M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, au moment où s’ouvre dans notre assemblée le débat sur le projet de loi de finances pour 2018, je rappellerai la ligne qui sous-tendra l’action de l’Union Centriste et qui guidera nos choix, en toute indépendance – j’y insiste –, lors de l’examen de ce texte comme dans les prochaines années.
Cette ligne repose sur deux idées simples.
Premièrement, nous devons enfin donner un coup d’arrêt à cette sorte de fuite en avant qui nous conduit à accroître sans cesse l’endettement de notre pays : près de 2 200 milliards d’euros…
Au-delà même de nos engagements européens, au-delà même de la crédibilité de la France au sein de l’Union européenne et dans le monde, il s’agit d’abord de la responsabilité que nous portons devant les générations qui viennent. (M. Jean-François Longeot acquiesce.) Comment pouvons-nous accepter de continuer à accroître sans limite la dette que nous laisserons à ces nouvelles générations ?
Bien sûr, mettre fin à cette dérive appelle des décisions courageuses. Je pense que le moment est venu et que les conditions politiques et économiques peuvent être réunies pour prendre une telle orientation de façon durable. Ces décisions-là, nous les devons à nos enfants. Sachez, monsieur le ministre, que nous serons toujours à vos côtés pour les soutenir.
M. Bernard Delcros. Deuxièmement, la réduction de nos déficits et de notre endettement ne doit en aucun cas avoir pour corollaire d’aggraver la fracture sociale et la fracture territoriale de notre pays, de pénaliser davantage encore les plus fragiles de nos concitoyens, les plus fragiles de nos territoires.
Le risque existe, nous le savons. Il est donc impératif d’accompagner cette politique budgétaire de mesures renforcées de solidarité. Cela s’appelle, tout simplement, l’équité sociale et territoriale. Nous le devons à nos concitoyens, nous le devons aux territoires de France.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris : redresser la situation financière de la France tout en veillant avec exigence à réduire les inégalités, telles sont nos priorités ; telle est la ligne de crête le long de laquelle nous souhaitons vous accompagner.
Notre collègue Michel Canevet évoquera les grands équilibres de ce budget et les données macroéconomiques. Pour ma part, je traiterai plus précisément des collectivités territoriales.
Je commencerai par la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Le candidat s’y était engagé, le président honore cet engagement. Tenir les engagements doit devenir une constante, si l’on veut réussir à réconcilier nos concitoyens avec l’action publique.
Sur le fond, nous sommes favorables à un allégement des charges qui pèsent sur les familles les plus modestes, surtout dans un contexte de hausse de la CSG. Je sais que, sur la suppression de la taxe d’habitation, les avis sont partagés. À titre tout à fait personnel, je suis favorable à la suppression de cette taxe qui pénalise plus particulièrement les habitants des territoires les moins peuplés.
Pour autant, deux questions se posent. D’abord, comment peut-on imaginer maintenir durablement cette taxe pour 20 % des ménages, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’elle est profondément injuste ?
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Eh oui !
M. Bernard Delcros. Ensuite, cette mesure ne doit en aucun cas se traduire par une perte de recettes pour les collectivités territoriales, non plus que par une dégradation de leur autonomie fiscale.
Vous avez pris en compte la réalité de ce risque et l’inquiétude des élus locaux. Vous y avez répondu, d’une part, par un dispositif de dégrèvement et, d’autre part, par la possibilité pour les collectivités territoriales d’augmenter leur taux. C’est une réponse concrète et positive, jusqu’en 2020 ; mais, au-delà, le choix du dégrèvement n’apporte pas suffisamment de garanties aux élus.
Dès lors, monsieur le ministre, cette mesure ne doit-elle pas amorcer une réforme plus globale de la fiscalité locale ? Dans cette hypothèse, seriez-vous disposé à engager une concertation avec le Sénat, représentant des territoires et des collectivités territoriales, notamment via sa commission des finances, avec deux objectifs : rendre la fiscalité locale plus juste et garantir l’autonomie fiscale des collectivités territoriales dans la durée ?
Sur la question des dotations, je le dis comme je le pense : les collectivités territoriales ne pouvaient pas être absentes de l’effort national de redressement des comptes publics. À dire vrai, elles y ont largement contribué, puisque, au terme de ces dernières années, le montant annuel de leur dotation globale de fonctionnement accuse une baisse de près de 11 milliards d’euros par an.
Désormais, il est impératif que les collectivités territoriales conservent leurs marges d’action. Pour 2018, vous nous proposez un pacte global et cohérent : fin de la baisse de la dotation globale de fonctionnement, création d’une ressource dynamique pour les régions par l’attribution à celles-ci d’une part de TVA et hausse de la péréquation verticale, accompagnée toutefois d’un élargissement de l’assiette des variables d’ajustement, qui intègre désormais la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du bloc communal, ce qui n’est évidemment pas sans incidence sur les dotations d’un certain nombre de collectivités territoriales.
Vous proposez en outre le maintien de la péréquation horizontale, avec un fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales stabilisé, ainsi que celui de la dotation de soutien à l’investissement local créée en 2016, qui subit toutefois une légère baisse cette année.
Enfin, vous proposez aux plus grosses collectivités territoriales un contrat visant à plafonner la hausse de leurs dépenses de fonctionnement. Il sera important que cette démarche contractuelle, que nous soutenons, tienne compte des situations financières de chacune des collectivités territoriales. Je pense en particulier à certains départements, qui doivent faire face à une hausse importante des allocations individuelles de solidarité, des dépenses subies sur lesquelles ils n’ont pas de prise.
Dans l’ensemble, monsieur le ministre, nous partageons les grandes lignes de vos orientations pour les collectivités, même si, sur plusieurs points, nous proposerons des modifications ou des adaptations.
Je veux revenir un instant sur les inquiétudes de nombre de nos élus, que nous saluons à l’occasion du congrès qui les réunit cette semaine. Je pense en particulier aux élus des plus petites communes. Ils ont besoin de visibilité sur la fin de leur mandat ; entre baisses de dotations ces dernières années, incertitudes sur l’avenir et discours ambiant, ils ont besoin d’y voir clair.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez les rassurer et leur donner de la visibilité, en leur garantissant le maintien de la dotation globale de fonctionnement sur la fin de leur mandat, c’est-à-dire les trois prochaines années.
Le texte dont nous commençons l’examen traduit une volonté de réforme que nous approuvons. Il introduit de nouvelles mesures que nous soutiendrons. En revanche, d’autres dispositions doivent être amendées, et certaines entièrement réexaminées, comme les dispositions touchant au logement, qui ne répondent pas aux enjeux de l’habitat, ne sont pas suffisamment équilibrées et, par ailleurs, pénalisent les territoires ruraux. Nous contribuerons donc activement au débat budgétaire qui s’ouvre.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que l’Union Centriste sera un partenaire exigeant et attentif à vos côtés, pour réussir à répondre aux enjeux de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Longeot. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous allons débattre du premier budget du quinquennat du Président de la République : c’est un moment politique fort, un moment de dialogue entre l’exécutif et la représentation nationale. Nous espérons qu’il sera l’occasion d’une discussion franche et pragmatique, avec un seul guide : l’intérêt général – et pas les postures.
Nous abordons un texte qui a déjà été abondamment commenté ; il a déjà fait l’objet de critiques, voire de caricatures et même d’annonces martiales de la part des uns et des autres.
Certains fustigent un « budget pour les riches », oubliant au passage où nous a menés la frénésie fiscale du précédent quinquennat.
Mme Éliane Assassi. Nous n’y sommes pour rien !
M. Emmanuel Capus. Comme si le régime de fiscalité punitive duquel nous sortons avait fait la preuve de son efficacité et de sa capacité à relancer la croissance !
Nous, nous saluons au contraire un budget équilibré, qui restaure en partie l’attractivité de notre pays, relance l’investissement dans l’économie réelle et rend du pouvoir d’achat à ceux qui en ont le plus besoin. Le prélèvement forfaitaire unique est en ce sens une bonne mesure, qui nous permet de nous rapprocher du niveau européen de prélèvement sur le capital.
D’autres critiquent la sincérité de ce projet de loi de finances, oubliant que nous sortons d’une ère d’insincérité et d’irresponsabilité budgétaires sans précédent, dont les conséquences, hélas, se font encore sentir aujourd’hui.
Mme Éliane Assassi. Nous n’y sommes pour rien non plus !
M. Emmanuel Capus. Nous, nous saluons au contraire un budget qui est probablement l’un des plus sincères depuis dix ans, tant dans ses hypothèses macroéconomiques que dans les évaluations des dotations budgétaires.
D’autres, enfin, se croient autorisés à donner des leçons de courage politique, oubliant au passage les renoncements du passé : à la tiédeur du pouvoir succède soudain le jusqu’au-boutisme de l’opposition…
Mme Éliane Assassi. Et vous, où étiez-vous ?
M. Emmanuel Capus. Nous, nous saluons au contraire un budget courageux, qui ose aborder de front les grandes questions fiscales et apporte des solutions, bien sûr imparfaites, à de vieux problèmes français.
Madame le président du groupe CRCE,…
Mme Éliane Assassi. « Madame la présidente », s’il vous plaît !
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente du groupe CRCE, donc, je soulignais un fait sur lequel vous avez vous-même insisté : certains gouvernements de droite n’ont pas pris les mesures qui sont aujourd’hui proposées.
Mme Éliane Assassi. Mais vous-même, où étiez-vous ?
M. Emmanuel Capus. J’étais à Angers et je n’étais pas encore élu, ma chère collègue.
Nous voyons d’un bon œil la suppression des trois quarts de l’ISF, une mesure qu’aucun des gouvernements précédents n’a eu le courage de prendre depuis la création de cet impôt. Nous veillerons néanmoins à ce que le nouvel impôt sur la fortune immobilière remplisse bien sa mission, qui est la réorientation de l’épargne vers les investissements productifs, sans pénaliser à outrance l’investissement immobilier. (M. le ministre de l’économie et des finances acquiesce.)
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires estime ainsi que plusieurs mesures de ce projet de loi de finances vont dans le bon sens. Je voudrais néanmoins évoquer plusieurs points négatifs ou de vigilance, qui appelleront des propositions de notre part au cours des débats.
Premièrement, les efforts budgétaires consentis, qui sont réels, ne doivent pas nous tromper : le Gouvernement profite de la reprise pour passer sous silence un effort structurel faible et une hausse de la dépense publique qui demeure inquiétante. Les alertes récentes de la Commission européenne révèlent ainsi que la stratégie du Gouvernement de reporter les efforts sur la fin du quinquennat pourrait mettre en péril nos engagements européens.
Nous émettons des doutes sur la soutenabilité des objectifs annoncés et sur les moyens mis en œuvre pour les respecter. À cet égard, le plan Action publique 2022 apparaît modeste en comparaison des efforts que l’État devra consentir.
Nous sommes également préoccupés par le sort réservé aux collectivités territoriales dans ce budget. Les maires, que nous recevons cette semaine, notamment au Sénat, sont les piliers de la République ; avec les autres échelons locaux, ils contribuent à la vitalité de notre démocratie et à la qualité de nos services publics. Nous veillerons à ce que la refondation de la fiscalité locale, que nous savons tous nécessaire, ne se fasse pas au détriment de leur liberté ni de leur capacité d’action.
Dans cet esprit, nous ferons des propositions pour que la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages français ne se traduise pas par une perte d’autonomie financière pour les communes.
Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réforme d’ampleur des valeurs locatives, qui sont obsolètes et injustes. Mais il nous semble que l’on prend trop souvent ce serpent de mer comme prétexte à l’inaction. La mesure du Gouvernement, imparfaite et perfectible, a le mérite de poser les bonnes questions.
Là est peut-être le plus grand mérite de ce projet de loi de finances : il pose de vraies questions de société et prépare l’avenir, après de nombreuses années de faux-semblants, de renoncements ou de facilités. Dans ces conditions, un esprit d’opposition systématique pourrait nous faire manquer, collectivement, un rendez-vous avec la transformation du pays.
Pour cette raison, le groupe Les Indépendants – République et Territoires est prêt, messieurs les ministres, à travailler avec vous pour améliorer ce texte. Nous le ferons en responsabilité, mais sans complaisance, avec la volonté d’agir au service de l’intérêt national ! (MM. Claude Malhuret et Didier Rambaud applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à M. le rapporteur général.
Je ne tournerai pas autour du pot, le Marseillais que je suis ira droit au but… Ce projet de loi de finances est en opposition complète avec notre vision philosophique et politique de la société française !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est heureux !
Mme Éliane Assassi. Ça nous rassure !
M. Stéphane Ravier. Il s’inscrit dans la continuité de ce que vos prédécesseurs infligent à nos compatriotes depuis des décennies.
Tout d’abord, votre budget est résolument tourné vers les plus riches, abandonnant à leur sort les classes moyennes. Que les choses soient claires : je ne suis pas de ceux qui compartimentent et divisent les Français en les enfermant dans des cases ou dans des classes.
Mme Éliane Assassi. Vous faites pire que cela !
M. Stéphane Ravier. Je laisse à d’autres le soin de le faire ; je sais qu’ils sont nombreux à vouloir diviser les Français, y compris dans cet hémicycle.
Force est de constater que votre politique s’attaque aux classes moyennes, alors qu’elle caresse dans le sens du poil les grandes puissances financières ultralibérales, déconnectées et déracinées !
En remplaçant l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière, le Gouvernement fait la part belle aux placements financiers, au détriment de ceux qui détiennent un bien immobilier ou plusieurs. Cette volonté de privilégier la détention de valeurs boursières au détriment des biens immobiliers met à nouveau en lumière la philosophie politique d’Emmanuel Macron : partout, il faut détruire les attaches et les liens et s’en prendre à la France durable, qui est aussi la France des propriétaires. La finance n’est pas l’ennemie de l’Élysée ; elle ne l’a d’ailleurs jamais été…
Quitte à envisager une réforme de l’ISF, la formule la plus juste serait, à l’inverse, d’en exonérer la résidence principale, une mesure favorable aux contribuables assujettis à l’ISF essentiellement à cause de la valeur de leur patrimoine immobilier, fruit souvent d’un héritage familial ou d’une vie de labeur. Le maintien de ce patrimoine paraît vital pour notre pays à l’heure du grand déracinement !
C’est toujours la même philosophie qui vous anime lorsque vous instaurez un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les biens mobiliers, qui favorisera les plus aisés.
Vous choisissez non seulement de ne pas lutter contre l’immigration de masse,…
Mme Éliane Assassi. Nous y voilà ! Cela faisait longtemps !
M. Stéphane Ravier. … mais de la favoriser en augmentant le budget de l’aide médicale de l’État et celui alloué à l’accueil des migrants. M. Macron a beau communiquer, la réalité de votre budget annonce urbi et orbi que la France continuera à accueillir toute la misère du monde !
Vous choisissez toujours plus d’Union européenne, en augmentant de plus de 2 milliards d’euros la contribution de la France à ses institutions.
Vous étranglez toujours plus les collectivités territoriales, en supprimant la taxe d’habitation et en abaissant la dotation globale de fonctionnement.
Vous fermez les yeux sur les vrais problèmes qui polluent nos banlieues et nos quartiers : la politique d’immigration massive, l’insécurité, le communautarisme, la haine de la police et de tout ce qui peut représenter la France et l’État. Vous maintenez coûte que coûte une politique de la ville ruineuse, dont l’inefficacité a pourtant été maintes fois dénoncée par la Cour des comptes.
Pendant ce temps, les classes moyennes et les Français les plus modestes trinquent : augmentations du prix du diesel, du tabac et des péages des compagnies d’autoroutes auxquelles vous avez bradé notre réseau… Bientôt viendra le 1er janvier, avec ce que l’on ose encore appeler les « traditionnelles augmentations ».
Tout cela pour quel résultat ? Une Union européenne qui pourrit littéralement le quotidien de nos compatriotes avec des normes infernales !
Quant à l’armée, si son budget est annoncé comme sans précédent, il reste largement en deçà des besoins réels et urgents de nos forces pour mener à bien leurs missions.
À présent, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi une petite digression pour revenir sur un événement qui s’est produit la semaine dernière, lors de l’examen par notre assemblée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Après que j’eus présenté deux amendements visant respectivement à réserver les allocations familiales aux familles dont un parent au moins est Français et à supprimer ces allocations aux familles dont l’un des membres a été condamné pour terrorisme, notre collègue Alain Milon, membre du groupe Les Républicains, mais dont le cœur est En Marche, a pris la parole pour exprimer son étonnement et saisir la présidence. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Voici ce qu’a dit M. Milon : « Ces amendements écrits me semblent discriminatoires, et je me demande comment ils sont arrivés jusqu’ici. »
Mme Éliane Assassi. Il a eu raison !
M. Stéphane Ravier. Je tiens à condamner de la manière la plus ferme qui soit cet appel à la censure et à vous interpeller tous, mes chers collègues – même vous, madame Assassi – : qu’en est-il de la liberté d’expression ? Il est vrai, ma chère collègue, que ce n’est pas votre priorité…
Mme Éliane Assassi. Pour des propos racistes et discriminatoires, certainement pas !
M. Stéphane Ravier. Oui, qu’en est-il de la liberté d’expression dans ce pays, et plus particulièrement dans cet hémicycle ?
Souffrez qu’une voix discordante s’exprime et s’oppose dans ce lieu soi-disant de débat démocratique !
Mme Éliane Assassi. Et vous, respectez la loi !
M. Stéphane Ravier. On peut, on doit ne pas avoir la même opinion ; et chacun doit pouvoir exprimer la sienne sans être victime de la censure. Nous ne sommes pas encore à Pyongyang ou à La Havane, madame Assassi !
Souffrez que 11 millions d’électeurs s’expriment ici par mon intermédiaire, alors que, sur 925 parlementaires, députés et sénateurs confondus, 10 seulement représentent le Front national !
Pour conclure, j’en appelle à la raison et à l’honnêteté intellectuelle. Débattons argument contre argument, projet contre projet, projet de société contre projet de société : ce sont les Français, seuls souverains dans ce pays, qui décideront, pas un Fouquier-Tinville d’opérette ! (M. Philippe Dallier proteste.)
Face à la situation dans laquelle se trouve notre pays et à la guerre que le terrorisme islamiste lui a déclarée, nous estimons, au Front national, que la France doit retrouver sa place dans le concert des nations libres, que notre économie doit se tourner plus particulièrement vers les classes moyennes et les plus modestes et que la fracture entre nos métropoles et nos arrière-pays doit être réduite.
Ce projet de loi de finances est mauvais ; nous le pensons, nous le disons, si toutefois M. Milon et Mme Assassi le permettent ! (Mme Claudine Kauffmann applaudit.)
M. Philippe Dallier. On n’attaque pas les gens en leur absence !
M. Stéphane Ravier. Je n’y peux rien s’ils sont absents !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur Longuet, qui remplacez notre rapporteur général - j’ai une pensée pour lui en cet instant -, mes chers collègues, nous débutons l’examen du projet de loi de finances pour 2018 dans un contexte d’embellie économique, qui marque un changement par rapport à ces dernières années de croissance atone, en particulier entre 2012 et 2013.
C’est, à l’évidence, une bonne nouvelle, qui permet au Gouvernement de fonder son budget sur des hypothèses de croissance réalistes, contrairement, là aussi, à ce que nous avons connu au cours des derniers exercices budgétaires.
Vous vous offrez même le luxe – si je puis dire – de rester sur la prévision de 1,7 % de progression du PIB, au lieu des 1,8 % finalement attendus ; c’est une décision de sagesse comme on les aime au Sénat. Le Haut Conseil des finances publiques relève aussi un scénario gouvernemental « prudent pour 2017 et raisonnable pour 2018 ».
Pour ma part, je salue cet effort de sincérité budgétaire, car nous ne sommes pas à l’abri d’un aléa ; nous le voyons malheureusement avec le fiasco de la taxe de 3 % sur les dividendes.
Si la France profite de la bonne santé de la zone euro, on peut reconnaître aussi que certaines des mesures du précédent quinquennat portent leurs fruits. Je citerai le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui, malgré ses défauts, a permis aux entreprises de reconstituer leurs marges et de reprendre leurs investissements.
Dans ces conditions, que peut-on attendre du budget de l’État ? De l’audace, de la justice et de l’efficacité sans doute.
L’audace, tout d’abord. De ce point de vue, je constate qu’il n’y a clairement rien de révolutionnaire dans le premier projet de loi de finances de la majorité actuelle. On y retrouve des recettes anciennes consistant à aménager, toiletter ou raboter, ce qui conduit à une maîtrise des dépenses encore insuffisante. En effet, si l’on peut se féliciter du retour du déficit sous la barre des 3 % à terme, l’ajustement structurel ne sera que de 0,1 point.
Le prélèvement à la source est reporté ; nous en prenons acte.
En dehors des principales mesures, comme la création de l’impôt sur la fortune immobilière et celle du prélèvement forfaitaire unique, l’audace a surtout consisté à instaurer un dégrèvement de taxe d’habitation ; mais, comme vous pouvez l’imaginer, messieurs les ministres, nous nous serions bien passés de cette réforme.
Nous sommes en plein congrès des maires, et vous savez combien les efforts sans cesse demandés aux collectivités territoriales ont dépassé la limite du supportable. À travers de nombreux autres dispositifs, c’est le principe d’autonomie fiscale des collectivités territoriales qui est de plus en plus affecté.
Aussi les maires attendent-ils d’être rassurés. J’espère que le Président de la République prendra cet après-midi, porte de Versailles, des engagements pour ne pas décevoir nos élus, confrontés à un quotidien local de plus en plus difficile. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler dans cette discussion budgétaire.
Est-ce un budget juste ? Certaines mesures vont dans ce sens, si l’on songe aussi à certains dispositifs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Je pense à la revalorisation de la prime d’activité, de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ainsi, bien sûr, qu’à la baisse des cotisations salariales.
Je m’inquiète toutefois, messieurs les ministres, de la fin des contrats aidés, qui constituaient une opportunité d’embauche pour les plus fragiles.
Enfin, ce budget sera-t-il efficace ? L’avenir nous le dira…
Clairement, le projet de loi de finances pour 2018, notamment avec les deux dispositifs phares auxquels j’ai fait référence, l’impôt sur la fortune immobilière et le prélèvement forfaitaire unique, vise à encourager l’activité économique. C’est un signe fort en direction des entreprises.
Si l’on peut toujours critiquer les contours de ces mesures, comme on l’a fait pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, on ne peut pas nier qu’une partie des revenus de l’épargne libérés sera sans doute, du moins l’espérons-nous, réinjectée dans l’économie productive.
Je regrette toutefois que l’agriculture soit souvent oubliée dans les mesures d’encouragement à l’activité, alors que ce secteur, en particulier l’élevage, a connu une grave crise des prix ces dernières années. Mon groupe a déposé quelques amendements visant à mieux prendre en compte les besoins de l’agriculture, notamment l’un portant sur le micro-bénéfice agricole.
Mes chers collègues, comme nous sommes nombreux à le répéter chaque année, notre pays doit retrouver une trajectoire saine de ses finances publiques ; c’est une question de survie dans une compétition mondiale de plus en plus difficile et contrainte.
M. Yvon Collin. La majorité des membres du RDSE regarde ce budget avec bienveillance et devrait l’approuver, mais nous serons bien sûr attentifs aux discussions de ces prochains jours ! (M. le président de la commission des finances applaudit. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement, puis, à seize heures quinze, pour la suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2018.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.)