M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe La République En Marche.
M. Georges Patient. Monsieur le Premier ministre, les Guyanais, en rébellion permanente contre un système qu’ils jugent inopérant dans les domaines les plus essentiels, notamment ceux de la santé, de l’éducation, de la sécurité et du développement économique, sont très préoccupés, voire « remontés » contre le rythme et l’état d’avancement des accords de Guyane, obtenus après deux mois de mobilisation d’une grande ampleur, une véritable révolution.
Ils attendaient de la concrétisation de ces accords, signés par votre prédécesseur et confirmés par le Président Macron, des avancées notables, rapides dans certains domaines les plus vitaux tels la santé et la sécurité, puisque faisant partie d’un plan d’urgence.
Certes, monsieur le Premier ministre, des mesures ont été prises dans le cadre de ces accords. Deux comités de suivi se sont même tenus, dont le dernier en septembre 2017, un mois avant la venue du Président de la République en Guyane.
Mais depuis, certains critiques de l’action gouvernementale disent que les accords marquent le pas, tout semblant être suspendu aux assises des outre-mer, dont le calendrier de réalisation serait à plus longue échéance que celle qu’escomptaient les Guyanais. Cela est d’autant plus vrai que dans le même temps se tiennent les états généraux de Guyane. Tout cela crée une réelle confusion qui vient s’ajouter au sentiment d’exaspération, au « ras-le-bol », au fameux « nou gon ke sa », comme on l’exprime si bien dans notre langue guyanaise.
Alors, manifestations, débrayages, grèves, violences urbaines et scolaires ont repris de plus belle et renvoient actuellement à la situation qui a précédé les événements de l’an dernier, ce qui fait craindre le pire.
Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous apporter aux Guyanais des assurances sur le respect par votre gouvernement des accords de Guyane, et ce dans leur totalité, c’est-à-dire des garanties sur la prise en compte, à la fois, du plan d’urgence, du plan complémentaire et du projet institutionnel ou statutaire pour lequel ils opteront ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous l’avez dit, monsieur le sénateur Georges Patient, le Président de la République, lors de son déplacement en Guyane à la fin du mois d’octobre, a fixé les orientations du Gouvernement pour la Guyane et, plus globalement, pour les outre-mer. Cette « page nouvelle de la relation entre la République et les outre-mer » – je cite ses mots – est celle de la responsabilité partagée.
Vous me demandez au fond, monsieur le sénateur, où en est l’État dans l’exercice de sa responsabilité à l’égard de la Guyane.
Vous l’avez rappelé, les Guyanais, que je connais, ont de fortes attentes à l’égard de l’État dans ses responsabilités les plus fondamentales : la santé, la sécurité et l’éducation.
Je sais aussi les aspirations de la population de Guyane à un modèle de développement plus équilibré.
Tout d’abord, je voudrais dire que l’État a honoré sa parole pour ce qui est du plan d’urgence Guyane. Le budget 2017 tel qu’il a été revu par le Gouvernement et le budget 2018 tel qu’il l’a conçu offrent les traductions concrètes du respect de la parole de l’État. J’en veux pour preuve la mobilisation exceptionnelle des crédits de l’État pour les constructions scolaires, notamment dans l’ouest guyanais : 250 millions d’euros engagés sur cinq ans pour les lycées et les collèges, et 150 millions d’euros sur dix ans pour les écoles.
Nous allons redonner à la collectivité territoriale de Guyane de la capacité à investir pour l’avenir en recentralisant, conformément aux engagements pris par le Président de la République, les dépenses de RSA pour la Guyane.
Dès 2017, dans le cadre du fonds d’urgence prévu par l’État, nous avons apporté 50 millions d’euros supplémentaires pour faire face à l’augmentation rapide, massive, de la dépense en Guyane. Nous allons évidemment poursuivre sur ce chemin.
Mais la politique de l’État, monsieur le sénateur, vous l’avez dit et je pense qu’il est essentiel de l’avoir à l’esprit, ne se résume pas au plan d’urgence du premier trimestre 2017. Celui-ci a permis de répondre rapidement à l’urgence – c’est le cas de le dire ! –, quand l’avenir exige une construction de long terme.
D’abord, un mot sur le pouvoir d’achat : dans beaucoup de collectivités d’outre-mer, le niveau de la taxe d’habitation est très élevé – c’est le cas en Guyane. Cette année, une grande partie des habitants des communes de Guyane pourront constater la baisse massive de cette taxe, compensée aux communes. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Notre engagement en matière de sécurité est renforcé : la Guyane figure parmi les vingt départements reconnus comme prioritaires dans le cadre de la police de sécurité du quotidien.
En matière d’immigration – une question importante –, dans le cadre d’une expérimentation circonscrite à la Guyane, nous allons essayer, expérimenter, à compter de juin prochain, la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile.
Monsieur le sénateur, vous le constatez, nous avançons, nous agissons. Il est vrai, j’en conviens volontiers, qu’avant de nous engager très en avant et très loin, nous prenons le temps de la réflexion. C’est d’ailleurs une volonté du Gouvernement dans le cadre des assises des outre-mer, mais aussi de la collectivité dans le cadre des états généraux. Les deux exercices ne sont pas indépendants : ils doivent, je le crois, se compléter à certains égards.
Je veux vous dire, monsieur le sénateur, que les outre-mer sont au cœur de nos politiques publiques. Ils le seront encore davantage avec le Livre bleu outre-mer qui marquera la conclusion des assises en mai prochain. Mme la ministre des outre-mer y est évidemment particulièrement investie.
Nous espérons, à partir de ce Livre bleu, pouvoir construire des politiques publiques dans la durée, efficaces et dotées des moyens appropriés afin que la Guyane, comme toutes les autres collectivités d’outre-mer, soit à la fois une fierté et une richesse pour l’ensemble de la France. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République En Marche. – MM. Emmanuel Capus et Joseph Castelli applaudissent également.)
filière forêt-bois
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation et concerne la filière bois.
Monsieur le ministre, notre pays est couvert de 16 millions d’hectares de forêt, soit 29 % du territoire. La France est à la tête de la troisième plus grande surface forestière d’Europe. La filière bois française représente aujourd’hui un véritable gisement d’emplois. On dénombre 440 000 emplois, soit 1,7 % de l’emploi en France. Avec un chiffre d’affaires de plus de 60 milliards d’euros, elle participe au dynamisme et au développement des territoires ruraux.
Or force est de constater que la filière a perdu depuis 15 ans 20 % de sa valeur ajoutée et 100 000 emplois. Elle pâtit d’un déficit commercial d’environ 6 milliards d’euros par an.
L’augmentation des exportations, notamment vers la Chine, de bois brut non transformé pose la question de l’approvisionnement de la filière. En effet, de nombreuses scieries françaises sont contraintes de fonctionner en deçà de leur capacité.
On constate qu’un certain nombre de pays forestiers concurrents ont contraint la fuite de cette ressource brute, donc non transformée.
Malheureusement, la France, notamment notre région Grand Est, est devenue l’eldorado des traders internationaux. À titre d’exemple, en dix ans, les volumes de chêne brut disponibles pour les scieries françaises ont été divisés par deux.
Différentes mesures ont déjà été prises pour limiter les exportations : je pense notamment au label « transformation Union européenne ». Tous ces dispositifs demeurent néanmoins insuffisants.
Il est nécessaire, d’une part, de mettre en place une véritable politique volontariste et, d’autre part, d’assurer la cohérence des politiques publiques pour faciliter la valorisation locale du bois.
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes sensible à cette problématique, pouvez-vous nous informer sur les mesures que vous entendez mettre en œuvre pour répondre à ces défis et sortir la filière bois de la crise qui la ronge ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Menonville, je voudrais tout d’abord excuser Stéphane Travert qui, vous devez le savoir, préside actuellement le Comité national de pilotage des zones défavorisées simples, les ZDS, sujet dont je sais combien il est important pour chacune et chacun d’entre vous ici.
Vous interrogez le ministre de l’agriculture sur un enjeu majeur, celui de l’avenir de la filière bois et de la gestion plus globale de la forêt, avec tous les emplois que vous évoquez. Effectivement, nous savons que, outre l’enjeu d’aménagement du territoire que représente la gestion forestière, il y a aussi ces 440 000 emplois.
Vous avez raison, la Fédération nationale du bois s’inquiète aujourd’hui de l’exploitation massive de grumes. Ce n’est pas un phénomène nouveau : vous l’avez souligné, il a commencé voilà une dizaine d’années. Vous avez aussi mentionné les engagements qui avaient déjà été pris, sous l’autorité de Stéphane Le Foll, par le gouvernement précédent pour que l’on puisse avoir les moyens de défendre cette économie essentielle pour notre territoire.
Il s’agissait, d’abord, d’un durcissement des conditions administratives et sanitaires liées à l’export de grumes, avec, par exemple, l’augmentation du tarif de la certification sanitaire par les services de l’État ou l’interdiction des produits phytosanitaires dangereux, afin qu’il y ait une juste concurrence entre les bois de nos producteurs et ceux qui sont importés.
Je citerai aussi, comme vous l’avez fait, le label de l’Union européenne utilisé par l’Office national des forêts, l’ONF, qui doit garantir l’origine des grumes dans les pays de l’Union européenne.
En ce qui concerne les mesures que nous devons mettre en œuvre, c’est par exemple l’élargissement de ce label UE à l’ensemble de la forêt privée, qui, aujourd’hui, n’est pas dans ce cadre. Nous souhaitons, dans les semaines qui viennent, faire en sorte que cela puisse se mettre en œuvre, et mettre en place une adhésion des producteurs à des coopératives forestières. Nous voulons également contribuer à améliorer le dialogue dans la filière.
L’ONF a été chargé de la mise en œuvre de ces outils par Stéphane Travert, qui conduira, dans les prochains mois, un travail pour que ceux-ci soient renforcés dans le cadre du Grand plan d’investissement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
rapport spinetta relatif à l’avenir du transport ferroviaire
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre chargée des transports, mes chers collègues, le rapport Spinetta, remis jeudi dernier, a fait l’effet d’une bombe en préconisant tout à la fois : abandon des lignes non rentables, soit 9 000 kilomètres de rail ; filialisation du fret ; privatisation des trois établissements constituant la SNCF ; ouverture à la concurrence totalement libre pour le TGV ; abandon du statut des cheminots, et j’en passe.
Madame la ministre, vous l’avez dit, le statu quo n’est pas une option, le rail doit se moderniser et se développer par l’investissement. Il a besoin de financements nouveaux, d’une vision renforcée de ses missions au service de l’aménagement du territoire et du droit à la mobilité pour répondre aux besoins croissants de la population et des nouveaux modes de vie et de déplacement.
À l’inverse, ce rapport sonne comme une insulte à nos territoires ruraux, périurbains, car supprimer des lignes régionales, c’est détruire la cohésion et l’égalité territoriale.
M. Philippe Bas. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. La décision de fermeture de lignes par l’État est une ineptie, tout comme le transfert sur les compétences régionales : les collectivités déjà asphyxiées ne pourront assumer des axes de transports essentiels et structurants pour nos concitoyens.
Avec la parution de ce rapport, la « start-up Nation » érigée comme modèle d’avenir par votre gouvernement montre ses limites ou plutôt ses priorités : libéralisme décomplexé face à la solidarité des territoires, ou encore aménagement européen face à l’aménagement national.
La création de déserts ferroviaires va encourager les gens à utiliser le transport routier, alors que l’argument écologique est avancé.
Votre gouvernement souhaitait faire des transports du quotidien sa priorité absolue. Qu’il commence par ne pas abandonner les transports en région, en évitant la création d’un service public à deux vitesses !
Ma question sera simple : comptez-vous reprendre les préconisations de ce rapport qui condamne le service public ferroviaire et met au ban de nombreux habitants, considérés dès lors comme des Français de seconde zone ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Philippe Bas applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Cukierman, je voudrais vous confirmer que l’objectif du Gouvernement, mon objectif, est d’améliorer la mobilité de tous les Français (M. Jackie Pierre s’esclaffe.), dans tous les territoires (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), en luttant contre les fractures territoriales et l’assignation à résidence.
Dans ce cadre, notre service public ferroviaire joue clairement un rôle essentiel, avec plus de 11 000 trains qui circulent chaque jour et plus de 4 millions de voyageurs. Mais force est de constater que ce service public rencontre de graves difficultés, avec une qualité de service qui n’est pas au niveau attendu par les Français, avec des coûts qui ne cessent de croître, avec une dette qui augmente de 3 milliards d’euros par an. (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Pourtant, nous n’avons jamais consacré autant d’argent au service public ferroviaire, avec 20 % de plus aujourd’hui qu’il y a dix ans. (Mme Sophie Primas s’exclame.)
Pourtant, je connais l’engagement des cheminots, dans leur mission de service public, au service des voyageurs. (Mme Sophie Primas s’exclame de nouveau.)
Pourtant, tous nos concitoyens sont attachés au service public ferroviaire.
C’est face à cette impasse, à ces contradictions, que le Gouvernement a souhaité disposer d’un rapport posant une vision globale sur le secteur public ferroviaire. Ce rapport pose un constat sévère, mais malheureusement juste,…
M. Martial Bourquin. Juste ? On pourrait en discuter !
Mme Élisabeth Borne, ministre. … sur les difficultés que rencontre notre système ferroviaire. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Aujourd’hui, les propositions sont sur la table et, avec le Premier ministre, nous avons engagé une concertation avec tous les acteurs. À l’issue de ces concertations, nous annoncerons la méthode et le calendrier.
S’agissant des petites lignes – ce terme n’est pas adapté, car je sais que ce sont des lignes essentielles pour beaucoup de nos concitoyens –, je le dis clairement : nous avons prévu d’investir 1,5 milliard d’euros dans les contrats de plan. Ces engagements ne seront pas remis en cause. Ce n’est pas à Paris que se décidera l’avenir de ces lignes, mais dans les territoires, avec les régions, au plus près des besoins des voyageurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique, en six secondes !
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, votre gouvernement est en marche, mais nos concitoyens veulent rouler dans des trains qui s’arrêtent dans toutes leurs communes ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
rapport spinetta
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Olivier Jacquin. Madame la ministre chargée des transports, ma question porte sur le même sujet. Nous attendions tous, avec une certaine impatience, les conclusions du rapport Spinetta, tombées jeudi dernier.
Durant cette attente, je songeais à une révolution positive des transports, dans la continuité des propos du Premier ministre qui évoquait « une véritable refondation de la SNCF ». Je songeais au maillage territorial pour tous du XIXe siècle qui aurait été transcendé et adapté aux défis du XXIe siècle et des nouvelles mobilités.
Je songeais à une véritable cure de jouvence pour notre SNCF, ce pilier de notre République, qui a contribué à unifier le territoire.
Mais nous en sommes loin !
Il y a bien sûr quelques bonnes idées et bons principes, mais, pour l’essentiel, nous sommes dans les vieilles recettes, et dans un conformisme libéral qui a montré ses limites appliquées au service public.
M. Jean-François Husson. Qu’avez-vous fait, avec Hollande ?
M. Olivier Jacquin. L’exemple type est la transformation en société anonyme de l’EPIC SNCF Réseau et Mobilités, au motif d’un endettement trop important, qui n’a évidemment pas été provoqué par les cheminots mais bien par les choix d’investissement de l’État. Dans cette société anonyme, le statut des cheminots ne pourra être amené à évoluer que par la négociation, et non par des effets d’annonce.
Madame la ministre, à la suite de ce rapport, dans lequel la place de l’usager n’est encore que trop peu prise en compte, je vous pose plusieurs questions au nom du respect de la parole donnée. Souhaitez-vous maintenir cette approche française de la structuration du territoire par les mobilités ?
Pouvez-vous confirmer que les haltes TGV existantes ne seront pas supprimées alors même que certaines ont été cofinancées par les collectivités territoriales, comme dans ma région Grand Est ?
Enfin, quels moyens seront dégagés pour financer les investissements pour les fameuses lignes à faible trafic prévus dans les contrats de plan État-région ? Quels types de financements peut-on imaginer afin de donner un avenir à ces lignes ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jacquin, je voudrais vous redire que l’engagement du Gouvernement, c’est bien d’améliorer la mobilité pour tous les Français, dans tous les territoires.
Les assises nationales de la mobilité ont, à cet égard, permis de faire remonter de très nombreuses propositions, y compris la nécessité de sortir des zones blanches de la mobilité. Vous savez sans doute que 80 % de notre territoire n’est pas couvert par une autorité organisatrice de la mobilité : par conséquent, personne ne s’occupe de proposer des solutions alternatives à la voiture individuelle dans ces territoires.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le service public ferroviaire a clairement un rôle important à jouer dans notre politique de mobilité au service de tous les territoires. Mais, comme je le disais, aujourd’hui, nous sommes face à des impasses, à des coûts qui ne cessent de croître, à une dette qui ne cesse d’augmenter et à une qualité de service qui ne répond pas aux attentes de nos concitoyens.
Nos concitoyens le savent bien : ceux qui vivent avec angoisse le fait de prendre un train et qui se demandent s’ils vont arriver à l’heure au travail ; ceux qui constatent que, pendant qu’on inaugure quatre lignes à grande vitesse au cours des dix-huit derniers mois, 20 % de notre réseau ferroviaire font l’objet de ralentissements. Très concrètement, cela signifie par exemple qu’il faut une heure vingt-cinq minutes pour parcourir les 70 kilomètres séparant Niort de Saintes,…
M. Philippe Mouiller. Ça, c’est vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre. … et trente-cinq minutes de plus qu’avant pour aller aujourd’hui de Limoges à Paris. Nos concitoyens le vivent au quotidien.
Cela montre bien qu’une réforme s’impose, que le statu quo n’est pas possible. C’est bien dans l’objectif de redonner toute sa fierté à notre service public ferroviaire, auquel nous allons consacrer 36 milliards d’euros dans les dix prochaines années, soit 10 millions d’euros par jour pendant dix ans, de refonder le modèle ferroviaire que le Gouvernement a souhaité ce rapport pour définir une stratégie globale en termes de service public ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique en sept secondes, plus vite que le train ! (Sourires.)
M. Olivier Jacquin. Plus vite qu’un train de sénateur…
J’espère, madame la ministre, que ce train de réformes ne sera pas qu’une simple promesse de modernité rentable et concurrentielle ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)
conséquences de la hausse du gazole en zone rurale
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, le projet de loi de finances prévoit la hausse de la fiscalité sur le gazole au nom d’un impératif environnemental, que l’on peut partager, mais qui a entraîné une montée des prix à la pompe et du chauffage.
Je suis élu d’un territoire rural et je tiens à vous alerter sur les difficultés rencontrées par les habitants, les professionnels du transport et les agriculteurs.
Les habitants des zones rurales ont besoin de leur véhicule pour se rendre à leur travail et ont souvent de nombreux kilomètres à faire, quelquefois une centaine. Nombre d’entre eux possèdent des véhicules diesel, puisque les gouvernements précédents incitaient à acheter ces voitures, et n’ont pas les moyens financiers d’en changer.
Par ailleurs, les véhicules électriques ne sont pas aujourd’hui adaptés aux territoires ruraux, en raison d’un manque d’accès à des bornes et d’un coût trop onéreux.
Pour défendre activement la ruralité, fragile, il faut conserver le niveau du pouvoir d’achat dans ces territoires. La hausse du prix du gazole ne permet pas aux salariés de profiter des avantages financiers liés à la suppression des cotisations chômage et sociales dans le budget pour 2018.
Il en va de même pour les professionnels du transport, fragilisés par une forte hausse de leurs charges, qui subissent la concurrence de nos voisins européens, lesquels bénéficient d’une main-d’œuvre et d’un gazole moins chers.
À ce sujet, la Cour des comptes propose la simplification du remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Le Gouvernement aurait engagé une réflexion pour un approvisionnement à taux réduit.
Madame la ministre, voici mes trois questions : quelles sont les mesures envisagées pour améliorer le pouvoir d’achat des habitants des territoires ruraux ? Quelle évolution peut-on envisager pour les transporteurs en ce qui concerne le remboursement de la TICPE ou leur approvisionnement à taux réduit ? Quelle possibilité d’harmonisation européenne des prix du gazole est envisageable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Daniel Dubois et Michel Canevet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Chasseing, vous avez raison, les transports sont trop souvent vécus comme une injustice entre citoyens et entre territoires. C’est la raison pour laquelle notre politique de mobilité doit répondre à cette réalité, et permettre de lutter contre les fractures territoriales et l’assignation à résidence.
C’est bien pour cela que dans la loi d’orientation des mobilités, que nous présenterons prochainement au Parlement, il sera notamment proposé d’assurer la couverture complète de notre territoire par des autorités organisatrices de la mobilité, afin d’offrir des solutions alternatives à l’utilisation de la voiture individuelle, de soutenir la mobilité inclusive et de développer les plateformes de conseil en mobilité.
Dans ce même objectif de lutte contre les fractures territoriales, les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures prévoient un plan de désenclavement du territoire pour sortir des promesses, reportées de contrat de plan en contrat de plan, de mise à niveau de notre réseau routier.
S’agissant de la transition énergétique, notre ambition est bien qu’elle profite à tous nos concitoyens.
Le développement de l’autonomie des véhicules électriques permet d’élargir leur domaine de pertinence. Aujourd’hui, 22 000 bornes de recharge ouvertes au public ont été déployées dans tout le territoire. Nous accompagnons le remplacement des véhicules diesel par des véhicules plus économes et des véhicules propres : une prime de 8 500 euros est versée pour l’achat d’un véhicule électrique et, nouveauté de cette année, une aide de 1 000 à 2 000 euros, pour l’achat de véhicules Crit’air 1 ou 2.
C’est bien pour accompagner la mobilité de tous nos concitoyens et pour prendre en compte les exigences du transport routier que nous avons proposé dans la loi de finances pour 2018 des mesures d’aide et de soutien au suramortissement pour les véhicules GNV et le gel de la TICPE pour le GNV de nos transporteurs routiers. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Merci, madame la ministre. Vous le savez, les territoires ruraux sont très fragiles. La suppression des charges sociales va dans le bon sens, mais, dans les zones rurales, le budget consacré au transport est très important et a beaucoup augmenté. Il faut donc en tenir compte.
Pour maintenir la vie de ces territoires, il faut des agriculteurs, des retraités, mais aussi des entreprises et des salariés, dont il faut favoriser l’installation et les conditions leur permettant d’y vivre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Olivier Cigolotti et Pierre Médevielle applaudissent également.)
fiscalité agricole