Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, adapter le droit des territoires littoraux à l’urgence climatique est une action impérieuse et nécessaire. La proposition de loi de notre collègue Michel Vaspart reprend la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, cela a déjà été dit, déposée par nos anciennes collègues députées Pascale Got et Chantal Berthelot, élues respectivement de la Gironde et de la Guyane.
En réalité, son origine est plus ancienne – il est intéressant de bien comprendre d’où viennent ces textes : leur véritable origine se trouve dans le Grenelle de la mer ; cela vaut la peine d’y jeter un œil. Le Grenelle de la mer a adopté, lors d’un comité opérationnel, l’idée que la France devait se doter d’une stratégie nationale, réunissant les collectivités et l’État, et d’une méthodologie de gestion du trait de côte, de recul stratégique et de défense contre la mer.
À la suite des travaux de ce comité opérationnel ad hoc, un groupe de travail, animé par le député de la Manche – déjà ce département ! –, Alain Cousin, fut mis en place en 2010 ; ainsi, le Grenelle a eu lieu en 2008, puis, en 2010, se sont réunis le comité opérationnel et le groupe de travail d’Alain Cousin, qui a rendu son rapport le 2 novembre 2011.
Le Gouvernement issu des élections législatives de 2012 a fait un appel à projets, dans le cadre de la stratégie nationale de la gestion intégrée du trait de côte. On est obligé de rappeler tout cela, parce qu’on a l’impression de faire le condensé d’une histoire – celle du recul du trait de côte – qui a déjà pratiquement dix ans ; d’où la véritable urgence à agir.
Il y a ensuite eu cinq expérimentations, que je connais bien, car l’une d’elles a eu lieu sur le territoire dont je suis élu, dans la ville d’Ault, en ex-Picardie, dans les Hauts-de-France actuels. Les autres ont eu lieu à Lacanau, La Teste-de-Buch, et Labenne, dans le cadre du GIP littoral aquitain, à Vias, dans le Languedoc, à Hyères, et à Petit-Bourg en Guadeloupe. Ces cinq expérimentations seront menées de front, pendant plusieurs années ; il en est issu des documents extrêmement intéressants, que vous pourrez sûrement, les uns et les autres, vous procurer.
Par conséquent, nous disposons d’un important corps de doctrine et d’expérimentations. J’ai eu le privilège d’assister largement à ces travaux, parce que j’avais reçu, en tant que vice-président de l’Association nationale des élus du littoral, l’ANEL, délégation du président pour y assister. En effet, mon collègue et ami Jean-François Rapin étant pris de temps en temps par ailleurs, il avait bien voulu me demander de le représenter, ce que je faisais volontiers.
C’est donc dans le cadre de ces travaux importants de préparation qu’est née la proposition de loi de Mmes Got et Berthelot, avec un sérieux coup de main, il faut le dire, du ministère, pour la construction des outils d’urbanisme. Ceux-ci étaient, certes, conçus par les auteurs du texte, mais ils étaient mis en forme juridique de manière très concertée avec les administrations compétentes. Les députées avaient piloté toutes ces expérimentations, et ces travaux constituent, à mon avis, une base utile à la réflexion que vous appeliez de vos vœux, madame la secrétaire d’État, puisque cela a conduit à ce texte.
Il est vrai que ce texte, si l’on s’attarde sur la question des outils stricto sensu et du financement, n’est peut-être pas abouti, ne correspond peut-être plus aux propositions que vous faites ; mais il n’en reste pas moins que ces outils ont le mérite d’exister. Ils ont été mis sur la table, on les a discutés, et l’on était bien content d’avoir quelque chose…
Il est vrai que le financement était réglé dans des conditions ne plaisant pas à tout le monde, mais il y avait un effort, même si cela ne s’est probablement pas fait de façon traditionnelle pour une grande loi d’aménagement du territoire de ce type.
On pourrait sans doute discuter à l’infini de la question de savoir jusqu’où une proposition de loi peut aller ; c’est un vrai sujet, qui pose question : les capacités techniques dont disposent les parlementaires sont-elles suffisantes pour régler des problèmes d’urbanisme d’une extrême complexité ? La capacité technique qui se trouve entre leurs mains suffit-elle pour régler des problèmes financiers qui supposent des arbitrages extrêmement complexes ?
Néanmoins, il ne faut pas, me semble-t-il, jeter le bébé avec l’eau du bain, car ces propositions ont été faites avec beaucoup de courage et de détermination, dans un consensus assez large, en dehors du clivage droite-gauche. On peut donc sans doute critiquer les outils, dire qu’ils sont insuffisants, mais ils ont été posés sur la table.
En outre, avec les travaux qui ont eu lieu à la suite du Grenelle de la mer, dont j’ai parlé, et avec le droit positif portant sur le recul du trait de côte, on doit pouvoir construire quelque chose. Si le Gouvernement n’est pas satisfait et que sa majorité le suit à l’Assemblée nationale, il faudra en prendre acte, mais il ne faudra pas tarder à agir, parce que cela fait un moment que les élus du littoral, dont je suis, attendent. Nous avons souvent été envahis par la mer, notamment en baie de Somme où l’on a payé un lourd tribut – on rappelait tout à l’heure qu’un bout de falaise est tombé au Tréport, cela n’est pas loin de la Somme, et c’est arrivé à Mers-les-Bains il n’y a pas longtemps. Il s’agit donc de sujets très prégnants sur lesquels on ne peut plus traîner.
Je n’ai pas beaucoup d’autres choses à dire. Mon groupe et moi-même étions prêts à voter pour ces outils, mais j’y réfléchirai au fur et à mesure du débat et j’ajusterai peut-être ma position en fonction de ce que dira Mme la secrétaire d’État.
Je veux dire un mot sur la loi Littoral, puisqu’il me reste une seconde de temps de parole (Sourires.) ; cela me suffira pour dire que je suis contre l’article 9 du texte. J’ai présidé pendant longtemps le Conservatoire du littoral et j’habite un département dont 93 % du littoral a été préservé de l’urbanisation grâce à la loi Littoral et à ce conservatoire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jérôme Bignon. Je mesure donc l’intérêt de cette loi et je n’approuve pas ce qui est proposé, même si je pense qu’il y a des progrès à faire sur ce texte.
Mme la présidente. S’il vous plaît, monsieur Bignon !
M. Jérôme Bignon. Je pense notamment que l’on pourrait imaginer, comme on l’a fait pour l’éolien en mer, une juridiction commune qui prenne en charge tous les problèmes de la loi Littoral.
Veuillez m’excuser d’avoir dépassé le temps de parole qui m’était imparti, madame la présidente.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la montée des eaux liée au dérèglement climatique est un enjeu majeur, et nous ne pouvons que remercier le groupe Les Républicains de l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de la Haute Assemblée, tant cette augmentation inéluctable du niveau des océans affectera durablement l’urbanisation et l’activité économique de nos côtes.
Il n’est pas inintéressant de rappeler que le premier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, publié en 1990, ne prévoyait pas de montée des eaux. La logique du GIEC consistait, à l’époque, à dire que le climat se réchauffait, d’où une plus grande évaporation et donc plus de précipitations, mais que cela se traduirait par de la glace, qui serait stockée au Groenland et en Antarctique, sans montée des eaux. Telles étaient les conclusions du premier rapport du GIEC.
Ensuite, à chaque nouveau rapport, le GIEC a augmenté ses prévisions de montée des eaux, pour arriver, dans le cinquième rapport, à une fourchette de 29 à 82 centimètres de montée des eaux, selon les scénarios. Toutefois, beaucoup de scientifiques considèrent déjà ces chiffres comme très sous-estimés. Certaines études, cosignées par des lauréats du prix Nobel, envisagent même une montée des eaux de 5 mètres, à horizon d’un siècle, en raison de la fonte du Groenland – des incendies ont eu lieu dans cette île cet été, cela n’était jamais arrivé – et du début de fonte de la calotte de l’Antarctique.
Ce rapide rappel de l’histoire des prévisions en la matière doit donc nous amener à beaucoup de prudence dans nos décisions, car nous ne pouvons pas ignorer que le consensus scientifique du rapport du GIEC, relu, comme toujours, par les États, est généralement démenti par les faits : le dérèglement climatique est toujours allé plus vite que ce qu’annonçaient les rapports. Je suis donc un peu surpris, madame la secrétaire d’État, de votre assurance sur la prévisibilité du recul du trait de côte : à dix ans, oui ; à trente ans, c’est déjà beaucoup moins sûr ; à cent ans, nous n’en savons rien aujourd’hui…
Il faut donc se préparer à laisser à l’océan des territoires qu’il grignotera inéluctablement, à lui abandonner des constructions parfois anciennes, et à se doter d’outils courageux d’urbanisme, qui ne se contentent pas de donner l’impression que l’on peut retarder les échéances.
C’est l’un des principaux problèmes de ce texte ; on a tout de même un peu le sentiment que les mesures techniques développées, notamment les fameuses ZART – on y reviendra au cours du débat –, retardent une gestion assumée de cette montée des eaux, au profit de certains bricolages peu durables.
Pour être clair, je dirai qu’il faut apporter des réponses à des difficultés, notamment, effectivement, l’indemnisation de ceux qui vont perdre leur patrimoine bâti. En ce sens, l’amendement de Jean Bizet, dont nous discuterons tout à l’heure, qui pose la question essentielle, me semble-t-il, de la péréquation et de la solidarité nationale, est un élément important et intéressant de ce débat ; nous pouvons nous en saisir utilement.
Néanmoins, la ZART, que l’on pourrait peut-être redéfinir comme l’acronyme de la zone d’aménagement rapidement trempée (Sourires.), est un dispositif dangereux, qui peut nous amener à des situations ingérables selon la vitesse de la montée des eaux.
Il ne s’agit pas non plus de ne rien faire ; nous sommes d’accord sur le fait que certaines activités doivent suivre le recul du trait de côte – l’ostréiculture, la restauration touristique, la plaisance. Il faut effectivement des dispositifs adaptés pour ces activités que nous connaissons et que nous pouvons lister, mais ce n’est pas ce que permet de faire la ZART, qui est beaucoup plus large et qui constitue, d’une certaine manière, un contournement de la loi Littoral, au nom du dérèglement climatique – lequel a bon dos dans cette affaire…
La ZART risque de conduire à un imbroglio général et je pense même que les rapporteurs de la proposition de loi initiale – Jérôme Bignon en rappelait l’histoire – en étaient un peu conscients, puisqu’ils ont ajouté un bricolage supplémentaire qui, à mon avis, restera dans les cours d’histoire du droit administratif, le bail réel immobilier littoral, le BRILi. Regardez bien la logique du BRILi : elle consiste à dire que, après quarante, cinquante ou soixante ans, celui qui a construit reprendra gentiment sa pioche pour démolir ce qu’il avait fait… Nous le savons tous, c’est l’État qui se retrouvera avec une charge supplémentaire.
Il y a donc de vrais problèmes dans ce texte, qui est inadapté. J’ai bien noté la manière dont l’État le perçoit, mais cela nous donne tout de même un temps de débat, qui pourra inspirer la future loi, laquelle ne doit pas trop tarder, cela a été dit.
Il y a, avec ce texte, un problème de méthode. Il existe des problèmes liés à la loi Littoral, nul n’en doute – je suis moi-même un élu du littoral, un élu breton.
M. Christophe Priou. Des Pays de la Loire !
M. Ronan Dantec. Il nous faut trouver des solutions dérogatoires répondant aux difficultés réelles. Les solutions dérogatoires ne doivent pas être un assouplissement de la loi, c’est l’erreur fondamentale de la démarche des auteurs de cette proposition de loi. Ils proposent un assouplissement là où il faudrait trouver les conditions de création d’un consensus pour instaurer des dérogations. Tant que l’on tentera de toucher, au moyen de bricolages, à la loi Littoral pour régler des cas particuliers, on arrivera toujours à la même situation : on aura des prises de position, plutôt politiques, où chacun pourra se tourner vers les élus locaux en disant qu’il a tenté quelque chose, mais on n’aura pas réellement avancé.
Par conséquent, remettons-nous tous autour de la table pour construire ce consensus à partir des cas précis que l’on connaît. Que l’aéroport de Brest-Guipavas soit bridé par la loi Littoral, en soi, est une aberration, et je peux vous citer d’autres cas…
M. Jean Bizet. Ne touchez pas aux aéroports ! (Sourires.)
M. Ronan Dantec. Je suis très attentif aux aéroports bretons, surtout à ceux qui existent…
À partir de là, si nous construisons un consensus, nous pouvons y arriver.
Pour conclure, je veux reprendre une formule du président Larcher – il ne s’agissait pas de la loi Littoral, mais c’est le même esprit. Gérard Larcher dit qu’il ne faut toucher à la Constitution que d’une main tremblante ; je crois qu’il en va de même avec la loi Littoral. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, fort de ses diversités, le patrimoine littoral et maritime de la France constitue un atout formidable, cela a été souligné à de nombreuses reprises cet après-midi. La Côte d’Albâtre, avec les célèbres falaises d’Étretat ou encore celles de Varengeville-sur-Mer surmontées du cimetière marin, compte ainsi des pépites inestimables.
Malheureusement, les atteintes à ce patrimoine naturel, qu’elles soient directement liées à l’activité de l’homme, avec l’urbanisation, ou qu’elles le soient indirectement, avec le réchauffement climatique, imposent la mise en œuvre de règles de protection. En Seine-Maritime, près d’un million de mètres cubes de falaise, soit entre dix et quinze centimètres de côte, s’effondrent chaque année.
La préservation du littoral est donc un impératif, mais sa protection ne doit pas se faire au détriment de sa valorisation. La sanctuarisation systématique des espaces littoraux et des espaces et milieux remarquables ne contribue pas forcément à leur préservation.
La proposition de loi, très attendue, de notre collègue Michel Vaspart reprend une précédente proposition de loi, devenue caduque, tout en réintroduisant dans la protection du littoral une dose de souplesse, qui rend le principe de développement durable applicable au littoral.
Cet objectif de développement durable impose d’abord d’adapter la protection aux projets de chaque territoire littoral, de manière pragmatique. Les maires sont soumis à la double contrainte du respect des règles d’urbanisme fixées par la loi et de la nécessaire valorisation économique de leur commune. Les projets économiques, notamment en milieu rural, s’appuient essentiellement sur le maintien de l’activité agricole et sur le développement d’une activité touristique complémentaire. Conformément au principe du développement durable, ces projets ne s’opposent pas à la protection de l’environnement, dès lors qu’ils sont maîtrisés.
L’article 9 de la proposition de loi, qui facilite la mise en œuvre de projets agricoles essentiels pour la préservation des espaces naturels, répond à cet objectif. Ainsi, l’élevage participe à la préservation des côtes, en limitant, grâce aux pâturages, le ruissellement.
Par ailleurs, la protection des espaces naturels de nos côtes doit pouvoir être conciliée avec la valorisation du patrimoine architectural sur les sites littoraux remarquables, a fortiori quand ces espaces naturels littoraux font l’objet d’une « Opération grand site ». Tel est le sens de mon amendement, dont l’objet est de permettre, sous certaines conditions, le changement de destination des bâtis situés sur les espaces et milieux remarquables.
En outre, la protection de notre littoral impose de prendre des mesures de prévention qui coûtent cher, notamment aux collectivités territoriales. La première des préventions concerne la lutte contre le ruissellement et la défense contre la mer. L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions concernant la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, ou GEMAPI, dont l’application a été assouplie, pose immédiatement la question de son financement.
M. Jean Bizet. Exactement !
Mme Agnès Canayer. Le Sénat est intervenu pour que puissent être financés par la taxe levée par les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, les ouvrages pour la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement.
Pour la défense contre la mer, le flou persistant sur l’interprétation de la notion d’ouvrage concerné, notamment sur les épis, repousse les investissements liés à leur maintenance et accroît le risque de recul du trait de côte.
Enfin, l’ampleur des actions de lutte contre le retrait du trait de côte impose de donner aux collectivités, notamment aux communes, des moyens financiers à la hauteur des coûts de ces travaux.
Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », créé en 1995, est aujourd’hui fortement altéré. Non seulement son champ d’action a été largement étendu sans véritable cohérence, mais surtout ses financements ont été plafonnés pour participer au redressement des comptes de la Nation. L’abondement du fonds, qui est essentiel pour financer les actions de prévention contre les atteintes de la nature sur nos côtes, doit être garanti et son accès doit être ouvert aux mesures de prévention prises par les collectivités qui agissent contre l’érosion des côtes.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai les amendements de mon collègue normand Jean Bizet, qui visent à déplafonner le fonds Barnier et à en ouvrir l’accès, et je voterai pour le texte de mon collègue breton, le sénateur Michel Vaspart, qui concilie avec justesse protection et valorisation du littoral. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plus d’un an, j’avais défendu devant la Haute Assemblée la prise en compte des risques littoraux dans l’aménagement de nos territoires côtiers. Maire pendant quinze ans d’une commune du Pas-de-Calais très concernée par le sujet de l’érosion, président de l’Association nationale des élus du littoral depuis 2012, je m’étais réjoui de voir aboutir un travail de plusieurs années entre les élus et l’État.
En effet, à chaque nouvelle tempête, tous les élus du littoral constatent les effets du changement climatique. Les événements climatiques ayant affecté notre pays – des ouragans Irma, José et Maria ayant touché les Antilles, à la rentrée 2017, aux diverses tempêtes qui ont balayé la métropole à la fin de l’année dernière, en passant, plus récemment, par le cyclone Berguitta à La Réunion – ont à nouveau démontré l’urgence à agir en matière de prévention des risques littoraux.
Je salue d’ailleurs la mise en place à l’Assemblée nationale d’une mission d’information sur la gestion des événements climatiques majeurs dans les zones littorales, présidée par Maïna Sage, députée de la Polynésie française.
Par essence, le littoral est instable et toujours en évolution. Nous en avons, au quotidien, des illustrations concrètes, sur nos rivages, liées à l’attaque des vagues et à l’érosion éolienne. À ces phénomènes s’ajoutent les effets des ouvrages de défense contre la mer, qui, construits pour protéger les côtes, ont parfois entraîné le dégraissement ou l’engraissement des plages.
Depuis la tragédie de la tempête Xynthia, un travail considérable a été accompli par les services de l’État et par les élus. Un appel à projets, évoqué par Jérôme Bignon, pour la relocalisation des biens et des activités avait été lancé en 2014 par l’État, et cinq territoires littoraux y ont participé. Nous avons besoin d’un suivi de cet appel à projets, qui n’envisageait que des solutions à droit constant, alors qu’il semble nécessaire de trouver des solutions juridiques pour régler les situations d’urgence, ce qui n’exclut pas de réfléchir à de nouvelles formes d’urbanisme pour l’avenir.
Tel était l’objet de la proposition de loi initiale : adapter le droit à un trait de côte perpétuellement en mouvement et aux événements météorologiques violents, toujours plus fréquents. L’interruption de la session parlementaire a suspendu l’examen de ce texte. Est-on pour autant reparti de zéro ? Je ne le crois pas.
Les événements climatiques de 2017 ont donné raison aux parlementaires qui avaient bien vu l’urgence d’un tel texte. J’ai en tête les images impressionnantes de l’ouragan Irma et, plus modestement, celles qui furent prises au début de ce mois sur la plage de la commune de Merlimont, dont j’ai été le maire, qui perd chaque année des tonnes de sable à cause du vent et des houles de plus en plus fortes.
Des enseignements peuvent être tirés des débats approfondis qui ont eu lieu, l’an dernier, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ces discussions ont montré que des consensus pouvaient émerger autour de ce texte : la définition du recul du trait de côte, la reconnaissance juridique de la stratégie nationale et des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, la création de zones d’activité résiliente et temporaire, associées au bail réel immobilier littoral. Toutes ces innovations législatives ont été reconnues comme correspondant à un réel besoin des élus du littoral. Je soutiendrai donc ces dispositions, qui apportent des outils supplémentaires aux élus littoraux.
Les discussions de l’an dernier nous ont aussi rappelé le fort attachement des Français à la loi Littoral, garante de la protection de nos côtes. J’ai toujours défendu cette loi et, au moment de fêter ses trente-deux ans d’existence, je la défendrai encore et je veillerai à l’application équilibrée de ses deux volets, préservation et développement du littoral.
Toute modification de la loi Littoral doit être impérativement justifiée et encadrée, et les élus du littoral y sont extrêmement attentifs. Il ne s’agit pas « d’ouvrir la boîte de Pandore » en autorisant un « détricotage » de cette loi ; personne ne le souhaite. Ces dérogations à l’obligation d’urbanisation en continuité répondent à un besoin. Elles seront définies par les élus, les services de l’État et la commission départementale de la nature, des paysages et des sites dans le cadre de stratégies de territoire, et se feront hors des espaces proches du rivage, à l’exception, bien entendu, cher Michel Vaspart, des cultures marines, qui nécessitent la proximité de l’eau.
En ce qui concerne les dispositions relatives à l’indemnisation des biens endommagés, nous évoquerons bien sûr, durant ces discussions, le fonds Barnier, qui reste plafonné et dont il faudrait peut-être, madame la secrétaire d’État, réexaminer les cibles.
Mes chers collègues, c’est en disposant d’une information complète et dans un esprit de coconstruction intelligente entre les services de l’État et les élus que nous devrons faire évoluer l’aménagement de notre littoral.
Pour terminer, madame la secrétaire d’État, je veux réagir à votre propos liminaire. L’érosion côtière d’aujourd’hui, c’est la submersion de demain. Ne pas y voir un risque est une erreur stratégique. C’est ne pas s’attacher à ce qui nous manque en France, à savoir la culture du risque. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « continuer à vivre sur le bord de mer, à préserver les paysages, à développer le tourisme, les commerces, les activités implique aussi de vivre différemment et de s’adapter au phénomène de recul du trait de côte ». C’est cet impératif que rappelait Pascale Got, députée de la Gironde, dans sa proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique.
Le texte que nous étudions cet après-midi – cela a été rappelé, mais je veux malgré tout insister sur ce point – reprend en quasi-totalité les dispositions défendues par ma collègue girondine il y a tout juste un an. Je salue son travail et son engagement constant, ainsi que celui des membres du comité national de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, des élus de terrain et des associations environnementales. Malheureusement, la navette parlementaire avait été interrompue ici même. Une occasion manquée, donc, pour des dispositions qui proposaient, en plus de ceux existant déjà, des outils nouveaux à destination des communes, afin de mieux protéger les écosystèmes, d’aider à la gestion des zones soumises à l’érosion côtière, de sécuriser et d’harmoniser les documents d’urbanisme proposés par les élus et, enfin, d’apporter une solution à l’indemnisation des copropriétaires du Signal.
Le volet préventif, prospectif, d’anticipation du texte est bien évidemment primordial, mais je souhaite, dans cette discussion générale, insister sur la nécessité, aussi, de réparer ce qui n’a pas été anticipé. Permettez-moi, à cet égard, d’évoquer l’exemple de l’ensemble immobilier Le Signal, en Gironde.
Situé sur la falaise dunaire, construit il y a près de cinquante ans, dans le cadre des projets d’aménagement de la côte aquitaine, à l’origine à 200 mètres du front de mer, il a bénéficié d’un permis de construire accordé par l’État. Il est aujourd’hui face à un danger imminent d’effondrement. C’est ainsi que, dès 2011, les 75 propriétaires ont reçu un ordre d’évacuation définitive avec interdiction d’habiter ou de pénétrer dans les lieux, et ce sans indemnités, car ils seraient prétendument non éligibles au fonds Barnier. Cette affaire a donné lieu, depuis lors, à une bataille juridique, bataille non aboutie à ce jour, puisque, sur décision du Conseil d’État, le dossier vient d’être porté devant le Conseil constitutionnel, qui va devoir se prononcer.
Depuis la tempête de 2010, la situation de cette résidence fait périodiquement l’objet de nombreuses chroniques dans les médias, photos à l’appui. Ce qui n’est pas périodique, hélas ! c’est la situation intenable des propriétaires, pour la plupart de modestes retraités, expropriés, privés de leurs biens, contraints de se reloger à leurs frais.
L’article 3 du présent texte crée un montage spécifique pour la mise en œuvre d’un régime d’indemnisation transitoire. Celui-ci s’appliquerait pour les interdictions définitives d’habitation ou d’occupation des lieux résultant d’un risque de recul du trait de côte, lorsque des permis de construire auront été délivrés par les services de l’État.
Le problème spécifique de l’indemnisation des copropriétaires du Signal, à Soulac-sur-Mer, trouverait alors une réponse, sans pour autant qu’un « effet d’aubaine » soit suscité. Ce ne serait que réparation. C’est pourquoi l’article 3 de la proposition de loi doit impérativement être voté. Ne décevons pas les propriétaires concernés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Marie-Thérèse Bruguière et Colette Giudicelli applaudissent également.)