la dissuasion est un élément de notre stratégie de défense qu’il faut questionner. À ce titre, la France (dans le respect de ses engagements) mènera simultanément la bataille diplomatique en vue d’un démantèlement complet et multilatéral et débutera le démantèlement de sa composante aéroportée. La composante océanique sera elle maintenue et sécurisée.
II. – Alinéa 81
Rédiger ainsi cet alinéa :
La posture de dissuasion s’appuie sur une composante océanique soutenue par un ensemble de capacités conventionnelles renforcées. Sa performance, son adaptabilité et ses caractéristiques maintiennent un système strictement suffisant et amené à être démantelé à court terme.
III. – Alinéa 341
Remplacer les mots :
les deux composantes de la dissuasion seront modernisées
par les mots :
la composante océanique de la dissuasion sera modernisée
IV. – Alinéa 343
Supprimer cet alinéa.
V. – Alinéa 472
1° Remplacer le montant :
25 Md€
par le montant :
15Md€
et l’année :
2023
par l’année :
2025
2° Remplacer les mots :
des deux composantes
par les mots :
de la composante océanique
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Au travers de cet amendement, nous voulons rappeler notre position constante : il faut aller vers un démantèlement nucléaire !
Nous sommes toutefois bien conscients qu’il est difficile pour notre pays d’agir seul, même si le traité signé l’an dernier aurait pu constituer un levier intéressant.
Aujourd’hui, la question qui se pose est la suivante : quelle dissuasion voulons-nous ? Nous détenons, avec nos 300 ogives, une puissance de feu équivalant à 1 000 fois la bombe d’Hiroshima. Et il faudrait encore la renforcer en investissant 37 milliards d’euros d’ici à 2025 ?
À notre sens, cette attitude n’est pas tenable et n’envoie pas le message que la France est prête à revoir sa position.
Mme la présidente. L’amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin et les membres du , est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 472
Remplacer le montant :
25 Md€
par le montant :
37 Md€
et l’année :
2023
par l’année :
2025
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent.
J’avoue être assez étonnée de la présentation qui est faite du plan de modernisation nucléaire. J’ai déjà abordé ce point lors de la discussion générale ; je regrette de devoir y insister lourdement, mais les deux dernières années de l’exécution de ce plan, qui devrait prendre fin en 2025, soit au terme de cette programmation nucléaire, seront particulièrement gourmandes d’un point de vue budgétaire, puisque 12 milliards d’euros devraient être dépensés dans ce laps de temps.
Je m’étonne que, alors qu’il est précisé à l’alinéa 470 du rapport annexé que l’effort au profit de la dissuasion nucléaire s’élèvera à 25 milliards d’euros courants sur la période 2019-2023, on fasse ensuite comme si ces 12 milliards d’euros n’existaient pas – j’exagère un peu, bien sûr ! Or ces dotations sont déjà entérinées pour la période 2023-2025. Vous pourrez certainement me donner une explication, madame la ministre.
Outre notre désaccord de fond au sujet de ce plan, il nous semble, sur la forme, que le minimum serait de faire la transparence sur les sommes investies : 12 milliards d’euros, cela équivaut à l’investissement consenti chaque année par les communes en faveur des écoles ou au budget annuel des universités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Nous avons là encore un désaccord de fond.
Nous aurons l’occasion d’approfondir ce débat à partir de 2020, lorsque les premiers crédits de rénovation des deux composantes de la force nucléaire apparaîtront dans les documents budgétaires.
Pour l’heure, je me bornerai à indiquer que notre analyse est tout à fait contraire à la vôtre. La commission souhaite la remise à niveau de nos forces nucléaires, dans la juste mesure de ce qu’il est nécessaire de faire, car la réputation d’efficacité de nos armées tient aussi au fait qu’elles s’appuient sur l’effectivité de notre dissuasion.
Dans ces temps particulièrement bouleversés qui voient la multiplication des dangers, nous devons absolument conserver une force de dissuasion nucléaire crédible. L’élection présidentielle a bien montré que les Français y sont tous attachés. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par MM. Guerriau, Lagourgue et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Rapport annexé, après l’alinéa 71
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les moyens de prospective stratégique du ministère des armées coordonnés par la direction générale des relations internationales et de la stratégie seront renforcés et continueront de s’appuyer sur le monde universitaire et les instituts de recherche.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Les moyens dédiés à la fonction « prospective » du ministère des armées ne sont pas évoqués dans le rapport annexé, alors qu’ils apportent une contribution importante à la fonction stratégique « connaissance et anticipation ».
Les moyens de la direction générale des relations internationales et de la stratégie, la DGRIS, en tant que coordinateur du réseau d’universités et de think tanks spécialisés dans la défense, devront être renforcés. La société civile participe en effet pleinement à la fonction « connaissance et anticipation » des armées, par l’intermédiaire d’une recherche stratégique et prospective à la fois dynamique et innovante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Il s’agit d’un très bon amendement, auquel je donne un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 86, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À cet effet, la France assumera progressivement les responsabilités et missions assurées aujourd’hui par les sociétés militaires privées (SMP).
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement touche à un sujet délicat, celui des privatisations.
La reconnaissance légale des sociétés militaires privées, les SMP, suscite des interrogations. En effet, la nuance entre SMP et mercenariat, ce dernier étant toujours illégal au niveau international, est très ténu. De plus, l’existence des SMP révèle une difficulté de l’État à remplir ses missions.
Les gouvernements successifs se sont lancés dans une politique de réduction des dépenses publiques. Avant, on déterminait les besoins, puis on établissait le cadre ; aujourd’hui, on fixe le cadre, et tout ce qui en dépasse est privatisé ou abandonné. C’est exactement ce qui a conduit à la légalisation des SMP et ce qui explique que le projet de loi relatif à la programmation militaire indique que la France est « en mesure d’assurer dans la durée deux à trois déploiements maritimes ».
Entendons-nous bien : je ne souhaite pas la multiplication des engagements, mais l’idée que la France pourrait, au besoin, faire le choix de rogner sur sa sécurité nationale, parce qu’elle s’est imposé un cadre budgétaire trop contraignant, me pose problème.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Nous connaissons bien la position de principe du groupe CRCE sur ce sujet. Nous considérons au contraire que les SMP soulagent nos armées d’une partie des tâches qui leur incombent et qu’il n’y a aucune confusion entre leurs activités et celles qui sont directement exercées par nos militaires.
Par ailleurs, ce n’est pas au moment où nous nous plaignons de l’insuffisance des effectifs qu’il faut se priver du concours des SMP.
La commission est défavorable à l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, ministre. Même avis. Je voudrais préciser que la France n’emploie pas de sociétés militaires privées aux côtés des soldats de ses armées régulières.
M. Ladislas Poniatowski. Ce qui n’est pas le cas de tous les pays !
Mme Florence Parly, ministre. Il n’y a donc aucune raison de vous inquiéter d’une éventuelle substitution, madame la sénatrice.
Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rapport annexé
I. – Alinéa 89
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La France participera à toutes les initiatives utiles en vue de faire adopter un nouveau traité sur l’espace, visant à en éviter l’arsenalisation, lui assurer le statut de « terra nullius » et garantir les statuts de « res nullius » à ses ressources et proposera un cadre de discussion à ses partenaires en vue de développer ces initiatives.
II. – Alinéa 396
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’espace exoatmosphérique est devenu un enjeu stratégique majeur. La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale pointe les retards français en la matière par rapport aux États-Unis et à la Russie, mais aussi à la Chine, à l’Inde ou à Israël.
Madame la ministre, vous avez déclaré devant nos collègues députés que la France souhaitait éviter que l’espace devienne un lieu de confrontation. Il est vrai que déporter la guerre dans les étoiles serait une manifestation de la folie humaine dans toute son ampleur !
La guerre dans l’espace représente à nos yeux la perspective la plus imprévisible, la plus risquée et donc la plus effrayante. L’arsenalisation de l’espace constitue aujourd’hui un véritable enjeu et un nouveau risque que la France doit appréhender. C’est pourquoi nous souhaiterions inscrire dans la loi que notre pays invitera sous peu ses partenaires à la table des négociations, dans le cadre de l’ONU, en vue d’établir un nouveau traité de sécurisation de l’espace exoatmosphérique.
Prenons exemple sur la création, en 1959, du comité des Nations unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique, qui a abouti à la signature en 1967 du traité de l’espace.
Il est aussi urgent de conférer à l’espace exoatmosphérique les statuts de terra nullius et de res nullius, car, de fait, le risque existera toujours de voir des États chercher à s’approprier l’espace, ce qui ne peut que susciter des tensions.
Madame la ministre, vous avez confié votre pessimisme quant à la possibilité d’aboutir à un accord. À bien des égards, je partage votre constat. Cet amendement vise à assigner à la France des objectifs, et non à instaurer une obligation de résultat. Cela s’entend dans la mesure où cette démarche s’inscrit dans un cadre multilatéral et où les effets d’entraînement sont bien plus limités que dans le domaine nucléaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Madame Prunaud, vous avez tout à fait raison de vous inquiéter de la militarisation de l’espace. C’est un vrai sujet de préoccupation, sur lequel travaille la commission.
Néanmoins, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous l’expliquer en commission, cette question n’est pas franchement en rapport avec l’objet de la loi de programmation militaire, qui est de définir une trajectoire, un calendrier et des moyens pour la défense de la Nation, et non d’enjoindre au Gouvernement de négocier un traité. Si le Gouvernement souhaite prendre une initiative sur ce sujet difficile et inquiétant, nous l’accompagnerons dans sa démarche.
Je vous suggère, madame la sénatrice, de retirer cet amendement, faute de quoi, la commission y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Prunaud, l’amendement n° 53 est-il maintenu ?
Mme Christine Prunaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 53 est retiré.
L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen et Cukierman, MM. Foucaud, Gay et Gontard, Mme Gréaume et MM. P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et Watrin et les membres du , est ainsi libellé :
Rapport annexé, alinéa 93, première phrase
Après les mots :
seul ou avec des alliés
insérer les mots :
en veillant toujours à agir sous mandat international de l’ONU
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Il nous semble essentiel que la France inscrive noir sur blanc son engagement à ne pas intervenir à l’étranger sans mandat de l’ONU.
Le cadre fixé aujourd’hui par les Nations unies est plutôt clair. Vote du Conseil de sécurité, demande de l’État concerné ou légitime défense : ce n’est que dans ces hypothèses que l’ONU peut donner mandat pour une intervention extérieure et ainsi légitimer celle-ci.
Je crois important aujourd’hui de rappeler ce principe et de s’y tenir. En effet, ces dernières années ont été marquées par de nombreux contournements de l’ONU. Or, si cette organisation est à réformer – j’y reviendrai peut-être ultérieurement –, elle reste l’instance de gestion des conflits le plus légitime, parce qu’elle est fondée sur l’égalité des États et qu’elle assure à la fois la recherche d’une solution pacifique aux conflits et l’encadrement du droit à la légitime défense des États.
En France, le débat sur ce sujet a d’autant plus d’acuité que notre pays est tenu par son engagement dans l’OTAN. En 2003, Dominique de Villepin a refusé d’engager la France dans la seconde guerre en Irak, décision que nous avons été nombreux ici à saluer. Aurait-il pu agir ainsi si la France avait déjà, à cette époque, rejoint le commandement intégré de l’OTAN ? Je ne le pense pas. Eu égard aux dispositions de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, cela paraît peu probable. Pourtant, avec le recul, on ne peut que se dire que la France a bien fait de ne pas participer à cette guerre.
En matière d’interventions de la France à l’étranger, nous n’avons pas une position radicale, mais la dernière nous a énormément perturbés.