M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la garde des sceaux, en la matière, la situation me semble très simple. Il y a un principe que le Gouvernement doit se décider à appliquer à ses relations avec les collectivités territoriales, et que nous allons d’ailleurs vous proposer d’inscrire dans la Constitution : qui décide paie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
En l’occurrence, le Gouvernement veut imputer aux collectivités territoriales une charge nouvelle sur l’objectif de dépenses déjà arrêté, pour ce qui les concerne, dans les années à venir. Mais, du fait même de ces nouvelles obligations, le périmètre de la dépense change, ce qui est inadmissible !
Un autre sujet suscite un désaccord avec le Gouvernement : la limitation de la vitesse de circulation à quatre-vingts kilomètres à l’heure sur les routes départementales.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est autre chose…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Dans ce dossier, nous nous apercevons que le Gouvernement envisage, aujourd’hui, d’affecter aux hôpitaux le produit des amendes qui seraient prélevées sur les automobilistes contrevenant aux nouvelles règles. C’est une très bonne idée !
Toutefois, si le principe d’une compensation par l’État pour un service public, à partir du produit d’amendes, est reconnu dans un cas, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas admis dans l’autre. Dès lors, il nous semble que la compensation prévue par la commission des lois ne se heurte à aucune objection de principe.
Vous nous opposez un autre argument : il ne serait pas possible d’évaluer à l’avance la charge qui résultera de cette mesure pour les collectivités territoriales…
M. Loïc Hervé. Quel aveu !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Néanmoins, rien ne nous empêche de provisionner cette dépense en y consacrant une ressource spécifique : c’est précisément ce que fait la commission.
Au fond – Mme la rapporteur le suggère, comme toujours, avec élégance –, ce que nous attendions de vous, ce n’était pas une fin de non-recevoir : nous espérions tout simplement que vous accepteriez de lever le gage, puis que vous trouveriez d’autres ressources.
Si vous affectez des recettes budgétaires à la compensation de la charge des collectivités territoriales, il s’agira de crédits évaluatifs. Si, en définitive, on constate qu’il y a trop d’argent, vous ne le dépenserez pas, voilà tout.
Bien sûr, en transférant intégralement le produit des amendes aux collectivités territoriales, nous procédons peu ou prou à l’aveugle, mais nous n’avons pas les moyens de faire mieux, sauf si, à l’avenir, le Gouvernement nous propose de desserrer les contraintes qui s’exercent sur les amendements parlementaires en matière de finances publiques… Mais c’est un autre débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la garde des sceaux, je suis surpris de votre réponse. À l’instar de M. Bas, je pensais que vous alliez proposer un autre type de financement : il serait tout à fait normal que l’État, qui donne une responsabilité supplémentaire aux collectivités locales, compense la charge induite par cette compétence.
Dans l’ancien monde, on a longtemps entendu que les transferts de compétences devaient être compensés à l’euro près. On sait bien comment tout cela se terminait, mais au moins l’on exprimait une volonté de compenser. Désormais, on ne prend même plus cette peine !
Voilà pourquoi je pensais que vous alliez proposer une disposition spécifique dans le cadre du prochain projet de loi de finances, ce qui pourrait se comprendre, ou bien dans un autre texte de loi.
A contrario, vous avancez des arguments que j’interprète comme un chantage pur et simple ! (Mme la garde des sceaux proteste.) Passez-moi cette impertinence, mais admettez que vous nous dites, en somme : « Faites attention : si le Gouvernement vous donne des crédits d’une main, il reprendra l’équivalent de l’autre. »
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. René-Paul Savary. Vous nous détaillez même toutes les possibilités qui s’offrent au Gouvernement à cette fin, en citant différents exemples.
Ce n’est pas ainsi que l’on pourra bâtir la confiance entre le Gouvernement et les collectivités locales. Or le Président de la République nous l’a dit et répété, il souhaite un pacte de confiance.
En conséquence, à l’heure où l’on cherche la confiance avec les territoires, à l’heure où ces derniers sont menacés à travers différentes mesures, notamment la suppression de la taxe d’habitation, vous transférez encore de nouvelles charges aux collectivités territoriales.
C’est la raison pour laquelle je soutiens bien volontiers la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Madame la garde des sceaux, avant tout, je tiens à vous adresser mes félicitations : vous avez parlé pendant cinq minutes et cinquante secondes pour nous expliquer que, en définitive, nous n’aurions pas un fifrelin… Votre démonstration m’a paru assez éloquente ! (Sourires.)
Sur le fond, la demande dont il s’agit vous semble-t-elle inopportune ou malvenue ? Les collectivités sont très actives en matière numérique. Elles sont dépositaires d’un certain nombre de fichiers nominatifs : l’état civil, les listes électorales, les fichiers relatifs à la fiscalité, les fichiers cadastraux, les fichiers sociaux, etc. Nous sommes bien au cœur du sujet.
Les collectivités territoriales comptent donc parmi les acteurs du numérique qui sont directement concernés par le RGPD. À ce titre, il paraît tout à fait normal de compenser les nouvelles dépenses qu’elles devront consacrer à la tenue de ces fichiers.
Au demeurant, j’ai relevé comme une contradiction au début de votre propos. Vous avez déclaré que, selon vous, le coût de ces dispositions était difficile à évaluer. Mais, aussitôt après, vous vous êtes référée au montant de 170 millions d’euros, en relevant qu’il était relativement élevé.
Certes ! C’est précisément parce que ce coût est assez lourd que la commission des lois et, avec elle, les élus du groupe socialiste et républicain estiment qu’une aide en faveur des collectivités territoriales serait la bienvenue : cette compensation est nécessaire, pour qu’elles puissent assumer la nouvelle obligation qui leur est faite.
Vous connaissez l’état des finances locales. Vous avez fait état de l’ensemble des ressources dont disposent les collectivités. Une dépense nouvelle va leur être imposée et, à mes yeux, notre demande n’est pas inopportune.
Nous pouvons comprendre que cette compensation ne prenne pas la forme ici proposée, mais il aurait été de bon ton que vous nous présentiez d’autres solutions. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je me permets d’intervenir à propos de cet amendement du Gouvernement, qui vise à supprimer l’article 19 bis.
Pour ma part, je souscris pleinement aux interventions précédentes et je suivrai l’avis émis, au nom de la commission des lois, par M. Philippe Bas comme par Mme la rapporteur.
Ces dépenses nouvelles sont estimées à 170 millions d’euros : il s’agit là des coûts de fonctionnement que la mise en œuvre du RGPD imposerait aux collectivités. À mon tour, j’observe qu’il serait bon d’appliquer le principe : « Qui décide paie. »
J’en suis conscient, l’État est le premier partenaire des collectivités territoriales en termes de masse financière, qu’il s’agisse de l’investissement ou du fonctionnement. Mais, compte tenu de ces nouvelles dispositions, la commission a, de manière tout à fait légitime, proposé d’instaurer une dotation spécifique au bénéfice des groupements territoriaux concernés, à savoir les communes et les intercommunalités.
Mes chers collègues, on peut rapprocher cette situation de celle que nous avons vécue l’été dernier : du 11 juillet au 4 août 2017, nous avons débattu de la réserve parlementaire, qui, malheureusement, a été supprimée.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très mauvais souvenir !
M. Marc Laménie. Je le regrette toujours, comme, j’en suis sûr, chacune et chacun d’entre vous.
Aujourd’hui, ce sont environ 170 millions d’euros qui sont en jeu. Avec la réserve parlementaire, il s’agissait peu ou prou des mêmes sommes, 130 à 150 millions d’euros. Et ce n’est pas parce que l’on a supprimé ce dispositif que, maintenant, tout va mieux.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Tant de clochers qui s’écroulent…
M. Marc Laménie. La réserve parlementaire était un vecteur de la solidarité de l’État envers les collectivités territoriales, en particulier les petites communes. Désormais, cette aide est soumise à l’appréciation des représentants de l’État. Ces derniers nous inspirent le plus profond respect – je le dis en toute sincérité. Mais nous n’en avons pas moins perdu ce moyen d’action et cette prérogative !
Voilà pourquoi j’abonde pleinement dans le sens de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Mes chers collègues, nous sommes parvenus à une heure tardive, et ce n’est peut-être pas le moment de faire le jésuite… (Sourires.)
On pourrait reprocher aux sénateurs d’être les avocats des collectivités territoriales et de vouloir toujours compenser les compétences qui leur sont transférées par de nouvelles ressources. D’ailleurs, c’est pour ainsi dire la fonction constitutionnelle du Sénat.
Cela étant, je vais me placer du point de vue de l’État et de son budget.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. Loïc Hervé. Combien le RGPD coûte-t-il concrètement ? Voilà plusieurs heures que nous travaillons sur ce sujet. Combien coûte la mise en œuvre de ce dispositif en France, et quels moyens nouveaux affecte-t-on à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL ?
Madame la garde des sceaux, j’ai cru entendre dans vos propos que la CNIL avait déjà été bien servie : ses effectifs, en particulier, ont été copieusement augmentés depuis dix ans environ.
M. Loïc Hervé. Pour notre part, nous parlons du bloc communal. Une nouvelle fois, on avance que ces changements se traduiront par la disparition de diverses obligations, qu’il s’agisse de déclarations ou d’autorisations. Aussi l’exercice de cette compétence coûterait-il moins cher.
À l’inverse, j’estime que le RGPD va coûter cher aux collectivités locales.
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Oui !
M. Loïc Hervé. Dans un certain nombre de cas, il va même leur coûter très cher, quand bien même elles n’auraient pas toutes exactement déployé les systèmes de protection des données qui leur sont imposés par la loi de 1978 : nous sommes en plein changement de paradigme. Le système juridique qui protège les données personnelles est en train d’être complètement refondu en France, et même à l’échelle de notre continent.
Je m’exprime, non en tant que défenseur des collectivités, mais au nom de la responsabilité de l’État, au nom de son budget. La RGPD coûte cher. Aussi, comme l’ensemble de mes collègues, j’estime que, au-delà de l’accompagnement assuré par les préfets, il est nécessaire de garantir un soutien financier, quand bien même il serait seulement symbolique.
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Ah non, pas seulement symbolique ! (Sourires.)
M. Loïc Hervé. J’ai bien dit « quand bien même », madame la rapporteur. Ce dispositif démontrerait l’implication de l’État.
À cet égard, madame la garde des sceaux, la fin de non-recevoir que vous nous avez opposée est on ne peut plus fâcheuse. (M. Jérôme Durain applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, je tiens à vous féliciter : vous avez présenté votre amendement avec une sérénité et un calme tout à fait impressionnants ! (Sourires.)
Mme Esther Benbassa. Quel flatteur… (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. En même temps,…
M. Loïc Hervé. En même temps !
M. Jean-Pierre Sueur. … même si, je le sais, vous êtes fort occupée, vous êtes bien consciente que vos arguments sont contestables.
M. François Patriat. Et ils ne le sont pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Si, monsieur Patriat, et vous le savez vous aussi. D’ailleurs, je vais montrer pourquoi.
Tout d’abord, vous n’êtes pas sans savoir que bien des collectivités locales sont victimes de ces nombreux cabinets auxquels on fait appel à tout bout de champ.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oh, ça oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Ces cabinets d’études sont appelés à se prononcer sur moult sujets. Or le prix de leurs prestations est très souvent supérieur à 200 euros.
M. Jean-Pierre Sueur. En l’occurrence, il faudra désigner un délégué à la protection des données au sein des différentes communes, ce qui, dans les villages, sera tout de même un peu difficile. Sans doute faudra-t-il assurer une mutualisation à l’échelle de l’intercommunalité. (Mme la garde des sceaux acquiesce.)
Quoi qu’il en soit, ces dispositions vont entraîner des coûts supplémentaires, et personne ne peut le contester. Madame la garde des sceaux, nous nous connaissons bien, et vous pouvez l’admettre en toute franchise.
J’apprécie cette tournure que l’on trouve dans l’objet de votre amendement : « Ainsi, cette nouvelle dotation d’un montant financier élevé, estimé à 170 millions d’euros, n’apporte aucune garantie quant à une prise en charge effective des besoins des collectivités. » En définitive, vous dites que l’on ne sait pas si cette charge représentera 170 millions d’euros. Mais si cette dotation n’existe pas, on n’aura aucun moyen de la compenser !
Si le montant de 170 millions d’euros est trop élevé, il en restera une partie pour l’État ; mais il est également possible que cette dotation soit insuffisante. Comment peut-on dire qu’il est inutile de prévoir une telle somme pour compenser une dépense à laquelle les collectivités devront faire face de manière inéluctable ?
Puis, vous nous dites avoir décidé que les dotations de l’État seraient soumises à un plafond. C’est rigide ! Si l’on crée une nouvelle dépense, comme c’est le cas ici, le plafond sera toujours là. Dès lors, si l’on affecte cette somme, il faudra la déduire de la dotation globale de fonctionnement ou d’une autre dotation.
Ne pensez-vous pas, madame la garde des sceaux, que la République, dans le grand attachement qu’elle éprouve envers les collectivités locales, pourrait considérer de manière positive que, s’il y a une dépense nouvelle, alors il pourra aussi y avoir une nouvelle ressource ?
Aussi, 170 millions d’euros, ce n’est peut-être pas assez, mais vous ne pouvez pas dire en même temps que vous êtes contre cette dotation et qu’elle est insuffisante.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, j’essaie de convaincre Mme la garde des sceaux,…
M. François Patriat. On a bien compris !
M. Jean-Pierre Sueur. … et cela dans le temps qui m’est imparti. C’est difficile, mais j’espère tout de même avoir fait un bout du chemin !
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. J’essaierai d’être synthétique, mais il est difficile de ne pas intervenir sur ce sujet dans cet hémicycle.
Au-delà de l’aspect exclusivement financier du sujet, que personne ne sait d’ailleurs quantifier de façon certaine – dont acte ! –, et après les initiatives prises par la commission des lois et les modifications que le Sénat compte apporter au texte, j’ai entendu de la part du Gouvernement des réponses claires et positives.
Oui, il convient d’accompagner les collectivités. Oui, leur information est un vrai sujet. Oui, il faut permettre aux syndicats de communes et – pourquoi pas, même si c’est un peu plus compliqué juridiquement – aux associations de maires d’intervenir dans ce domaine. Oui, rendons possibles les mutualisations. Oui, accompagnons mieux les territoires qui n’ont pas encore appréhendé cette problématique, en particulier les petites communes, mais aussi, en vérité, 98 % des villes !
Ce message est passé, il a été entendu par le Gouvernement, et Mme la garde des sceaux l’a évoqué lors de la discussion générale. Les choses sont désormais claires, et j’imagine bien que, au fil de la navette, à l’Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire, la problématique des collectivités sera prise en compte. En effet, il existe des moyens logistiques et humains pour ce faire, et des solutions techniques pourront être prises en charge par les syndicats.
Reste-t-il seulement un problème de compensation financière ? Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais il ne s’agit pas ici d’un transfert de charges.
Je partage votre préoccupation quant au sort des collectivités, mais votre raisonnement est biaisé. Le maire que j’ai été pendant quinze ans se souvient très bien qu’il a perdu au fil du temps 90 % de ses dotations ; ce n’était pas sous le gouvernement actuel ! Mon premier adjoint, qui m’a relayé à la mairie, est heureux que, enfin, les dotations aient cessé de baisser. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Ah bon ?
Mme Sophie Primas. Chez moi, cela continue de baisser !
M. Arnaud de Belenet. Passer de 1,5 million à 186 000 euros de dotations sur six exercices, à partir de 2007, c’était douloureux. Il faudrait donc que chacun assume sa part de responsabilité dans la situation des finances des collectivités. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais votre réaction m’oblige à le faire.
Mme Sophie Primas. C’est un mensonge !
M. Arnaud de Belenet. Non, c’est une réalité. À mes yeux, il y a ici non pas un transfert de charges, mais une nouvelle réglementation, qui impose une obligation à l’ensemble des acteurs, y compris les collectivités.
S’il faut que celui qui décide paye, alors c’est à l’Europe de payer ! L’emploi des fonds européens est d’ailleurs un vrai sujet : dans tous les départements, nous sous-consommons les aides de l’Europe aux collectivités.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Voilà la solution ! Bonne idée !
M. Arnaud de Belenet. Voilà un vrai sujet de mobilisation. L’ensemble des préfectures ont d’ailleurs pour consigne aujourd’hui de remobiliser les collectivités pour aller chercher ces crédits, car c’est un réel moyen de financement.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Arnaud de Belenet. Cela ne financera pas directement, mais disons honnêtement les choses : il n’y a pas de transfert de charges, il y a une obligation.
Est-il raisonnable et responsable que le Sénat ne défende sur ce point que les collectivités ? Il faudrait aussi abonder aux dépenses des entreprises et des autres acteurs concernés. Allons au bout de notre logique, soyons honnêtes ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 146, présenté par Mme M. Carrère, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Cette dotation, composée d’une part fixe s’élevant à 5 000 euros, est complétée d’une part variable, déterminée en fonction de la population des communes s’élevant :
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Je risque malheureusement d’être redondante, mais cet amendement vise surtout à insister sur le coût du RGPD et sur la responsabilisation qui s’imposera à chaque acteur. Celle-ci nécessitera un important investissement humain et technologique, qui reste mal évalué dans les collectivités.
Le manque de compétences informatiques au sein des collectivités territoriales, notamment des plus petites d’entre elles, rend cette transition d’autant plus difficile qu’elle les place dans une situation peu favorable pour évaluer le coût réel des services proposés pour le traitement de données personnelles. Dans certains cas, les relations avec les éditeurs de logiciels sont également la source de difficultés, qui rejoignent le problème plus général de détermination du prix d’un marché public.
Il en résulte que les services de traitement des données personnelles proposés aux collectivités territoriales sont onéreux, y compris quand, dans les petites communes rurales, ils ne concernent que quelques centaines de personnes ; j’en parle d’expérience sur mon territoire.
L’objet de cet amendement est donc de rappeler la réalité du coût de la mise en œuvre de cette mise en conformité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Joissains, rapporteur. Au vu du niveau de notre dialogue avec le Gouvernement concernant la nouvelle charge qui pèse sur les collectivités, ce serait un vrai cadeau, une pochette-surprise, que d’accorder 5 000 euros supplémentaires à chaque commune, ce qui est tout de même considérable !
La commission avait pensé demander le retrait de cet amendement. Néanmoins, comme il s’agit d’un amendement d’appel, elle s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 19 bis.
(L’article 19 bis est adopté.)
Article 19 ter (nouveau)
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 5111-1 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « ou entre » sont remplacés par le mot : « , entre » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , ou, à défaut, entre une commune et un syndicat mixte » ;
2° La première phrase du III de l’article L. 5111-1-1 est ainsi modifiée :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Les communes et leurs groupements, » ;
b) Les mots : « et les régions » sont remplacés par les mots : « les régions ».
M. le président. L’amendement n° 118, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous demande de supprimer l’article 19 ter, introduit lors de l’examen du texte en commission.
Cet article modifie le régime des dispositifs de mutualisation, qui sont encadrés par les articles L. 5111-1 et L. 5111-1-1 du code général des collectivités territoriales, ou CGCT. Le Gouvernement est naturellement favorable au développement des formes de mutualisation entre les collectivités territoriales et leurs groupements. (Exclamations ironiques.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est formidable !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Néanmoins, la rédaction de l’article 19 ter présente, selon nous, plusieurs inconvénients au regard de l’objectif louable de la commission.
À titre liminaire, il convient de relever que cet article modifie l’économie des dispositifs de mutualisation. On peut s’interroger sur le lien qu’il présente avec le texte en discussion, qui est relatif à la protection des données. Sur le fond, l’article 19 ter opère des modifications qui posent des difficultés au regard des objectifs d’intégration communautaire.
Premièrement, ce nouvel article modifie la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 5111-1 du CGCT, afin de permettre la conclusion de conventions de prestations de services entre, d’une part, des communes et des syndicats intercommunaux, et, d’autre part, une commune et un syndicat mixte.
L’article 19 ter concourt ainsi au maintien d’un syndicat inclus dans un EPCI à fiscalité propre, au lieu de privilégier des transferts de compétences du syndicat au bénéfice de l’EPCI à fiscalité propre dont sont membres les communes contractantes.
Dès lors, par cet article, la loi encouragerait de telles formules, alors que, au travers des schémas départementaux de coopération intercommunale, de la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 et de la loi Nouvelle organisation territoriale de la République de 2015, le législateur a souhaité à l’inverse renforcer l’intégration communautaire et la diminution du nombre de syndicats.
Deuxièmement, cet article modifie la première phrase du III de l’article L. 5111-1-1, en en étendant le bénéfice aux communes et à leurs groupements. Ces assouplissements envisagés sont de nature à aller à l’encontre de la logique de l’intégration communautaire, les transferts de compétences constituant le mode de relation privilégié entre les communes et les intercommunalités, de nature à sécuriser les actes et interventions.
Or le conventionnement en vue de réaliser des prestations de service est considéré comme une exception aux principes de spécialité et d’exclusivité. La modification du III de l’article L. 5111-1-1 du CGCT va donc à l’encontre des principes de rationalisation des intercommunalités, me semble-t-il, en permettant la création d’un syndicat mixte ouvert associant des communes et les EPCI dont ils sont membres.
Je souhaiterais enfin rappeler qu’il existe aujourd’hui de très nombreux dispositifs de mutualisation, qui sont d’ailleurs rappelés par une circulaire du 30 novembre 2015 de la direction générale des collectivités locales. Ainsi, le droit des mutualisations est un sujet vraiment complexe, qui mérite sans doute que l’on s’y attarde beaucoup plus longuement qu’au travers d’un amendement sur un projet de loi traitant de toute autre chose.
Je sais que mon collègue ministre d’État, ministre de l’intérieur souhaite faire avancer ce dossier dans le cadre de la prochaine réunion de la conférence nationale des territoires, qui est prévue dans les mois prochains. Il me semble préférable de traiter ce sujet dans ce cadre général plutôt qu’à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. En effet, le risque serait d’aboutir à un texte incomplet, voire inapplicable.
C’est pour l’ensemble de ces raisons que le Gouvernement vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de supprimer l’article 19 ter.