Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Arnaud Bazin, vous m’interrogez sur deux projets immobiliers concernant la gendarmerie nationale dans le Val-d’Oise.
Le projet de construction d’une caserne à Beaumont-sur-Oise est destiné à accueillir les locaux de service technique et les logements des militaires servant au sein du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de L’Isle-Adam et de l’antenne du renseignement territorial de Beaumont-sur-Oise. Par ailleurs, parmi les 46 logements de la future caserne, une partie bénéficierait à certains personnels de la brigade territoriale autonome de Persan et aux militaires d’un peloton motorisé en cours de création.
Cette caserne sera bâtie sur le site de l’ancien Centre national d’études et de formation pour l’adaptation scolaire et l’éducation spécialisée. Le ministre de l’éducation nationale doit prononcer la déclaration d’inutilité de l’emprise, car le bail emphytéotique signé avec l’association qui occupait jusqu’à présent le centre est échu le 16 novembre dernier.
Ce projet est désormais pris en charge par un office d’HLM, en lien avec la Direction de l’immobilier de l’État. À ce stade, les parties ne sont pas encore parvenues à un accord sur les conditions de cession du site, dont la valeur vénale est estimée à 1,4 million d’euros par le service local des domaines.
L’autre projet, pour partie lié au précédent, consiste à réhabiliter les locaux de service de la brigade de Persan. Armée de 53 militaires, cette unité est installée dans un ancien commissariat de police.
Plusieurs travaux de rénovation sont d’ores et déjà terminés. En outre, la reconstruction d’un abri pour les véhicules devrait s’achever au mois de janvier, tandis que les travaux de réfection des locaux vétustes commenceront au cours du premier semestre de l’année 2018. Sous l’égide de la région de gendarmerie d’Île-de-France, d’autres travaux pourraient être envisagés afin d’améliorer de manière significative l’état de la brigade.
Enfin, une partie des militaires de la brigade de Persan occupera à partir d’avril 2018 un ensemble sécurisé de 38 logements, situé à moins de 200 mètres des locaux de la brigade et, comme je viens de l’indiquer, une autre partie devra à terme être accueillie au sein de la nouvelle caserne de Beaumont-sur-Oise.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin.
M. Arnaud Bazin. S’agissant des locaux de Persan, je vous donne acte des informations que vous nous transmettez, madame la ministre. Elles concordent avec ce que je sais de l’état actuel du terrain.
Il reste un sujet, celui de la réhabilitation de la cour de manœuvre, qui pose de sérieux problèmes. Mais vous avez évoqué des pistes complémentaires de travaux. J’espère que, dans ce cadre, on pensera à améliorer l’état de cette cour car les conditions de sécurité en dépendent.
S’agissant de l’affaire de Beaumont-sur-Oise, le nœud du problème est le suivant : le ministère de l’intérieur fixe un loyer et en recalculant les charges foncières qui permettent l’équilibre de l’opération, on est largement en dessous de la valeur vénale de 1,3 ou 1,4 million d'euros estimée.
Un arbitrage gouvernemental est donc impératif sur cette valeur vénale. Sans cela, l’opération ne pourra pas se faire, Val-d’Oise Habitat n’ayant pas vocation à subventionner cette opération, comme vous en conviendrez très certainement.
J’attire votre attention sur l’urgence de cet arbitrage, madame la ministre. Il faut aboutir à une valeur vénale du bien qui soit compatible avec l’équilibre de l’opération. Une fois ce point crucial résolu, toute l’opération pourra se dérouler de manière satisfaisante, tant pour les gendarmes que pour la population et la ville de Beaumont-sur-Oise.
projet de fusion des yvelines et des hauts-de-seine
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec, auteur de la question n° 115, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Philippe Pemezec. Lors de la Conférence nationale des territoires, le Président de la République a affirmé que si l’on voulait la réussite du Grand Paris, il fallait, dans le cadre de la concurrence internationale que l’on connaît, procéder à une simplification drastique des structures. Or les élus de deux départements, les Yvelines et les Hauts-de-Seine, ont décidé, par anticipation, de fusionner ces collectivités et, par là même, de réaliser des économies d’échelle significatives.
La loi, à travers l’article L. 3114-1 du code général des collectivités territoriales, permet et encourage ce type de fusions. Par conséquent, rien ne s’oppose sur le plan légal à ce que ces deux départements se regroupent, les trois cinquièmes des membres des conseils départementaux s’étant prononcés en faveur de ce projet. Depuis le mois de janvier 2015, le référendum n’est plus obligatoire ; il ne manque donc plus qu’un décret gouvernemental.
Puisque ces fusions sont encouragées par l’État, puisqu’elles permettent de dégager des économies d’échelle, puisque l’on s’oriente vers une région métropole, englobant à la fois des secteurs ruraux et des secteurs urbains, pourquoi le Gouvernement ne signe-t-il pas ce décret ? Existerait-il une résistance politique quelconque, ce qui reviendrait à mettre en cause, une nouvelle fois, la décentralisation issue des lois de 1982 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Effectivement, monsieur le sénateur Philippe Pemezec, le code général des collectivités territoriales prévoit que plusieurs départements, dans une même région, peuvent fusionner par délibérations concordantes de leurs conseils départementaux.
Cette faculté, issue de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, a été modifiée par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, laquelle a abrogé les dispositions relatives à la consultation des électeurs de chaque département et introduit l’exigence de majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Les conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des Yvelines ont effectivement délibéré le 30 juin 2017.
Je veux tout d’abord souligner que le code général des collectivités territoriales précise bien que « le regroupement est décidé par décret en Conseil d’État » et que le Gouvernement n’a pas de compétence liée pour prononcer ce regroupement.
Cela étant dit, le Gouvernement examinera bien sûr ce projet en fonction de considérations d’intérêt général.
Or, comme vous l’avez fait vous-même, monsieur le sénateur, je ne peux que replacer ce projet dans le projet plus global d’évolution de la métropole du Grand Paris, qui comprend dans son périmètre actuel l’un des deux départements concernés.
La demande des départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines pourra ainsi être étudiée, dès lors que les perspectives concernant la métropole du Grand Paris auront été arrêtées.
En effet, des discussions sont encore en cours. Une conférence territoriale spécifique se tiendra prochainement pour définir le cadre de travail et les perspectives permettant d’apporter des réponses institutionnelles à la hauteur des enjeux d’attractivité de ce territoire et des attentes de cohésion, de croissance et de qualité de vie de ses habitants.
Dans cette attente, les deux départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine peuvent bien sûr continuer à travailler en commun. Je pense notamment à l’établissement public interdépartemental qu’ils ont créé, dont les domaines d’intervention sont vastes et nombreux.
Mais, à nouveau, ce projet doit s’inscrire dans le projet revu de la métropole du Grand Paris. Celui-ci faisant encore l’objet de discussions, je ne peux aller plus loin dans ma réponse.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Je vous remercie, madame la ministre, de m’avoir rassuré quant à l’absence de blocage politique : il est donc simplement question d’attendre une nouvelle définition de l’organisation territoriale de la région d’Île-de-France.
Nous souhaitons tous que cette dernière soit simplifiée, mais je rappelle qu’il sera difficile de supprimer les départements. Ces derniers étant inscrits dans la Constitution, il faudrait obtenir les trois cinquièmes des suffrages du Congrès – Assemblée nationale et Sénat réunis – pour pouvoir mettre en œuvre une telle évolution.
réglementation concernant les zones bleues de stationnement
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 112, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Brigitte Lherbier. Le domaine public est régi par deux principes : celui de l’inaliénabilité et celui de l’imprescriptibilité.
L’inaliénabilité du domaine public entraîne l’impossibilité de cession des biens du domaine public. Elle suppose également que l’autorité publique propriétaire ne puisse accorder aucun droit réel.
Voici donc une question pratique, madame le ministre.
Pour lutter contre le phénomène des « voitures tampons » stationnant toute la journée à la même place, de nombreuses communes de la métropole lilloise ont instauré ce que l’on appelle communément des zones bleues.
Ces zones bleues viennent limiter, au moyen d’un disque, le stationnement des automobilistes dans la durée. Elles permettent ainsi au domaine public de retrouver sa vocation initiale, c’est-à-dire d’être un domaine de partage entre citoyens.
Pour déroger au principe de la zone bleue, et permettre le stationnement de ses résidents ou des salariés des entreprises situées à l’intérieur de son périmètre, les mairies délivrent des cartes de résident à apposer sur les véhicules. Certaines communes ont décidé de faire payer une somme modique pour délivrer ces cartes, en raison du principe d’inaliénabilité du domaine public que j’évoquais précédemment ; d’autres ont choisi la gratuité.
Les maires m’ont demandé de clarifier la situation, madame le ministre. Ils souhaiteraient savoir s’il convient de faire payer ces cartes de résident. La gratuité s’oppose-t-elle vraiment au principe d’inaliénabilité du domaine public ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Brigitte Lherbier, la circulation sur les voies ouvertes à la circulation publique est libre, car elle participe à l’exercice d’une liberté fondamentale qui est celle d’aller et venir. La liberté de stationner sur la voirie publique est un corollaire à cette liberté. Ainsi, le stationnement est en principe libre sur la voie publique s’il n’excède pas sept jours consécutifs en un même point.
Toutefois, si elle ne peut être interdite de façon absolue et générale, la liberté de stationner peut faire l’objet d’une réglementation afin, notamment, de garantir une meilleure rotation des véhicules en stationnement, ce qui est favorable à l’environnement, aux automobilistes eux-mêmes et à l’activité économique des centres-villes, en particulier des commerces de proximité.
L’autorité investie du pouvoir de police du stationnement – maire ou président d’établissement public de coopération intercommunale – peut déterminer les lieux, les jours et les heures où le stationnement est réglementé. À cet effet, il peut être décidé de réglementer des zones à stationnement limité dans le temps, communément appelées « zones bleues », ou de mettre en place des zones de stationnement payant.
S’agissant du stationnement payant, l’autorité compétente peut également édicter des tarifs différentiels entre les usagers en raison de la particularité de leur situation. Aussi est-il possible d’instaurer une tarification préférentielle, gratuité ou modulation, pour les riverains des voies publiques classées en zone de stationnement payant, sans méconnaître le principe d’égalité, comme le rappelle la jurisprudence constante du Conseil d’État.
L’inaliénabilité du domaine public, prévue par le code général de la propriété des personnes publiques, a pour conséquence d’interdire de céder une parcelle appartenant au domaine public. Elle n’a pas pour effet d’interdire son occupation. En outre, le stationnement de véhicules sur voirie constitue une utilisation normale du domaine public routier. L’instauration de la gratuité des cartes de stationnement réservées aux riverains d’une zone bleue n’est donc pas incompatible avec l’inaliénabilité du domaine public, la collectivité en restant bien entendu propriétaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.
Mme Brigitte Lherbier. Je vous remercie de votre réponse, madame le ministre, que je communiquerai aux différents maires qui m’ont sollicitée.
devenir des machines à voter
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 107, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, ma question porte sur l’utilisation des machines à voter. C’est précisément pour lutter contre la fraude que Raymond Marcellin, alors ministre de l’intérieur, introduisit le recours aux machines à voter, à travers la loi du 10 mai 1969.
Conformément au code électoral, les machines à voter peuvent toujours être utilisées dans les communes de plus de 3 500 habitants. Elles doivent être d’un modèle agréé par le ministère de l’intérieur.
La machine à voter ne doit pas être confondue avec le vote numérique ou par internet, car, simple machine comptabilisant les votes, elle n’est connectée à aucun réseau.
Depuis quinze ans, plusieurs communes ont fait le choix des machines à voter : Brest, Épernay et, surtout, Le Havre. Leur usage n’a jamais posé de difficulté. Électeurs, élus, agents municipaux, tous s’accordent sur la simplicité, la fiabilité et la sécurité du dispositif.
Malgré cela, les machines à voter suscitent des oppositions souvent très doctrinales et politiques, rarement issues des utilisateurs.
Ce dispositif a d’ailleurs reçu l’assentiment à la fois du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État, qui considèrent que le secret du vote est préservé. En avril 2016, le ministre de l’intérieur confirmait que les fonctionnalités techniques des machines à voter permettaient de garantir la sincérité du scrutin.
C’est pourquoi les villes utilisatrices souhaitent pouvoir continuer à les utiliser. Or, depuis 2007, un moratoire interdit leur développement.
Les communes dotées aujourd’hui de machines à voter doivent renouveler leur parc. Les incertitudes qui pèsent sur le devenir de ces équipements inquiètent les élus. Pouvez-vous, madame la ministre, les rassurer en levant le moratoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. À ce jour, madame la sénatrice Agnès Canayer, 66 communes, représentant 1 million d’électeurs, sont équipées de machines à voter. En 2007, à l’issue d’un travail approfondi associant le Conseil d’État, des représentants des collectivités territoriales et des usagers, le ministère de l’intérieur et le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, un moratoire a été décidé, ayant pour effet de figer le nombre de communes autorisées à se doter de machines à voter.
Les raisons qui ont justifié la mise en œuvre de ce moratoire tenaient – ce sont les conclusions des études – à l’allongement des temps d’attente dans les bureaux équipés ; au coût pour les communes et l’État, évalué entre 4 000 et 6 000 euros, en 2007, pour l’achat d’une machine, auxquels s’ajoutent les frais d’entretien, de stockage et de formation ; à une problématique de confiance de la part des citoyens, devant l’impossibilité de procéder à un comptage physique des suffrages, comme l’avait relevé le Conseil constitutionnel dans ses observations sur les scrutins présidentiel et législatif de 2007.
Ces raisons ont été confirmées par les sénateurs Alain Anziani et Antoine Lefèvre, qui ont estimé, dans un rapport d’information sur le vote électronique remis en avril 2014, qu’il était nécessaire de proroger le moratoire, compte tenu des risques sur le secret du scrutin et sur sa sincérité associés à l’usage des machines à voter. D’après eux, ces dernières « ne peuvent garantir ni la conformité du choix de l’électeur, ni l’absence de dysfonctionnement dans l’enregistrement des suffrages. »
Enfin, le niveau élevé de risques « cyber », tels que ceux qui ont récemment caractérisé les scrutins législatif et présidentiel de 2017, doit désormais être pris en compte dans l’appréhension des opérations de vote réalisées à l’aide de machines à voter, du fait, pour une part prépondérante du parc installé, de l’obsolescence technique des dispositifs, ainsi que de l’importance du risque inhérent attaché aux opérations de paramétrage des machines à voter préalable aux opérations de vote à proprement parler.
Au regard de l’ensemble de ces éléments techniques, le Gouvernement réexaminera le cadre applicable aux machines à voter, y compris pour ce qui concerne l’homologation et l’autorisation de nouveaux modèles.
Dans le même temps, les conditions de réalisation d’un vote électronique ne reposant pas sur de tels dispositifs seront étudiées, conformément aux engagements du Président de la République.
Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. J’entends les doutes et les remarques d’ordre technique qui sont exprimés sur les machines à voter. Mais une utilisation régulière de ces équipements dans le cadre d’opérations électorales montre toute leur utilité en matière d’accessibilité – ils favorisent le vote des personnes handicapées – et de rapidité du comptage des votes. Aujourd’hui, les communes qui utilisent ces machines à voter en ont pleine satisfaction et aucune difficulté n’a été constatée. C’est en tout cas ce que je peux dire à partir de mon expérience havraise.
organisation des élections sénatoriales
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 097, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Olivier Paccaud. Tradition oblige, les élections sénatoriales sont tous les six ans, dans chaque département concerné par le renouvellement, l’occasion d’un vaste pèlerinage républicain : tous les grands électeurs se retrouvent ensemble en un même lieu, au cœur de la ville préfecture, pour effectuer leur devoir.
Dans l’Oise, le 24 septembre dernier, les 2 331 délégués sénatoriaux se sont ainsi rendus à Beauvais pour voter. À celles et ceux qui venaient du Noyonnais, d’au-delà, ou encore d’au-delà du Valois, il aura fallu bien plus d’une heure pour venir, et j’imagine que, dans les départements montagnards ou dans les départements beaucoup plus vastes, le déplacement vers l’urne préfectorale a pu être très long.
Que de temps passé et que d’essence dépensée !
À l’heure où l’on parle d’économies d’énergie et de sagesse écologique, madame la ministre, ne serait-il pas plus rationnel et cohérent d’utiliser nos charmantes sous-préfectures de département pour en faire des bureaux de vote d’arrondissement ? Tout le monde y gagnerait !
Si la tradition a souvent du bon, l’évolution peut parfois apporter du mieux !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur Olivier Paccaud, le code électoral désigne expressément le chef-lieu de département pour la réunion du collège électoral en vue de l’élection des sénateurs.
Trois séries d’arguments motivent la concentration de la réunion du collège électoral sur un lieu unique – pas forcément la préfecture, d’ailleurs ; dans mon département, c’est le tribunal !
Tout d’abord, une organisation du scrutin sur différents lieux serait susceptible de présenter un risque de contentieux accru.
En effet, la réunion du collège électoral dans un lieu unique a l’avantage de permettre aux préfectures chargées d’établir la liste des électeurs de s’assurer, le jour du scrutin, de l’identité de l’ensemble des électeurs et de vérifier à l’appui d’un document unique que les demandes de remplacement ont été correctement formalisées et remplissent les conditions fixées par le code électoral. Je rappelle que l’élection sénatoriale est la seule élection obligatoire en France.
En outre, une démultiplication des lieux de vote pourrait engendrer plusieurs difficultés pratiques.
Elle pourrait compliquer l’exercice, par le bureau du collège électoral, de ses missions. En effet, les attributions conférées à ce bureau, qui remplit également le rôle de bureau de la première section, rendent nécessaire une proximité physique avec les autres sections le jour du scrutin. Seul le président du bureau du collège électoral est habilité à statuer sur les difficultés et les contestations qui peuvent s’élever au cours de l’élection, toutes sections confondues.
La concentration permet également aux représentants des listes d’accomplir leur mission de contrôle des opérations de vote dans l’ensemble des sections de vote.
Elle garantit au mieux l’accessibilité à tous les électeurs des résultats proclamés par le bureau du collège électoral pour l’ensemble du scrutin, notamment compte tenu du court délai – quatre heures et demie – qui sépare les deux tours dans le cadre du scrutin majoritaire.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’intérêt politique de la réunion du collège électoral en un lieu unique, dans la mesure où cette dernière constitue une opportunité d’échanges entre élus souvent appréciée de ces derniers.
J’ai bien entendu les arguments écologiques que vous avez soulevés, monsieur le sénateur, mais pour toutes ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à des modalités d’élections différentes pour les sénatoriales.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si celle-ci ne m’a pas du tout convaincu – c’est le moins que l’on puisse dire.
J’ai avancé, certes, des arguments écologiques, mais aussi des arguments économiques. Rapprocher les grands électeurs de leur bureau de vote permettrait de dégager de réelles économies. Peut-être leur niveau ne serait-il pas très élevé, mais alors que vous ne cessez d’exhorter les collectivités territoriales à faire des économies, il serait bon de montrer l’exemple.
Nous ne sommes plus sous la IIIe République ! L’égalité devant le scrutin ne me semble vraiment pas du tout mise à mal par cette proposition, sachant qu’un département comme l’Oise, par exemple, dispose de quatre sous-préfectures.
J’ai bien compris que le Gouvernement ne voulait pas bouger. Nous en sommes à la Ve République. Espérons que la VIe République saura faire preuve d’un peu plus d’intelligence !
délivrance de passeport à des parents séparés
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, auteur de la question n° 056, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Claude Raynal. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer cette question par quelques chiffres : en 2016, 60 % des enfants sont nés hors mariage en France et 44 % des mariages finissent par un divorce. La parentalité ne s’exerce donc plus que minoritairement dans le cadre d’un mariage.
S’il appartient au juge civil d’encadrer les questions de garde et de résidence, d’autorité, de pension ou de logement entre les parents, il ressort que l’administration a aussi un rôle à jouer s’agissant de la délivrance de papiers d’identité aux enfants.
En effet, les services municipaux chargés de la délivrance de ces titres n’ont juridiquement pas l’obligation de rechercher si le parent demandeur est titulaire de l’autorité parentale ou si l’adresse déclarée est celle de la résidence principale de l’enfant. Aucun des documents à fournir ne contient cette information, pourtant importante au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Tout au plus, nos textes prévoient qu’il appartient au parent titulaire de l’autorité parentale d’en faire la demande. Mais l’absence de contrôle de l’effectivité de la détention de cette autorité rend bien illusoire cette protection purement formelle.
Dans l’hypothèse de parents séparés, ce défaut de contrôle des informations se double d’une absence d’information de l’autre parent, qui n’apprend alors que fortuitement, lorsque lui-même en fait la demande, l’existence des autres papiers d’identité.
Cet état de fait entraîne parfois, chez le parent de bonne foi, une situation d’anxiété, d’autant plus grande que cette pièce d’identité, bien plus que les autres, permet un éloignement non consenti d’un enfant français de son sol d’origine, sans possibilité pour l’autre parent de s’y opposer.
Il existe en outre un problème quant à la situation de l’enfant vis-à-vis de l’administration. Cette dernière ne reconnaissant que la validité de la dernière domiciliation, elle fait porter la charge de la preuve de l’existence d’une fraude non pas sur l’émetteur de la demande litigieuse, mais sur celui qui la conteste.
En outre, le parent indélicat peut aussi, lors de sa demande, déclarer le titre précédent volé, avec, à la clé, des situations juridiquement kafkaïennes pour le parent de bonne foi.
Enfin, au-delà de la difficulté de cette situation pour les parents séparés, mon interrogation vise aussi à alerter au sujet d’une possible responsabilité de l’administration, par exemple en cas de départ non consenti de l’enfant du territoire national. On sait que ces questions peuvent prendre un relief particulier dans le contexte actuel.
Ainsi, je souhaiterais connaître, madame la ministre, la position du gouvernement auquel vous appartenez face à ce problème, qui peut concerner des millions de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Vous m’interrogez, monsieur le sénateur Claude Raynal, sur la réglementation applicable en matière de délivrance de passeports pour les enfants mineurs dont les parents sont séparés, et sans expression du consentement de l’un des deux détenteurs de l’autorité parentale.
L’article 372-2 du code civil prévoit qu’« à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ».
La demande de titre d’identité et de voyage pour un enfant mineur est considérée comme un acte usuel de l’autorité parentale. En outre, la séparation des parents ne modifie pas, sauf dispositions contraires du juge, le partage de l’autorité parentale.
Ainsi, la demande de titre pour un enfant peut être déposée par l’un des parents, sans qu’il soit nécessaire de demander l’accord de l’autre parent.
Le formulaire de demande de titre de voyage impose au demandeur, par l’apposition de sa signature, de certifier l’exactitude des mentions et déclarations qu’il y a portées. Toute fausse déclaration est passible d’une peine d’emprisonnement et d’amende prévue par le code pénal.
Ainsi, vous l’avez vous-même dit, il n’appartient pas aux mairies chargées du recueil des demandes de passeport de solliciter l’accord de l’autre parent, ni aux services instructeurs de rejeter une demande de passeport déposée par un seul parent, si aucune opposition en la matière n’a été préalablement manifestée.
En cas de conflit entre les parents lié au partage de l’autorité parentale ou en cas de crainte de l’un des parents de voir son enfant emmené à l’étranger sans son accord, il lui appartient de saisir le juge aux affaires familiales qui prononcera, le cas échéant, une mesure d’interdiction de sortie du territoire.
Dans l’attente de la décision du juge, le parent qui craint l’enlèvement de son enfant peut solliciter auprès de la préfecture une mesure d’opposition à la sortie du territoire de l’enfant mineur. Il s’agit d’une mesure prise à titre conservatoire, qui a pour objectif de permettre au titulaire de l’exercice de l’autorité parentale de faire opposition, sans délai, à la sortie de France de son enfant dans l’attente d’obtenir, en référé, une décision judiciaire d’interdiction de sortie du territoire.
Tel est l’état du droit.
Cela dit, vous avez soulevé une vraie question.