M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
M. Roger Karoutchi. Encore une agression… (Sourires.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Quoi qu’il en soit, madame la sénatrice, même sans y goûter, on peut reconnaître la place particulière qu’occupe le vin dans la culture et dans l’imaginaire français, et l’attachement des Français à ce produit.
Vous nous dites que le Gouvernement, par la voix de Mme la ministre des solidarités et de la santé, serait engagé dans je ne sais quelle croisade contre le vin. Permettez-moi de vous dire que votre propos, que j’entends, que je respecte, m’apparaît outrancier. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. Oui, c’est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je le dis comme je le pense.
Madame la sénatrice, d’où tenez-vous que ce gouvernement aurait pris des mesures défavorables aux viticulteurs et à la culture du vin ? Peu de gens le disent, mais vous savez que les négociations internationales menées par la Commission européenne facilitent les exportations et apportent des protections plus solides aux producteurs français de vin. J’observe que, y compris chez ceux qui se targuent d’aimer et de défendre la profession vitivinicole, on dénonce volontiers ces négociations commerciales, en oubliant qu’elles ont également souvent pour objet, et pour effet, de permettre un accroissement et une facilitation des exportations de produits français.
M. Jean Bizet. Exact !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, ce gouvernement aurait-il modifié en quoi que ce soit la fiscalité applicable au vin ? Il n’en est rien.
M. François Patriat. Tout à fait !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pouvez-vous imaginer une seconde que la ministre des solidarités et de la santé, qui, durant sa vie professionnelle, a été médecin et professeur d’hématologie, dise publiquement que le vin ne comporte pas d’alcool et que la consommation d’alcool n’a pas d’impact sur la santé publique ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Et les taxes ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce que nous souhaitons faire, c’est développer un usage modéré. Je crois que tout le monde ici accepte l’idée qu’il faille boire le vin avec modération. (Marques d’ironie sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Genest. Ne trompez pas les Français !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Si vous considérez qu’il n’y a pas là de sujet de santé publique, dites-le ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Genest. Mais ce n’est pas le vin, le problème !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, ce que je vous propose, c’est de regarder le problème en face. Nous respectons la place particulière du vin dans la culture et dans l’agriculture françaises, mais nous n’allons pas, pour autant, faire semblant et prétendre qu’il n’existe pas de problème de santé publique. Il serait en effet profondément irresponsable de refuser de voir l’autre face de la pièce ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. David Assouline et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
situation dans les hôpitaux
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Dominique Watrin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, vous n’ignorez pas le ras-le-bol des professionnels de santé, qui s’exprime dans les luttes en cours et que les parlementaires communistes entendent aussi dans le cadre du tour de France des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, qu’ils viennent d’engager.
Oui, notre système de soins se dégrade, et vite ! Oui, le temps des rafistolages est révolu ! Ce n’est pas nous qui vous contredirons quant à la nécessité de développer la prévention, ce qui pose aussi la question de la santé au travail, que les gouvernements successifs ont mise à mal, ou quant à celle de réévaluer les formations médicales, mais encore faudrait-il donner aux universités de véritables capacités d’accueil.
Mettre en œuvre une réforme d’ensemble, oui, mais quelle réforme, et avec quels moyens ? Depuis dix ans, ce sont au moins 7 milliards d’euros d’économies à marche forcée qui ont été imposés à l’hôpital public, dont au moins 1,4 milliard d’euros au travers de votre seul budget de la sécurité sociale pour 2018, qui marque une progression des crédits de 2,3 % seulement, alors que l’on estime qu’il faudrait qu’ils augmentent de 4,5 % pour couvrir les besoins.
Dans ces conditions, l’annonce d’une enveloppe de 100 millions d’euros, conjuguée à une nouvelle ponction sur les tarifs à l’activité, est vécue comme une aumône, voire une insulte, par le monde médical et les personnels soignants, confrontés à l’injonction de toujours faire plus avec toujours moins.
Vous annoncez une concertation : chiche ! Nous ne manquons pas de propositions pour construire ou reconstruire un service public territorialisé et coordonné de santé avec tous les acteurs et les élus concernés, plutôt que de déréguler le droit du travail à l’hôpital public ou de mettre le privé sur le même plan que le public, comme vous le projetez. La finance n’a déjà que trop de place à l’hôpital public, déjà terriblement endetté du fait des politiques d’austérité.
Madame la ministre, accepterez-vous de rencontrer les parlementaires communistes afin d’entendre, à l’issue de ce tour de France que j’ai évoqué et avant d’annoncer votre plan, les témoignages et propositions recueillis, concernant notamment le déploiement d’un plan d’urgence pour les hôpitaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Watrin, bien entendu, je vous rencontrerai : cette concertation sera ouverte à tous les citoyens, aux élus et aux professionnels. Les élus des territoires sont les premiers concernés par les modifications que connaît aujourd’hui le système de santé et par la difficulté d’accéder à des soins de qualité.
Vous l’avez dit, la situation financière des hôpitaux s’est beaucoup dégradée. Le déficit consolidé devrait friser le milliard d’euros en 2017, soit un doublement par rapport à l’année précédente. Cette situation est liée à une stagnation de l’activité des hôpitaux.
La régulation de nos dépenses de santé, qui est fondée sur l’activité des établissements de santé, ne permet pas d’amortir les diminutions d’activité et les conséquences du virage ambulatoire.
Aujourd’hui, il nous faut donc donner des leviers d’action aux établissements pour qu’ils puissent s’adapter aux évolutions des besoins, liées notamment à la progression des maladies chroniques, au développement de la prévention ou à la difficulté de trouver des médecins dans les EHPAD.
À cette fin, comme l’a annoncé M. le Premier ministre, nous avons décidé d’engager une transformation globale et cohérente de notre système de santé, et nous entamons une concertation.
Nous allons essayer de mieux articuler la médecine de ville et la médecine hospitalière, avec des tarifications au parcours de soins, de développer des organisations innovantes incluant le volet médico-social. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, le temps des rafistolages est révolu. Nous lançons cinq chantiers de concertation, portant sur les organisations territoriales, sur les ressources humaines, sur le numérique, sur la tarification et sur la pertinence des actes. Tous les citoyens de ce pays seront appelés à donner leur avis sur une plateforme en ligne, parallèlement aux concertations territoriales que nous engagerons à la fin du mois. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
déserts médicaux
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Luc Fichet. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, avec le Premier ministre, vous avez rendu publiques ce mardi vos ambitions en matière d’organisation des soins dans notre pays.
Ce n’est pas nouveau : notre hôpital public souffre, et nos concitoyens ont du mal à trouver une offre de soins cohérente.
Depuis 2009, de nombreux dispositifs ont été mis en place. Pourtant, les médecins sont de plus en plus absents de nos territoires, et la population est de plus en plus inquiète.
Vous souhaitez renforcer la cohérence entre l’hôpital et la médecine générale, afin de placer le patient au cœur du dispositif de soins : nous le souhaitons également, mais nous ne voyons pas, dans vos annonces, ce qui pourrait permettre l’installation de médecins généralistes là où il en manque.
L’État et les collectivités locales financent l’installation de médecins sans résultats probants. Aussi nous semblerait-il judicieux de rendre publics l’ensemble des financements locaux et nationaux destinés à l’installation des médecins, pour en mesurer l’impact. Êtes-vous prête à faire ce bilan, madame la ministre ?
Par ailleurs, les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, visent à mutualiser l’offre hospitalière sur un territoire donné. Or on constate, le plus souvent, le déploiement d’une stratégie d’offre de soins très concentrée sur le plus grand établissement hospitalier, au détriment des plus petits.
Quant à la télémédecine, elle ne saurait être l’alpha et l’oméga de l’offre de soins dans les déserts médicaux.
Madame la ministre, sur ces deux sujets, quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, nous sommes évidemment prêts à rendre publics tous les financements incitatifs mis en place par les uns ou les autres. Nous sommes disposés à faire ce bilan, mais nous pensons, comme vous en somme, que les mesures incitatives ne suffisent pas, aujourd’hui, pour remédier aux difficultés que rencontrent les territoires.
Dès le mois d’octobre dernier, nous avons, avec le Premier ministre, proposé un plan dédié à l’amélioration de l’accès aux soins, qui repose sur les trois changements de paradigme suivants.
En premier lieu, il n’est pas forcément nécessaire qu’un médecin s’installe dans un territoire : il s’agit de donner à chaque territoire du temps médical, ce qui peut se faire via l’hôpital ou des professionnels de santé hospitaliers. Chaque territoire doit trouver les leviers d’action pour favoriser cette offre de temps médical dans les zones sous-dotées.
En deuxième lieu, il convient de développer les coopérations interprofessionnelles. C’est également d’un changement culturel qu’il s’agit. Tous les malades n’ont pas systématiquement besoin d’être suivis par un médecin. Aujourd’hui, un patient qui souffre d’hypertension artérielle peut être suivi par une infirmière, à condition que les soins s’inscrivent dans des coopérations régulées. C’est ce que pratiquent d’ores et déjà la plupart des maisons de santé pluriprofessionnelles.
En troisième lieu, il importe de promouvoir la télémédecine.
M. Jean-Pierre Sueur. Et l’humain ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Bien sûr, y recourir n’est pas l’alpha et l’oméga, mais cela peut raccourcir les délais de prise en charge.
Enfin, nous faisons confiance aux territoires, en leur donnant vingt-six leviers d’action pour adapter leurs organisations territoriales avec beaucoup plus de souplesse, beaucoup plus de liberté, selon leurs besoins.
Au titre du grand plan d’investissement, nous allouons 400 millions d’euros à la création de maisons de santé pluriprofessionnelles. Nous souhaitons en doubler le nombre d’ici à la fin du quinquennat, mais cela n’est pas non plus l’alpha et l’oméga de la médecine de demain.
Ces vingt-six mesures sont à la disposition des territoires. Les agences régionales de santé vont animer, dans chaque territoire, des réflexions avec les élus, les professionnels de santé et les citoyens, en vue de définir la réponse la plus appropriée aux besoins de santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, je vous remercie, mais vous ne répondez pas réellement à ma question. Vous me dites que 400 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés, dont acte ! Aujourd’hui, les mesures d’incitation ne suffisent plus. À mon sens, il faudra réellement envisager le recours à la coercition envers les professionnels de santé ; sinon, nos territoires resteront dépourvus d’offre de soins et, en particulier, de médecins généralistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Anne-Catherine Loisier et M. Julien Bargeton applaudissent également.)
rapport duron
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Madame la ministre, un espoir a pu naître au sujet des transports ferroviaires, et plus précisément du TGV, lorsque vous avez affirmé en novembre dernier, au Sénat, à propos de votre projet de loi de programmation des infrastructures : « Je tiens à vous assurer que les enjeux d’aménagement du territoire seront bien pris en compte. »
Au premier abord, le rapport Duron confirme la priorité de réduire les inégalités territoriales en assurant un meilleur accès au rail pour les villes moyennes et les territoires ruraux. Mais quelle déception de découvrir ensuite que nombre de projets inscrits dans le Grenelle de l’environnement sont balayés d’un revers de main !
Ainsi, le Grand Centre Auvergne Massif central, qui comprend 17 millions d’habitants, peut s’asseoir sur sa mobilité ferroviaire et sur son désenclavement. Et que dire de Clermont-Ferrand, que ce rapport condamne à être la capitale régionale la plus éloignée de Paris en termes de temps de transport ferroviaire ?
Avec mon collègue Rémy Pointereau, remarquable président de l’association TGV Grand Centre – Paris-Orléans-Clermont-Lyon, nous partageons la crainte que cette liaison TGV ne soit jamais réalisée. Madame la ministre, quelle est votre conception du maillage ferroviaire national et du désenclavement des territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Boyer, vous m’interrogez sur la prise en compte de la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon dans le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures.
Tout d’abord, je tiens à saluer l’énorme travail accompli au cours des derniers mois par cette instance qui réunit des parlementaires de tous bords, dont les sénateurs Hervé Maurey, Gérard Cornu et Michel Dagbert, des représentants des régions, des départements et des agglomérations, ainsi que des experts.
Ce travail était indispensable pour tourner la page de décennies de promesses non financées : en matière de lignes à grande vitesse, 36 milliards d’euros ont été promis dans tout le pays ; des mises à niveau de routes nationales sont, depuis trop longtemps, reportées de contrat de plan en contrat de plan ; l’entretien comme la modernisation de notre réseau ferroviaire ont été négligés.
C’est pour sortir de l’ensemble de ces impasses que le Conseil d’orientation des infrastructures propose une vision globale des infrastructures au service de l’ensemble des territoires, en donnant la priorité à l’entretien et à la modernisation des réseaux ainsi qu’aux transports de la vie quotidienne.
Il s’agit d’une vision sincère, qui met en évidence les coûts en jeu, et donc les ressources qu’il nous faudra dégager. Je note que c’est là exactement la méthode préconisée par la commission des finances de la Haute Assemblée dans son rapport de septembre 2016 intitulé « Infrastructures de transport : sélectionner rigoureusement, financer durablement ».
Nous allons étudier les différents scénarios présentés par le Conseil d’orientation des infrastructures. C’est le Parlement qui, in fine, aura à se prononcer, lors de l’examen du projet de loi de programmation des infrastructures, à partir d’une vision globale, cohérente et sincère des projets que l’on peut réaliser. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.
M. Jean-Marc Boyer. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, mais les propos tenus par M. Duron au Sénat la semaine dernière, selon lesquels il est préférable de phaser les projets plutôt que de les repousser indéfiniment, demeurent très inquiétants.
Lors de la visite du Président de la République en Auvergne il y a quelques semaines, les élus locaux, départementaux et régionaux, de toutes sensibilités politiques, lui ont remis une motion affirmant la nécessité de construire une ligne à grande vitesse. Aujourd’hui, nous doutons que cet appel soit entendu.
Vous le savez, l’investissement dans les infrastructures de transport conditionne le développement et l’avenir de tous les territoires. Madame la ministre, vous préparez une France à deux vitesses, où coexisteront trains à petite vitesse et trains à grande vitesse, voies expresses rapides et routes de campagne sur lesquelles on sera condamné à rouler à 80 kilomètres par heure, territoires premiers de cordée et territoires méprisés,…
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean-Marc Boyer. … une France en marche avant et une France en marche arrière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
prise en charge des sdf en période de grand froid
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Denise Saint-Pé. Ce soir, près de 2 000 Parisiens recenseront anonymement les personnes passant la nuit dans la capitale sans aucun abri, à l’occasion de la Nuit de la solidarité.
La vague de froid et les chutes de neige qui se sont abattues sur la France la semaine dernière ont multiplié les problèmes : réseaux ferroviaires et trafic aérien perturbés, routes impraticables, usagers immobilisés… Ces blocages, certes pénibles, ne doivent pas occulter la dure réalité vécue par les personnes sans abri, les plus touchées par ces conditions hivernales extrêmes.
Ainsi, trente-deux départements ont activé le plan Grand Froid afin d’ouvrir de nouvelles places d’hébergement, de renforcer les équipes du SAMU social, d’intensifier les maraudes et d’allonger les heures d’ouverture des accueils de jour et de nuit. Mais combien de personnes oubliées, seules face au froid glacial de la rue ? Combien de personnes non détectées par les maraudes ? Combien de personnes obligées de retourner à la rue dès que la remontée de la température mettra fin au plan d’alerte ?
Nous ne connaissons pas ces chiffres, mais il en est un qui est insoutenable : depuis le 1er janvier, 45 personnes sont décédées dans nos rues en France, et l’on a dénombré 403 morts en 2017 !
Si ces conditions climatiques exceptionnelles amènent la prise de mesures exceptionnelles et la mise à l’abri de personnes supplémentaires, des réponses durables doivent être apportées. Héberger une personne sans abri, au coup par coup, pour une nuit, et la laisser regagner la rue le lendemain ne me semble pas être une réponse à la hauteur de sa détresse.
M. le président. Votre question, chère collègue.
Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire du logement un levier de réinsertion des personnes en difficulté ? Dans quelle mesure le lancement du plan quinquennal Logement d’abord va-t-il permettre d’honorer la promesse formulée par le chef de l’État l’été dernier : « Je ne veux plus d’ici la fin de l’année avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus » ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Denise Saint-Pé, vous abordez un sujet grave. Ces drames quotidiens que nous connaissons sont malheureusement le lot de presque tous les pays dits développés, à l’exception peut-être de quelques pays nordiques.
Le Gouvernement a pris à bras-le-corps cette problématique, comme d’autres l’avaient fait avant lui, en faisant débuter la période hivernale dès le 1er novembre et en déclenchant le plan Grand Froid il y a une dizaine de jours dans trente-sept départements.
La première réponse, immédiate, consiste à ouvrir davantage de places. Nous l’avons fait en mettant à disposition 10 000 places de plus que l’année dernière, c’est-à-dire plus qu’il n’y en a jamais eu. Cela ne saurait pour autant constituer un motif de satisfaction : cet effort répond au constat des graves difficultés que nous connaissons dans notre pays en matière de solitude et de misère. Cette première réponse est efficace, même si l’on peut toujours considérer qu’elle est insuffisante.
La seconde réponse est le lancement du plan Logement d’abord, qui vise à permettre le passage de l’hébergement d’urgence à un logement pérenne. Ce plan, mis en œuvre en collaboration avec les collectivités locales – nous avons reçu plusieurs dizaines de demandes d’intercommunalités –, permettra d’ouvrir 10 000 places en pension de famille supplémentaires et 40 000 places en intermédiation locative au cours du quinquennat. C’est comme cela que nous pourrons avancer tous ensemble !
Permettez-moi enfin de rappeler que la collectivité nationale consacre déjà 2 milliards d’euros à l’hébergement d’urgence. Certes, on peut toujours faire plus, sachez en tout cas que nous travaillons au quotidien pour apporter une réponse à un drame humain qui nous concerne tous. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
santé en guadeloupe
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe La République En Marche.
M. Dominique Théophile. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, le Gouvernement a annoncé récemment une refonte audacieuse et globale du système de santé, ayant pour objectif d’optimiser l’offre de soins et de mieux financer les établissements de santé dans notre pays.
Depuis plusieurs années, le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre est confronté à des difficultés financières qui entravent son bon fonctionnement. Vous-même aviez mis en place un plan ambitieux d’accompagnement, dont l’objectif était d’améliorer la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients, mais la situation s’est aggravée à la suite de l’incendie qui a frappé l’établissement de Pointe-à-Pitre le 28 novembre dernier.
Ce sinistre appelle non seulement la remise en état des locaux, mais également l’élaboration d’une stratégie pour préserver les effectifs de médecins, sachant que 50 % des urgentistes sont sur le point de quitter le CHU. Cela s’ajoute aux difficultés classiques de recrutement de spécialistes et ne favorise pas la bonne prise en charge des patients, ce qui entraîne un taux de fuite important.
De ce fait, le plan annoncé apparaît aujourd’hui insuffisant. Il doit donc être adapté pour répondre à l’urgence de la situation.
Par ailleurs, il est important, pour garantir un niveau de trésorerie constant propre à assurer la fluidité des approvisionnements en médicaments et autres fournitures, de mensualiser le versement des aides. Cette mesure contribuerait au bon fonctionnement du CHU de la Guadeloupe.
Madame la ministre, vous connaissez mon engagement dans le domaine de la santé et la préoccupation constante que constitue pour moi l’amélioration de l’état de l’offre de soins dans nos territoires. Ma question est la suivante : au regard de cette situation inédite, quelles mesures financières complémentaires comptez-vous mettre en œuvre pour solidifier la trésorerie du CHU de Pointe-à-Pitre et procéder aux réparations et acquisitions d’équipements nécessaires, sans attendre l’application de la nouvelle réforme concernant le financement des hôpitaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Dominique Théophile, l’incendie qui a touché le CHU de la Guadeloupe le 28 novembre dernier a effectivement été dramatique. S’il n’a, heureusement, pas provoqué de drame humain, il a énormément fragilisé l’offre de soins en Guadeloupe.
Vous le savez, j’ai pris ce sujet à bras-le-corps et je me suis rendue sur place quarante-huit heures après le sinistre. Je tiens à souligner l’extrême sang-froid des professionnels de cet établissement, qui ont évacué celui-ci en quasi-totalité sans blessés, de la présidente de la commission médicale d’établissement, Mme Suzy Duflot, qui opérait pendant que la fumée envahissait le bloc opératoire, du directeur général, M. Pierre Thépot, qui met tout en œuvre pour remettre en état le CHU.
Nous avons fait livrer un hôpital de campagne, mais il faut également que les finances soient au rendez-vous ; nous y travaillons. J’ai ainsi décidé d’allouer au CHU de la Guadeloupe 69 millions d’euros d’aides exceptionnelles en 2017, soit 20 millions d’euros supplémentaires par rapport au montant perçu en 2016, qui était déjà d’un niveau très exceptionnel.
Ces 20 millions d’euros supplémentaires permettront d’acquérir sans délai les équipements et prestations de travaux nécessaires à la remise en état du CHU de la Guadeloupe, s’agissant notamment de l’achat ou de la location de blocs opératoires.
Par ailleurs, je suis en mesure de vous confirmer que, comme en 2017, les aides en trésorerie continueront d’être mensualisées en 2018.
En conclusion, je souhaite que les Guadeloupéens retrouvent rapidement une offre de santé à la hauteur de leurs besoins. Dans cette perspective, je souhaite que le CHU soit remis en état, en attendant la livraison du nouvel hôpital en 2022. Le processus d’attribution des marchés publics a commencé ; il s’agit d’un investissement massif de l’État, à hauteur de 580 millions d’euros. Vous pouvez compter sur mon entière détermination au service de la santé des Guadeloupéens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
zones agricoles défavorisées