M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Madame la secrétaire d’État, j’ai apprécié votre intervention liminaire, qui s’inscrit dans le droit fil des propos tenus hier par le chef de l’État.
Après le retrait des États-Unis de l’accord de Paris, beaucoup étaient inquiets et pensaient que la flamme pourrait retomber. Or, hier, le Président de la République, partant d’un constat lucide, a montré qu’il avait une vision éclairée et des mesures pragmatiques à proposer à l’ensemble de la communauté internationale pour relever le défi qui s’impose à nous.
Il ne suffit pas de dire que la planète brûle ; encore faut-il, au-delà du constat et des propos convenus, proposer des solutions et entraîner les autres derrière soi. Hier, le Président de la République, devant cinquante chefs d’État, les représentants des collectivités, des grandes villes, des métropoles, des régions, mais aussi les acteurs économiques, a su, au travers de douze propositions, redonner de l’élan, du souffle à un mécanisme dont la planète a besoin.
Nous sommes tous ici d’accord pour contribuer, à notre échelle et selon nos moyens, à l’engagement de ce processus, mais un premier constat s’impose, madame la secrétaire d’État : dans notre pays, il est difficile, même quand on en a la volonté, de réussir cette transition et d’atteindre les 22 % à 23 % d’énergies renouvelables. Que de contraintes, que d’obstacles ! Il faut dix ans pour construire des éoliennes, des champs solaires… Je m’en suis entretenu avec le ministre d’État : il est convenu que nous devions alléger nos normes.
Ma question portera sur le financement. Hier, il a été question des moyens. Comment le Gouvernement entend-il mobiliser l’ensemble des partenaires publics et privés, notamment les grandes entreprises, pour aboutir à une véritable transformation énergétique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, la question des financements est en effet absolument essentielle. C’était d’ailleurs tout l’objet du One Planet Summit qui s’est tenu hier. L’enjeu, en matière de financement, est de changer de paradigme.
Les montants requis dans les années à venir si l’on veut réaliser la transition écologique à l’échelle de la planète sont évalués à environ 90 000 milliards de dollars. À titre de comparaison, le PIB mondial, c’est-à-dire la totalité de la richesse produite par l’ensemble des pays de la planète, s’élève à environ 75 000 milliards de dollars…
La France, pour sa part, a déjà commencé à prendre ses responsabilités et est d’ailleurs pionnière en la matière. Face à des besoins de financement aussi importants, le recours à l’argent public ne peut être l’unique réponse. Il faut « verdir » la finance, c’est-à-dire faire en sorte que tous les financements privés et publics soient fléchés vers des projets bas carbone et respectueux de l’environnement.
La France est leader sur le sujet, notamment avec les obligations vertes et l’article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui vise à instaurer la transparence sur les risques climatiques. D’autres initiatives ont été annoncées par Bruno Le Maire. Je pense par exemple à la charte signée par l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations pour mettre un terme aux subventions aux énergies fossiles.
Sur la question des financements, il nous faut aussi accélérer notre action et, surtout, créer une dynamique en Europe et dans le monde : c’est un enjeu pour la France en termes d’attractivité. La place de Paris doit jouer un rôle moteur dans ce domaine. Nous sommes déjà bien placés dans cette perspective.
M. François Patriat. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la secrétaire d’État, il y avait quelque chose de tout à la fois encourageant et curieux de voir tant de grands acteurs de la finance mondialisée réunis hier à Paris pour évoquer le financement de la transition énergétique.
Encourageant, car cette rencontre, même si on ne comprend pas bien pourquoi elle ne pouvait pas se tenir dans le cadre de la COP23, le mois dernier, n’a guère de précédent.
Curieux, car il est difficile de concevoir que la grande finance, principale responsable du dérèglement climatique, puisse contribuer sans règle à sa résorption. En effet, si la planète est aujourd’hui à ce point en péril, c’est la conséquence directe de la recherche permanente de la rentabilité, de l’hyperfinanciarisation de notre économie et de la marchandisation du vivant.
Madame la secrétaire d’État, si nous savons bien qu’aucun espoir ne sera permis sans une mobilisation de toutes et tous, en particulier des acteurs économiques, vous comprendrez aisément les réserves que nous inspire cette finance dite « verte ». Nos doutes ont été confortés par le rapport rendu public par l’association ATTAC, confirmant que ces obligations vertes, les green bonds, relèvent trop souvent de l’escroquerie.
En effet, aujourd’hui, rien ne garantit que ces investissements soient climato-compatibles. Ces obligations ne sont ni contrôlées ni régulées. Il en est ainsi des obligations émises par Repsol, multinationale du pétrole, qui visent en réalité à prolonger la durée de vie des raffineries de cette entreprise, ou encore de celles émises par Engie, qui ont servi à financer la construction de barrages en Amazonie, au détriment des écosystèmes locaux et des populations. Les États ne sont pas en reste, puisque la Pologne ou encore le Mexique ont utilisé ce dispositif.
Seulement 25 % de ces obligations sont aujourd’hui certifiées, c’est-à-dire répondent directement à leur objectif premier de préservation de l’environnement. C’est peu.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures pensez-vous pouvoir prendre pour nous garantir que, demain, les obligations vertes correspondront non pas à une vaste opération de greenwashing, mais bien à des investissements réels en faveur de la transition écologique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, si le One Planet Summit n’a pas eu lieu dans le cadre des négociations conventionnelles de l’ONU, c’est parce qu’il s’agit de deux choses complètement différentes.
Les négociations conventionnelles de l’ONU, qui sont absolument fondamentales, posent le cadre de la collaboration internationale et fixent les objectifs à atteindre. Vous savez à quel point l’accord de Paris est important ; il faut célébrer sa conclusion.
Maintenant que nous avons fixé l’objectif, il faut se mettre en marche et trouver la meilleure route pour l’atteindre. Nous faire entrer de plain-pied dans l’action, c’est exactement l’objet du One Planet Summit, auquel ont participé de nombreux chefs d’État.
C’est justement la recherche du profit qui permettra à la grande finance, pour reprendre vos termes, de s’engager résolument dans le financement de l’économie verte. En effet, si nous instaurons la transparence sur les risques climatiques, quel investisseur participera à un projet néfaste pour l’environnement ? C’est tout l’enjeu de la transparence sur les risques climatiques.
Concernant les obligations vertes, il s’agit d’une initiative récente, appelée à se massifier et à changer d’échelle. Elles rencontrent d’ailleurs déjà un énorme succès. Nous nous attachons à promouvoir des standards, à faire prévaloir la rigueur. J’ai ainsi récemment présidé un groupe de travail sur l’évaluation des obligations vertes, qui vise à définir des standards, pour la France mais aussi à l’échelon européen, afin que, lorsque nous parlons de projets respectueux de l’environnement, nous parlions tous de la même chose et évitions le greenwashing.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Allons droit au but : le retrait américain de la COP23 a cassé l’ambiance ! Nous avons vu des pays moins mobilisés, plus attentistes, moins motivés pour s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique. Cependant, on a aussi remarqué la présence d’acteurs américains, notamment des maires de grandes villes, des responsables d’universités, de centres de recherche, d’entreprises, d’associations…
Toutefois, cela ne suffit pas à compenser l’absence du gouvernement américain. Surtout, nous n’avons pas senti l’Europe prête à saisir cette occasion unique de prendre le leadership, en parlant d’une seule voix et d’une voix forte, aux côtés de la Chine et de l’Inde, pour préparer la mise en œuvre concrète de l’accord de Paris. Or il y a urgence et l’impatience est de plus en plus marquée, en particulier parmi nos partenaires africains.
Madame la secrétaire d’État, la France a-t-elle tiré les conséquences du retrait américain de l’accord de Paris ?
M. François Patriat. Oui !
Mme Nadia Sollogoub. Pouvons-nous espérer que, en définitive, la décision du gouvernement Trump provoque une prise de conscience de tous les autres acteurs ? En ce cas, l’Europe serait-elle prête à jouer un rôle fédérateur dans un débat crucial pour les années à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Oui, madame la sénatrice, la France et l’Europe ont pris toute la mesure des conséquences du retrait des États-Unis de l’accord de Paris. Quelques heures après la décision du président Trump, le Président de la République s’est adressé, en anglais et en français, à la planète entière. Make our planet great again : ce n’est pas un simple effet d’annonce, puisque ces mots ont été suivis d’actions.
Moi qui ai vécu et travaillé aux États-Unis, j’ai pu mesurer, lorsque j’ai accompagné le Président de la République à l’Assemblée générale des Nations unies, au mois de septembre dernier, l’ampleur de la mobilisation des acteurs de ce pays. Elle était paradoxalement presque plus forte que si le président Trump n’avait pas décidé le retrait des États-Unis de l’accord de Paris. Ainsi, le groupe America’s Pledge – la promesse de l’Amérique – entend mobiliser l’ensemble de la société civile américaine pour que les engagements des États-Unis soient respectés, malgré la décision du président Trump.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué l’ambition de l’Union européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Vous le savez, il est parfois difficile de prendre des décisions ambitieuses à vingt-huit. Nous pensons néanmoins qu’il ne faut jamais se résigner à perdre la bataille. Certes, nous, pays européens, pourrions être collectivement plus ambitieux et faire davantage. Nous y travaillons d’arrache-pied, je vous l’assure ! Avant que ce débat ne commence, j’étais encore en contact avec certains de mes homologues européens. Nous avons besoin de votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. En prévision de la COP23, les parlementaires africains s’étaient réunis à Rabat, au mois d’octobre dernier, pour élaborer une déclaration, remise à Bonn au Premier ministre fidjien, président de la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Ce document souligne avec justesse que l’Afrique ne contribue que dans une mesure infime aux émissions de gaz à effet de serre, avec moins de 4 % des émissions totales, et que « le financement d’un plan stratégique de développement en Afrique est une question de réparation des dommages historiques et d’équité à même de conjurer les effets négatifs des déséquilibres climatiques sur le continent ».
Les auteurs de cet appel unanime s’interrogeaient par ailleurs sur la tenue des engagements financiers à l’égard du Fonds vert pour le climat. Cet instrument financier devait promouvoir l’énergie verte dans les pays les moins avancés ; le retrait des États-Unis est une source d’inquiétude.
Si ces pays sont réduits à attendre les 100 milliards de dollars par an promis à partir de 2020, le cauchemar climatique, lui, n’attend pas : montée des eaux aux îles Fidji, disparition de terres, sécheresses inédites dans l’histoire de la Corne de l’Afrique, ouragans ne laissant plus un arbre debout aux Îles Vierges… C’est là toute l’injustice de la situation : les moins responsables sont les plus vulnérables et les plus touchés.
Les parlementaires de ces pays en voie de développement attendent des actions et se disent las de toute cette « belle littérature ». Nous parlons d’un processus de négociations axé sur les financements et les transferts technologiques tandis que, en attendant la réalisation des promesses qui leur ont été faites, ils ne vivent que l’urgence.
N’oublions pas qu’aujourd’hui 300 millions de personnes, notamment les habitants des petits États insulaires – les îles Maldives, Marshall, Fidji… –, voient leur quotidien, leur histoire, leur vie même directement menacés par ce bouleversement climatique. Oui, des États vont purement et simplement disparaître !
À Bonn, des milliers de manifestants ont défilé pour la lutte contre le changement climatique. Il s’agissait d’accentuer la pression sur les dirigeants que nous sommes. J’ai moi-même été frappée et émue par l’appel des parlementaires africains, qui ne demandent pas l’aumône, mais attendent un investissement à la hauteur de nos responsabilités.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Angèle Préville. La France est le cinquième contributeur au Fonds vert pour le climat. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous communiquer le montant de notre contribution et nous préciser les modalités de l’engagement de l’État français dans les négociations conventionnelles ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, la France a pris hier des engagements importants en matière de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement et les pays les moins avancés.
La France joue un rôle moteur au sein de plusieurs organisations internationales, notamment l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables, l’IAER, qui agit en faveur du développement des énergies renouvelables en Afrique subsaharienne, et l’Alliance solaire internationale. Cette instance, dont la création résulte d’une initiative conjointe de l’Inde et de la France, a vocation à développer de façon massive l’énergie solaire en Afrique et dans les pays les moins avancés.
En ce qui concerne le sujet essentiel de la montée des eaux, nous nous engageons, aux côtés de la Banque mondiale, dans l’initiative WACA, qui vise à préserver ou à améliorer les conditions de vie des populations des régions littorales menacées.
En outre, nous avons lancé une plateforme financière rassemblant plus de cent projets et destinée à lier les questions essentielles de l’eau et du climat. Dans les Caraïbes, nous avons créé une climate-smart zone, qui a été lancée par le CARICOM.
Il s’agit là d’initiatives concrètes, ayant pour finalité non seulement d’améliorer le sort des populations les plus vulnérables, qui sont les plus touchées par le changement climatique, mais aussi de développer les énergies renouvelables de façon massive. Il est temps de changer d’échelle. C’est ce à quoi nous nous attachons avec nos partenaires internationaux.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. La COP23 n’a pas été, comme on a pu le lire dans certains journaux, que le simple prolongement de la COP21. Après l’enthousiasme des négociations du mois de décembre 2015, le temps est aujourd’hui à la mise en œuvre pratique des engagements, notamment à la réflexion sur le volet financier. Comment atteindre les objectifs du Fonds vert pour le climat ? Quid des 100 milliards de dollars évoqués depuis plusieurs années ? Quel partage entre contributions publiques et contributions privées à la lutte contre le changement climatique ?
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, les entreprises se mobilisent. Elles s’étaient réunies une première fois à Paris, au mois de mai 2015. Dans ce combat, le monde des entreprises a des responsabilités ; il a aussi des engagements. Voilà quelques jours, huit grandes entreprises françaises ont décidé d’investir 50 millions d’euros pour lutter contre le changement climatique. Hier, quatre-vingt-dix entreprises françaises, représentant 6 millions d’emplois dans le monde, ont annoncé leur ambition de réduire massivement leurs émissions de gaz à effet de serre. Les entreprises engagées dans cette démarche proposent d’investir dans les secteurs des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique ou des technologies bas carbone. Au regard du défi que représente la mobilisation des sommes nécessaires pour lutter contre le réchauffement planétaire, il est plus que temps de reconnaître le rôle des entreprises privées et de leur donner une place à part entière dans nos initiatives internationales.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la position de la France en matière de financements privés des fonds internationaux de lutte contre le réchauffement. Comment pouvons-nous convaincre toutes les entreprises françaises de participer à cet effort et comment généraliser cette initiative à l’échelon mondial ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, la mobilisation des financements, notamment ceux des entreprises, des banques, des compagnies d’assurance, des fonds de pension, en faveur de la lutte contre le changement climatique constitue en effet un enjeu essentiel. Les besoins financiers sont colossaux, pharaoniques ! Pour accélérer la transition énergétique, écologique et solidaire dans le monde, il est nécessaire que l’ensemble des flux financiers, à la fois publics et privés, soient redirigés vers des projets respectueux de l’environnement. Si nous ne verdissons pas notre système financier et les actions de nos entreprises, nous ne serons pas en mesure de tenir les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.
Là encore, la France joue un rôle moteur. Elle a été l’un des premiers pays au monde à émettre des obligations vertes, destinées à financer spécifiquement des projets respectueux de l’environnement. Depuis, de nombreux autres pays, ainsi que des entreprises et des collectivités locales, ont eux aussi émis des obligations vertes. Il faut maintenant changer d’échelle.
Pour cela, il faut faire toute la transparence sur les risques climatiques. L’article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte le permet. Cette initiative, qui fait figure de modèle, est reprise en Europe et ailleurs dans le monde.
Nous avons également pour ambition de faire de Paris la première place financière verte du monde. Avec les acteurs de la finance et de la place de Paris, nous travaillons activement sur ce projet.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Ma question porte sur le rôle que doit jouer l’agriculture pour répondre aux enjeux climatiques.
Le projet international « 4 pour 1000 », lancé sur l’initiative de la France lors de la COP21, doit être un levier providentiel pour gérer la transition vers une économie décarbonée.
En effet, il suffirait d’accroître la capacité naturelle des sols à stocker le carbone de seulement 4 pour 1000 annuellement pour compenser une part importante des émissions mondiales de CO2. De plus, cela permettrait de faire en sorte que l’agriculture, de partie du problème – elle est responsable à hauteur de 25 % à 30 % de l’accroissement du dérèglement climatique –, devienne partie de la solution.
Par ailleurs, une telle évolution permettrait de rémunérer les agriculteurs pour les services climatiques et écosystémiques qu’ils rendent en adoptant des pratiques vertueuses pour le climat, la biodiversité, l’environnement en général.
Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : où en est-on de la mise en place du projet « 4 pour 1000 » à l’échelon tant national qu’européen et international ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, l’agriculture joue un rôle absolument essentiel, bien évidemment, dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Il s’agit, dans ce secteur aussi – peu à peu, mais le plus rapidement possible –, de changer de paradigme. L’initiative « 4 pour 1000 », lancée lors de la COP21 par la France, est véritablement emblématique de ce que nous devons promouvoir pour accélérer la transition écologique dans le secteur de l’agriculture.
Le but de cette initiative est d’accroître la séquestration du carbone dans les sols agricoles. Les trois principaux objectifs sont d’assurer la sécurité alimentaire en accroissant la fertilité des sols, d’adapter l’agriculture au changement climatique, mais aussi, bien sûr, de contribuer à l’atténuation du changement climatique, notamment grâce aux services rendus aux écosystèmes, comme vous le soulignez dans votre question, monsieur le sénateur.
Des progrès importants ont été réalisés dans le cadre de cette initiative : l’installation des organes de gouvernance a eu lieu à Marrakech en 2016 et une feuille de route a été adoptée pour 2017. Cette feuille de route prévoit l’élaboration d’un référentiel d’évaluation des projets et des actions, un programme de recherche, une plateforme collaborative, ainsi qu’un centre de ressources.
Présente en Chine en septembre 2017 lors de la COP13 sur la lutte contre la désertification, l’initiative « 4 pour 1 000 » a aussi remporté le prix de la politique d’avenir visionnaire du World Future Council pour les politiques dévouées à la restauration des terres.
Une réunion de grande ampleur du Forum et du Consortium a été organisée en partenariat avec l’Allemagne, à Bonn, lors de la COP23.
Comme vous le voyez, cette initiative reste plus que jamais fondamentale, car elle propose un modèle pour accélérer la transition écologique dans le domaine agricole.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
Personne, me semble-t-il, n’a jamais parlé avec autant de lucidité que vous de la situation actuelle. Dans votre propos introductif, vous avez en effet affirmé que nous étions mal partis si nous continuions sur la même trajectoire. Il est important que les choses soient dites, afin de prendre les mesures qui conviennent.
Le ministre d’État Nicolas Hulot a affirmé hier que nous devrons être capables, collectivement, d’être aussi ambitieux pour sauver le climat que nous l’avons été pour sauver les banques en 2008. Nous avions alors mis 1 000 milliards d’euros sur la table. Il faut savoir être à la hauteur de ses ambitions. Nous partageons totalement ce point de vue. (MM. Ronan Dantec et François Patriat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme on pouvait s’y attendre, les points importants de la COP23 ont finalement été les négociations visant à faire appliquer l’accord de Paris sur le climat signé lors de la COP21.
Pour rappel, l’indéniable succès de la COP21 est dû à la mue de la diplomatie écologique, qui est passée d’une démarche ex cathedra à une méthode fondée sur des contributions volontaires. Le travail accompli pour obtenir l’accord de Paris doit toutefois être achevé, et ce n’est pas si simple, comme on a pu le constater à plusieurs reprises.
Deux ans et deux COP plus tard, nous ignorons toujours si certains pays reverront à la hausse leurs objectifs avant 2020. Nous ignorons encore comment seront évalués les résultats et comment le fonds de 100 milliards de dollars destiné aux pays en voie de développement sera constitué.
L’organisation du dialogue dit « de Talanoa » doit permettre aux États d’accroître leurs ambitions pour contenir le réchauffement climatique sous les deux degrés. La France, elle, a déjà produit une contribution pour la COP21, fondée sur les objectifs de la loi relative à la transition énergétique.
Mes questions sont les suivantes : la France va-t-elle rehausser ses objectifs ou les stabiliser ? La diplomatie française va-t-elle privilégier un rehaussement généralisé des contributions étatiques ou se concentrer sur les moyens de contrôler les engagements actuels ? Enfin, et surtout, pensez-vous, madame la secrétaire d’État, que le seuil de l’irréversible a été franchi ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je ne sais pas si nous avons franchi le seuil de l’irréversibilité. De nombreux scientifiques sont en train de travailler sur cette question. Cela dit, nous ne pouvons pas nous permettre de croire que nous l’avons franchi, car c’est prendre le risque de nous résigner. Or nous ne pouvons pas nous résigner.
Ce qu’il faut, c’est nous lancer dans l’action. Tel était l’objet du One Planet Summit. C’est aussi l’objet du travail de mon ministère, qui est plus que jamais mobilisé pour montrer que nous pouvons encore avoir un impact sur le réel. Bien évidemment, il nous faudra aussi mobiliser des financements.
La France a d’ailleurs pris des engagements financiers en faveur du climat en portant son financement de trois milliards d’euros par an en 2015 à cinq milliards d’euros par an en 2020, un milliard d’euros étant destinés à l’adaptation.
Par ailleurs, la contribution française au Fonds vert pour le climat s’élève à 774 millions d’euros, dont plus de la moitié seront des dons, ce qui fait de la France le cinquième contributeur à ce fonds en équivalents dons.
Notre pays est également un important contributeur au Fonds pour l’environnement mondial, sa contribution s’élevant à 300 millions de dollars sur la période 2015-2018.
Enfin, vous le savez, l’Agence française de développement, l’AFD, est extrêmement mobilisée. Depuis 2005, elle a engagé près de 24 milliards d’euros dans des projets ayant un cobénéfice climat. Elle a aussi mis en place plusieurs fonds, notamment une facilité de mise en œuvre des contributions nationales, dotée de 30 millions d’euros, afin d’accompagner une quinzaine de pays, notamment en Afrique et dans les pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Elle mobilisera également trois milliards d’euros entre 2016 et 2020 pour le développement des énergies renouvelables en Afrique.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, la France, au-delà de son engagement en faveur du verdissement de la finance, contribue également directement à la lutte contre le changement climatique, en France, mais aussi dans les pays les plus vulnérables.