Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut bien une prise de parole sur l’article pour se mettre en appétit : nous abordons une mesure phare, emblématique du projet de loi de finances pour 2018. Pour situer les enjeux de l’article 11, rien de mieux sans doute que de faire référence aux éléments fournis par l’OFCE sur la mesure qui nous est soumise.
« La réforme défendue par Emmanuel Macron dans son programme présidentiel s’inspire notamment de la réforme fiscale suédoise de 1991 ayant instauré un impôt proportionnel de 30 % sur l’ensemble des revenus du capital.
« La réforme du PFU [prélèvement forfaitaire unique] a été annoncée comme neutre budgétairement dans le programme présidentiel. Dans les faits, si la réforme n’engendre que des gagnants, son coût budgétaire pourrait être significatif. Notons qu’à l’heure actuelle le taux marginal d’imposition dans la deuxième tranche de l’impôt sur le revenu est de 14 %, auxquels s’ajoutent 15,5 % de prélèvements sociaux, soit un taux marginal total de 29,5 % pour les ménages aux taux marginaux les plus faibles… A contrario, excepté pour les revenus d’assurance vie de plus de huit ans, le PFU constitue une diminution de taux par rapport aux taux des prélèvements libératoires déjà existants. Ainsi, selon notre évaluation, sur la base d’un PFU à 30 % avec possibilité de rester imposé au barème de l’impôt sur le revenu pour les ménages étant peu ou pas imposés, son coût budgétaire serait de l’ordre de 4 milliards d’euros. »
Remercions les économistes de l’OFCE d’éclairer notre jugement sur la mesure qui nous est proposée. Nous sommes bien en présence de ce que l’économiste Gabriel Zucman qualifie de « bombe à retardement » pour les finances publiques et que, pour ma part, je nommerai sans hésitation une forme d’« évasion fiscale légale ».
L’étude de l’OFCE, publiée au mois de juin dernier et affinée depuis, apporte les précisions suivantes, une fois appliqué au dispositif le modèle macroéconomique de l’Observatoire en matière de fiscalité et de distribution des revenus : « Selon nos simulations, réalisées à l’aide du modèle de microsimulation Ines, développé par la DREES et l’INSEE, le “PFU à 30 %”, avec la liberté laissée aux contribuables de choisir le mode d’imposition le moins élevé, devrait impacter positivement environ 12,8 millions de ménages pour un coût budgétaire de l’ordre de 4 milliards d’euros, soit un gain moyen de l’ordre de 315 euros par ménage bénéficiaire. Si seuls 16 % des ménages du premier décile de niveau de vie voyaient, à la suite de la réforme, leur imposition sur les revenus mobiliers décroître, les ménages bénéficiaires de la réforme seraient majoritaires pour les niveaux de vie supérieurs au sixième décile… »
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Éric Bocquet. Je reviendrai sur ce sujet lors de l’examen des amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avec les articles 11 et 12, nous abordons le sujet important de la fiscalité du capital, d’abord sur les flux, ensuite sur le stock.
La fiscalité du capital n’est pas assez aux services de la croissance : elle n’incite pas les entreprises à investir et pénalise notre pays par rapport à ses voisins. En France, le capital est taxé à tous les étages de la fusée : sa formation, sa détention, sa cession, sa transmission, jusqu’aux revenus qu’il engendre. Selon Eurostat, qui est un organisme indépendant, le taux implicite de la fiscalité du capital est de 47 % en France, contre 22 % en Allemagne et 36 % au Royaume-Uni. Les effets sont doubles : les PME françaises sont très endettées ; les Français n’investissent pas assez dans les actifs risqués. Cela a en outre une double conséquence : les entreprises n’innovent pas assez et les Français épargnent plus pour protéger leurs économies que pour financer l’économie. Les résultats de nombreuses enquêtes documentent assez bien ce phénomène, qui nous distingue d’autres pays.
Évidemment – nous aurons l’occasion d’en reparler –, notre système fiscal est biaisé en faveur de l’immobilier. Je sais que cela suscite des débats, mais, dans ce cas-là, il faut prévenir toutes les personnes qui investissent dans l’immobilier et qui sont si attachées à la pierre. D’ailleurs, de ce point de vue, l’amendement de la commission des finances aggrave à mon avis la situation. Il faut assumer de réallouer les ressources en France de la détention d’une épargne moins risquée au financement de l’économie ; c’est en effet ce qui permettra d’accompagner et de favoriser la croissance.
Pour autant, nos débats ne peuvent faire l’économie de cet enjeu important : il faut stabiliser la fiscalité et ne pas la modifier chaque année. Les entreprises ont en effet besoin de stabilité pour avoir une crédibilité et stabiliser leurs investissements.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, sur l’article.
M. Claude Raynal. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons une disposition extrêmement importante, le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus mobiliers, qui constitue l’un des points majeurs de notre désaccord avec ce projet de loi de finances pour 2018. Ce dispositif va évidemment à l’encontre du principe de progressivité de l’impôt que nous avions contribué à mettre en œuvre à partir de 2013 avec la barémisation des revenus du capital.
Ce n’est pas le seul problème soulevé par cette mesure. Elle est en effet particulièrement inégalitaire. Avec le PFU, qu’il faut replacer dans la logique de la suppression de l’ISF, les cent premiers contribuables à l’ISF gagneront chacun, en moyenne, environ 1,5 million d’euros par an. De plus, le bénéfice lié à la mise en place du PFU est extrêmement concentré : 44 % du gain total est capté par le 1 % des ménages les plus aisés.
Je ne reviendrai pas sur la démonstration de l’économiste Gabriel Zucman, notre collègue Éric Bocquet vient de le faire avec talent. Alors que le coût du PFU est estimé par le Gouvernement à 1,9 milliard d’euros, l’économiste estime qu’à terme, dans la mesure où il pourrait y avoir de l’optimisation fiscale, cette mesure pourrait faire perdre à l’État plus de 10 milliards d’euros par an.
En effet, la flat tax permettra à certains de se payer sous forme de dividendes, sans acquitter les prélèvements sociaux, ce qui entraînera un fort manque à gagner pour le budget de la sécurité sociale et le budget de l’État. Des dispositions fiscales similaires appliquées par d’autres pays, comme la Finlande ou les États-Unis, ont ainsi montré que ces mesures favorisaient l’optimisation fiscale.
Par ailleurs, tout comme l’article 12 qui remplace l’ISF par l’IFI, l’article 11 offre un avantage fiscal substantiel aux contribuables les plus riches, alors que, dans le même temps, les plans d’épargne logement, qui sont privilégiés par les épargnants moins aisés, seront imposés à 30 %, au-dessus d’un certain niveau et à partir d’une certaine date. Si l’amendement de suppression que nous avons déposé n’est pas retenu, nous vous soumettrons un amendement de repli.
Mme la présidente. Avant de donner la parole à M. le ministre, je tiens à souhaiter la bienvenue à Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. (Applaudissements.)
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, au début de notre débat sur un point majeur du projet de loi de finances pour 2018, expliquer le sens du choix politique fait par le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement.
Instaurer un prélèvement forfaitaire unique sur les intérêts du capital, c’est un gage de simplicité dans un dispositif fiscal aujourd’hui mité par les exceptions multiples et règles particulières, qui empêchent de donner de la lisibilité à l’épargne. C’est également un gage d’efficacité, parce que notre économie a besoin d’être mieux financée. Face à des révolutions technologiques qui sont de plus en plus rapides, le besoin en capital va être de plus en plus important.
L’alternative est très simple : soit nous continuons à taxer le capital au niveau où il est aujourd’hui et nos entreprises ne pourront pas financer les investissements nécessaires et leur modernisation, soit nous avons le courage d’alléger la fiscalité sur le capital et nos entreprises seront plus profitables et pourront investir et innover.
C’est ce choix-là que nous prônons. Il est majeur dans le projet de loi de finances pour notre économie. Si notre tissu économique est aujourd’hui fragilisé, c’est d’abord parce que nos entreprises n’ont pas pu investir, que leur profitabilité est trop faible et que l’épargne des Français va vers des placements sûrs plutôt que vers l’économie et les entreprises. Nous proposons de rompre avec ce système-là pour aller vers un système fiscal plus favorable au financement de notre économie.
J’entends les critiques qui nous sont opposées. M. Zucman est devenu l’alpha et l’oméga de la référence en matière de réflexion sur le prélèvement forfaitaire unique. Sa tribune est sans doute très pertinente pour l’économie américaine, mais elle l’est beaucoup moins pour l’économie française. (M. Julien Bargeton opine.) Cet économiste prend comme référence un modèle d’entreprise qui n’existe pas en France, les small corporations, où la rémunération se fait exclusivement par dividendes, avec des possibilités d’optimisation fiscale qui n’existent pas non plus dans notre pays.
Par ailleurs, nombre d’entrepreneurs français n’ont aucune intention de se verser des dividendes et préfèrent continuer à se verser des salaires, et ce parce qu’ils n’ont pas les moyens de se verser des dividendes.
En outre, lorsque vous versez des dividendes, vous n’avez pas de cotisation retraite. Avec les salaires, vous avez une cotisation pour les retraites. Par conséquent, de nombreux entrepreneurs, en particulier les plus petits d’entre eux, continueront à préférer le paiement par salaires plutôt que par dividendes.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à regarder d’un œil très critique l’analyse faite par M. Zucman, qui est sans doute très fondée pour l’économie américaine, mais l’est beaucoup moins pour l’économie française et les entreprises françaises.
Quant à l’analyse de l’OFCE, elle a été réalisée avant que le dispositif PFU soit précisé. Elle ne tient notamment pas compte du fait que nous avons choisi de soumettre au prélèvement forfaitaire unique l’ensemble des contrats d’assurance vie dont l’encours est supérieur à 150 000 euros. Elle n’intègre pas un certain nombre de choix politiques qui ont été faits sur le PFU.
Enfin, je le redis, nous soumettrons ces choix fiscaux à évaluation d’ici à deux ans pour en connaître précisément les effets et le coût pour le budget de l’État. Il est important, surtout quand on fait des choix aussi décisifs pour notre économie, de faire preuve d’une transparence totale. Le Gouvernement y est prêt. (M. Julien Bargeton applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I–221 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° I–565 est présenté par MM. Raynal et Guillaume, Mme Taillé-Polian, MM. Lurel, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mmes Meunier et Tocqueville, MM. Sueur, Vaugrenard, Daudigny, Durain, Kerrouche, Roger, Daunis, Cabanel, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° I–221.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 749 163 : c’est le nombre de ceux qui ont a priori quelque intérêt à voir s’appliquer l’article 11 que le Gouvernement entend soumettre à la décision du Parlement. Cela fait environ 2 % du total des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire ceux qui ont un revenu fiscal de référence dépassant 100 000 euros et qui, dans les faits, disposent d’un revenu moyen situé aux alentours de 190 000 euros.
Par rapport à la réforme de la taxe d’habitation, les choses sont plus simples. L’État est censé perdre environ 1,3 milliard d’euros en 2018 et aux alentours de 1,9 milliard d’euros les années suivantes. La compensation – la question se pose – sera payée par les autres contribuables, qui perdront en réduction de la dépense publique ce que d’autres pourront garder par-devers eux, avant de se mettre à l’affût d’un nouveau juteux placement de leurs petites économies.
Pour reprendre un exemple que nous avons évoqué lors du débat sur la taxe d’habitation, l’article 11 intéresse par exemple environ 8 000 familles de Neuilly-sur-Seine qui disposent de plus de 2,4 milliards d’euros de revenus et paient 615 millions d’euros d’impôt sur le revenu. À Loos, dans ma région, dans la banlieue lilloise, 57 contribuables ont déclaré plus de 100 000 euros, pour un montant global de 9,4 millions d’euros et un peu moins de 2 millions d’euros d’impôt à payer. Ces données simples montrent les enjeux et illustrent clairement l’objectif du dispositif.
Pourquoi faire référence à ce seuil de 100 000 euros ? Tout simplement parce que, selon les éléments fournis par les sites du ministère, ce n’est qu’à partir de ce seuil d’imposition que le taux apparent d’imposition excède les 12,8 % forfaitaires. Eh oui, les seuls contribuables ayant un quelconque intérêt à voir s’appliquer l’article 11 ne peuvent être, par principe, que ceux dont le revenu global est soumis à un prélèvement supérieur à 12,8 % ! Les retraités, prévenants pour leurs petits-enfants, qui mettent quelques sous de côté au guichet de leur banque de dépôt n’ont strictement aucun intérêt à passer par le régime de l’article 11.
Pour ne rien arranger et, probablement pour pousser à l’achat des stocks de logements invendus de quelques dispositifs d’investissement immobilier incitatifs, l’article 11 emmène dans ses bagages l’imposition des revenus tirés de la capitalisation des plans d’épargne logement et des comptes épargne logement.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° I–565.
M. Claude Raynal. Monsieur le ministre, vous comprendrez bien que vous ne nous avez pas totalement convaincus, mais nous notons votre constance. Reste que la vision néolibérale ou totalement libérale que vous développez ne peut bien sûr recueillir notre assentiment.
D’abord, la France est aujourd’hui l’un des pays où l’on distribue le plus de dividendes.
M. Éric Bocquet. Tout à fait !
M. Claude Raynal. Sur ce sujet, il faudrait expliquer comment des entreprises qui distribuent énormément de dividendes ne trouvent pas d’argent pour financer leur haut de bilan. Qu’elles commencent par financer la recherche et leur haut de bilan avant de distribuer tant de dividendes ! (M. Éric Bocquet applaudit.) Il faudrait faire passer ce message aux entreprises !
Ensuite, comment être sûr que cela revienne à l’économie ? Sans doute êtes-vous un adepte de la pensée magique, monsieur le ministre : vous pensez que, parce que vous allez redonner aux plus riches, cela va revenir vers les entreprises, qui plus est les entreprises françaises…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Claude Raynal. On a critiqué le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, parce qu’il n’était pas assez ciblé. Il avait pourtant l’avantage de revenir à l’entreprise, qui améliorait ses marges. Là, ce sont les marges des actionnaires que l’on améliore. Rien ne dit – sinon la pensée magique – que cela reviendra à l’économie réelle.
Pourtant, les possibilités existent. Vous auriez pu flécher le même argent, c’est-à-dire environ 5 milliards d’euros tout compris, vers la BPI, par exemple,…
M. Éric Bocquet. Oui !
M. Claude Raynal. … ou vers l’Agence des participations de l’État. Or, sans arrêt, nous devons vendre des participations de l’État pour financer les apports à des entreprises en difficulté ou à des entreprises d’une importance vitale pour la France. Vous auriez trouvé là une enveloppe qui aurait directement financé l’entreprise française sans passer par les actionnaires.
Enfin, cette mesure est totalement choquante au regard de la période. On pourrait la concevoir dans une période où tout va bien, où tout le monde remonte, où, du plus pauvre au plus riche, il y a une poussée vers le haut, mais nous n’en sommes pas là !
On demande une diminution des services publics, une diminution des ressources pour les collectivités locales et, dans le même temps, on fait ce cadeau. C’est totalement choquant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission n’est pas favorable à la suppression de l’article sur le prélèvement forfaitaire unique, et ce pour plusieurs raisons. Certaines rejoignent les arguments du Gouvernement, d’autres sont propres à la commission des finances.
Premièrement, quel est l’avantage du prélèvement forfaitaire unique ? Cela a été souligné, il présente l’avantage de la simplicité. Le mécanisme d’imposition des capitaux est extrêmement complexe, avec des taux différents – on en a détecté plus de quinze sur les gains de cession en capital –, ce qui rend le système illisible. L’une des convictions de la commission, c’est que l’acceptation de l’impôt passe sa lisibilité, par des bases fiscales larges et des taux les plus faibles possible.
Deuxièmement, pour notre famille politique, c’est le retour à une situation que l’on connaissait avant 2013, les revenus du capital n’étant alors pas soumis au barème. La soumission au barème a notamment eu pour effet d’alourdir la pression fiscale et nous l’avions à l’époque désapprouvée. Par cohérence, nous nous réjouissons du retour à la situation antérieure à 2013.
Troisièmement, de nombreux pays en Europe ont un système relativement comparable à celui qui nous est proposé dans ce projet de loi de finances. C’est notamment le cas des pays d’Europe du Nord ou de l’Autriche, avec un taux qui est relativement comparable, de l’ordre de 29 % ou 30 %. Comme rien ne circule plus que les capitaux, cela permet d’assurer aussi la compétitivité de la France en termes d’attraction des capitaux, ce qui est bien nécessaire.
On a évoqué le risque d’érosion de la base ou de transfert d’une partie des revenus, notamment de dirigeants (M. Claude Raynal opine.) qui sortiraient du barème et préféreraient aller vers le prélèvement forfaitaire unique, privilégiant le paiement en dividendes plutôt qu’en salaires. Cette question mérite d’être examinée et la commission a déposé un certain nombre d’amendements, qui sont peut-être des amendements d’appel, permettant d’interroger le Gouvernement : considère-t-il qu’il y a un risque ?
Je le répète : la commission approuve le principe du prélèvement forfaitaire unique, pour des raisons de simplicité, de lisibilité et de pression fiscale, et ce n’est jamais que le retour à la situation antérieure à 2013. Malheureusement, la soumission au barème a eu des effets pervers : d’une part, une augmentation de la pression fiscale, d’autre part, le fait d’avoir détourné une grande partie des Français de l’épargne.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Comme souvent, je n’ai pas grand-chose à retrancher aux propos du rapporteur général. Je souhaite en revanche prolonger ce débat, qui est utile et intéressant.
Monsieur Raynal, vous avez souligné que j’étais constant dans mes positions. À mon sens, il est important d’améliorer la profitabilité de nos entreprises. Nous devons le dire très simplement aux Français : oui, cette mesure va améliorer la profitabilité des entreprises (M. Julien Bargeton opine.), car il faut qu’elles soient plus profitables afin de pouvoir investir et innover.
Cela ne nous interdira pas, dans un second temps, c’est-à-dire l’année prochaine, de réfléchir à des dispositifs permettant de mieux associer les salariés aux résultats de l’entreprise. Le Président de la République l’a dit – tous les gaullistes qui sont présents dans cette enceinte, et ils sont très nombreux, y sont attachés autant que moi –, l’objectif est que, à terme, 100 % des salariés aient accès à un dispositif d’intéressement ou de participation, contre 50 % aujourd’hui. Il est en effet juste et légitime que, lorsqu’une entreprise va bien, réalise des profits et dégage des bénéfices, il n’y ait pas que les actionnaires qui en profitent, mais que les salariés, qui sont la première richesse des entreprises, en bénéficient aussi.
Ne limitons pas le raisonnement du Gouvernement à la seule amélioration des marges et des profits des entreprises. Nous le faisons avec, en perspective, la possibilité d’innover et de mieux rémunérer les salariés.
Je reviens sur l’évaluation du Gouvernement. Le prélèvement forfaitaire unique aura un coût de 1,3 milliard d’euros pour les finances publiques en 2018 et de 1,9 milliard d’euros en 2019, très loin des 5 milliards d’euros que vous avez mentionnés, monsieur le sénateur.
Vous avez aussi parlé de la période. Pour notre part, nous estimons que c’est une période de redressement de notre économie. Les chiffres de la croissance l’attestent, ce n’est pas moi qui les invente : il y a un redressement de notre économie, la confiance des entrepreneurs n’a jamais été aussi élevée depuis dix ans. Le dernier trimestre de cette année est positif en termes de croissance. Tout cela n’est pas suffisant et n’a pas encore un impact suffisamment fort sur le chômage. J’ai fixé à deux ans le moment où nous pourrons juger des effets de cette politique sur le redressement de l’emploi dans notre pays : le redressement sur le fond prendra plus de temps et ne se fera pas du jour au lendemain.
C’est justement parce que cela va mieux et que les perspectives de croissance en France, en Europe et dans le monde sont positives que c’est le bon moment pour mettre en place ce prélèvement forfaitaire unique.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-221 et I-565.
(Les amendements ne sont pas adoptés.) – (M. Claude Raynal s’exclame.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I–566, présenté par MM. Raynal, Guillaume, Lurel, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly et Lalande, Mmes Taillé-Polian, Meunier et Tocqueville, MM. Sueur, Vaugrenard, Daudigny, Durain, Kerrouche, Roger, Daunis, Cabanel, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 6, 27, 48, 183, 196, 205, 212, 225 et 242
Remplacer le taux :
12,8 %
par le taux :
17,8 %
La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Continuons notre discussion, monsieur le ministre, et ayons un dialogue clair.
Premièrement, je n’ai pas parlé de 5 milliards d’euros pour le seul prélèvement forfaitaire unique, cette somme englobe aussi la suppression de l’ISF contenue dans ce projet de loi de finances, puisque les deux mesures vont en quelque sorte ensemble.
Deuxièmement, vous avez évoqué l’intéressement des salariés. C’est étonnant, je n’en ai pas trouvé trace dans le dossier qui nous a été présenté, même pas sous forme de commentaire. Pour l’instant, c’est de la pure croyance. Nous verrons bien, mais je ne suis pas sûr que ce soit autour de l’intéressement des salariés que cette mesure a été bâtie.
Troisièmement, le rapporteur général et la majorité sénatoriale nous parlent toujours de comparaisons internationales, nous invitant à regarder ce qui se fait ici ou là et à faire comme les autres. C’est très dangereux, parce que le système social français est très particulier et il faut veiller à ne pas le casser complètement seulement pour faire comme les autres.
Faire comme les autres ? On connaît la chanson ! Cela revient toujours à tirer vers le bas. On commence par être dans la moyenne en proposant un PFU de 30 %, mais, si, demain, la moyenne passe à 25 %, il faudra s’aligner, puis ce sera 20 % et, finalement, on essaiera de nous amener à zéro. Eh oui, le rêve des investisseurs, c’est zéro ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) Quand on enclenche cette marche en avant, on ne sait pas où l’on s’arrête et on tire vers le bas. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
On ne cesse de parler de ce qui se passe à l’étranger, mais la France est l’un des pays où les étrangers investissent le plus ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ils n’ont pas dû comprendre !
M. Philippe Dallier. Ils investissent dans l’immobilier !
M. Claude Raynal. Ils investissent dans l’industrie française ! (M. Philippe Dallier est dubitatif. – M. Roger Karoutchi fait un signe de dénégation. – Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) Tout cela n’est donc pas sérieux.
Pourquoi avoir choisi ce taux de 30 % ? Pour notre part, avec cet amendement d’appel, nous proposons un taux de 35 %, car nous voulons nous rapprocher le plus possible de ce que cela coûte aux salariés : il faut que l’imposition sur les revenus salariaux et sur les dividendes soit de même nature. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° I–637, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 150
Compléter cet alinéa par les mots :
, ni au gain net mentionné au second alinéa du I de l’article 163 bis G
II. – Alinéa 181
Remplacer les mots :
l’avantage correspondant à la différence entre la valeur du titre souscrit au jour de l’exercice du bon et le prix d’acquisition du titre fixé lors de l’attribution du bon et imposé dans la catégorie des traitements et salaires.
par les mots :
le gain net précité est imposé dans les conditions prévues à l’article 150-0 A et au taux de 30 %
III. – Alinéa 205
Rédiger ainsi cet alinéa :
23° À la première phrase du 1 du III de l’article 182 A ter, les mots : « les taux de la retenue à la source correspondent à ceux prévus par ce régime », sont remplacés par les mots : « le taux de la retenue à la source est de 12,8 % s’il est réalisé par une personne qui exerce son activité dans la société dans laquelle elle a bénéficié de l’attribution des bons depuis au moins trois ans à la date de la cession et de 30 % dans le cas contraire » ;
La parole est à M. le ministre.