compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
Mme Annie Guillemot.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 mai 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
application des frais de garderie aux revenus tirés des éoliennes en forêt
M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, en remplacement de M. Alain Joyandet, auteur de la question n° 096, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Jean Pierre Vogel. Monsieur le ministre, je suis chargé de présenter la question de M. Joyandet, qui a été empêché à la dernière minute et qui vous adresse ses excuses.
M. Joyandet souhaite attirer votre attention sur l’application des frais de garderie aux revenus issus des éoliennes présentes en forêt.
En effet, en application du premier alinéa de l’article 92 de la loi de finances n° 78-1239 du 29 décembre 1978, les contributions des collectivités territoriales, sections de communes, établissements publics, établissements d’utilité publique, sociétés mutualistes et caisses d’épargne aux frais de garderie et d’administration de leurs forêts relevant du régime forestier, prévues à l’article L. 147-1 du code forestier, sont fixées à 12 % du montant hors taxe des produits de ces forêts. Dans les communes classées en zone de montagne, ce taux est fixé à 10 %.
Les produits des forêts mentionnés au premier alinéa de l’article 92 précité sont tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol.
Il résulte de ces dispositions que les recettes tirées de la présence d’éoliennes dans les bois et forêts qui relèvent du régime forestier sont prises en compte dans l’assiette des frais de garderie. Or cette situation n’est pas compréhensible pour les élus locaux. De surcroît, elle peut dans certains endroits constituer un frein au développement de cette énergie renouvelable.
Aussi, M. Joyandet souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage d’exonérer des frais de garderie ces revenus particuliers afin de faciliter le lancement et l’aboutissement des projets d’implantation d’éoliennes en zone forestière.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Vogel, vous m’interrogez, au nom de M. Joyandet, sur l’application des frais de garderie aux revenus issus des éoliennes présentes en forêt.
En application du code forestier, les forêts des collectivités territoriales relèvent du régime forestier lorsqu’elles sont « susceptibles d’aménagement, d’exploitation régulière ou de reconstitution ». À ce titre, elles sont gérées par l’Office national des forêts, l’ONF.
La mise en œuvre du régime forestier garantit une gestion durable des forêts des collectivités territoriales. Elle permet de répondre aux diverses attentes de la société, comme la protection de l’environnement et l’accueil du public, tout en assurant, bien entendu, la pérennité de notre patrimoine forestier.
L’entretien de chaque forêt est assuré en vertu d’un document de gestion, dit « document d’aménagement », qui fixe notamment les travaux et les coupes à réaliser. Chaque forêt bénéficie ainsi d’une gestion adaptée à ses spécificités.
En contrepartie de cette gestion, les collectivités territoriales doivent verser à l’Office national des forêts des frais de garderie assis sur tous les produits de leur domaine forestier. Les contributions des collectivités territoriales sont fixées à 12 % du montant hors taxe des produits de ces forêts. Dans les communes classées en zone de montagne, ce taux s’établit à 10 %.
Tous les produits des forêts relevant du régime forestier sont pris en compte, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol. En conséquence, les recettes tirées de la présence d’éoliennes dans les bois et forêts qui relèvent du régime forestier sont prises en compte dans l’assiette des frais de garderie.
Le développement de l’énergie éolienne dans les forêts peu productives offre une ressource financière complémentaire non négligeable pour les collectivités territoriales ; le Gouvernement y est très sensible.
De plus, l’application du régime forestier à tous les revenus des forêts communales permet de financer les activités de l’ONF.
Je rappelle que, moyennant les perceptions ordonnées par la loi pour indemniser l’ONF des frais de garderie et d’administration des bois et forêts relevant du régime forestier, toutes les opérations de conservation et de régie dans les bois et forêts des collectivités territoriales sont assurées sans aucuns frais par l’établissement public.
Les frais de garderie contribuent à hauteur de 17 % au coût de l’application du régime forestier dans les forêts des collectivités. Le reste est financé par l’État au travers du versement compensateur attribué à l’Office national des forêts.
Au regard des services rendus par l’ONF, vous comprenez qu’il n’est pas envisageable d’exclure de l’assiette des frais de garderie les recettes tirées de la présence d’éoliennes. Une telle exclusion ouvrirait la porte à d’autres demandes et serait de nature à remettre en cause l’équilibre dégagé entre l’État, les communes forestières et l’Office national des forêts.
rentrée scolaire 2018-2019
M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel, auteur de la question n° 338, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean Pierre Vogel. Monsieur le ministre, avec le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseau d’éducation prioritaire, destiné à offrir aux enfants un meilleur accompagnement, le Gouvernement défend une idée louable. Mais cet effort ne peut être mené au détriment des communes rurales, lesquelles sont déjà fortement affectées par la désertification des services publics locaux.
Ainsi, dans le département de la Sarthe, le dédoublement en réseau d’éducation prioritaire va entraîner la suppression de 38 postes d’enseignants dans les écoles rurales. Ces postes vont être redirigés vers des écoles de quartiers prioritaires. Les fermetures de classes rurales vont donc permettre de pourvoir les emplois nécessaires aux dédoublements des classes de la métropole mancelle.
Les territoires ruraux sont donc bien les variables d’ajustement de votre politique éducative !
Le Gouvernement doit comprendre que nos campagnes doivent être traitées de la même manière que les zones urbaines défavorisées.
Ainsi, le seuil de fermeture des classes devrait être divisé par deux en milieu rural, comme il est divisé par deux dans les zones urbaines d’éducation prioritaire. De nombreuses communes rurales de la Sarthe ont été classées en zone de revitalisation rurale, ou ZRR, ce qui revient à reconnaître leur statut de territoire défavorisé. Tous les enfants habitant des zones défavorisées doivent être traités avec la même attention, qu’ils soient scolarisés en ville ou à la campagne.
Le Président de la République a fait de l’école l’un des enjeux phares de sa campagne électorale. Il l’a d’ailleurs réaffirmé, lors de l’entretien qu’il a accordé au journal de 13 heures de TF1, le 12 avril dernier : « La base de notre pays, c’est l’école, c’est la première des batailles que j’avais définies. » Encore faudrait-il se donner les moyens de la remporter sans que l’effort se fasse au détriment des élèves des campagnes !
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour apaiser la colère des écoles rurales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Vogel, tout d’abord, je vous prie d’excuser Jean-Michel Blanquer, qui m’a chargé de répondre, à sa place, à votre question.
La préparation de la rentrée 2018 est marquée par un soutien budgétaire incontestable en faveur du premier degré.
À ce titre, je vous rappelle quelques données générales. À la prochaine rentrée, il y aura, dans le premier degré, 32 657 élèves de moins et 3 881 emplois de professeurs supplémentaires. À l’inverse, si l’on avait strictement suivi la baisse démographique, 1 438 postes auraient été supprimés.
Les efforts budgétaires consentis se traduisent par un meilleur taux d’encadrement sur l’ensemble du territoire dans le premier degré. Ainsi, le ratio du nombre de professeurs pour 100 élèves sera de 5,55 à la rentrée 2018, contre 5,46 à la rentrée 2017. Pour mémoire, il s’élevait à 5,20 à la rentrée 2012.
Dans chaque département, il y aura donc davantage de professeurs par élève à la rentrée 2018 dans le premier degré.
J’en viens au département qui vous concerne tout particulièrement.
Dans la Sarthe, à la rentrée 2018, il y aura 750 élèves en moins dans le premier degré, selon les premières prévisions. Toutefois, aucun poste n’est supprimé dans ce département. Or, si la baisse démographique avait été répercutée de manière automatique, quarante postes auraient été supprimés.
Le ratio du nombre de postes d’enseignants en équivalents temps plein pour 100 élèves progressera donc à la rentrée 2018 : il passera à 5,44, contre 5,22 en 2017.
Le nombre d’élèves par classe en milieu rural restera inférieur au nombre d’élèves par classe en milieu urbain, hors éducation prioritaire.
Enfin, aucune fermeture d’école n’est prévue dans ce département pour la rentrée 2018.
Bien entendu, les services de l’éducation nationale sont très sensibilisés à la situation de l’école en milieu rural. La carte scolaire prévisionnelle du département de la Sarthe en est la parfaite illustration.
Il va sans dire que tous les services du ministère se tiennent à votre disposition pour poursuivre ce dialogue singulier et régulier que vous consacrez, comme tous les élus de la République, à l’école de la République.
M. le président. La parole est à M. Jean Pierre Vogel.
M. Jean Pierre Vogel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je la transmettrai aux maires qui, dans le département dont je suis l’élu, subissent des fermetures de classe.
En effet, même si, dans la Sarthe, il n’y aura pas de fermeture d’école en 2018, un certain nombre d’écoles seront fragilisées par des fermetures de classe.
Les chiffres sont têtus : à la rentrée prochaine, mon département connaîtra 38 fermetures de classe en milieu rural et 38 dédoublements en milieu urbain. Les élus ruraux concernés analyseront la situation !
situation précaire des auxiliaires de vie scolaire
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, auteur de la question n° 341, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, je suis certain que vous vous êtes déjà interrogé sur l’état d’esprit d’un enfant qui, après un, voire deux ans de suivi, perd l’aide d’un ou d’une auxiliaire de vie scolaire, ou AVS, connaissant parfaitement sa pathologie.
Je rappelle que les AVS relèvent actuellement de deux statuts différents : d’une part, les accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, qui bénéficient d’un contrat de droit public ; d’autre part, les agents engagés par contrat unique d’insertion – contrat d’accompagnement dans l’emploi, ou CUI-CAE, recrutés sous contrat de droit privé et relevant donc du code du travail.
Le statut de ces derniers agents est très précaire, notamment dans l’enseignement privé. Ces personnels sont recrutés dans le cadre d’un contrat aidé d’une durée d’un an renouvelable une seule fois : ils se retrouvent donc sans emploi au terme de cette période de vingt-quatre mois.
J’insiste sur le paradoxe incroyable que constitue l’obligation faite aux directeurs des établissements de recruter de nouveaux AVS pour remplacer ceux qui étaient en poste.
Monsieur le ministre, à l’instar du recteur d’académie dont relève mon département, vous êtes pleinement conscient de l’importance du rôle des AVS pour la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap. Par leur présence en classe, ainsi que dans l’ensemble des activités scolaires, ces professionnels apportent à l’enfant un soutien continu, adapté et humain, en un mot indispensable.
Il est donc urgent de changer les procédures de recrutement et de pérenniser l’emploi des AVS. Je m’interroge sur la logique du système, alors que le Gouvernement a fait de l’inclusion des personnes handicapées une véritable priorité.
Le 11 avril dernier, à l’Assemblée nationale, vous avez annoncé qu’un décret était en préparation. Pouvez-vous nous préciser en quoi ce texte améliorera le statut des AVS et nous indiquer l’époque à laquelle il paraîtra ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Cuypers, je vous prie d’accepter les excuses de Jean-Michel Blanquer, qui ne pouvait être présent ce matin et qui m’a chargé de vous répondre en son nom.
La situation que vous décrivez est celle qui existait avant 2014, année de la création du statut d’accompagnant des élèves en situation de handicap. Les missions de ces agents sont précisées dans le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014.
Depuis la rentrée 2014, les AESH se sont substitués sur la mission AVS aux assistants d’éducation, ou AED. Ils interviennent selon les mêmes modalités que les anciens AED-AVS.
Votre question porte spécifiquement sur l’enseignement privé, mais je précise que les règles de gestion des AESH sont les mêmes dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé.
À la fin de mars 2018, les 11 908 élèves du privé bénéficiant d’une prescription d’aide individuelle émise par une maison départementale des personnes handicapées, ou MDPH, étaient accompagnés par 2 070 AESH et 3 450 CUI-AVS.
Contrairement aux AED, les AESH ont la possibilité d’accéder à un CDI, après six années d’engagement en CDD.
Les candidats aux fonctions d’AESH doivent être titulaires d’un diplôme professionnel dans le domaine de l’aide à la personne. Toutefois, peuvent être dispensées de la condition de diplôme les personnes qui ont exercé pendant au moins deux années les fonctions d’aide à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.
L’accès à un contrat d’AESH est possible pour tous les titulaires d’un contrat unique d’insertion, qu’ils exercent dans le public ou dans le privé. C’est le cas des personnels recrutés sous statut de CUI-CAE : après deux ans d’engagement dans la mission d’AVS, ils peuvent accéder au statut d’AESH.
C’est pour atteindre ce but qui nous semble essentiel, la déprécarisation des personnels, qu’est engagée, depuis la rentrée 2016, la transformation sur cinq ans de 56 000 CUI-CAE en 32 000 équivalents temps plein d’AESH, à raison de 11 200 CUI-CAE transformés par an.
Le décret que vous mentionnez est en cours de finalisation entre les différents ministères concernés. Ce texte sera publié avant la rentrée scolaire 2018. Il assouplira les conditions de recrutement des AESH, en diminuant notamment la durée d’expérience requise pour accéder à ce statut.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces quelques précisions, même si votre réponse ne me rassure pas totalement.
Vous confirmez la rédaction d’un décret : c’est bien, mais je souhaiterais que le ministre de l’éducation nationale aille plus loin dans ses explications, notamment pour ce qui concerne la situation de ces personnels, qui restent soumis à des régimes différents. Enfin, il n’est pas compréhensible que des enfants puissent être abandonnés par leur AVS au bout de deux ans.
Le Gouvernement va-t-il enfin mettre en œuvre des règles à même d’améliorer et de pérenniser le statut des AVS ? Nous vous demandons de prendre des mesures de justice en ce sens.
seuils de la dotation de solidarité rurale
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, en remplacement de M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 317, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’excuser M. Mandelli, dont je supplée à l’absence.
La dotation de solidarité rurale, ou DSR, est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants. Elle permet de soutenir les collectivités dans la réalisation de projets d’aménagement de leur territoire et les aide à assurer le bon fonctionnement de leur offre de service.
Or de nombreuses communes bénéficiant d’un fort dynamisme devraient bientôt franchir le seuil de 10 000 habitants et, ainsi, perdre l’éligibilité à la dotation de solidarité rurale.
C’est le cas de la commune d’Aizenay, en Vendée, dont la population est passée de 6 095 à 9 212 habitants en quinze ans. Cette commune bénéficie actuellement de la DSR à hauteur de 794 000 euros. Le montant de cette dotation devrait atteindre 1,047 million d’euros en 2021.
Aizenay accueille 200 à 250 nouveaux habitants chaque année. Du fait de cette évolution démographique, cette commune devrait franchir très prochainement le seuil de 10 000 habitants. Dès lors, elle serait privée de la dotation de solidarité rurale. Certes, elle deviendrait éligible à la dotation de solidarité urbaine, mais celle-ci ne s’élèverait, pour ce qui la concerne, qu’à 300 000 euros.
Cette commune perdrait donc plus de 700 000 euros de dotations, pour la simple raison qu’elle aura franchi le seuil symbolique de 10 000 habitants.
Ce système de paliers est extrêmement pénalisant pour les communes.
Maintenir ce seuil n’encourage d’ailleurs pas la création de communes nouvelles. En effet, un pacte financier garantit pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant au sein de communes nouvelles de moins de 10 000 habitants, avec une majoration de 5 %. Cependant, rien n’est envisagé pour les communes nouvelles de plus de 10 000 habitants.
Dès lors, deux solutions peuvent être envisagées : la première consisterait tout simplement à relever ces seuils ; la seconde serait d’instaurer une dégressivité sur cinq ans, par exemple, de la dotation de solidarité rurale, jusqu’à parvenir au niveau de la dotation de solidarité urbaine. Ce système garantirait une transition beaucoup plus souple pour le budget des communes.
Monsieur le secrétaire d’État, M. Mandelli souhaite connaître la position du Gouvernement face à ces deux propositions.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu relayer les interrogations de votre collègue, M. Mandelli, au sujet de la commune d’Aizenay.
Aizenay perçoit cette année une dotation globale de fonctionnement, ou DGF, en hausse de 8,5 % – cette dotation s’élève à 1,7 million d’euros, contre 1,6 million d’euros l’année dernière. Cette augmentation résulte notamment de la progression de la dotation de solidarité rurale, qui voit son montant augmenter pour atteindre 867 000 euros en 2018.
Toutefois, je précise que le montant que cette commune devrait percevoir en 2021 ne peut être garanti. En effet, la DGF est une dotation que l’on qualifie de « vivante » : elle évolue chaque année en fonction de critères de ressources et de charges, et ne suit pas une trajectoire linéaire, commune par commune.
En conséquence, il est impossible de prévoir ce que percevrait la commune d’Aizenay si elle restait éligible à la dotation de solidarité rurale. De même, il est impossible d’imaginer le montant qu’elle pourrait percevoir si elle devenait éligible à la dotation de solidarité urbaine, la DSU. Je le répète, ces montants sont calculés en fonction de la situation relative de chacune des communes.
Aizenay connaît effectivement une progression constante de sa population, sur laquelle M. Mandelli insiste dans sa question, et que vous venez de rappeler. Cette évolution est susceptible de lui faire franchir le seuil de 10 000 habitants, en deçà duquel une commune est éligible à la DSR.
Un tel effet de seuil est inhérent aux mécanismes de répartition. Il est en effet indispensable de fixer des seuils au-dessus ou en dessous desquels les communes sont ou ne sont pas éligibles à tel ou tel dispositif. Si l’on ne procède pas ainsi, on dispersera nécessairement les concours financiers de l’État entre l’ensemble des collectivités.
Ce n’est pas là une simple réponse théorique, il s’agit d’un cas tout à fait concret : tout élargissement de la liste des communes éligibles à une dotation réduit d’autant les montants attribués aux autres communes.
Ainsi, en 2018, seize communes ont dépassé en métropole le seuil de 10 000 habitants. Si leurs attributions de DSR avaient été maintenues, il aurait fallu déduire plus de 3 millions d’euros des dotations attribuées aux communes de moins de 10 000 habitants.
Au demeurant, rehausser le seuil de 10 000 habitants afin d’attribuer la DSR aux communes de 15 000 ou 20 000 habitants ne permettrait pas de remédier à l’existence des effets de seuil, que le sénateur Mandelli critique de manière générale.
Le Conseil constitutionnel s’assure que le législateur ne fixe pas des seuils sans lien avec l’objet de la loi. Pour ce qui concerne la distinction entre communes rurales et communes urbaines, le seuil de 10 000 habitants paraît objectif et rationnel.
Le Conseil constitutionnel exige également que les seuils ne produisent pas des effets disproportionnés pour ceux qui y sont soumis. Sur ce point, vous observez vous-même que le passage au-dessus des 10 000 habitants permet souvent à une commune perdant son éligibilité à la DSR de devenir bénéficiaire de la DSU : on peut citer, par exemple, la commune de Juvignac, dans l’Hérault, qui a perdu 107 000 euros de DSR et gagné 238 000 euros de DSU, ou encore celle de Borgo, en Corse, qui a perdu 293 000 euros de DSR et gagné 346 000 euros de DSU.
De telles améliorations ne sont évidemment pas automatiques. Elles dépendent du classement de la commune au sein de chaque dispositif, en fonction des critères que j’ai précédemment évoqués.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite simplement revenir sur la seconde proposition formulée par M. Mandelli : un système de dégressivité, permettant d’assurer un lissage. Mon collègue suggère d’assurer ce lissage sur cinq ans, mais cela peut être réévalué et recalculé.
situation économique des opérateurs privés de l’archéologie préventive
M. le président. La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal, auteur de la question n° 332, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Ma question concerne la situation économique des opérateurs privés de l’archéologie préventive agréés par le ministère de la culture, ainsi que leurs salariés, inquiets pour leur emploi.
La principale entreprise du secteur, laquelle compte 250 salariés, a été placée en redressement judiciaire. Certes, la crise économique peut constituer une explication, mais il semble également que les opérateurs privés subissent les effets d’une distorsion de concurrence avec les activités de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP.
Cet institut a été créé par l’État en 2001, en même temps que l’obligation de diagnostic et, si nécessaire, de fouilles pour tout aménagement dans les zones sensibles sur le plan archéologique.
Subventionné par l’État, l’INRAP dispose du monopole des diagnostics préventifs, mais il peut aussi soumissionner aux marchés publics de fouilles au même titre que les opérateurs privés.
En juin 2017, l’Autorité de la concurrence a reconnu un risque de « subventions croisées pouvant aboutir à des prix prédateurs ou produire des effets d’éviction ». Cette instance a donc demandé à l’INRAP une séparation comptable entre ses missions de service public et ses activités commerciales. Cet engagement a-t-il été respecté depuis lors ?
En outre, sachant que la loi du 17 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a régulé ce secteur, qui dépend des décisions publiques, il semble urgent de lancer une mission de l’Inspection générale des finances. Il faut aussi imaginer au plus vite des mesures afin d’éviter que la douzaine d’opérateurs privés concernés et leurs 600 emplois ne subissent le pire.
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cette proposition.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics – monsieur le secrétaire d’État, je vous saurais gré de bien vouloir respecter les deux minutes trente qui vous sont imparties.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Je vais m’y efforcer, monsieur le président !
Madame la sénatrice Christine Lanfranchi Dorgal, l’activité des entreprises du secteur de l’archéologie préventive s’est contractée entre 2013 et 2016, en raison d’une baisse significative des opérations à réaliser.
Cette situation a conduit plusieurs acteurs à se retirer, et la principale entreprise du secteur est aujourd’hui placée en redressement judiciaire.
Je peux vous assurer que les services de l’État suivent avec attention la situation de l’ensemble de ces acteurs et mettent en œuvre les moyens dont ils disposent pour les accompagner dans ce contexte économique difficile.
L’Autorité de la concurrence a été saisie en 2015 par des opérateurs privés se plaignant de pratiques de l’INRAP pouvant créer des distorsions de concurrence. Dans le cadre de cette procédure, l’INRAP s’est notamment engagé à mettre en place, au plus tard le 1er janvier 2018, une comptabilité analytique permettant d’assurer une stricte séparation comptable entre, d’une part, ses activités relevant de sa mission de service public et, de l’autre, ses activités lucratives, donc ouvertes à la concurrence.
Dans sa décision du 1er juin 2017, l’Autorité de la concurrence a mis un terme à la procédure engagée contre l’INRAP. Elle a estimé que les engagements proposés répondaient aux préoccupations de concurrence exprimées et présentaient un caractère substantiel, crédible et vérifiable.
Conformément à ces engagements, l’INRAP a mis en œuvre depuis le 1er janvier 2018 un nouveau modèle de comptabilité analytique, qui a été présenté et validé lors du conseil d’administration de l’établissement du 28 mars dernier.
Il relève de la seule compétence de l’Autorité de la concurrence de vérifier que la comptabilité analytique mise en place par l’INRAP correspond bien aux engagements rendus obligatoires par l’Autorité. À cette fin, l’INRAP doit transmettre à l’Autorité de la concurrence une restitution annuelle comprenant un état synthétique de la comptabilité analytique auditée, ainsi que l’attestation de conformité du système de comptabilité analytique établie par l’auditeur missionné.
Par ailleurs, du fait de la spécificité du secteur de l’archéologie préventive, plusieurs missions lui ont déjà été consacrées ces dernières années, et des mesures visant à remédier aux dysfonctionnements constatés ont ainsi été proposées. On les trouve, notamment, dans le rapport remis par la députée Martine Faure en 2015 et dans le rapport annuel de la Cour des comptes, en 2016. De même, par sa décision du 1er juin 2017, l’Autorité de la concurrence a permis de faire l’état de la situation de la concurrence dans ce secteur.
Sur le fondement de ces constats, le Gouvernement a récemment pris l’initiative de plusieurs mesures visant à prévenir toute distorsion de concurrence entre les acteurs de l’archéologie préventive, notamment en garantissant l’égal accès de tous aux documents nécessaires à la réalisation d’opérations d’archéologie préventive.
Dans ces conditions, l’utilité du lancement d’une mission de l’Inspection générale des finances, que vous préconisez, ne nous paraît pas strictement établie. Je peux toutefois vous assurer que le Gouvernement sera attentif à ce que l’ensemble de ces mesures soient mises en œuvre, et à ce que les décisions de l’Autorité de la concurrence soient parfaitement respectées.