Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’Assemblée nationale et le Sénat ont abouti, avant-hier, à un texte de compromis sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
Il convient tout d’abord de saluer le travail des rapporteurs, Gabriel Attal et Jacques Grosperrin, qui nous permet aujourd’hui d’examiner un texte équilibré, respectueux des avis des uns et des autres et, surtout, essentiel à la refonte de notre système d’enseignement supérieur, dont l’inadaptation rend la réforme urgente.
Un manque criant de diplômés en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques, des débouchés très variables d’une formation à l’autre, un choix dans l’accès à l’enseignement supérieur beaucoup plus large mais, en conséquence, des parcours parfois moins cohérents, et une filière professionnelle très peu suivie, regroupant seulement 23 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans, soit une proportion inférieure de six points à la moyenne européenne : devant cette situation, députés et sénateurs ont agi avec raison en trouvant un accord entre les textes de nos deux assemblées.
Suivant l’esprit de responsabilité salué par le rapporteur, la commission mixte paritaire a abouti à un accord qui empêchera que la nouvelle plateforme d’affectation dans l’enseignement supérieur, Parcoursup, ne soit bloquée par un retard dans l’adoption de ce projet de loi. Je crois que nous pouvons nous en féliciter.
Plusieurs points restaient en débat et nous opposaient à nos collègues de l’Assemblée nationale.
Il s’agit, premièrement, de la problématique des bourses et des dispositifs de délivrance. Représentant une dépense de 2 milliards d’euros par an pour l’État, ces bourses accordées sur critères sociaux ne peuvent être versées sans vérification. La commission mixte paritaire propose de mettre en place une obligation d’assiduité pour les étudiants boursiers, ce qui est une première étape vers leur responsabilisation.
Il s’agit, deuxièmement, de la question de l’insertion professionnelle, que mon collègue de groupe Daniel Chasseing a soulevée hier encore lors des débats sur le projet de loi de ratification des ordonnances relatives au dialogue social. Il est inutile d’envoyer nos étudiants dans des filières sans débouchés professionnels ! La commission mixte paritaire a trouvé, là encore, un compromis raisonnable : l’ouverture de places sera conditionnée par les perspectives d’insertion professionnelle et l’évolution des projets de formation de l’établissement.
Il s’agit, troisièmement, des droits d’inscription des étudiants étrangers. Notre groupe avait mis en débat un amendement tendant à autoriser les universités à majorer les droits d’inscription d’étudiants étrangers extérieurs à l’Union européenne. La commission mixte paritaire n’a malheureusement pas adopté cette proposition, mais nous pensons utile de la retenir pour la présenter à nouveau à l’occasion des débats financiers de l’année 2018, puisque la question de l’autonomie fiscale des établissements d’enseignement supérieur sera très rapidement reposée.
Il s’agit, quatrièmement, de la question du droit de veto de l’établissement. Le projet de loi mettait en place une procédure dite « du dernier mot au candidat », obligeant le recteur à faire une proposition de formation au candidat sans inscription à l’issue du parcours normal. Ce principe n’était pas tenable et allait obliger nos rectorats à traiter des milliers de dossiers au cœur de l’été. La commission mixte paritaire met en place une formule intermédiaire : obligation pour le rectorat de respecter les capacités d’accueil, obligation pour le candidat d’accepter un parcours personnalisé si l’établissement le juge nécessaire.
Mes chers collègues, ce projet de loi ambitieux marque une étape essentielle du projet de rénovation de l’école républicaine et de la formation dans notre pays conduit par le Président de la République, le ministre de l’éducation nationale et vous-même, madame la ministre. Cette étape, nous la franchissons pour les générations futures, pour nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants, auxquels nous voulons donner la possibilité de réussir dans le monde de demain.
En réformant les procédures d’accès à l’enseignement supérieur et en simplifiant le régime de sécurité sociale étudiant, ce projet de loi offre lisibilité, efficacité et fonctionnalité à un système à bout de souffle. Permettons à celui-ci de prendre un nouveau départ, afin d’assurer la reconstruction durable de notre pays et la relance de notre économie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les mutations de la société doivent être prises en considération par les décideurs politiques pour permettre l’accès de tous nos concitoyens aux connaissances et aux savoirs.
Des transformations structurelles liées à l’automatisation des tâches et au développement de l’intelligence artificielle affectent parallèlement le marché du travail et l’emploi, en profondeur. S’engager dans la voie du changement pour construire une société où les jeunes s’épanouissent et disposent des outils nécessaires pour s’adapter à ces bouleversements est un long travail qui reste à accomplir. L’université a un rôle central à jouer en la matière.
Pourtant, comme le faisait justement observer Jacques Chaban-Delmas en 1969 devant l’Assemblée nationale, « nous ne parvenons pas à accomplir des réformes autrement qu’en faisant semblant de faire des révolutions »…
Si le groupe du RDSE s’est prononcé contre l’instauration d’une sélection aveugle à l’entrée de l’université, c’est parce qu’il a jugé qu’elle serait socialement discriminatoire et aggraverait les inégalités scolaires, déjà très prononcées dans notre pays. Notre groupe a donc tenté, par ses amendements, d’en atténuer les effets lors de l’examen du présent projet de loi.
À l’issue de la commission mixte paritaire, quelques avancées peuvent être saluées.
La grande majorité des éléments qui présentaient l’enseignement supérieur dans une logique essentiellement économique a été extirpée du texte. Cela est positif, car le parcours d’orientation doit être adaptable à tout moment en fonction des aspirations de l’étudiant, des capacités qu’il peut développer, parfois tardivement, ou de sa motivation.
Pour ces raisons, nous estimons que l’orientation ne doit pas être élaborée exclusivement à l’aune des attentes présupposées des entreprises.
En première lecture, nous nous étions opposés en particulier à une détermination des capacités d’accueil directement corrélée aux taux de réussite et d’insertion professionnelle des formations. La rédaction retenue par la commission mixte paritaire est plus vague, avec une référence aux perspectives d’insertion professionnelle, aux projets de formation et de recherche de l’établissement et à l’évolution des projets de formation des candidats.
Ce dernier critère correspond davantage à ce que le groupe du RDSE a défendu, même si nous reconnaissons la faible portée législative de ces dispositions.
Je me réjouis principalement d’une mesure qui concerne les candidats sans affectation : dans le cadre de la dernière partie de la procédure de préinscription, ainsi que dans la procédure de réexamen pour circonstances exceptionnelles, la commission mixte paritaire a en effet tranché en faveur d’une décision prise par le recteur, respectant ainsi le principe de l’accès de tous les bacheliers au premier cycle de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un droit qui ne doit pas leur être retiré, le baccalauréat étant le premier grade de l’enseignement supérieur.
Je salue également le maintien dans le texte de notre proposition de prendre en compte le projet de formation du candidat sans affectation.
Enfin, préserver l’objectif de maîtrise de la langue française est bienvenu, même si nous aurions préféré que ces dispositions purement déclaratoires se concrétisent dans le projet de modules d’accompagnement proposés par les universités.
En revanche, je regrette la persistance de problèmes qui n’ont pas reçu de solutions acceptables, tels que le frein à la mobilité et l’accès aux universités parisiennes que constitue le pourcentage maximal de bacheliers « hors académie », en particulier pour les bacheliers de l’outre-mer.
Le sort des bacheliers professionnels et technologiques n’est pas non plus réglé. Pourtant, l’objet de ce texte porte également sur la réussite de tous les étudiants. Nous avions déposé un amendement qui tendait à établir un pourcentage plancher de ces bacheliers dans les filières STS et IUT : celui-ci a été rejeté par le Sénat, alors qu’il aurait permis d’apporter une première réponse.
Si l’on ne peut nier les améliorations apportées par le projet de loi par rapport à la situation actuelle, on se rend compte au fil des discussions que la très grande partie des candidats fera encore l’objet d’un traitement déshumanisé en raison de l’intervention d’algorithmes locaux. Seuls ceux qui n’auront pas été les mieux classés bénéficieront d’une intervention humaine. La prise en compte du parcours extrascolaire du bachelier instaure – j’insiste sur ce point – des critères socialement discriminants.
Surtout, dans un contexte de réforme du baccalauréat, on ne voit plus très bien où l’on va. Avec la disparition des filières et la mise en place d’un tronc commun et de spécialités, le Gouvernement s’engagera-t-il à revoir les critères de Parcoursup ?
Dans un passé très récent, les universités ont subi un sous-investissement chronique et divers prélèvements de l’État sur leurs fonds de roulement. Dans ce contexte, leur manque de moyens accroît non seulement le caractère sélectif de l’entrée dans les formations en tension, mais a également un impact sur les conditions de travail de l’ensemble des étudiants.
Lors de l’examen de la loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, notre rapporteur avait souligné qu’il existait « un risque d’instituer une université à deux vitesses, entre des masters de premier choix, qui sont sélectifs, et des masters poubelles qui accueilleront les étudiants recalés. » C’est exactement ce que nous craignons dès l’entrée en première année entre les filières en tension et les autres.
Avec ce texte, la rentrée devrait pourtant se passer dans de meilleures conditions que l’année dernière. Nous le savons, il s’agit de régler en urgence la question de l’affectation des bacheliers dès la rentrée prochaine. La grande majorité des membres du groupe du RDSE soutiendra donc le présent projet de loi, qui aura au moins le mérite de parvenir à cette fin ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Antoine Karam applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour le groupe La République En Marche. (M. Guillaume Arnell applaudit.)
M. Antoine Karam. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec ce projet de loi dont nous achevons l’examen, nous allons répondre à l’attente insoutenable de 800 000 jeunes qui préparent actuellement leur entrée dans l’enseignement supérieur.
Nous l’avons dit, le contexte était unique. Néanmoins, nous avons su apporter, avec responsabilité et dans une forme d’urgence – il faut bien le reconnaître –, une réponse juste et efficace.
Nous avons tous reconnu ici l’injustice que créait aussi bien le dispositif APB que cette honteuse sélection par l’échec qui prévaut malheureusement dans nos universités. Nous avons tous mesuré l’urgence de cette situation devenue insupportable et dont nous portons collectivement la responsabilité.
À partir de ce constat partagé, nous avons su engager un travail de fond dans un esprit de responsabilité. Nos débats ont été riches et ont parfois révélé des désaccords profonds. Toutefois, en dépit de délais contraints, il me semble que du chemin a été parcouru, et dans le bon sens.
Ce texte montre bien l’importance de la navette parlementaire et du Sénat. Nos discussions en commission mixte paritaire ont rapidement pris la voie d’un accord. À ce titre, je salue la volonté du Gouvernement, la sagesse du Parlement, tout particulièrement celle du Sénat, et le travail accompli par notre rapporteur. C’est ainsi que l’on arrive à un tel résultat, dont il ne faut pas négliger l’importance.
Cet accord préserve l’esprit du plan Étudiants en assurant à chaque jeune une voie personnalisée vers la réussite, tout en préservant les apports du Sénat : l’affirmation de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et une prise en compte plus large de l’insertion professionnelle dans l’orientation des étudiants.
Non seulement nous apportons une réponse à un flou menaçant, mais nous offrons un meilleur accompagnement vers la réussite à tous les jeunes, dans leur diversité.
Cela étant, et au-delà de nos débats, j’ai pour ma part la conviction que ce travail se poursuivra dans les mois à venir. Il faut en être conscient, la plateforme Parcoursup comme d’autres dispositions de ce texte ne prendront leur pleine mesure qu’à l’épreuve du terrain, au contact de l’humain.
Je pense d’abord à l’orientation. Parcoursup ne réglera pas à elle seule cette question, nous le savons bien. Nos discussions ont montré qu’il s’agit là d’un sujet complexe, qui nécessite un changement de paradigme dès l’entrée au lycée. Ce texte a le mérite d’en poser les fondations. Du temps et de la pédagogie seront toutefois nécessaires, en pratique, pour aider chaque étudiant à façonner son projet.
Je pense ensuite à l’affectation des derniers étudiants. Nous avons trouvé un point d’équilibre satisfaisant en supprimant le droit de veto du chef d’établissement au profit d’une obligation pour le recteur de respecter les capacités d’accueil. Il est satisfaisant, car il ouvre la voie à une plus grande fluidité et à un dialogue que nous espérons intelligent. Il était impératif d’éviter tout risque de blocage au milieu de l’été.
Je pense aussi à la détermination des capacités d’accueil. En prenant en considération les souhaits des étudiants, le projet des établissements et l’insertion professionnelle, ce texte repose à mon sens sur un principe d’équilibre.
Certaines inquiétudes ont déjà été exprimées depuis l’examen du texte en commission, mais, il faut le dire, l’enseignement supérieur n’est pas dévoyé avec ce texte. En fait, il est parfaitement en ligne l’objectif fixé par l’article L. 612–2 du code de l’éducation, à savoir l’accompagnement de « tout étudiant dans l’identification et dans la constitution d’un projet personnel et professionnel, sur la base d’un enseignement pluridisciplinaire et ainsi d’une spécialisation progressive des études », et ce dans un but professionnel.
S’il fallait se départir d’une vision trop « adéquationniste », j’en conviens, il est important de prendre en compte tous les facteurs pertinents. Là encore, le terrain nous dira si nous sommes dans le vrai. Nous devons en tout cas faire confiance au recteur et à son rôle régulateur. N’oublions jamais que le recteur est un chancelier des universités !
Autre sujet revu en commission mixte paritaire : l’assiduité des étudiants, notamment des boursiers.
Nous parvenons à une solution mesurée qui rappelle finalement ce qui existe déjà. Permettez-moi toutefois d’exprimer mon désaccord avec l’idée selon laquelle les étudiants boursiers seraient moins assidus que les autres. Pour dire vrai et parler encore fois d’une expérience de terrain, j’ai même la conviction que l’absentéisme touche tous les étudiants et, plus particulièrement, ceux qui ont été mal orientés, qu’ils soient boursiers ou non.
En améliorant l’orientation des jeunes, nous agissons sur l’absentéisme, j’en suis persuadé. Je formule donc le vœu que nous parvenions par un meilleur accompagnement à lutter vertueusement contre l’absentéisme dans l’enseignement supérieur.
Je pense enfin à la contribution unique. Seule la pratique montrera si celle-ci contribue à une amélioration concrète et une diversification des actions de la vie étudiante. J’ai évoqué le cas des étudiants ultramarins : j’espère qu’une attention spécifique sera portée à leur accueil, avec des actions dédiées au sein de chaque établissement.
Il est certain que l’examen de ce texte a suscité une forme de frustration, tant il est vrai qu’il nous a menés à aborder d’autres questions. C’est d’ailleurs ce qui fait de ce plan Étudiants une réforme aussi passionnante qu’exigeante.
Dans un autre exercice, nous serons appelés à réfléchir sur l’apprentissage. Je formule le vœu qu’une solution ambitieuse et complémentaire à celle que nous votons aujourd’hui résulte de ce futur travail.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe La République En Marche voteront le présent texte avec de grands espoirs pour notre jeunesse !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au sortir de la commission mixte paritaire, le sentiment qui prédomine est celui de la déception.
Déception, car ce projet de loi avait pour finalité de favoriser l’orientation et la réussite des étudiants, comme le souligne son intitulé. Malheureusement, l’intérêt des étudiants a été progressivement perdu de vue au cours des discussions, au profit d’autres considérations. Désormais, il n’est plus l’objectif principal et fondamental de ce texte.
En définitive, il n’est que faiblement question d’orientation. Je ne vais pas reprendre les propos que j’avais formulés lors de la discussion générale en première lecture, mais il est regrettable, et même frustrant – notre collègue Antoine Karam a lui aussi parlé de frustration –, de ne pas avoir pu mener une réflexion beaucoup plus approfondie sur le sujet.
Cloisonner ainsi notre réflexion empêche de penser globalement une politique de l’orientation ambitieuse, qui créerait un continuum entre le secondaire et le supérieur. Or ce manque de liant est précisément l’un des facteurs responsables de l’échec des étudiants en licence.
Le projet de loi aurait pu aborder cette problématique et dessiner des pistes ; il n’en a rien été. On était bien sur un texte d’affectation et non d’orientation.
Le bon sens commande pourtant de rappeler que la plupart des lycéens font des choix quasiment à l’aveugle, tout simplement parce qu’ils n’ont jamais approché les matières qu’ils vont étudier dans l’enseignement supérieur. Au mieux, ils en ont une idée savante, textuelle, mais aucunement sensible. Même s’ils sont amenés à réfléchir davantage à leur orientation en classe de terminale – il s’agit là d’une évolution évidemment positive –, rien ne remplacera la mise en situation lors de la première année de licence.
C’est cette année-là qui valide ou invalide le projet d’orientation. Par conséquent, il existe bien un continuum évident entre l’année de terminale et la première année dans le supérieur, au cours de laquelle le projet imaginé se confronte à la réalité des faits. C’est pourquoi ce continuum aurait dû être l’axe majeur d’une politique d’orientation en faveur de la réussite des étudiants.
Un tel objectif impliquait de changer radicalement de regard sur la première année à l’université, en imaginant notamment un tronc commun, en facilitant les passerelles, en permettant à l’étudiant de peaufiner et de parachever son projet d’orientation en somme. Nous aurions aimé ouvrir le débat – c’était le sens de certains de nos amendements –, mais il n’en a rien été.
En préambule, j’évoquais notre déception à l’égard du texte issu de la commission mixte paritaire. En effet, lorsque le projet de loi est venu en discussion au Sénat, nous ne l’avons aucunement rejeté en bloc. Ce que nous souhaitions, c’est que les conditions soient réunies pour assurer la réussite de tous les étudiants.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé près d’une trentaine d’amendements, qui tendaient à améliorer et valoriser les dispositifs d’accompagnement mis en œuvre par les établissements, et à améliorer la procédure dite de « dernier ressort » pour les candidats qui n’auraient obtenu aucune affectation.
La majorité sénatoriale a cependant fait évoluer le texte dans une direction diamétralement opposée à nos attentes – cela surprendra assez peu –, mais aussi antinomique avec la volonté initialement exprimée par le Gouvernement sur certains points du projet de loi. J’y reviendrai.
Il s’ensuit que nous ne pouvions que nous opposer à ce texte, qui se trouvait totalement dénaturé par les modifications apportées par la majorité sénatoriale. Nous n’étions plus dans une logique de réussite de l’ensemble des étudiants, mais dans une logique de sélection affirmée, revendiquée et assumée. Ce ne sont plus les étudiants qui choisissaient leurs universités et bénéficiaient éventuellement de dispositifs d’accompagnement ; ce sont les universités qui finissaient par recruter les étudiants de leur choix. Une telle logique, comme je l’ai souligné en première lecture, revenait à clairement entacher la promesse républicaine !
Alors, oui, nous attendions de la commission mixte paritaire qu’elle rééquilibre le texte. Nous sommes d’autant plus déçus que ce rééquilibrage n’a eu lieu qu’à la marge. Pour étayer mon propos, je prendrai deux exemples concrets, qui constituent des lignes rouges pour notre groupe politique.
En premier lieu, il s’agit de la manière de déterminer chaque année les capacités d’accueil des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur. Initialement, le projet de loi comportait un principe général selon lequel ces capacités étaient « arrêtées par l’autorité académique après proposition de chaque établissement ». Nous y étions favorables.
La majorité sénatoriale a souhaité préciser que ces capacités tiennent compte des « taux de réussite et d’insertion professionnelle observés pour chacune des formations ».
Alors que notre système doit faire preuve d’une évidente souplesse pour adapter ces formations par l’intermédiaire du numérique ou de l’intelligence artificielle, compte tenu de la rapidité des mutations qui traversent nos sociétés, le risque était de figer les offres de formation, de scléroser la dynamique académique, voire d’empêcher nos étudiants d’intégrer des filières d’avenir, ce que nous avons appelé les métiers de demain lors de nos débats.
In fine, bien qu’elle ait été complétée, la rédaction de compromis issue de la commission mixte paritaire demeure quelque peu alambiquée. Les fameuses « perspectives d’insertion professionnelle des formations » – formule que je ne comprends toujours pas… – sont incertaines d’un point de vue juridique et, finalement, ne changent rien sur le fond. On y retrouve en effet l’« adéquationnisme » entre offre et besoins qui est contraire à l’objectif même de l’université.
Cette formulation aux incidences si notables, fruit d’un compromis entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale, est vraiment très éloignée du texte initial. Nous ne pouvons l’approuver.
En second lieu, je souhaite évoquer la procédure dite « de dernier recours » qui a pour but d’inscrire dans une formation un étudiant qui n’aurait eu aucune affectation à l’issue de la saisie initiale de ses dix vœux. La rédaction originelle ne nous semblait pas optimale, mais l’article, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, est, pour nous, inacceptable. En effet, nous avons toujours insisté sur le fait que l’équilibre de la réforme proposée par le Gouvernement reposait en grande partie sur le recteur qui en est le garant.
Certes, la commission mixte paritaire est revenue à cette idée en conférant de nouveau au recteur le rôle essentiel d’affecter un candidat dans une formation, tout en supprimant le droit de veto de l’établissement dans cette procédure. Il s’agit d’une bonne mesure.
Toutefois, la nouvelle rédaction de cet article n’accorde pas la confiance et la souplesse nécessaires au recteur dans le cadre de son dialogue avec l’étudiant, et ce dans la perspective de lui trouver une formation qui corresponde à ses souhaits. De plus, s’est ajoutée l’obligation du « oui si », qui durcit encore davantage la procédure de dernière chance.
Est-ce ainsi que l’on assure le droit à chaque étudiant de poursuivre ses études supérieures ? Est-ce ainsi que l’on fait primer l’intérêt de l’étudiant sur la régulation des flux, l’opérationnalité d’un système ou le manque de places dans les établissements ? Est-ce ainsi que l’on recherche réellement la réussite de tous les étudiants ? Je ne le crois pas !
Aussi, bien que la disposition relative à l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires ait été retirée du texte, nous ne pouvons souscrire aux conclusions de la commission mixte paritaire.
« La précipitation est mauvaise conseillère », dit l’adage. Sûrement, madame la ministre, était-il nécessaire d’obtenir un accord rapide entre les deux assemblées, afin de donner une base légale à Parcoursup, qui est d’ores et déjà entré en vigueur. Sûrement y avait-il urgence, mais cette urgence devait-elle se régler au détriment de l’intérêt des étudiants ? Non seulement je ne le crois pas, mais je le regrette sincèrement.
Nous ne sommes plus appelés à nous prononcer sur votre projet de loi, mais sur un compromis excessivement bancal, qui crée une forte insécurité juridique et qui est empreint d’une tonalité et d’un esprit ressemblant étrangement à ceux de la majorité sénatoriale, ce qui ne nous convient pas.
En conséquence, notre groupe votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi, lequel n’est décidément plus en faveur de l’orientation et de la réussite de tous les étudiants. Il s’agit d’un vrai rendez-vous manqué ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste.
M. Laurent Lafon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie pour examiner le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants est parvenue à un accord équilibré, qui préserve les apports du Sénat et garantira, nous le souhaitons, un meilleur accompagnement des étudiants, ainsi qu’une rentrée universitaire sereine cette année.
C’est un esprit de responsabilité qui a animé les parlementaires réunis en commission mixte paritaire. C’est ce même esprit qui nous avait animés lors des débats dans cet hémicycle. En effet, nous ne pouvions plus longtemps laisser dans le flou et l’incertitude tous les jeunes et leurs familles qui préparent, à l’heure où nous parlons, leur entrée dans l’enseignement supérieur.
Comme l’ont rappelé la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, ainsi que le rapporteur, Jacques Grosperrin, que je tiens à saluer pour leur travail et la qualité de nos échanges, cet accord préserve les grands apports du Sénat : la réaffirmation de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et une plus grande prise en compte de l’insertion professionnelle dans l’orientation des étudiants.
Le groupe Union Centriste a voulu contribuer de manière responsable et intelligente au débat en apportant des améliorations au texte présenté par le Gouvernement. Je voudrais retenir trois de ces avancées majeures.
La première institue un comité éthique et scientifique auprès du ministre chargé de l’enseignement supérieur, pour veiller au respect des principes juridiques et éthiques qui fondent la procédure nationale de préinscription dans l’enseignement supérieur. En effet, nous devons être attentifs à l’évolution et l’utilisation dans le temps de la plateforme, ainsi que des algorithmes locaux, pour ne pas reproduire les dérives constatées avec APB.
La deuxième concerne la première année commune aux études de santé, qui est trop souvent réduite à une année de bachotage peu enrichissante pour les étudiants, qui se heurtent à ce couperet et ont le sentiment d’avoir perdu une année, pour ne pas dire deux. Désormais, les étudiants pourront suivre leurs études dans la filière qu’ils auront choisie tout le long de la licence, y compris en cas d’échec au concours de première année des formations médicales.
La troisième porte sur la démographie. L’État se trouve placé devant une exigence qui relève parfois du défi : donner à tous les élèves qui sortent du lycée une chance d’accéder à l’enseignement supérieur. Le problème se pose d’une manière évidente à partir du moment où le nombre total de places disponibles est inférieur au nombre total de lycéens candidats à l’université. La pression démographique rend évidemment la situation critique et nous savons que c’est sur cet aspect du problème plus particulièrement que les pouvoirs publics ont échoué ces dernières années.
C’est pourquoi nous avons proposé que soit établi un bilan annuel comportant un volet prospectif pour anticiper les évolutions démographiques. Ces prévisions permettront d’évaluer l’adéquation entre le nombre d’étudiants attendus et les places disponibles dans les filières universitaires. Elles éclaireront également les débats lors de l’examen du projet de loi de finances.
Si les grandes orientations du texte vont dans le bon sens, celui-ci nous paraît insuffisant à plusieurs égards. Penser que les réformes de l’enseignement supérieur et de l’orientation s’arrêteraient à ce texte serait, pour nous, une erreur. Le projet de loi ouvre des pistes qu’il conviendra de creuser dans le cadre d’autres textes de loi.
C’est notamment le cas de la question de l’orientation, centrale à nos yeux, ou de l’organisation du premier cycle de l’université, la licence, encore très marquée par des schémas anciens. Autant le dire, nous ne pensons pas que le projet de loi améliorera de manière profonde et significative la situation sur ces deux sujets. Une vraie réforme de l’orientation des jeunes devra apporter des réponses aux problèmes auxquels nos jeunes seront encore durement confrontés demain.
Pourtant, des solutions existent d’ores et déjà pour aider nos jeunes à trouver une filière qui corresponde le mieux à leurs aptitudes, mais aussi aux perspectives d’emploi sur le marché du travail.
Tout d’abord, il faudrait mettre en place un système d’orientation qui commence dès le collège et se prolonge jusqu’à la fin de la licence, donnant ainsi la possibilité à un jeune, en fonction de sa maturité et de sa capacité à se projeter dans l’avenir, d’avoir différents temps d’orientation, à condition bien sûr qu’il soit accompagné et aidé durant toute cette période.
Nous devrions également accorder à nos jeunes un droit à l’erreur, en leur permettant de changer d’orientation au cours de leurs années de lycée, mais aussi au cours de leur premier cycle d’enseignement supérieur.
Enfin, il conviendrait d’organiser le premier cycle de manière plus souple, dans le cadre d’un système modulaire, capitalisable et semestriel.
Évidemment, nous n’apprécierons l’efficacité de la nouvelle plateforme d’affectation et d’orientation des étudiants que dans le temps. Ce sera le cas en septembre prochain, en espérant que le sentiment d’incompréhension et d’injustice ressenti par certains étudiants et leurs familles l’année dernière n’ait plus sa place cette année. Au-delà, il faut espérer que, dans les années à venir, l’information, l’accompagnement et l’affectation des bacheliers dans les différentes filières se fassent de manière plus pertinente.
Un enseignement supérieur qui donne à chacun sa chance, c’est ce que nous, centristes, défendons depuis toujours. C’est pourquoi nous voterons ce texte en attendant une plus vaste réforme de l’orientation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)