M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons dans cet hémicycle au sujet de ces crédits va, je l’espère, se prolonger amplement dans la société.
Les rapporteurs Roger Karoutchi et Jean-Pierre Leleux ont centré leurs propos sur l’état de l’audiovisuel public et les réformes qu’il faudrait engager.
Je le dis d’emblée, pour aborder ce débat, il ne faut pas refaire l’histoire, ni l’oublier. M. Leleux a affirmé que l’on passait d’une période où rien n’avait été fait à une période où les choses allaient bouger.
Je ne l’ai pas votée, mais je vous rappelle que vous avez engagé, il n’y a pas si longtemps, une très grande réforme de l’audiovisuel public avec Nicolas Sarkozy. Vous avez créé l’entreprise unique, ce qui n’était déjà pas rien, et vous avez bouleversé le financement de l’audiovisuel public en supprimant l’un de ses piliers, la publicité, qui y contribuait pour moitié.
Les espèces de montages que vous avez imaginés en compensation se sont révélés absolument pernicieux et n’ont pas rapporté les recettes escomptées, en particulier la taxe sur les fournisseurs d’accès, que vous critiquez à présent parce que son produit n’est pas affecté au budget de l’audiovisuel public.
Nous étions opposés à cette réforme qui déstabilisait l’équilibre du service public. Auparavant, avec 50 % de ses recettes provenant de l’État, je le répète, et 50 % de la publicité, le service public ne dépendait ni complètement du commerce ni complètement de l’État. Et c’est précisément cet équilibre qui garantissait son indépendance.
Ensuite, les réformes se sont poursuivies. Avez-vous oublié les plans sociaux à Radio France et les plus grandes grèves de son histoire ? Ou encore la fusion de France 24 et RFI, les déménagements de locaux, les grèves et la centaine de licenciements ?
Il est donc biaisé de dire que rien n’a bougé, que le secteur public ne fait pas d’efforts et qu’il ne cherche pas à réaliser d’économies. Les personnels ont déjà beaucoup donné.
Abordons maintenant le cœur du débat : faut-il une réforme de l’audiovisuel public ? Probablement, mais il faut surtout une loi sur l’audiovisuel en général, car les chaînes privées aussi sont percutées par la révolution technologique. Les usages ne sont plus les mêmes et la compétition change de visage avec le développement de plateformes internationales comme Netflix. Et même l’audiovisuel privé voit la ressource publicitaire, dont il vit, s’échapper sur internet. Il rencontre des difficultés et peut, demain, se faire laminer si l’on conserve les anciens schémas.
La chronologie des médias est également percutée et c’est donc l’ensemble de l’audiovisuel qui doit faire l’objet de nouvelles régulations.
Toutefois, il faut commencer par le secteur public, car c’est lui qui ordonne l’ensemble. On le sait, sans le service public de l’audiovisuel, l’investissement dans la création serait en danger. Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, monsieur Gattolin. Vous nous avez expliqué tout ce qui n’allait pas…
Mais Complément d’enquête est un programme très regardé, le journal télévisé de France 2 s’est nettement rapproché de celui de TF1, qui reste le premier en Europe, en termes d’audience – 22 % contre 24 % – et je pourrais vous citer les nombreuses émissions où le service public est passé en tête. Une série produite par France Télévisions a même reçu l’Oscar de la meilleure série internationale !
Oui, il faut réformer, mais réformer pour renforcer la qualité du service public. C’est absolument nécessaire. La culture, ce n’est pas un supplément d’âme, c’est notre âme ! Je l’avais déjà dit lors de l’examen de la loi relative à la création ; je le répète haut et fort aujourd’hui.
Dans une époque de désinformation généralisée, sur internet et ailleurs, l’information vérifiée et de qualité constitue une mission de service public.
Nous devons partir de cette ambition. Elle nous conduira peut-être à réaliser des économies ici ou là, bien entendu, mais elle va aussi nécessiter des investissements énormes, parce qu’il faut être prêt pour la révolution numérique, et parce que la qualité a un coût. Il faut des moyens pour envoyer un reporter suivre physiquement un événement, enquêter sur des terrains de guerre…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. En conclusion, ce débat commence mal, avec un budget de France Télévisions amputé de 80 millions d’euros par rapport au COM.
Nous aurons à cœur de défendre le service public et de souhaiter sa réforme, non pas pour des raisons budgétaires, mais pour des raisons de qualité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, l’actualité relative aux contours de cette mission me pousse à commencer mon propos en relevant la baisse de 1 % des crédits alloués à l’audiovisuel public.
Sur le fond, nous déplorons un repli des moyens affectés à l’audiovisuel public, après une hausse de 100 millions d’euros l’an passé.
Sur la forme, nous regrettons le caractère tardif de l’information faite aux bénéficiaires de ce budget – seulement à la fin du mois d’août dernier.
Ce manque de visibilité ne permet pas de s’adapter à ces restrictions budgétaires dans de bonnes conditions et viendra contrarier la réalisation des objectifs contractuels.
Dans le cas précis du groupe France Télévisions, la baisse s’établit à près de 50 millions d’euros.
On regrettera également que cet effort budgétaire ne s’accompagne pas d’un horizon précis. Au-delà de la préservation de ses moyens, France Télévisions a aujourd’hui besoin d’une véritable feuille de route, comme d’ailleurs l’ensemble de l’audiovisuel public français.
Je fais partie de ceux qui pensent que l’avenir de France Télévisions s’inscrit dans le cadre de son identité et de la spécificité de son offre. Il convient de les préserver dans un environnement plus ou moins détaché des exigences de l’audimat à court terme et de la publicité.
En effet, la poursuite d’une démarche essentiellement « commerciale », sur le modèle des groupes privés, ne saurait être salutaire et ôterait progressivement, aux yeux de nos concitoyens, la légitimité de son financement public.
Nous le savons, le Gouvernement travaille à une remise à plat de l’audiovisuel public. Je rappelle, à cet égard, les réformes structurelles que le Sénat appelle de ses vœux depuis plusieurs années pour ce secteur.
Réforme de la gouvernance, du financement, des synergies : autant de chantiers que nous souhaitons pleinement accompagner dans un avenir proche au sein de la Haute Assemblée.
Concernant le budget des aides à la presse, force est de constater que ce secteur ne connaît toujours pas le rebond que nous lui souhaitons. La crise se poursuit du fait d’une rentabilité des divers acteurs toujours trop incertaine et d’une concurrence grandissante des nouveaux moyens d’information.
Seule la presse digitale parvient à tirer à peu près son épingle du jeu. Elle représente un des uniques leviers de croissance actuels. Mais, là encore, sa rentabilité est fragile du fait des difficultés à capter les recettes publicitaires et de la faiblesse du prix de ses abonnements par rapport aux éditions papier.
Notre réflexion doit aujourd’hui se porter sur une meilleure disponibilité, en direction du numérique, des dispositifs existants de soutien à la modernisation.
Les aides publiques à la presse demeurent donc plus que jamais indispensables. Celles-ci s’établissent à un niveau à peu près stable pour 2018, autour de 120 millions d’euros.
L’Agence France Presse bénéficiera également d’une enveloppe à peu près constante, d’environ 130 millions d’euros. Néanmoins, les difficultés de financement de l’AFP et son avenir suscitent une légitime inquiétude.
Le programme 334 « Livre et industries culturelles » présente des crédits destinés, pour l’essentiel, au soutien public au livre et à la lecture.
Ainsi, 215 millions d’euros accompagneront la Bibliothèque nationale de France, pour laquelle d’importants investissements sont toujours engagés sur le site Richelieu, et la Bibliothèque publique d’information, rattachée au centre Pompidou.
Ces crédits vont également à notre vaste réseau de 16 000 bibliothèques et de points d’accès au livre, l’un des plus étendus d’Europe.
En dépit de cette couverture importante – près de 90 % de nos compatriotes –, le nombre d’usagers réguliers de ces structures demeure modeste.
Pour l’essentiel, cela s’explique par les horaires d’ouverture de nos bibliothèques, qui présentent un caractère contraignant pour la plupart des personnes.
La charge d’une extension de ces horaires repose aujourd’hui essentiellement sur les collectivités territoriales. Un grand nombre d’entre elles se sont déjà engagées dans cette voie. Cet effort a une incidence significative sur la masse salariale.
Il convient donc de les accompagner dans cette dynamique visant à permettre à nos concitoyens un accès simplifié à la lecture.
Cet enjeu a déjà été mis en exergue par le Sénat et c’était d’ailleurs l’un des engagements de campagne du Président de la République.
Vous avez, madame la ministre, confié une mission en ce sens à M. Érik Orsenna. Lors de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », Mme la ministre a annoncé qu’un arbitrage avait été rendu pour que la dotation générale de décentralisation, la DGD, pour les bibliothèques soit portée de 80 à 88 millions d’euros. Pouvez-vous, madame la ministre, nous le confirmer ?
Concernant le marché du livre en France, qui continue de bénéficier d’une protection particulière, son chiffre d’affaires demeure stable. Le secteur se porte plutôt bien et doit pouvoir continuer de se reposer sur un réseau de vente fourni.
Le plan Librairie, mis en œuvre par le précédent exécutif, a fait œuvre utile, même s’il n’est pas parvenu à enrayer la détérioration continue de ce marché depuis plusieurs années.
Il convient donc de sanctuariser les dispositifs de soutien aux libraires, tout comme ceux qui sont destinés aux éditeurs et aux auteurs.
À ce titre, la définition d’un nouveau modèle de financement du Centre national du livre devient pressante.
En effet, le rendement des taxes affectées au CNL est insuffisant depuis plusieurs années, ce qui conduit à limiter le champ de ses interventions.
Enfin, en conclusion de ce rapide panorama, j’évoquerai le cinéma, désormais rattaché à cette mission, et le sursis donné au CNC par le Conseil constitutionnel.
Celui-ci ne pourra percevoir, au-delà du 1er juillet prochain, la taxe sur les éditeurs de services de télévision. Il nous faudra donc d’ici là sécuriser juridiquement ce dispositif générant 300 millions d’euros de recettes.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Mireille Jouve. Sur l’ensemble des points soulevés, le groupe du RDSE demeurera vigilant. Il apportera toutefois son soutien aux crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la mission « Médias, livre et industries cultuelles » s’inscrivent dans une certaine continuité.
La commission des finances et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont constaté et approuvé une baisse de 1 % des avances pour l’audiovisuel public. Notre groupe suivra l’avis des rapporteurs de ces deux commissions.
L’effort général de réduction des dépenses demandé aux sociétés de l’audiovisuel public appelle une explication de notre part ; mon propos portera donc sur ce sujet.
Il y a un an, la commission de la culture de notre Haute Assemblée refusait d’approuver le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.
Quelques mois auparavant, le rapport des sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin faisait le constat de la dégradation de la situation financière de l’audiovisuel public, notamment de France Télévisions. Dans ce contexte, il s’avérait indispensable de réduire les dépenses et de rationaliser les moyens.
Le précédent gouvernement, en signant le dernier COM de France Télévisions, n’a pas pris en compte les remarques de notre commission. Trois engagements majeurs n’y étaient pas inclus : les effectifs de France 3, la mobilisation de la filière interne de production et la réduction du coût des achats de programmes. Le présent budget est cohérent avec ces réserves.
Notre groupe souhaite toutefois préciser qu’il ne peut s’agir que d’une solution d’attente. Une réflexion globale sur la place de l’audiovisuel public dans notre pays doit être engagée.
En effet, les usages se sont modifiés avec l’arrivée des géants de l’internet. La diffusion de la création française est mise à mal et l’offre explose. Les supports de lecture se sont diversifiés, le poste de télévision n’étant plus l’écran principal où sont diffusés les contenus.
La question du modèle de financement de l’audiovisuel public se pose de façon accrue dans un contexte de dégradation des finances de l’État et alors que les autres ressources sont incertaines, avec, d’une part, le déclin du marché publicitaire et, d’autre part, un retour sur investissement insuffisant en matière de production.
Soit, les Français contribuent directement au financement de l’audiovisuel public par l’acquittement d’une redevance, mais ils ont maintenant accès à un large panel de chaînes privées et souhaitent donc que leur participation corresponde à une réelle valeur ajoutée.
Certains pays européens se distinguent par la qualité de leur audiovisuel public et la plupart ont déjà engagé des réformes structurelles. La BBC, en Grande-Bretagne, a su maîtriser ses dépenses, en constituant un groupe unique qui regroupe l’ensemble des radios et des télévisions nationales, locales et internationales. Cela lui permet de mutualiser ses moyens et de mobiliser davantage d’investissements.
Face aux évolutions technologiques et aux nouveaux usages, c’est le modèle historique de l’audiovisuel public à caractère national évoluant dans un univers peu concurrentiel qui doit être revu. En l’absence de réforme, les médias du service public risquent fort de décrocher.
Après un quinquennat de statu quo, le Gouvernement semble décidé à faire bouger les lignes, mais pour le moment, madame la ministre, nous n’en sommes qu’au stade des suppositions.
Le Parlement, en particulier le Sénat, a un rôle majeur à jouer dans cette réflexion et plusieurs pistes ont été avancées par le rapport d’information de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin.
L’expérience des dernières années montre qu’il est plus facile de reconduire des crédits que de mener une réforme qui s’annonce d’ampleur.
J’approuve donc la demande formulée par notre commission, sur l’initiative de sa présidente Catherine Morin-Desailly, d’un débat qui pourrait être organisé courant janvier 2018 afin d’engager la réflexion et d’éclaircir les intentions du Gouvernement.
Mes chers collègues, les défis à relever sont nombreux. Quel modèle économique et financier définir ? Comment réformer la contribution à l’audiovisuel public ? Quid de la publicité – Roger Karoutchi a évoqué quelques pistes de réflexion à ce sujet – et de la prise en compte de l’audimat ? Enfin, peut-on conserver un modèle de gouvernance, dont l’indépendance est contestable ?
En 2018, notre groupe participera activement à cette réflexion, afin que notre audiovisuel puisse relever les défis de demain et remplir la mission éducative, culturelle et citoyenne qui lui revient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget pour 2018 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » est un budget de transition qui doit ouvrir la réflexion sur un ensemble de réformes structurelles, nécessaires dans la plupart des domaines de cette mission budgétaire. C’est le cas pour l’audiovisuel public – beaucoup en ont parlé –, mais aussi pour l’AFP ou les aides à la presse.
Cette réflexion ne doit pas être vécue comme un risque, mais comme une chance. Au fond, le vrai risque serait de ne pas réformer !
D’ailleurs, les différentes interventions qui viennent d’avoir lieu montrent bien, finalement, que le débat du jour ne porte pas tant sur les choix budgétaires du Gouvernement que sur les pistes de réforme et leur importance. Il faudra débattre de ces réformes, les expliquer et accompagner celles et ceux qui auront à les mettre en œuvre. On voit bien la sensibilité de ces différents sujets et les réactions que tout cela peut provoquer.
J’en reviens à l’examen de la mission, en particulier à son chapitre relatif aux médias.
Notons que les aides à la presse, qui représentent 120 millions d’euros en crédits de paiement en 2018, sont marquées, cette année, par une diminution des aides à la diffusion et un maintien du niveau des aides à la modernisation numérique.
La santé de la presse est notamment mesurable à ses ventes, qui sont en décroissance constante : depuis 2011, la baisse des ventes des quotidiens nationaux atteint un peu moins de 10 %, alors que les ventes numériques augmentent de plus de 42 % sur la même période. Le Figaro, quotidien le plus vendu, accuse une baisse d’environ 2 % et c’est le même constat pour Aujourd’hui en France – pour citer un autre type de presse –, qui subit une baisse de plus de 5 %. Le journal le plus impacté semble être Libération, dont la diffusion chute de 17 %.
Au-delà des chiffres, l’avenir de la presse écrite papier est, à l’ère du tout-numérique, un réel enjeu, qui doit se traduire par une réflexion profonde sur l’évolution de ce secteur, notamment de notre contribution au portage postal.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur la situation préoccupante de l’AFP, acteur stratégique du rayonnement de la presse française à l’international. Si la diminution de crédits va dans le bon sens, elle devra s’accompagner, elle aussi, de réformes structurelles pour réinventer le modèle de l’agence, en particulier en termes de diversification de ses sources financières – je pense par exemple à la vidéo et aux nouvelles technologies.
Ce besoin de réformes concerne également l’audiovisuel public.
Le législateur devra intervenir avant le 1er juillet 2018 pour consolider l’assiette de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision, à la suite de la décision d’inconstitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel le 27 octobre dernier.
Les économies demandées sont au cœur de l’actualité et je voudrais attirer votre attention sur un point symptomatique des difficultés de notre pays à se réformer.
De 2012 à 2017, le gouvernement de l’époque a proposé l’augmentation du budget alloué à France Télévisions. Cette évolution n’aura pas permis d’engager de véritables réformes structurelles ni de repenser son mode de fonctionnement dans son ensemble.
Aujourd’hui, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2018, l’audiovisuel public doit réaliser, contraint et forcé, des économies à hauteur de 47 millions d’euros qui, hier encore, paraissaient inconcevables.
Preuve par l’exemple que, oui, un budget en baisse n’est pas forcément un mauvais budget s’il s’appuie sur des réformes structurelles à la hauteur des enjeux.
Certainement, nous pouvons regretter que ces réformes n’aient pas été menées plus tôt et qu’une fois encore, le précédent gouvernement ait eu recours à la facilité d’une augmentation des crédits budgétaires sans engager les réformes structurelles. Il est désormais indispensable de les faire.
Le groupe Union Centriste est particulièrement sensible à la question de la refonte de la redevance.
Avant d’évoquer ce sujet, je souhaite attirer votre attention sur un point particulier : la redevance est collectée en même temps que la taxe d’habitation et on peut s’interroger sur l’impact que la suppression, à terme, de celle-ci aura ou non sur la redevance.
Concernant la question de la redevance et, de manière plus large, celle du financement de l’audiovisuel public, nous ne pouvons que souhaiter que le Gouvernement s’inspire fortement des recommandations de l’excellent rapport de nos collègues Leleux et Gattolin de 2015, qui présentait des pistes sérieuses et crédibles pour pérenniser les financements, sans peser sur les finances publiques.
C’est le cas notamment du système de financement dit « à l’allemande », pour lequel le groupe Union Centriste a indiqué, à de nombreuses reprises, son intérêt, en particulier au regard du critère de justice fiscale : ce système permet en effet de faire participer l’ensemble des foyers au financement de l’audiovisuel public.
Pour conclure, les crédits du programme « Livre et industries culturelles » sont stables.
Mention honorable en ce qui concerne le financement de la Bibliothèque nationale de France, qui participe au redressement des comptes publics, puisque sa dotation 2018 diminue modérément de 2,5 %, et le maintien du financement de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, HADOPI, à hauteur de 9 millions d’euros destinés notamment à couvrir la lutte contre le piratage, qui représente aujourd’hui plus d’un milliard d’euros.
Toutefois, la question des missions de la HADOPI, en particulier leur pertinence face à l’évolution du cadre technologique, demeure entière.
Ne perdons jamais de vue l’enjeu principal de toute réforme : l’adaptation à l’évolution des habitudes de consommation de nos concitoyens en lien avec les nouvelles technologies.
Dans les mois et les années qui viennent, nous aurons finalement un adversaire : la tentation du statu quo, celle des demi-réformes ou des demi-mesures. Dans ces circonstances, il ne manque jamais de bons esprits pour préconiser de ne rien faire ou si peu : « À quoi bon réformer en profondeur ? À quoi bon précipiter les choses ? Les réformes sont sûrement un mal nécessaire, mais à trop forte dose, ne risque-t-on pas de tuer le malade ? » Soyons justes, cette inquiétude est légitime, mais elle n’est souvent que l’alibi du conservatisme !
En attendant ces réformes, que nous appelons de nos vœux, le groupe Union Centriste votera cette année en faveur des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’information est la bataille du XXIe siècle. Avec l’avènement et la profusion du numérique, elle est, encore plus qu’auparavant, un enjeu central de puissance et d’influence. Instrument décisif, elle peut même influer le cours des événements de manière inattendue et irréversible, comme de nombreux faits récents l’attestent.
C’est pourquoi le rôle des médias classiques, singulièrement de la presse écrite, est encore plus essentiel aujourd’hui et est une responsabilité collective, qui appelle de notre part vigilance et exigence.
Lutter contre les tendances à la « post-vérité », rétablir les faits à travers des articles pédagogiques, mais aussi apporter au lecteur une mise en perspective de ces faits sont des missions fondamentales.
Pour ce faire, la presse a besoin de moyens.
En premier lieu, la situation financière de l’AFP, malgré les réformes d’ampleur déjà engagées, demeure préoccupante. Elle affronte une concurrence mondiale exacerbée, mais le marché de la vidéo, en pleine expansion, peut représenter une piste de réflexion intéressante. Il faut qu’elle reste ce « champion français », pour reprendre l’expression, madame la ministre, que vous avez récemment utilisée.
Ensuite, les aides à la presse, d’un montant de 120 millions d’euros, stagnent ou régressent pour quelques-unes d’entre elles.
Dans l’environnement actuel, les aides au pluralisme et à la modernisation constituent pourtant une priorité ; il est d’ailleurs dommage que le fonds stratégique pour le développement de la presse subisse une légère baisse.
En effet, la presse a besoin d’un appui affirmé et, surtout, d’une véritable réforme structurelle visant à assurer son modèle économique, à protéger ses éditeurs, à garantir le pluralisme et à conforter l’indépendance des journalistes et des rédactions. Il serait donc intéressant que le Gouvernement formule une véritable stratégie de soutien à la presse, afin de définir clairement les axes sur lesquels il compte insister à l’avenir.
À l’échelle européenne, la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse dans le cadre de la directive visant à réformer le droit d’auteur est à soutenir, eu égard aux nouveaux usages numériques. Je tiens à saluer la position ferme de l’exécutif sur ce sujet, en espérant vraiment qu’elle convainque l’ensemble de nos partenaires.
En ce qui concerne le volet « Livre et industries culturelles », il est marqué par une transformation profonde de périmètre, surtout pour le livre et la lecture publique, du fait de transferts de crédits au programme 224. Des dispositifs importants sont concernés, par exemple les contrats territoire-lecture. Je crois qu’il faudra être très vigilant dans l’utilisation de ces crédits, singulièrement en ce qui concerne leur ventilation territoriale.
À cet égard, le contexte actuel semble favorable pour renforcer la politique de lecture publique, et spécialement le rôle des bibliothèques, pour lesquelles vous connaissez mon attachement. Je me réjouis donc de l’annonce du Gouvernement, qui vise à augmenter de 8 millions d’euros la dotation générale de décentralisation dédiée aux bibliothèques. Après dix ans de stagnation ou de gel, cette décision était attendue ; c’est une bonne nouvelle pour les collectivités et les professionnels. J’espère vivement qu’elle permettra de concrétiser plus facilement les projets d’investissement, ainsi que ceux ayant pour finalité l’élargissement des horaires d’ouverture.
Cette décision est également conforme à la priorité fixée en la matière par le Président de la République et est en cohérence avec la mission conduite, en ce moment, par Érik Orsenna. La prochaine étape sera peut-être un projet de loi sur les bibliothèques permettant de lever les difficultés législatives auxquelles elles font face.
Notre vigilance doit être de mise sur l’ensemble de la chaîne du livre : des auteurs, que l’on doit protéger, aux librairies indépendantes, que l’on doit continuer à aider et que l’on ne doit pas déstabiliser, notamment celles qui ont le label « Librairie indépendante de référence », ou LiR. Cela requiert une grande attention.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !