M. Jean-Louis Tourenne. Le plancher de l’indemnité versée en cas de non-respect de la priorité de réembauche est réduit de deux à un mois : encore une division par deux ! De là à penser qu’il s’agit d’acharnement…
Nous demandons le rétablissement du plancher à deux mois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 49
Insérer vingt-huit alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 1242-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1242-8. – La durée totale du contrat de travail à durée déterminée ne peut excéder dix-huit mois compte tenu, le cas échéant, du renouvellement intervenant dans les conditions prévues à l’article L. 1243-13.
« Cette durée est réduite à neuf mois lorsque le contrat est conclu dans l’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée ou lorsque son objet consiste en la réalisation des travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité.
« Elle est portée à vingt-quatre mois :
« 1° Lorsque le contrat est exécuté à l’étranger ;
« 2° Lorsque le contrat est conclu dans le cadre du départ définitif d’un salarié précédant la suppression de son poste de travail ;
« 3° Lorsque survient dans l’entreprise, qu’il s’agisse de celle de l’entrepreneur principal ou de celle d’un sous-traitant, une commande exceptionnelle à l’exportation dont l’importance nécessite la mise en œuvre de moyens quantitativement ou qualitativement exorbitants de ceux que l’entreprise utilise ordinairement. Dans ce cas, la durée initiale du contrat ne peut être inférieure à six mois et l’employeur doit procéder, préalablement aux recrutements envisagés, à la consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe.
« Ces dispositions ne sont pas applicables au contrat de travail à durée déterminée conclu en application de l’article L. 1242-3 » ;
…° Les articles L. 1242-8-1 et L. 1242-8-2 sont abrogés ;
…° L’article L. 1243-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1242-13. – Le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche. » ;
…° L’article L. 1243-13-1 est abrogé ;
…° L’article L. 1244-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-3. – À l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat, renouvellement inclus. Ce délai de carence est égal :
« 1° Au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus ;
« 2° À la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours.
« Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné. » ;
…° L’article L. 1244-3-1 est abrogé ;
…° L’article L. 1244-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-4. – Le délai de carence n’est pas applicable :
« 1° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;
« 2° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité ;
« 3° Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier ou pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi ;
« 4° Lorsque le contrat est conclu pour assurer le remplacement de l’une des personnes mentionnées aux 4°et 5° de l’article L. 1242-2 ;
« 5° Lorsque le contrat est conclu en application de l’article L. 1242-3 ;
« 6° Lorsque le salarié est à l’initiative d’une rupture anticipée du contrat ;
« 7° Lorsque le salarié refuse le renouvellement de son contrat, pour la durée du contrat non renouvelé. » ;
…° L’article L. 1244-4-1 est abrogé ;
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’article 22 de l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail prévoit de confier à la négociation de branche les règles relatives à la durée des contrats à durée déterminée, alors que ce champ relevait auparavant de la loi d’ordre public.
Le nouvel article L. 1242-8 du code du travail résultant de l’ordonnance n° 2017-1387 ne mentionne même plus de durée maximale pour les CDD. Ainsi, les branches ne sont plus contraintes par une durée maximale alors que la loi fixait auparavant un délai de dix-huit mois, renouvellement inclus. Le délai légal de dix-huit mois ne s’applique plus qu’à défaut d’accord de branche étendu, de manière supplétive.
Ces dispositions marquent le recul de la loi commune et encouragent une négociation de régression au détriment des protections dont pouvaient bénéficier les salariés, notamment les plus précaires, les femmes et les jeunes en particulier.
Je rappelle que les femmes sont plus souvent à temps partiel que les hommes. La proportion de femmes salariées à temps partiel dans les TPE, les très petites entreprises, est deux fois et demie plus importante que la proportion d’hommes à temps partiel : 41,4 % des femmes qui travaillent sont concernées, contre 15,5 % des hommes – madame la ministre, je pense que vous avez connaissance de ces chiffres.
Le recours aux contrats courts est d’ailleurs plus fréquent dans les TPE, avec 13,1 % de contrats à durée déterminée, contre 9,5 % de salariés en CDD dans les entreprises de 10 à 19 salariés.
Il est donc indispensable d’encadrer les négociations de branche par une norme supérieure. Pour ces raisons, nous demandons le retrait de ces dispositions et le rétablissement du droit antérieur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission considère que l’ordonnance donne plus de poids aux accords de branche étendus pour déterminer la durée maximale des CDD, le nombre de leurs renouvellements et les règles du délai de carence, dans le respect de l’ordre public social fixé par la loi.
Mes chers collègues, faisons confiance aux partenaires sociaux de la branche.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. La gestion de la qualité de l’emploi, incluant les modalités relatives aux CDD, fait partie de ces sujets issus des discussions engagées avec les partenaires sociaux. L’idée, encore une fois, c’est bien de faire confiance au dialogue social dans le cadre de la branche pour adapter les règles au regard des différences qui peuvent exister selon les métiers.
Cela étant, n’oublions pas le caractère supplétif de la loi : si les partenaires sociaux ne se mettent pas d’accord, la loi s’applique. La disposition visée par le présent amendement n’emporte donc aucun risque par rapport aux droits des salariés. Elle repose au contraire, une nouvelle fois, sur la confiance, sur le fait que ces droits peuvent aussi être améliorés d’un commun accord. Telle est toute la philosophie des ordonnances.
Par conséquent, le Gouvernement est évidemment contraint d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par Mme C. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 52
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 1442-17 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1442-17. – Le conseiller prud’homme qui refuse de se faire installer ou qui a été déclaré démissionnaire peut d’office ou à sa demande être relevé de l’incapacité prévue par l’article L. 1441-10. » ;
…° L’article L. 1442-18 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « , ou de quatre ans à partir de la déchéance » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « dans le premier cas et quatre ans dans le second » sont supprimés ;
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, dont l’objet est de supprimer toute possibilité de relèvement en cas de déchéance prononcée par la Commission nationale de discipline des conseillers prud’hommes, par cohérence avec les nouvelles sanctions disciplinaires prévues par la loi du 6 août 2015.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 131, présenté par MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe, Taillé-Polian et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 52
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 1471-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « exécution », sont insérés les mots : « ou la rupture » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables » sont remplacés par les mots : « Le premier alinéa n’est toutefois pas applicable » ;
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.
M. Jean-Louis Tourenne. Par cet amendement, nous entendons rétablir le délai de recours à deux ans en cas de rupture du contrat de travail. D’une manière générale, les délais n’ont cessé d’être réduits pour sécuriser les employeurs. Le délai d’un an nous semble trop court, parce qu’il nous amènerait à la situation paradoxale dans laquelle le requérant aurait moins de temps pour monter son dossier que les tribunaux n’en auraient pour l’instruire, puisque certaines procédures en région parisienne durent près de deux ans.
Lorsqu’un salarié est victime d’un licenciement, les conséquences psychologiques peuvent être lourdes et son premier réflexe ne sera pas forcément de mettre en question la légalité de son licenciement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Il est vrai que la loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013 a réduit de cinq à deux ans ce délai de prescription. Dans la même lignée, la troisième ordonnance a dédoublé ce dernier : il reste de deux ans pour les actions portant sur l’exécution du contrat de travail, mais est réduit à un an pour les actions visant la rupture de ce contrat.
Ce délai de réflexion d’un an est, selon la commission, suffisant. Je rappelle que la règle de droit commun pour attaquer un acte administratif, notamment quand il concerne un agent public, est de deux mois seulement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’avis est également défavorable. L’objectif était d’harmoniser tous les délais de recours de droit commun en cas de rupture du contrat de travail, ramenés à un an dans l’ordonnance.
Monsieur le sénateur, les comparaisons internationales que nous avons effectuées le montrent, même réduit à un an, le délai permet de prendre en compte la dimension psychologique du licenciement que vous évoquez à juste titre.
En Allemagne, et cela montre que nous ne la prenons pas toujours comme modèle, contrairement à ce que j’ai pu entendre précédemment, ce délai est de trois semaines, ce qui n’était absolument pas envisageable.
Un délai d’un an me paraît une solution équilibrée. Il est plutôt plus important que dans de nombreux autres pays européens. Il est suffisant pour englober le temps de l’émotion, de la réflexion, de la réaction et de la contestation.
M. le président. L’amendement n° 51, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 52
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le dernier alinéa de l’article L. 3122-15 est supprimé ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 32 de l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail instaure une présomption de conformité aux dispositions d’ordre public pour tous les accords d’entreprise portant sur la mise en place du travail de nuit. Concrètement, cela signifie que, quel que soit le motif du recours au travail de nuit, l’accord bénéficie d’une présomption de légalité.
Pourtant, les risques de cancer, notamment de la peau et du sein, augmentent de 19 % en moyenne pour les femmes travaillant de nuit pendant plusieurs années. Ce chiffre est issu d’une étude sérieuse, au cours de laquelle les chercheurs ont passé en revue 61 travaux de recherche portant sur 3,9 millions de participants et couvrant plus de 100 000 patients.
Chez les travailleurs de nuit, le sommeil est en effet très affecté. La plupart des études l’ont montré, le travail de nuit entraîne une réduction du temps de sommeil d’au moins une à deux heures. L’accroissement des risques s’explique non pas seulement par la diminution du temps global de sommeil, mais plutôt par ce que l’on appelle la désynchronisation, c’est-à-dire l’exposition à des perturbations majeures de l’horloge biologique.
C’est pourquoi, dans un souci de santé publique, il nous semble indispensable de rétablir un encadrement du travail de nuit par un accord collectif, mais aussi de lever la présomption de légalité des accords d’entreprise mettant en place un tel dispositif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Mon cher collègue, je comprends vos interrogations. Il ne faudrait évidemment pas banaliser le travail de nuit en raison de ses conséquences sur la santé des travailleurs.
Mais cette présomption de légalité n’est pas absolue : le juge pourrait annuler un accord ou écarter son application dans un litige individuel s’il est manifestement contraire aux dispositions de l’article L. 3122-1 du code du travail.
Je le rappelle également, cet article prévoit que « le recours au travail de nuit est exceptionnel » ; qu’il doit prendre en compte « les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » ; et qu’il doit être « justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. »
Conservons cette présomption de légalité et tirons un bilan de son application dans un an ou deux. Pour le moment, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je le rappelle à mon tour, le code du travail dispose, cela ne change évidemment pas, que « le recours au travail de nuit est exceptionnel » et qu’il n’est justifié que « par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. »
À défaut de définition légale, les tribunaux, dans le cadre des contentieux engagés, sont amenés à délimiter les contours de cette justification, ce qui crée une certaine forme d’insécurité juridique.
Depuis la loi du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le recours à la négociation collective est obligatoire pour la mise en place du travail de nuit. Les justifications que doit comporter un tel accord doivent correspondre à l’un des deux cas prévus par le code du travail : la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
Monsieur le sénateur, il n’est pas question d’y revenir. Vous avez raison, le travail de nuit doit rester exceptionnel, puisque, on le sait, il n’est pas sans conséquence.
La loi confie également aux partenaires sociaux la responsabilité de prévoir les contreparties au travail de nuit, ainsi que les mesures destinées à faciliter pour les salariés travaillant la nuit l’articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle.
La prise en compte des sujets de santé dans le cadre de ces contreparties est un élément d’autant plus important que la connaissance sur les effets du travail de nuit est maintenant plus fine.
Il est vrai que l’article 32 de l’ordonnance présume la légitimité des partenaires sociaux à incarner l’intérêt collectif, dans ce domaine comme dans les autres. C’est ce sur quoi repose l’économie des ordonnances.
En droit, la règle générale est que la charge de la preuve incombe à celui qui se plaint, en l’espèce, la partie, signataire ou non de l’accord, qui considère que les deux motifs justifiant le travail de nuit prévus par le code du travail n’ont pas été respectés.
Par ce projet de loi, nous entendons promouvoir une société de confiance, au travers d’un dialogue social exigeant, bien loin du pouvoir unilatéral de l’employeur. Faut-il le rappeler, tous les accords devront être majoritaires. Pour ce qui est du rôle des partenaires sociaux en la matière, nous ne changeons rien pour ce qui concerne les conditions autorisant le recours exceptionnel au travail de nuit, rien quant à la nécessité pour les partenaires sociaux de négocier les contreparties, rien non plus à l’égard des possibilités de recours.
La seule modification, et c’est pour nous un point très important, consiste à considérer qu’un accord, dès lors qu’il est conclu, est présumé justifié. Cela n’ôte rien aux possibilités de recours mais est totalement cohérent par rapport à cette vision du droit social qui transparaît dans les ordonnances : oui, l’accord a une valeur, les partenaires sociaux veillent à l’intérêt général, donc à celui des salariés.
Nous serons bien sûr vigilants sur ce sujet. Je n’ai moi-même aucune inquiétude, car je ne connais pas d’accord sur le travail de nuit qui ne prévoie pas un encadrement très précis par les partenaires sociaux. Si un dérapage devait être constaté, il y aurait un recours sur lequel le juge serait appelé à se prononcer.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je ne suis pas complètement convaincu par les explications de M. le rapporteur sur cette question de la présomption de légalité. Certes, la possibilité existe d’un recours contentieux dans le cas d’un litige individuel, mais on imagine les difficultés qu’il y aurait à engager un tel processus.
J’entends bien qu’il s’agit d’un dispositif exceptionnel. N’oublions tout de même pas les millions de travailleuses plus particulièrement concernées et les risques récurrents de cancers. C’est un problème de santé publique qui mériterait d’être traité de manière un peu plus sérieuse. Renvoyer au dialogue social, c’est un peu facile ; prétendre qu’un accord d’entreprise suffira à régler toutes les questions, c’est pour le moins ambitieux.
Madame la ministre, je vous le dis très simplement, la mesure que vous proposez ne règle en rien le recul qui a été entériné dans la précédente loi Travail, dite loi El Khomri. Sous couvert d’une pénurie de médecins du travail, cette dernière a prolongé le délai prévu entre deux visites médicales, fixé pendant très longtemps, si ma mémoire est bonne, à six mois.
Voilà autant d’éléments qui font émerger une banalisation du travail de nuit, alors que c’est un problème de santé publique. Et puisque l’on propose d’aller vers l’égalité hommes-femmes et que nombreuses sont les femmes qui sont victimes du travail de nuit, cette question aurait dû être traitée autrement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 52, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 58 à 61
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
9° L’article L. 8241-3 est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’article 33 de l’ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail prévoit de faciliter le prêt de main-d’œuvre des grandes entreprises vers les petites.
Concrètement, pendant une durée d’au plus deux ans, les groupes ou les entreprises d’au moins 5 000 salariés pourront mettre à disposition leurs salariés auprès de jeunes entreprises de moins de huit ans d’existence ou de PME d’au plus 250 salariés. Cette opération sera considérée comme dépourvue de but lucratif, y compris lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires versés au salarié, aux cotisations sociales et aux frais professionnels.
Une telle disposition permettra aux grandes entreprises d’externaliser leur main-d’œuvre dans des petites entreprises, qui deviendraient de fait leurs sous-traitants, sans qu’elles assument la totalité de la prise en charge des salaires.
Le risque est grand, de notre point de vue, d’accroître le pouvoir des donneurs d’ordre sur les sous-traitants. C’est pourquoi nous demandons l’abrogation d’une telle disposition.
M. le président. L’amendement n° 161 rectifié, présenté par Mme Schillinger, MM. Lévrier, Amiel et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 59
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au 1° du même I, après les mots : « Pour les entreprises utilisatrices, », sont insérés les mots : « aux personnes morales dont la liste est fixée aux a à g du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts, » ;
II. – Après l’alinéa 60
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le premier alinéa du même II est complété par les mots : « ou est égal à zéro ».
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a introduit un nouveau dispositif de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif destiné à sécuriser la mise à disposition de salariés, souvent hautement qualifiés, apportant leurs compétences à des jeunes entreprises ou à des PME.
Afin d’assurer que les structures bénéficiant aujourd’hui du mécénat de compétences, lequel prend souvent la forme d’un prêt de main-d’œuvre, puissent bien inscrire l’accueil de salariés pour des projets d’intérêt général ou d’utilité sociale dans ce nouveau cadre juridique, cet amendement vise à étendre expressément la définition des entreprises utilisatrices figurant à l’article L. 8241-3 du code du travail à ces personnes morales dont la liste est fixée dans le code général des impôts.
Ainsi, des structures associatives ou des fondations pourront accueillir, dans les conditions prévues par le code du travail, des salariés de grandes entreprises sans encourir aucun risque juridique ni fiscal.
Par ailleurs, cet amendement a pour objet de préciser les possibilités de facturation des charges correspondant au salarié prêté par son employeur à l’entreprise d’accueil, en confirmant la possibilité de prêts à titre gratuit, avec une facturation de charges nulles, qui pourront bénéficier à des entreprises ou associations disposant de moyens très limités pour s’attacher l’apport de compétences nouvelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 52, je voudrais dissiper un malentendu. Contrairement à ce qui est écrit dans son objet, l’entreprise prêteuse devra assumer la totalité de la rémunération des salariés mis à disposition, qui conservent évidemment leur rémunération d’origine.
Ce n’est que dans la facturation du prêt calculée par la grande entreprise que celle-ci pourra prévoir un niveau inférieur au coût réel, afin, justement, de donner un coup de pouce à l’entreprise d’accueil.
Concrètement, un ingénieur chevronné employé dans un grand groupe pourra conserver son salaire lorsqu’il est mis à la disposition d’une start-up, tandis que l’entreprise d’accueil ne remboursera, par exemple, que la moitié du coût réel du prêt.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui est de l’amendement n° 161 rectifié, l’élargissement aux associations du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif a paru utile à la commission. Faute d’être mentionnées explicitement, les associations pourraient en effet être exclues du dispositif.
Cet amendement vise également à préciser que la facturation du prêt de la structure prêteuse à la structure d’accueil peut être nulle, afin de ne pas remettre en cause les actions de mécénat de compétences qui existent aujourd’hui.
C’est donc un avis favorable qu’émet la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?