M. Yvon Collin. Le troisième alinéa de l’article 42 de la Constitution dispose que la discussion en séance publique en première lecture ne peut intervenir dans la première assemblée saisie qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après le dépôt du texte. Pour la seconde assemblée saisie, ce délai est de quatre semaines après la transmission du texte.
Cette règle vise à garantir que les parlementaires disposent d’un délai raisonnable pour examiner chaque projet ou proposition de loi avant sa discussion.
À ces délais s’ajoute celui que prévoit le règlement de notre assemblée, devenu absolument nécessaire depuis la réforme de 2008 et l’entrée en vigueur de la règle de l’examen du texte de la commission en séance publique.
Ce délai vise à garantir, quant à lui, que les sénateurs disposent d’un temps raisonnable d’examen du texte entre sa modification en commission et sa discussion en séance publique. L’article 28 ter du règlement le fixe à deux semaines, avec possibilité de réduction à une semaine sur décision de la conférence des présidents.
Lorsque, comme c’est souvent le cas au Sénat, le texte est transmis par l’Assemblée nationale et que cette exception est appliquée, cela signifie que le rapporteur dispose de trois semaines pour élaborer sa version du texte, tandis que les autres sénateurs, s’ils veulent modifier celui-ci en commission, ne disposent en réalité pour ce faire que de cinq jours entre la réunion de la commission, qui se tient le mercredi, et la date limite de dépôt, souvent fixée au lundi suivant.
La fenêtre d’opportunité est donc extrêmement réduite.
Chacun ici mesure les implications de cette situation du point de vue de la qualité des amendements déposés, d’autant que les sénateurs autres que le rapporteur ne disposent pas de l’appui des services de la commission.
Nous proposons donc que, dans les cas particuliers de recours à la procédure de législation en commission, la réduction du délai de deux semaines à une semaine soit rendue impossible, afin de permettre un examen serein des modifications introduites par le rapporteur et, si besoin, de pouvoir demander le retour à la procédure normale.
Cette solution a l’avantage d’améliorer la qualité du travail législatif sans accroître pour autant le temps des discussions en commission ou en séance publique. Son application profiterait tant aux membres des groupes minoritaires et d’opposition qu’à ceux du groupe majoritaire.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet excellent amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je suis au regret de devoir vous dire, monsieur Collin, que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Avec la procédure de législation en commission, nous entrons dans un régime de souplesse : la conférence des présidents décidera.
Vous savez bien, mon cher collègue, que les délais de six ou quatre semaines – selon qu’il s’agit de la première ou de la seconde assemblée saisie – prévus dans le cadre du parcours ordinaire d’un texte de loi « sautent » dès lors que la procédure dite accélérée est engagée.
La meilleure garantie que nous aurons le temps de procéder à un travail de fond sur les textes examinés dans le cadre de la procédure de législation en commission – ce ne seront sans doute pas les plus complexes dont nous aurons à délibérer – tient au fait que la conférence des présidents devra décider du recours à cette procédure. Je crois qu’il faut lui faire confiance, sachant que le droit de veto de chaque président de groupe garantit, de manière absolue et radicale, que l’examen en commission ouverte permettra un travail de qualité.
Je préférerais, monsieur Collin, que vous retiriez votre amendement, au bénéfice de cette explication un peu empirique.
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Dantec et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le chapitre IV bis du Règlement, il est inséré un chapitre IV … ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV …
« Association des citoyens à l’examen des projets et des propositions de loi
« Art. 28 … – Un espace participatif destiné à recueillir l’avis de citoyens est aménagé sur le site internet du Sénat après la désignation du rapporteur par la commission saisie au fond pour l’examen d’un projet de loi ou d’une proposition de loi.
« Les principales observations ainsi collectées ainsi que les propositions d’amendements recevables en émanant sont présentées par le rapporteur lors de l’examen des amendements en commission.
« L’ensemble des participations ainsi recueillies est publié conjointement au rapport. »
II. – Le I s’applique jusqu’au 31 décembre 2019.
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Nous discutons un texte visant à simplifier la procédure législative au Sénat en favorisant le débat en commission élargie, tout en amoindrissant le poids de la séance publique. Cette dernière sera réduite à sa plus simple expression : la correction des erreurs matérielles et l’examen des amendements de coordination.
Cela aura pour effet de rendre notre travail encore plus difficilement compréhensible par nos concitoyens, à moins, évidemment, que l’on établisse un certain formalisme pour les séances de commission et que l’on accepte, enfin, qu’elles soient filmées et diffusées en direct, au même titre que la séance publique, comme cela se fait d’ailleurs déjà à l’Assemblée nationale.
Dans cet esprit, nous présentons un amendement allant dans le sens du rapprochement avec nos concitoyens, afin de les inciter à participer à nos travaux en émettant des avis et des propositions sur une plateforme dédiée sur le site du Sénat. Il existe déjà des espaces participatifs sur notre site internet. Il conviendrait toutefois d’en améliorer l’ergonomie et, surtout, de publier les résultats de ces consultations dans nos rapports, afin de pouvoir en débattre dans l’hémicycle.
Cet amendement constitue avant tout un message adressé à nos concitoyens. Nous leur manifestons notre souhait de travailler avec eux ; nous leur indiquons que nous les écoutons et sommes à leur disposition pour leur expliquer les décisions que nous prenons.
En adoptant cette disposition, le Sénat montrerait sa capacité à adapter son fonctionnement aux nouvelles attentes des citoyens, qui ne se limitent pas à l’accélération de la procédure législative.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Dantec et Gabouty et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre IV bis du Règlement, il est inséré un chapitre IV … ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV …
« Association des citoyens à l’examen des projets et des propositions de loi
« Art. 28 … – À la demande du rapporteur désigné par la commission saisie au fond pour l’examen d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, un espace participatif destiné à recueillir l’avis de citoyens est aménagé sur le site internet du Sénat.
« Les principales observations ainsi collectées, et les propositions d’amendement s’en inspirant sont présentées par le rapporteur lors de la présentation de son rapport et de l’examen des amendements en commission. »
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Cet amendement de repli, très similaire au précédent, prévoit que l’espace participatif soit ouvert seulement à la demande du rapporteur. Il ne comporte plus, en outre, la mention d’une publication dans le rapport des propositions soumises par nos concitoyens.
En l’état, ce dispositif s’apparente à la pratique actuelle de la Haute Assemblée. Il s’agit donc uniquement de consacrer cette pratique dans notre règlement, sans que cela puisse perturber nos modes actuels de fonctionnement.
Toutefois, le signal que nous enverrons à nos concitoyens si cet amendement est adopté est important : le Sénat simplifie sa procédure législative, tout en incitant les citoyens à participer à ses travaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. À regret, j’exprime un avis défavorable. Je précise « à regret », car nous aimons tous les espaces participatifs. La commission des lois y recourt d’ailleurs régulièrement : cela a été le cas pour la réforme de la justice, donc sur un sujet qui n’était pas secondaire.
Cependant, monsieur Artano, nous n’avons pas besoin d’adopter l’un de ces amendements pour faire vivre des espaces participatifs. En revanche, si nous votions l’un ou l’autre, nous commettrions une inconstitutionnalité, ce qui serait regrettable pour la Haute Assemblée…
En effet, des amendements pourraient être déposés dans le cadre des espaces participatifs dont vous proposez la mise en place et ils devraient ensuite être discutés par notre assemblée. Or une telle disposition est inconstitutionnelle : selon le principe de la démocratie représentative, nos concitoyens n’ont pas le droit d’amendement. Nous, parlementaires, représentons la Nation et, avec le Gouvernement, nous disposons du monopole de l’initiative législative.
On peut certes envisager de faire évoluer cette doctrine, mais pour cela il faudra réviser la Constitution. Un exercice de révision constitutionnelle semble précisément pouvoir s’ouvrir dans un proche avenir : profitez-en alors, mon cher collègue, pour faire progresser vos idées !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je ne rejoins pas M. le rapporteur dans ses conclusions. De fait, la législation en commission donnera au rapporteur un pouvoir bien plus important. L’espace participatif que nous proposons d’instaurer lui permettra de se forger une vision plus large des différentes pistes d’amélioration de la loi. À l’heure actuelle, nous recevons tous des propositions d’amendement de notre entourage, de personnes expérimentées qui nous fournissent un texte tout rédigé… C’est ainsi que, parfois, un même amendement est présenté à trois, quatre ou cinq reprises en séance.
Cet espace participatif permettra une transmission directe des propositions d’amendement aux parlementaires, par courriel. Offrant à des citoyens non organisés un espace de proposition, il permettra au rapporteur de disposer d’une vision plus générale du sujet examiné. Évidemment, il ne s’agit nullement de donner un droit d’amendement aux contributeurs. Tout restera totalement sous le contrôle du rapporteur. Nous prévoyons simplement que le rapport restituera la teneur des propositions et observations déposées dans l’espace participatif.
Alors que nous nous apprêtons à donner une plus grande place au travail en commission, ce serait faire œuvre utile que de mettre cet outil complémentaire à la disposition du rapporteur. En tout cas, notre proposition n’a rien d’anticonstitutionnel, car il n’est absolument pas prévu d’accorder un droit d’amendement aux citoyens via l’espace participatif.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Voilà une excellente idée, si excellente qu’elle n’est pas nouvelle ! L’espace participatif est un moyen que nous utilisons assez souvent. Il a été mis en œuvre, en particulier, par la commission des lois, et j’y ai eu recours à titre personnel, à l’occasion de l’examen de la loi dite Sapin II et de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale. Nous avons alors ouvert un espace participatif et je puis vous assurer que nous avons lu et analysé l’ensemble des contributions qui y ont été inscrites. Je souhaite que nos concitoyens puissent par ce biais s’initier et participer au débat parlementaire, mais je dois dire que les expériences que j’ai tentées ont tout de même débouché sur une réelle déception, tant les contributions ont été peu nombreuses.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article unique
Le chapitre VII bis du Règlement est ainsi rédigé :
« Chapitre VII bis
« Législation en commission
« Art. 47 ter
« 1. – À la demande du Président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, du président d’un groupe ou du Gouvernement, la Conférence des Présidents peut décider que le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement sur un projet de loi ou une proposition de loi ou de résolution s’exerce uniquement en commission, dans les conditions mentionnées aux alinéas 1 et 2 de l’article 28 ter.
« 1 bis. – La procédure de législation en commission n’est pas applicable aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.
« 2. – La procédure de législation en commission ne peut être décidée en cas d’opposition du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d’un président de groupe.
« 2 bis. – La procédure de législation en commission peut être décidée sur certains articles seulement d’un projet de loi ou d’une proposition de loi ou de résolution.
« 3. – Sur la proposition du président de la commission saisie au fond, la Conférence des Présidents fixe la date de la réunion consacrée à l’examen des amendements en commission et à l’établissement du texte de la commission ainsi que le délai limite pour le dépôt des amendements en commission. Elle fixe également le délai limite pour le dépôt des amendements au texte de la commission en application de l’alinéa 1 de l’article 47 quater et, lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur certains articles seulement du texte, pour le dépôt des amendements aux autres articles du texte de la commission.
« 4. – Les sénateurs et le Gouvernement sont immédiatement informés de la date de la réunion et des délais limite.
« 5. – Le Gouvernement et l’ensemble des sénateurs peuvent participer à la réunion.
« 6. – Les règles de publicité et de débat en séance sont applicables en commission, sauf dispositions contraires du présent article.
« 7. – Seules les motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et la question préalable peuvent être présentées en commission. Leur adoption entraîne le rejet du texte et le retour à la procédure normale pour sa discussion en séance.
« 8. – Sans préjudice de l’alinéa précédent, à la fin de la réunion, la commission statue sur l’ensemble du texte. Le rejet du texte entraîne le retour à la procédure normale pour sa discussion en séance.
« 9. – Le rapport de la commission comprend un compte rendu détaillé des débats en commission.
« 10. – Le retour à la procédure normale peut être demandé, le cas échéant sur certains articles seulement du texte, par le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond ou un président de groupe, au plus tard le vendredi précédant la semaine au cours de laquelle est examiné le texte en séance, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.
« 11. – En cas de retour à la procédure normale, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance est celui fixé en application de l’alinéa 3, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.
« Art. 47 quater
« 1. – Sur les dispositions faisant l’objet de la procédure de législation en commission, sont seuls recevables en séance, dans les conditions fixées à l’article 50, les amendements visant à assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d’autres textes en cours d’examen ou avec les textes en vigueur ou procéder à la correction d’une erreur matérielle.
« 2. – Lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur certains articles seulement du texte, il ne peut être reçu en séance aucun amendement qui remettrait en cause les dispositions faisant l’objet de cette procédure.
« 3. – La commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et des sous-amendements dans les cas prévus au présent article.
« Art. 47 quinquies
« 1. – Lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur l’ensemble du texte, aucune des motions mentionnées à l’article 44 ne peut être présentée en séance, sauf l’exception d’irrecevabilité. Lors de la séance, le Président met aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants des commissions pour une durée ne pouvant excéder sept minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.
« 2. – Lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur certains articles seulement, lors de la séance, le Président met aux voix l’ensemble des articles adoptés selon cette procédure avant le vote sur l’ensemble du texte. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants des commissions pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe et un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder deux minutes et demie chacun, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents. »
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, sur l’article.
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, je n’ai pas pris la parole dans la discussion générale et je ne la reprendrai pas au moment des explications de vote.
Je ne m’opposerai pas à l’adoption de ce texte, même s’il représente, à mes yeux, une grave remise en cause du pouvoir des parlementaires.
Je ne m’y opposerai pas parce que des garde-fous ont été prévus : le président de la commission saisie au fond et les présidents de groupe peuvent s’opposer à l’utilisation de la procédure de la législation en commission ou y mettre fin. Ce droit de veto constitue une garantie, mais vous devez être tous conscients, mes chers collègues, que dans ce système un sénateur n’aura plus le droit de vote sur un texte qu’il aura proposé s’il n’est pas membre de la commission saisie au fond, sachant que le droit d’amendement en séance publique sera fortement restreint. Nous nous apprêtons donc à voter un texte qui diminuera notre pouvoir réel…
Nous pouvons le concevoir tant que la nouvelle procédure s’appliquera pour des textes de portée limitée, mais si un jour, pour des raisons que l’on peut imaginer, une dérive apparaît, le pouvoir de chacun d’entre nous se trouvera gravement remis en cause. Il aurait fallu accorder à l’auteur du texte le droit de vote en commission. Certes, des membres de son groupe appartenant à la commission saisie au fond pourront se faire son porte-parole, mais le tropisme de ladite commission s’exercera.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me suis entretenu de cette question avec M. Adnot au cours des auditions auxquelles j’ai procédé.
Je reconnais bien volontiers que, dans nos débats au sein de l’hémicycle, des amendements qui ne font pas l’objet d’un avis favorable de la commission peuvent être adoptés quand l’un ou l’une d’entre nous déploie suffisamment de force de conviction pour persuader un certain nombre de collègues bienveillants de prendre part à la séance au moment opportun…
Votre observation s’inspire de votre expérience de sénateur n’appartenant à aucun groupe politique, monsieur Adnot, mais on peut voir les choses d’une autre manière. La régulation des travaux de notre assemblée repose tout de même largement sur l’existence d’une majorité et d’une opposition, et le rôle des groupes politiques est très important. De ce point de vue, l’affirmation d’une majorité a tout de même une valeur démocratique.
Vous vous exprimez en tant que sénateur n’appartenant à aucun groupe, je vous réponds en tant que président de commission : chacun est dans son rôle. Je dois dire qu’il m’est parfois arrivé de me sentir pris dans une embuscade lorsque, nuitamment, les collègues favorables à un amendement se sont soudain trouvés assez nombreux dans l’hémicycle pour le faire adopter, ce qui a pu conduire à des incohérences dans le texte en discussion.
C’est pour cette raison que, tout en reconnaissant la valeur de votre argument, je n’ai pas souhaité lui donner de traduction juridique au travers des amendements que j’ai présentés sur cette proposition de résolution.
J’admets que c’est pour vous une perte de chances, mais je ne souhaite pas que l’on puisse porter atteinte à la cohérence et à l’équilibre d’un texte en tirant parti des circonstances d’un débat pour faire adopter, parfois dans une sorte d’improvisation, un amendement qui serait contraire à la position de la commission.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Nous entendons réaffirmer notre opposition de fond à la procédure de législation en commission.
À l’heure où le Président de la République exprime avec force sa volonté de réduire les pouvoirs et les droits du Parlement, il nous semble risqué de lui donner des moyens de mettre en œuvre cette politique, aux dépens de la liberté de la Haute Assemblée.
En outre, nous relevons dans la proposition de résolution des incohérences ou des approximations qui mettent en question, selon nous, la crédibilité du dispositif présenté. Vous-même avez, monsieur le rapporteur, quelques doutes à cet égard. Vous soulevez, notamment, le caractère aléatoire et parfois complexe de la délimitation entre mesures dites techniques et mesures plus politiques. La question de la recevabilité des amendements portant sur les dispositions examinées en séance publique n’est, par exemple, pas résolue de manière satisfaisante à notre avis.
Pour justifier une éventuelle extension du recours à la législation en commission, vous ouvrez à l’ensemble des sénatrices et des sénateurs la réunion de la commission saisie au fond. Mais seuls les membres de cette commission auront le droit de vote : peut-on dès lors considérer que le droit d’amendement de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs est respecté ? La question mérite d’être débattue.
Une autre interrogation porte sur l’arbitraire de l’organisation des débats de commission, laissée à la discrétion du président ou de la présidente de celle-ci. Ce sera donc une législation à géométrie variable, sans droits préétablis pour l’opposition, en particulier. Le respect du pluralisme, alors que les petits groupes ne comptent qu’un ou deux membres dans chaque commission, est aussi loin d’être assuré.
Enfin, nous avons obtenu le rétablissement explicite du droit de veto pour les présidents de groupe. C’est une garantie, mais seulement pour aujourd’hui. Qu’adviendra-t-il demain si, du fait de la réduction du nombre de parlementaires et du maintien d’un mode de scrutin imparfait, l’opposition n’est plus représentée sous forme de groupes ? Dans la situation de recomposition politique que nous connaissons, cette hypothèse n’est pas absolument aberrante.
Toutes ces objections nous conduisent à proposer la suppression de ce projet d’instauration de la procédure de législation en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois. Je ne conteste pas la cohérence de la position de votre groupe, monsieur Ouzoulias. Pour autant, au cours de la discussion générale, l’intérêt de cette nouvelle procédure, qui encore une fois n’est pas appelée à se substituer dans une large mesure à la procédure normale, a été clairement mis en évidence. Par ailleurs, et surtout, il ne faut pas oublier que, à tout moment, un président de groupe pourra mettre fin à l’utilisation de la procédure de législation en commission. Tout est dit !
L’avis de la commission est évidemment défavorable.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
ou de résolution
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Le champ d’application de la procédure de législation en commission est une question essentielle. Fallait-il le limiter à certains types de textes dès lors que le droit de veto des présidents de groupe était consacré ?
Dans sa décision du 11 juin 2015, le Conseil constitutionnel a considéré que certains textes ne pouvaient se voir appliquer cette procédure, en raison de leur soumission à des dispositions particulières du règlement : les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Cela revient finalement à reconnaître que pourraient se faire jour des dérives dans l’application de cette procédure.
Dès lors qu’aucun obstacle juridique ne nous empêche de réduire un peu plus le champ d’application de la procédure de législation en commission au-delà des limites fixées par le Conseil constitutionnel, le cas particulier des résolutions mérite d’être évoqué, puisque celles-ci ne constituent pas, à proprement parler, des dispositions législatives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je reprends l’argument avancé à l’instant par M. Pillet : le droit de veto accordé aux présidents de groupe empêchera une application de la procédure de législation en commission qui pourrait être jugée politiquement inopportune.
M. Yvon Collin. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Leconte, Sueur, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Après la première occurrence du mot :
projets
insérer les mots :
et aux propositions
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 2.