M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai déjà largement évoqué cette motion dans mon propos liminaire. Nous n’avons pas réussi à aboutir à un accord en commission mixte paritaire. Le Gouvernement vient de nous confirmer, par la voix du secrétaire d’État, que le texte allait dans une très large mesure être rétabli à l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons donc pas nous mettre d’accord sur des dispositions que nous considérons comme absolument essentielles. Je pense notamment au quotient familial ou à la taxe d’habitation. Encore une fois, nous ne considérons pas que cette dernière soit l’impôt le plus juste, mais elle méritait mieux : plutôt que de l’amputer d’une partie de son montant, nous aurions pu nous entendre sur la nécessité d’élaborer une réforme fiscale d’envergure.
L’Assemblée nationale n’a pas non plus entendu les arguments du Sénat sur l’impôt sur la fortune immobilière, qui frappera l’avertissement productif alors même que des investissements totalement improductifs seront exclus de l’assiette de l’imposition.
On peut aussi regretter que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu un certain nombre d’avancées que le Sénat avait pourtant adoptées à l’unanimité. Je pense notamment aux dispositions relatives à la fiscalité numérique ou à la lutte contre la fraude à la TVA. À ce sujet, nous avions proposé d’instaurer une responsabilité solidaire des plateformes, qui aurait permis de s’assurer du paiement effectif de la TVA quand celle-ci est collectée par des vendeurs en ligne.
Je ne parlerai pas longuement de l’article 52 du projet de loi de finances ; un certain nombre de collègues, siégeant sur toutes les travées, s’étaient fortement investis pour trouver une solution en matière de logement. A certes été retenue l’augmentation, de 5,5 % à 10 %, de la TVA sur le logement, mais nos autres avancées n’ont malheureusement pas été conservées, alors que nous pouvions aboutir à une solution relativement consensuelle.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a rétabli les crédits d’un certain nombre de missions que nous avions rejetés, sans pour autant considérer les pistes d’économies que nous avions proposées, par exemple en ce qui concerne la fonction publique territoriale.
En conclusion, compte tenu des divergences existantes, je crains malheureusement qu’une nouvelle lecture ne permette pas de concilier les points de vue entre l’Assemblée nationale et le Sénat. C’est la raison pour laquelle la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, afin d’éviter un débat que nous considérons comme inutile. Sinon, nous nous retrouverons entre Noël et le 31 décembre pour une nouvelle lecture complète. J’y suis, pour ma part, prêt, mais je ne sais pas si nos collègues sont tous dans ce cas… (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un calendrier parlementaire chargé. Le texte qui revient aujourd’hui devant notre assemblée est, malgré ce que vous en dites, monsieur le rapporteur général, enrichi du dialogue parlementaire, enrichi de débats qui ont souvent franchi les limites de l’hémicycle, enrichi de notre expérience.
En particulier, sur la question du logement, des mesures présentées sur l’initiative du sénateur Dallier, très engagé sur ce dossier, et soutenues avec conviction par une majorité d’entre nous ont été ancrées dans le texte : c’est le cas du relèvement du taux de TVA à 10 % pour la plupart des opérations réalisées dans le cadre de la politique sociale du logement. D’autres mesures importantes ont été conservées, comme celle qui, à l’article 4, vise à préciser le régime de calcul de la TVA pour la presse en ligne.
Sur ce dernier sujet, comme sur l’évolution économique en général, le Sénat montre son engagement en faveur de la nouvelle économie. Nous avons su, de manière transpartisane, mettre sur la table et discuter des mesures qui, même si elles n’ont pas toutes été adoptées, serviront de base aux textes futurs – je pense en particulier aux dispositions issues du rapport du Sénat relatif à la fiscalité de l’économie collaborative.
Mes chers collègues, nous avons aujourd’hui un choix à faire : soit nous poursuivons le débat et mettons en avant l’expertise du Sénat pour attirer l’attention du Gouvernement et des médias sur les problèmes quotidiens des Français, soit nous mettons fin à la discussion sur le projet de budget de l’État, qui est, je le rappelle, au fondement même de l’existence du Parlement.
Même si l’arrêt de la discussion budgétaire au Sénat n’aurait pas de conséquence particulière sur le processus budgétaire, il signifierait tout de même que nous nous défaussons sur l’Assemblée nationale ; voilà ce que nous afficherions en adoptant la motion tendant à opposer la question préalable. Au fond, cela signifierait que le Sénat n’existe pas, ne compte pas. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cécile Cukierman. Vu comme il a été respecté à l’Assemblée nationale, ça ne change rien ! Les députés ont décidé de s’asseoir sur notre travail !
M. Xavier Iacovelli. Dites-le au Gouvernement, il est présent !
M. Richard Yung. C’est le sens de ce que vous vous apprêtez à voter, mes chers collègues ! Il ne sert à rien de crier, c’est la vérité ! (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Patrick Kanner. C’est un peu court !
M. Martial Bourquin. C’est votre vérité !
M. Richard Yung. Ce sera interprété ainsi par le pays ! Rappelez-vous : lorsque, l’année dernière, vous avez bloqué d’emblée la discussion du projet de loi de finances, cela a eu des répercussions dans le pays. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. René-Paul Savary. Le budget était insincère !
M. Patrick Kanner. Les socialistes étaient au pouvoir, à ce moment-là ! Vous avez retourné votre veste !
M. le président. Mes chers collègues, seul l’orateur a la parole !
M. Richard Yung. L’option proposée par le rapporteur général me paraît hautement dommageable pour notre institution.
Elle est dommageable, en premier lieu, du point de vue institutionnel, parce que la navette a prouvé son utilité. Quand la commission mixte paritaire n’aboutit pas aux conclusions que vous souhaitez, vous refusez la discussion ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Toutes les CMP ne retiennent pas l’ensemble des propositions du Sénat, vous le savez très bien.
En première lecture, notre assemblée a adopté conformes 91 articles, ce qui représente plus de la moitié du texte transmis par l’Assemblée nationale. Ensuite, l’Assemblée nationale a adopté conformes 45 articles issus des travaux du Sénat. Faisons les comptes : à ce stade, les deux chambres sont d’accord sur près des trois quarts du texte. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Nous ne sommes pas d’accord sur tout ? Ce n’est pas une raison pour abandonner la discussion.
En second lieu, refuser le débat est dommageable pour notre institution au regard de l’opinion. Nous devons en être conscients. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur du groupe Les Républicains. Godillot !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez respecter l’orateur et faire silence.
M. Richard Yung. Il y en a eu d’autres, des godillots !
Les Français, nous le savons, mettent en question le bicamérisme quand ils consultent la presse, quand ils découvrent certaines pratiques indignes, quand le Sénat refuse la discussion sur le budget de l’État ou de la sécurité sociale.
M. Guy-Dominique Kennel. Et vous, vous refusez de l’entendre !
M. Richard Yung. Nous sommes tous ici les premières cibles lorsque le Sénat s’entête dans une posture politique. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.) Bien sûr, il n’y aura pas d’accord avec l’Assemblée nationale. Est-ce anormal ? Non, c’est la règle de la démocratie ; par conséquent, qui s’en étonnerait ?
En conclusion (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), parce que le groupe La République En Marche croit aux vertus du dialogue et souhaite proposer aux Français l’image d’une seconde chambre qui relit, corrige et peaufine, nous voterons contre cette motion.
M. Laurent Duplomb. En marche arrière !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien entendu les arguments contre la motion. Je pourrai la retirer si j’obtiens une réponse positive aux deux questions suivantes.
Premièrement, le Gouvernement est-il prêt à émettre un avis favorable ou de sagesse sur un certain nombre d’amendements du Sénat ?
Deuxièmement, les collègues qui s’apprêtent à voter contre la motion sont-ils disposés à siéger le 26 ou le 27 décembre ?
M. Richard Yung. Bien sûr, même le 25 !
M. Martial Bourquin. Si c’est pour supprimer la flat tax, je viens ! Et si c’est pour rétablir l’ISF, je viens même le jour du Nouvel An !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dont acte, mais le Gouvernement ne semble pas décidé à donner un avis favorable à un certain nombre d’amendements du Sénat. J’ai donc quelques doutes sur l’opportunité de retirer la motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement sur la motion est naturellement défavorable, puisqu’il souhaite que le débat puisse se poursuivre.
Le Gouvernement a donné des avis favorables ou de sagesse à certains amendements du Sénat, issus de tous les groupes, mais il n’est pas seul à décider. À ce stade de la procédure, il s’agit d’une discussion entre les deux assemblées. La CMP ayant échoué, vous savez parfaitement quelle sera la procédure s’il y a des divergences entre elles après la nouvelle lecture. Le Gouvernement s’en tiendra évidemment aux positions qu’il a défendues au cours de la première lecture, quelles que soient les circonstances et la suite de la procédure.
Par ailleurs, je ne me prononcerai pas sur la seconde question, ne voulant pas contribuer à gâcher les vacances du rapporteur général !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’entends les arguments du rapporteur général. Je déplore, comme lui, que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu certaines dispositions que nous avions adoptées à l’unanimité ou presque, notamment le relèvement du plafond du quotient familial, sachant que la précédente majorité a beaucoup tapé sur les familles.
Pour autant, j’observe également que le Sénat a tout de même, sinon fait preuve de jusqu’au-boutisme, du moins été un peu loin en supprimant purement et simplement l’ISF, alors même que, comme l’a indiqué notre collègue Gérard Longuet, aucun parlementaire de droite n’avait soutenu cette position depuis 1986.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale ne pouvait évidemment pas davantage suivre le Sénat sur la suppression pure et simple de la réforme de la taxe d’habitation.
Enfin, sur un plan plus personnel, je note, monsieur le rapporteur général, que la commission des finances motive le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable par le fait que les crédits de la mission « Travail et emploi » n’ont pas été modifiés par l’Assemblée nationale. Il faut rester cohérent, monsieur le rapporteur général ! En effet, les crédits de cette mission ont été adoptés sans aucune réserve par la commission des finances du Sénat à deux reprises, les 7 et 23 novembre, avant que, en séance publique, à l’occasion d’un pataquès incompréhensible, le groupe Les Républicains ne change d’avis et ne les rejette ! Ces crédits étaient tout à fait satisfaisants et nous l’avons toujours souligné en commission des finances. Il faut être clair sur ce point.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et territoires s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. La question qui se pose n’est pas celle du calendrier, monsieur le rapporteur général. Il s’agit plutôt d’une question de posture.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit de la capacité du Gouvernement à évoluer !
M. Pascal Savoldelli. La majorité sénatoriale essaie de donner l’impression de se démarquer de la majorité présidentielle, mais ce n’est pas facile !
Certains veulent supprimer tout de suite en totalité l’impôt de solidarité sur la fortune, quand d’autres, plus modérés, reprennent une très vieille proposition, populiste à mes yeux, consistant à passer par l’étape intermédiaire d’un impôt sur l’immobilier. Cependant, in fine, ils vont tous dans la même direction.
Cette orientation n’est guère réjouissante : son coût, qui sera supporté par les salariés et les couches moyennes, devait être initialement de 3,2 milliards d’euros, puis on est passé à 4,2 milliards d’euros, et enfin la majorité du Sénat a alourdi encore la facture pour la porter à 5 milliards d’euros !
Sur la question de l’exonération de la taxe d’habitation, il y aurait aussi beaucoup à dire. Il est précisé, dans le texte de la motion, que cette mesure « présente d’importants risques constitutionnels en maintenant l’impôt sur 20 % des contribuables qui acquittent d’ores et déjà 83 % de l’impôt sur le revenu ».
Il y a dans le dépôt de cette motion un aspect tacticien, éloigné des préoccupations des gens. Nous ne la voterons pas, parce que cette dimension tacticienne et politicienne exclut une partie de la population française.
Comment se fait-il que, dans notre beau pays, 80 % des contribuables ne paient que de 16 % à 17 % de l’impôt sur le revenu ? Répondre à cette question amène à révéler comment vit la majorité des femmes, des hommes et des jeunes. Cette réalité est d’une tout autre portée que cette motion très politicienne !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-5, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je rappelle en outre que l’avis du Gouvernement est défavorable.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Pour l’adoption | 197 |
Contre | 135 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances pour 2018 est rejeté.
Je vais suspendre la séance afin de permettre à la commission des finances de se réunir pour examiner les amendements déposés sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je précise que la commission des finances se réunit immédiatement dans sa salle habituelle. Il n’y a que trois amendements sur ce texte, nous aurons donc achevé leur examen avant les questions d’actualité au Gouvernement.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
4
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat, le respect des uns et des autres, ainsi que celui du temps de parole, afin que chaque orateur puisse bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
conférence de consensus sur le logement
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Létard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte, à quelques jours à peine de la Conférence nationale des territoires et au terme d’un débat budgétaire douloureux, voire décevant, sur un sujet ô combien cher à nos collectivités et à nos concitoyens, celui du logement, de son financement et de sa nécessaire réforme.
Le Sénat s’était efforcé de réaliser un travail collectif, transpartisan, afin d’atténuer les conséquences du choix du Gouvernement de baisser les loyers de 1,5 milliard d’euros pour compenser la réduction sur trois ans des aides personnelles au logement, les APL, choix qui a entraîné un recul de plus de 10 milliards d’euros de l’investissement dans la construction et la rénovation de logements. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a néanmoins souhaité maintenir, de façon abrupte, sa vision, en réinstaurant la même contrainte financière au détriment du monde du logement, faisant fi des propositions pourtant consensuelles du Sénat.
Demain, monsieur le Premier ministre, démarre le premier temps fort de la conférence de consensus sur la réforme du logement et l’équilibre des territoires souhaitée, à juste titre, par le président Gérard Larcher et acceptée par le Président de la République.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, après cet épisode malheureux de la discussion budgétaire, nous assurer que l’investissement que vont consentir les deux chambres du Parlement, le monde du logement et les collectivités sera véritablement pris en compte et nourrira le projet de loi que le Gouvernement déposera au printemps prochain ? Pouvez-vous nous garantir que cette concertation ne sera pas qu’un prétexte pour faire accepter l’inacceptable ? Nous comptons sur vous, monsieur le Premier ministre, et sur le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la politique du logement à la veille de la conférence de consensus et à l’issue d’un débat budgétaire qui, selon vous, aurait été peu satisfaisant.
Vous êtes une spécialiste reconnue du sujet ; je parlerai donc avec prudence. J’imagine que c’est contrainte et forcée par le temps limité qui vous est imparti pour vous exprimer que vous avez réduit la portée de la réforme que nous envisageons à un aspect qui, s’il n’est pas inexact, est – vous aurez, je pense, l’objectivité de le reconnaître – très incomplet…
En effet, vous auriez aussi pu évoquer, madame la sénatrice, les contreparties que nous prévoyons en faveur des acteurs du logement social ; vous ne l’avez pas fait.
Vous auriez aussi pu évoquer, madame la sénatrice, les avancées, nombreuses, proposées par le Gouvernement au cours de la discussion ; vous ne l’avez pas fait.
Vous auriez aussi pu évoquer le fait que la discussion s’est tenue non seulement dans cet hémicycle, ce qui est bien naturel, mais également à l’occasion de très nombreuses rencontres avec les acteurs du monde du logement social et un grand nombre de sénateurs, dont vous-même, pour leur permettre de juger de l’ensemble des propositions que nous formulions.
Après un débat, le Sénat a considéré, comme c’est son droit le plus strict, qu’il n’était pas en mesure d’accepter ce que nous proposions.
Je considère que nous avions une obligation de discuter, une obligation d’expliquer quel était l’objectif de notre réforme, et je crois pouvoir conclure des débats qui se sont tenus que cet objectif a été compris ; je pense même pouvoir dire qu’il est, à bien des égards, partagé.
Reste à mettre en œuvre cette réforme indispensable, une fois que le Parlement aura adopté le budget. Certains acteurs du logement social ont signé l’accord que nous leur proposions. Même ceux qui ne l’ont pas fait ont tous indiqué qu’ils partageaient les objectifs que nous fixions.
Puis viendra la conférence de consensus proposée par le président du Sénat, que nous avons acceptée et dont nous avons défini en commun l’ordre du jour. Nous l’abordons, avec M. le ministre de la cohésion des territoires, dans un esprit ouvert et confiant, mais aussi avec détermination. Chacun doit vouloir aboutir au consensus. Nous sommes déterminés à avancer et nous espérons que le débat avec les membres du Sénat et l’ensemble des acteurs du logement nous permettra de définir les bonnes pistes, les bons instruments pour ce faire.
Bien souvent, en effet, on s’arrête aux difficultés. Alors même que tout le monde s’entend sur l’objectif à atteindre, les décisions à prendre font parfois un peu peur et rebutent un certain nombre d’acteurs. Je le répète, nous sommes, mesdames, messieurs les sénateurs, déterminés à avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Sophie Primas. Chiche !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.
Mme Valérie Létard. Monsieur le Premier ministre, pour aboutir à un consensus, à un compromis, il faut que chacun, Parlement et Gouvernement, consente à faire un pas. Il s’agit de produire une synthèse au bénéfice des territoires et de nos concitoyens. Nous espérons que cette conférence de consensus débouchera sur un véritable compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. –Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)
syrie
M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Claude Haut. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Hier soir, le dirigeant syrien Bachar al-Assad s’en est pris vivement à la France, l’accusant de soutenir le terrorisme dans la région. Ces propos sont inacceptables. En luttant contre un seul ennemi, Daech, notre pays a été cohérent depuis le début du conflit syrien.
Comme l’a justement précisé le Président de la République, nous ne pourrons construire de paix durable ou parvenir à une solution politique sans la Syrie et les Syriens. Mais les propos tenus par Bachar al-Assad ne semblent pas aller dans le sens de l’émergence d’une issue internationale positive pour la région.
La France fait aujourd’hui partie d’une coalition internationale qui est la seule entité capable de gagner en Syrie, quand toutes les autres parties font preuve d’ambiguïtés. En conséquence, les propos de M. Assad nous paraissent tout à fait déplacés.
Par ailleurs, rappelons que le rôle de Bachar al-Assad dans la situation que connaît aujourd’hui la Syrie ne doit pas être minimisé.
C’est la raison pour laquelle nous ne devons avoir aucune complaisance à l’égard du régime syrien, ennemi de son propre peuple et responsable de la mort de près de 400 000 personnes depuis le début de la guerre. Comme l’a justement affirmé le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, « quand on a passé son temps à massacrer son peuple, on a généralement un peu plus de discrétion ».
Si nous entendons construire un processus de paix qui conduise à une véritable stabilité du pays, nous nous devons de réunir les parties autour de la table et de poser les bases d’une transition politique et démocratique durable.
Or le dernier cycle de pourparlers entre le régime syrien et l’opposition, organisé sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, s’est achevé jeudi à Genève sans avoir permis aucune avancée. Ainsi, toutes les tentatives de sortir du conflit syrien ont échoué.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais savoir quel rôle la France entend jouer dans la mise en place des moyens diplomatiques qui permettront d’assurer une véritable transition en Syrie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez résumé la situation avec des mots justes, face à ceux, insultants, de Bachar al-Assad. On sait combien notre pays a souffert, ces dernières décennies, d’un terrorisme parfois exporté par cet État.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Après six hivers de guerre, la situation évolue rapidement sur le terrain militaire. La campagne contre Daech, qui est notre priorité absolue, est en passe de se terminer. La France s’était mobilisée dès septembre 2014, étant le deuxième pays à frapper Daech depuis les airs. La reprise de Raqqa et de Mossoul a répondu aux attaques menées sur notre territoire.
Aujourd’hui, Daech est acculé dans des poches de résistance, mais il reste à gagner la paix, à faire en sorte qu’une véritable stabilité s’instaure. S’il s’agit encore d’une gageure, nous ne devons pas baisser les bras.
Il faut parvenir à embrayer sur une solution politique pour construire la paix dans la durée, comme l’a dit ce matin le Président de la République, en ajoutant que des initiatives seront prises dans le cadre du processus que la France souhaite voir émerger au début de l’année prochaine.
Genève est le cadre légitime. D’autres initiatives se sont fait jour ces derniers mois, à Astana ou à Sotchi. Une initiative n’a de sens que si elle offre la perspective d’une transition vers des élections et l’élaboration d’une constitution, bref d’un transfert des pouvoirs, car on ne peut se satisfaire de la situation actuelle.
Nous appelons la Russie à jouer pleinement son rôle d’influence auprès du régime. La France, quant à elle, n’épargnera aucun effort pour trouver une solution politique à la crise syrienne. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Robert del Picchia applaudit également.)
france ô