Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur le statut des femmes dans l’agriculture.
En 1999, la création du statut de collaborateur-collaboratrice a permis d’améliorer les droits à la retraite de base, en donnant accès à la retraite proportionnelle au conjoint ou à la conjointe travaillant sur l’exploitation. Depuis 2010, les GAEC sont possibles entre époux et, en 2011, les femmes sous le statut de collaboratrice ont eu accès à la retraite complémentaire obligatoire. En 2014, le plan de revalorisation a bénéficié aux collaboratrices d’exploitation en leur donnant des points gratuits de retraite complémentaire obligatoire. Pour autant, les retraites des femmes restent inférieures à celles des hommes, en raison notamment d’un effort contributif inférieur.
Vous l’avez souligné avec raison, il y a une situation particulière pour ce qui concerne les 5 000 agricultrices sans aucun statut, qui sont largement évoquées dans le rapport qui nous a été remis. C’est un sujet de préoccupation pour le Gouvernement. Nous étudierons avec le ministre de l’agriculture la possibilité de travailler à un recensement. C’est pour cette raison que le Gouvernement est favorable à la limitation dans le temps du statut de collaboratrice, voire à sa suppression progressive.
En effet, seul le statut de chef d’exploitation permet d’avoir un statut plein et entier et de percevoir l’intégralité des droits à la retraite.
Le statut de collaborateur existe aussi dans d’autres catégories socioprofessionnelles, notamment pour les artisans et commerçants. Toutefois, son évolution doit aujourd’hui être envisagée, dans le contexte de la réforme globale menée notamment par Jean-Paul Delevoye.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains.
Mme Frédérique Puissat. Madame la secrétaire d’État, au cours de votre intervention, vous avez évoqué les différents moments qui jalonnent la vie des agriculteurs et agricultrices. Toutefois, vous avez omis d’évoquer les périodes durant lesquelles la santé est défaillante.
Ma question croise agriculture et social et porte sur l’impact, pour la conjointe, de la situation d’un exploitant agricole en attente de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la RQTH.
En amont, réaffirmons que, comme toute activité, l’agriculture se conjugue au pluriel. Si l’on est en Beauce ou à 1 000 mètres d’altitude, si l’on fait le choix d’élever des escargots ou un troupeau de bovins, les conditions d’exploitation doivent être appréciées de façon différente.
Soulignons aussi que, si chef d’exploitation se conjugue au féminin, les capacités d’une femme et d’un homme divergent. Il est plus complexe pour une femme que pour un homme d’exercer certaines tâches très physiques.
Souvent, l’âge avançant ou bien à la suite de postures inappropriées, les agricultrices ou agriculteurs se trouvent confrontés à des complications physiques qui peuvent les empêcher partiellement d’exercer leur activité. Dès lors que le handicap touche le conjoint, c’est l’exploitante qui doit accomplir certaines tâches, avec parfois de nouvelles charges insupportables physiquement.
La première des difficultés tient à ce statut de travailleur handicapé à temps partiel, qui n’existe pas dans les textes : seul un taux de handicap, variable, est reconnu, ce qui rend d’autant plus complexe l’étude des dossiers.
La deuxième tient à la durée des procédures, dont tout le monde connaît la complexité. Dans une telle situation, l’agricultrice se voit soumise à une double peine : l’attente d’une décision concernant son dossier et des charges physiques souvent insupportables.
Nous savons qu’il existe dans certains départements une procédure accélérée de RQTH pour les agriculteurs. Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas que cette procédure pourrait être généralisée à tous les départements et tous les dossiers, afin que les exploitants puissent bénéficier d’un soutien plus rapidement ? Je pense surtout aux activités où des besoins urgents en termes de récoltes ou de traitements peuvent exister.
Une disposition pourrait également viser une meilleure coordination de ces dispositifs complexes. Par ailleurs, pourquoi ne pas envisager une pratique de dons de jours équivalente à celle qui a été adoptée dans le cadre du texte sur le don de jours aux aidants ? Il faut ouvrir un débat sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui révèle, n’ayons pas peur de le dire, l’un des angles morts de ce que nous proposons en direction des agricultrices.
D’abord, je veux rappeler qu’il n’existe pas de régime particulier. Par conséquent, toutes les situations que vous évoquez relèvent du régime général. Vous avez raison de le dire, faire le choix ou devenir agriculteur ou agricultrice par nécessité, cela ne signifie pas ne jamais être malade.
Vous avez évoqué la question difficile de l’accès aux soins, notamment lorsqu’on est agriculteur dans la Beauce, et il en est de même dans la Sarthe. Mais il existe d’autres zones de déserts médicaux. Je pense notamment à l’outre-mer ou aux zones insulaires comme la Corse.
Quant à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, elle relève du régime général. Toutefois, j’entends tout à fait votre questionnement et les spécificités attachées aux agriculteurs. Dès ce soir, j’interrogerai plus longuement mon collègue ministre de l’agriculture et ma collègue secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. Je reviendrai ensuite vers vous pour vous apporter une réponse plus détaillée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe La République En Marche.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux dans un premier temps féliciter pour son travail l’équipe des six corapporteurs qui apporte à notre assemblée des éléments de connaissance et de compréhension très approfondis et pertinents.
Parmi les constats dressés, on relève la difficulté à concilier vie familiale et vie professionnelle. Comment en effet conjuguer une vie très prenante d’agricultrice avec un rôle tout aussi prenant de mère de famille ? Promouvoir l’attractivité du métier d’agricultrice implique, entre autres, de se poser la question de la garde d’enfants.
Agriculture et ruralité vont de pair. Nous savons pourtant que les secteurs ruraux sont, en France, les plus dépourvus en termes d’outils d’accueil de la petite enfance.
D’ores et déjà, il a été annoncé que la prochaine convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et les caisses d’allocations familiales comportera la création de places en crèche. Celles-ci devront répondre territorialement aux besoins des parents, en lien avec les communes ou les intercommunalités.
Dans le cadre de cette négociation, n’y a-t-il pas une attention particulière à avoir en matière d’accès au service public de la petite enfance, en développant de telles structures dans les secteurs ruraux ? À titre d’exemple, il conviendrait de prendre en compte les horaires de travail atypiques du secteur de l’élevage.
La même problématique peut être soulevée pour l’accueil des enfants de six à dix-sept ans pour ce qui concerne l’offre de loisirs sans hébergement. Là encore, le rôle de l’État via la CAF peut être décisif.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de nous donner les orientations du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, sur la période 2016-2020, conformément aux engagements de la convention d’objectifs et de gestion conclue avec l’État, la MSA continuera de soutenir les projets en faveur de la petite enfance dans les territoires ruraux, là où l’offre d’accueil des jeunes enfants est insuffisante, inadaptée, notamment en termes d’horaires, vous l’avez dit, ou déséquilibrée.
D’abord, 235 microcrèches accueillant moins de dix enfants ont ouvert leurs portes entre 2008 et 2016. Elles bénéficient de l’appui de la MSA et de ses partenaires, notamment la CAF et les PMI. Elles sont particulièrement adaptées aux besoins des territoires ruraux et offrent près de 2 500 places à 7 500 familles bénéficiaires.
Ensuite, les LAEP, les lieux d’accueil enfants-parents, situés dans des zones rurales, sont ouverts aux enfants de moins de six ans lorsque ces derniers sont accompagnés d’un adulte, pour participer à des temps conviviaux de jeux et d’échanges. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un mode d’accueil, c’est un mode de socialisation pour les jeunes enfants et, parfois, pour les parents.
Les solutions innovantes concernent majoritairement les horaires atypiques, l’accueil d’urgence, l’accueil saisonnier, les horaires extrêmes, l’accueil les week-ends et les jours fériés et l’accueil des enfants différents en milieu ordinaire.
Depuis 2016, une centaine d’innovations ont ainsi été repérées et répertoriées. En partageant l’expérience acquise et grâce à un nouveau dispositif, la MSA veut favoriser l’émergence de nouveaux projets, qui participeront à la qualité de vie des familles dans les territoires ruraux. Plus récemment, elle a contribué à la mise en place de haltes-garderies itinérantes, qui sont hébergées dans des bus circulant de commune en commune.
Vous m’interrogez également, monsieur le sénateur, sur les mesures en faveur de l’accueil des enfants de six à dix-sept ans dans le cadre de l’accueil de loisirs sans hébergement, ou ALSH. La MSA apporte un soutien financier à quelque 30 000 familles, pour environ 4,5 millions d’euros en 2016. La très grande majorité des ALSH en zone rurale accueille sans distinction les enfants de trois à onze ans, et la moitié propose des activités au-delà de onze ans.
Pour l’avenir, nous pensons que la MSA doit mener une étude complémentaire auprès des familles pour connaître leur perception des ALSH, ainsi que leurs attentes quant à leur évolution. Il convient également de cartographier les appels à projets et les démarches actuelles de la CAF et des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. Un groupe de travail dédié à l’ALSH, des référents « enfance » au sein de la MSA et des partenaires institutionnels doivent être mis en place sur chaque territoire ciblé, afin de construire une démarche véritablement ancrée dans le terrain et répondant aux besoins que vous venez d’exposer, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’organisation de ce débat et de ses riches travaux.
Vous me pardonnerez de m’éloigner légèrement des quarante préconisations pour aborder un autre sujet, celui des femmes et de l’agriculture biologique, que le rapport évoque sans l’approfondir, faute de données suffisantes. Néanmoins, le dernier recensement agricole de 2010, mentionné dans ce document, révèle que, parmi les exploitations agricoles gérées par des personnes de moins de quarante ans, 6,9 % d’exploitations certifiées bio sont gérées par des femmes, contre 5,3 % par des hommes. Dit autrement, cela signifie que, parmi les exploitants agricoles bio de moins de quarante ans, 56,6 % sont des exploitantes, contre 24 % dans l’ensemble de la filière.
Les pistes d’explication pour décrire ce phénomène sont balbutiantes, et la Fédération nationale d’agriculture biologique enquête actuellement sur ce sujet. Les résultats de ce travail seront présentés à l’occasion d’un colloque le 10 avril prochain. Aussi, pour éviter de tomber dans le stéréotype de genre, nous nous concentrerons sur les facteurs socio-économiques, plus objectifs.
Ainsi, 30 % à 50 % des agriculteurs et agricultrices bio se lancent hors cadre familial. Nous connaissons tous le problème de l’accès au foncier. Il est bien plus aisé, pour commencer, d’acquérir une petite parcelle plutôt qu’une exploitation importante. Or, sur de petites surfaces, le bio, associé aux circuits courts, est bien plus rentable que le conventionnel.
L’agriculture bio est également nettement moins mécanisée, ce qui nécessite un apport en capital moindre. L’activité est plus facilement diversifiable – agrotourisme, vente directe – pour accroître sa rentabilité.
On le voit, sans même prendre en compte d’autres considérations telles que la santé, le respect de la terre ou la qualité des produits, il est moins coûteux de se lancer en bio. Cet intérêt économique se traduit manifestement par un bien meilleur accès des femmes au statut d’exploitante.
Madame la secrétaire d’État, partagez-vous ce constat ? Afin d’atténuer les inégalités de sexe, peut-on compter sur votre concours pour défendre, au sein du Gouvernement, un soutien durable à l’agriculture biologique et une politique foncière favorisant l’accès à la terre de nouvelles arrivantes ou arrivants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je partage votre constat, monsieur le sénateur, s’agissant du lien entre agriculture bio et lutte contre les stéréotypes de genre, si l’on peut le formuler de cette manière.
Vous avez raison, les femmes s’engagent tout particulièrement dans l’agriculture biologique. D’ailleurs, les exploitations agricoles que j’ai eu l’occasion de visiter depuis que je suis en poste en tant que secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et qui sont dirigées par des femmes sont des exploitations en agriculture biologique.
Il semble y avoir plusieurs raisons à une telle situation. Nous n’aurons pas le temps de les développer cet après-midi, mais je note la date du colloque que vous avez mentionné. Je rappelle simplement l’existence de VIVEA, le fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant, qui s’engage à accompagner les agriculteurs et agricultrices vers l’agriculture biologique.
Vous avez indiqué ne pas vouloir détailler toutes les questions liées à l’agriculture biologique, et notamment celle de la santé. Je rappelle cependant l’existence du plan Ecophyto 2+, qui vise à réduire l’utilisation des produits dangereux et à supprimer celle des produits les plus dangereux pour les exploitations agricoles. Cette question est liée à celle que vous avez évoquée. Elle peut motiver les femmes agricultrices à se lancer dans la création ou la reprise d’une exploitation agricole biologique.
Par ailleurs, des travaux sont en cours concernant les emballages des produits agricoles, notamment des pesticides, afin, d’une part, de réduire considérablement leur taille et, d’autre part, de permettre l’incorporation, très technique, des produits dans le pulvérisateur, sans avoir à soulever ou ouvrir le bidon. Le dispositif – un système de transfert sans contact – permettra en outre de limiter drastiquement l’exposition aux substances chimiques dangereuses. Car les conséquences sur la santé des agricultrices sont parfois plus importantes, même si l’évolution de ces protections est souhaitable pour les femmes comme pour les hommes dans les exploitations agricoles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Marie Janssens. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, alors que le nombre d’agriculteurs diminue de 25 % tous les dix ans en Europe, il est impératif de favoriser l’insertion de nouveaux exploitants, en particulier celle des femmes.
Les agricultrices se heurtent à des difficultés d’installation plus prononcées que celles que rencontrent leurs homologues masculins, car elles héritent rarement d’une exploitation et font face à des coûts d’accès à la terre et aux capitaux très élevés.
Afin de lutter contre ces inégalités, des dispositifs d’aide ont été mis en place, comme la dotation jeunes agriculteurs, la DJA, qui garantit un soutien financier en cas de première installation.
Dans les faits, une partie des agricultrices se trouve cependant exclue de l’accès à cette dotation, en raison de critères d’attribution rigides et inadaptés.
Pour en bénéficier, il faut en effet exploiter une surface minimale, ce qui pénalise fortement les agricultrices, lesquelles s’installent en général sur des surfaces beaucoup plus petites que les hommes.
Quant à la limite d’âge, fixée à quarante ans, et à la nécessité de présenter un plan d’entreprise sur cinq ans, ces critères ne prennent pas en compte les possibles maternités, qui peuvent retarder l’âge de l’installation et la mise en œuvre du plan.
À l’aune de ces incohérences, la délégation aux droits des femmes préconise d’adapter les conditions d’attribution de la DJA au profil des agricultrices, en aménageant le plan d’entreprise en cas de grossesse, ou en remplaçant le critère d’âge limite par un critère fondé sur la notion de première installation à titre principal.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de faciliter l’installation des agricultrices ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, le constat que vous dressez est très juste. Ayant répondu tout à l’heure à la question que vous posez sur la limite d’âge de quarante ans, je ne me répéterai pas. Je répondrai en revanche à une autre de vos questions, qui est très pertinente elle aussi : celle de l’orientation et de l’insertion des femmes dans le monde agricole.
Je pose d’abord un constat, sous la forme d’un chiffre simple : il y a 50 % de filles dans l’enseignement agricole. Cela nous montre que les métiers de l’agriculture sont aussi attractifs pour les femmes que pour les hommes, pour les jeunes filles que pour les jeunes garçons. C’est donc par la suite, monsieur le sénateur, en lien avec tous les éléments que vous avez très justement listés, que se produit un effet d’entonnoir, une sélection, un empêchement de ces jeunes filles à créer leur propre exploitation.
C’est dès l’orientation, néanmoins, que nous pouvons agir. L’enseignement agricole a en effet un double objectif : former ces jeunes et les préparer à être les citoyens de demain.
À cette fin, outre le face-à-face avec les élèves, l’enseignement agricole anime des politiques éducatives dans les champs de la citoyenneté, des valeurs de la République, de la santé, du projet professionnel. Il y a là, me semble-t-il, un levier très important dans la manière dont l’enseignement agricole peut armer les jeunes filles en matière de construction pérenne et de développement de leur projet professionnel, dans tous ses aspects : dans l’aspect très concret, très pragmatique, mais aussi dans l’aspect très business, n’ayons pas peur des mots, dudit projet.
Les bonnes pratiques et les capacités d’innovation pédagogique de l’enseignement agricole en matière d’éducation à l’égalité entre filles et garçons sont reconnues notamment par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et sont souvent citées. Ces actions sont portées par un réseau qui existe depuis 2002, le réseau Insertion-égalité des chances. Je citerai, à titre d’exemple, des semaines thématiques organisées sur le thème « Santé, sexualité, développement de l’adolescent et stéréotypes de genre » en quatrième et en troisième ; des formations à destination des équipes enseignantes sont également mises en place.
Le recensement de toutes les actions menées dans les établissements agricoles, que nous avons effectué à l’occasion du Tour de France de l’égalité entre les femmes et les hommes, montre bien leur dynamisme. Un exemple : le colloque mené au lycée viticole de Mâcon, avec des témoignages forts, posant la question des préjugés sur les stéréotypes de genre et la manière dont on peut mieux accompagner les jeunes filles dans la création ou la reprise d’une exploitation agricole.
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. En outre, concernant l’accueil des jeunes en formation – 30 % d’entre eux sont en internat –, la dernière enquête sur le climat scolaire montre que les jeunes filles sont satisfaites à plus de 85 % de l’internat et de l’ambiance qui y règne entre les élèves.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, je vous rappelle que vous disposez de deux minutes pour répondre aux orateurs.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, à mon tour de saluer le travail de mes six collègues et ex-collègues de la délégation et de les remercier, en particulier d’avoir ouvert à la réflexion du point de vue féministe des champs quasiment en jachère jusqu’ici.
Parmi toutes les recommandations formulées par la délégation, je retiens la trentième, celle qui a trait à la santé des femmes agricultrices.
Le rapport préconise la mise en œuvre d’une évaluation scientifique des conséquences, sur la santé maternelle et infantile, et plus généralement sur l’organisme des femmes, de l’exposition aux produits utilisés : manipulation de médicaments vétérinaires, utilisation de pesticides – vous venez d’évoquer la question, madame la secrétaire d’État.
La Haute Assemblée a très récemment débattu de la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes de produits phytopharamaceutiques. Ces échanges nous ont permis de mesurer pleinement les responsabilités des autorités, du monde agricole et des industriels en matière de prévention sanitaire. Si de tels dispositifs d’indemnisation peuvent être mis en place, c’est parce qu’il existe désormais une connaissance scientifique suffisamment large des phénomènes, de l’impact des molécules phytosanitaires et des précautions à prendre.
Très récemment, et encore ce matin, la presse révélait les dernières avancées de la recherche française, mettant en évidence les effets toxiques de l’exposition aux pesticides.
Le même effort doit être engagé pour mieux connaître les effets des médicaments vétérinaires et des produits phytosanitaires sur les femmes agricultrices enceintes, sur le développement de leur fœtus, voire sur les difficultés – certaines personnes ont témoigné en ce sens – que les agricultrices peuvent rencontrer pour tomber enceintes ou pour mener à terme leur grossesse.
Madame la secrétaire d’État, ces témoignages nous alertent ; nous nous devons donc de mettre en œuvre une telle évaluation scientifique, afin de sensibiliser les femmes exposées, de développer des messages de prévention et de partager les bonnes pratiques. Ainsi répondrons-nous aux inquiétudes et aux attentes de la profession, et, plus largement, de la population rurale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, cette trentième proposition a également retenu notre attention – vous avez pu le constater plus tôt au cours du débat.
Vous avez raison de le souligner, c’est la connaissance scientifique qui nous a permis de disposer d’une appréhension vraiment fine des conséquences de l’utilisation de ces produits et de mettre en place un système de protection des femmes contre les produits phytosanitaires et contre les pesticides.
J’ai rappelé tout à l’heure l’existence du plan Écophyto 2+, visant, disais-je, à réduire l’utilisation de ces produits et surtout à supprimer celle des plus dangereux d’entre eux.
Je veux rappeler également que le code du travail impose que les machines et les équipements de travail soient conçus de manière à ne pas exposer les utilisateurs à des risques pour leur santé et pour leur sécurité.
Vous savez – cela a été dit précédemment – que le ministère de l’agriculture a réalisé une cartographie des risques auxquels sont exposées les femmes agricultrices, pour ce qui concerne particulièrement deux problèmes : les questions de reproduction et de fertilité, de grossesse et de développement de l’enfant. Les risques sont multiples, mais les connaissances scientifiques, bien qu’elles progressent considérablement, restent insuffisantes pour pouvoir les évaluer d’une manière pleinement satisfaisante pour nous tous, pour ces femmes en particulier.
C’est pourquoi une campagne de sensibilisation devrait bientôt être lancée ; plusieurs caisses locales de la mutualité sociale agricole ont déjà conduit de telles campagnes. La protection de la santé des femmes agricultrices me semble véritablement une condition sine qua non du bon exercice de leur profession, mais également, à plus long terme, du maintien de l’attractivité de ces filières pour les jeunes générations.
Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, mes chers collègues, je salue l’initiative d’organiser un débat sur les femmes et l’agriculture. Les questions, en la matière, ne manquent pas : les petites retraites agricoles, la formation professionnelle notamment.
À mon tour, mes chers collègues, je souhaite rendre hommage à toutes ces femmes agricultrices et femmes d’agriculteurs dont le courage et la force font toute mon admiration. Je sais la place qu’elles occupent dans l’agriculture française, particulièrement dans mon département, très agricole, la Mayenne.
Je souhaite rendre hommage, donc, à toutes ces femmes souvent qualifiées d’« invisibles », qui travaillent dans l’élevage, la viticulture, le maraîchage et autres cultures, dans des conditions physiques et psychologiques parfois difficiles, et dont le statut n’a pas été, pendant trop longtemps, reconnu. Oui, la vie de ces femmes est faite de sacrifices et d’engagements forts, de passion.
La féminisation du milieu agricole augmente. On ne peut que s’en féliciter. Deux exemples me semblent significatifs : un quart des dirigeants ou codirigeants d’exploitation agricole sont des femmes ; le nombre de femmes qui font librement le choix de devenir agricultrice ne cesse d’augmenter.
Bien souvent, la question de la conciliation entre les vies professionnelle et personnelle se pose, notamment pour les femmes qui sont mères ou qui souhaitent le devenir.
Cette question représente aussi un frein, pouvant éveiller la réticence de celles qui désireraient exercer cette profession.
Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’accompagner ces femmes et leur famille dans la maternité, mais aussi dans l’éducation des enfants. Nous devons, en la matière, avoir un rôle de facilitateurs.
Aujourd’hui, c’est à un risque sanitaire que nous sommes confrontés : 58 % des femmes agricultrices qui attendent un enfant ne prennent pas leur congé de maternité, parce qu’elles sont mal informées sur leurs droits, ou encore en raison du coût ou du problème de l’offre de remplacement – cette dernière difficulté est un vrai problème également pour les hommes agriculteurs, s’agissant de la formation professionnelle ou de l’engagement dans les organisations professionnelles.
L’année dernière, madame la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, vous avez annoncé la mise en place d’un projet pilote au sein du ministère de l’agriculture en matière de budget « genré ». Il s’agirait d’identifier les bénéficiaires des financements publics et de déterminer si ces derniers servent également les intérêts des hommes et ceux des femmes. Il s’avère en effet que la répartition des subventions est déséquilibrée.