Mme Élisabeth Doineau, rapporteur. Outre une modification d’ordre rédactionnel, cet amendement vise à lever toute ambiguïté concernant l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon de la réforme du circuit de paiement, le service national Pajemploi n’étant pas compétent dans cette collectivité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
Article 26
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre V du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 531-2, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « , par référence au plafond applicable à l’allocation de base versée à taux plein mentionnée à l’article L. 531-3, » ;
2° L’article L. 531-3 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « , défini par décret, » sont supprimés ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plafond de ressources et le taux servant au calcul de l’allocation de base versée à taux plein sont identiques à ceux retenus pour l’attribution du complément familial prévu à l’article L. 522-1 et la fixation de son montant. »
II. – A. – Le III de l’article 74 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 est abrogé le 1er avril 2018.
B. – Le I du présent article est applicable aux prestations mentionnées aux articles L. 531-2 et L. 531-3 du code de la sécurité sociale dues au titre des enfants nés ou adoptés à compter du 1er avril 2018.
III. – Les montants et les plafonds de ressources des prestations mentionnées aux articles L. 531-2 et L. 531-3 du code de la sécurité sociale dues au titre des enfants nés ou adoptés jusqu’au 31 mars 2018 sont fixés et revalorisés dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur à la date de publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. L’article 26 concerne la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE. Il prévoit d’aligner le montant et les plafonds de ressources de l’allocation de base de la PAJE sur ceux du complément familial, allocation sociale dont les plafonds sont très bas, il faut le reconnaître.
En diminuant cette prestation de 17 euros par mois, madame la ministre, vous pénaliserez les femmes qui veulent travailler.
Pour un certain nombre de familles très modestes, être privé de 187 euros par an d’allocations n’est pas sans conséquence.
En outre, les plafonds de ressources diminueront : ils passeront, par exemple, pour un enfant, de 30 027 euros à 26 184 euros pour un couple avec un seul revenu d’activité, et de 38 148 euros à 34 604 euros pour un couple biactif.
Comment ne pas faire le lien entre la suppression des cotisations patronales sur la branche famille et la réduction des prestations de centaines de milliers de familles, dont certaines appartenant aux classes moyennes et populaires ?
La mesure que vous prenez fera en effet au moins 150 000 perdants, tandis qu’il n’y aura que 80 000 gagnants à celle qui vise le complément de libre choix du mode de garde.
Ce tour de passe-passe, que j’ai déjà dénoncé lors de ma motion tendant à opposer la question préalable, est d’autant plus incompréhensible que la branche famille est excédentaire de 300 millions d’euros.
En agissant ainsi, vous poursuivez dans une logique déjà mise en œuvre certes par les gouvernements précédents, et à laquelle nous étions vivement opposés.
Mais de baisse de plafond en baisse de plafond, comme nous l’avions d’ailleurs annoncé, c’est la philosophie même de la politique familiale que vous mettez en danger, en la réduisant de plus en plus à une logique d’assistance sociale.
Nous avons, pour notre part, une autre conception de la politique familiale, dont nous savons qu’elle est partagée sur d’autres travées : cette politique se doit aussi d’accompagner la parentalité et de favoriser la natalité, l’indépendance des femmes et l’épanouissement de chaque enfant.
En vous privant de la recette des cotisations patronales pour la branche famille, vous précipitez la mise en cause des principes fondateurs de notre système de sécurité sociale. Nous ne pouvons l’accepter !
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l'article.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est urgent de mener de véritables réformes structurelles de la politique familiale pour assurer le rééquilibrage de la pyramide des âges – l’accroissement naturel est au plus bas depuis 40 ans –, ce qui contribuerait à garantir le financement de l’ensemble du modèle social.
Ce n’est pourtant pas le choix du Gouvernement, qui préfère diminuer les aides à la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, pour lui permettre de réaliser une économie de 500 millions d’euros, et ce alors même que la branche famille est excédentaire !
L’article 26 du PLFSS pour 2018 prévoit en effet d’aligner le montant et les plafonds de ressources de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant sur ceux du complément familial, pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er avril 2018. Ainsi, le montant de cette allocation sera diminué de 15 euros par mois, alors qu’elle s’élevait à taux plein, au 1er avril 2017, à 184,62 euros. Les plafonds de ressources seront également abaissés : ils passeront par exemple, pour un enfant, de 30 027 euros à 26 184 euros pour un couple avec un seul revenu d’activité, et de 38 148 euros à 34 604 euros pour un couple biactif. En conséquence, 150 000 familles se verront privées de cette prestation, bien qu’elle leur soit nécessaire.
Alors que le Gouvernement met en avant une mesure d’harmonisation, il s’agit en réalité d’une mesure d’économie : 70 millions d’euros en 2018 – 30 millions d’euros au titre de l’allocation de base de la PAJE et 40 millions d’euros au titre de la prime à la naissance et de la prime à l’adoption – et jusqu’à 500 millions d’euros au bout de trois ans.
Cette mesure impacterait par conséquent inévitablement le principe d’universalité des allocations familiales dès l’année prochaine, contrevenant ainsi aux principes fondateurs de la sécurité sociale consacrés par les ordonnances de 1945.
La mise sous condition de ressources de ces allocations est une boîte de Pandore qu’il est dangereux d’ouvrir. Elle constituerait une première dérive qui banaliserait alors la mise sous condition de ressources de toutes les prestations médicales et sociales.
C’est pourquoi les membres de mon groupe et moi-même avons déposé un amendement de suppression de l’article 26.
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 108 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 211 est présenté par Mmes Lienemann et Rossignol, MM. Tourenne, Daudigny et Guillaume, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier, Van Heghe, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 369 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, A. Bertrand et Castelli, Mme Costes, M. Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Vall.
L'amendement n° 468 est présenté par Mme Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L'amendement n° 532 est présenté par M. Ravier.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter, au nom de la commission des finances, l’amendement n° 11.
M. Dominique de Legge, au nom de la commission des finances. Il est clair qu’il faut diminuer la dépense publique, il n’y a pas de débat entre nous sur ce point. En revanche, on utilise toujours la même méthode pour atteindre cet objectif, en s’évertuant à cibler les classes moyennes et les familles !
À cet égard, madame la ministre, vous faites, me semble-t-il, quatre erreurs.
Premièrement, une erreur sociale : ce qui fait le tissu social d’un pays, ce sont les familles et les classes moyennes, et vous leur envoyez un signal très défavorable.
Deuxièmement, une erreur économique : la politique familiale n’est pas une dépense de fonctionnement ; c’est une dépense d’investissement, qui permet d’assurer la pérennité du pays ainsi que l’équilibre des retraites.
Troisièmement, une erreur en termes de justice sociale : 1,6 million de familles seront touchées et subiront une diminution de pouvoir d’achat de 8,5 %. Quant à celles qui seront complètement exclues du dispositif, elles perdront entre 1 000 et 2 000 euros par an.
Enfin, quatrièmement, une erreur de méthodologie, qui n’est d’ailleurs pas la moindre des quatre : une fois de plus, on assiste à un transfert de la branche famille vers d’autres branches, d’autres politiques, en oubliant que le fondement de la politique familiale, ce ne sont pas les ressources – cela relève de la politique sociale –, mais la présence d’enfants. De surcroît, c’est une curieuse méthode d’annoncer qu’on va organiser un débat et d’anticiper sur les résultats de celui-ci en annonçant d’ores et déjà que, à l’échéance de 2022, on aura réalisé 500 millions d’euros d’économies. De même, pour la taxe d’habitation, on nous dit qu’on met en place un groupe de travail pour en discuter, mais, d’ores et déjà, on nous propose de supprimer cette taxe. Et je pourrais ainsi multiplier les exemples à l’infini.
Pour toutes ces raisons, mon collègue Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, m’a demandé de présenter cet amendement de suppression de l’article 26.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur, pour présenter l'amendement n° 108.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteur. En effet, pourquoi ne pas attendre cette grande concertation pour décider de raboter ou non ces prestations ? Comme cela vient d’être rappelé, cette harmonisation à la baisse va pénaliser les familles des classes moyennes, dont certaines ont déjà subi la modulation du montant de l’allocation de base prévue par la loi de financement pour 2014.
Essayons, aujourd’hui, de clarifier ce qu’on entend par famille et la façon dont on souhaite aider celle-ci : veut-on, comme avant, compenser en partie les charges dues à l’éducation de l’enfant ou préférons-nous finalement aider seulement les plus vulnérables ?
Dans un contexte où l’excédent de la branche famille devrait atteindre 300 millions d’euros cette année et dépasser un milliard d’euros en 2018, une telle mesure d’économie ne me semble pas nécessaire.
Par ailleurs, les justifications qui sont apportées me paraissent un peu rapides. Certes, les plafonds et les montants de l’allocation de base et du complément familial sont proches et ces deux prestations ont souvent vocation à se succéder dans le temps. Toutefois, ces prestations visent à répondre à des problématiques différentes : l’accueil du jeune enfant, d’une part, les difficultés spécifiques des familles nombreuses, d’autre part. Il n’y a donc pas de raison théorique pour que les plafonds et les montants soient les mêmes.
La majorité des familles ont moins de trois enfants et ne sont de toute façon pas éligibles au complément familial. La baisse des plafonds de ressources de la prime à la naissance n’est en outre pas justifiée, si ce n’est par un souci de simplicité pour le gestionnaire, lequel ne devrait pas peser sur l’allocataire.
Nous souhaiterions donc, madame la ministre, que vous acceptiez de reparler de ce sujet l’année prochaine.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l'amendement n° 211.
Mme Laurence Rossignol. Mon collègue Maurice Antiste vient d’évoquer les raisons pour lesquelles nous avons déposé collectivement un amendement de suppression de l’article 26.
Les mesures que contient cet article constituent une petite économie pour le budget de la Caisse nationale d’allocations familiales, mais une importante perte de revenus pour les 150 000 familles qui vont être touchées par l’alignement des plafonds et qui seront exclues du bénéfice de la PAJE.
J’avoue ne pas comprendre la logique qui consiste à faire financer par les familles modestes des économies alors que la branche famille est revenue à l’équilibre. Elle s’explique probablement par le fait que le ministère des finances, également chargé des comptes publics, et donc des comptes sociaux, possède dans ses tiroirs de nombreuses propositions de diminution des prestations de la branche famille, qu’il essaye systématiquement, chaque année, de soumettre aux ministres chargés des affaires sociales.
Cette année, les économies portent sur 150 000 familles. C’est injuste, inutile et incohérent. On ne peut pas considérer le budget de la sécurité sociale indépendamment du PLF. Or le même gouvernement propose d’augmenter considérablement le pouvoir d’achat des ménages les plus aisés en rabotant l’impôt de solidarité sur la fortune, transformé en impôt sur le patrimoine, et en instaurant une flat tax. Pour les ménages aisés, des milliards d’euros d’économies en perspective ; pour les ménages modestes, des baisses de prestations !
Je ne peux même pas dire que vous faites financer par les familles modestes les cadeaux que vous consentez aux familles riches, les volumes étant incomparables. Mais symboliquement, sur le plan de la justice sociale, dont vous avez plus que tout autre ministre la charge au sein du Gouvernement, madame Buzyn, je pense que ce n’est pas une bonne mesure.
Nous souhaitons donc que l’article 26 soit abrogé. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 369 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, l’article 26 aurait pour objectif d’harmoniser le barème et les plafonds de la PAJE et du complément familial, cette harmonisation visant à améliorer la lisibilité de l’architecture des prestations familiales.
En réalité, par « harmonisation », il faut comprendre « diminution » !
Or, comme l’ont rappelé les deux rapporteurs, « d’importantes économies ont déjà été réalisées ces dernières années sur la politique familiale et la branche famille dégage de nouveau des excédents ».
On peut donc s’interroger sur l’opportunité d’une telle mesure, qui représente avant tout une diminution de 15 euros par mois des prestations et qui a pour conséquence d’exclure des dizaines de milliers de familles en raison de l’abaissement du plafond de ressources.
C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE proposent aussi de supprimer l’article 26.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 468.
Mme Laurence Cohen. Il semble que cet article fasse la quasi-unanimité contre lui. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste en demande donc également la suppression.
Sous couvert d’harmonisation et d’attention envers les familles monoparentales, c’est bien une nouvelle attaque contre la politique familiale que le Gouvernement s’apprête à lancer, et ce, bien évidemment, sans l’assumer publiquement ! Je crains que les familles ne s’aperçoivent très vite que la communication gouvernementale n’était qu’un leurre, madame la ministre.
Non seulement le Gouvernement attaque de nouveau de plein fouet le principe d’universalité de notre politique familiale, mais il s’apprête également à servir des prestations moindres.
Pour rappel, l’UNAF, l’Union nationale des associations familiales, a largement déploré dans un communiqué de presse que le PLFSS pour 2018 ne soit ni ambitieux, ni solidaire, ni responsable. Cette association estime à près de 150 000 le nombre de familles qui vont être pénalisées.
Après l’instauration de la modulation des allocations familiales en 2015, cette nouvelle mesure va pénaliser les familles, alors même que les comptes de la branche famille sont excédentaires de 300 millions d’euros en 2017. Nombre d’entre nous l’ont rappelé.
Bien sûr, cet excédent n’est dû qu’aux coupes budgétaires successives des années précédentes, qui font qu’aujourd’hui, en France, de nombreuses familles et enfants ne bénéficient d’aucun dispositif de soutien !
Il me semblerait d’ailleurs intéressant, mes chers collègues, que nous travaillions à un rapport d’information sur les conséquences des réformes en matière de politique familiale. Je sais que le Sénat n’est pas favorable à la multiplication des rapports, mais l’on pourrait ainsi dresser un bilan.
La France a un taux de natalité relativement faible. Par ailleurs, 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté.
Cet article 26 n’améliorera pas, c’est certain, la situation sur ces deux points. C’est pourquoi il convient de le supprimer. Lors de mon intervention sur l’article précédent, j’avais d’ailleurs développé d’autres arguments complémentaires.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 532.
M. Stéphane Ravier. Cet article prévoit une harmonisation du barème et des plafonds de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant, et du complément familial, sans apporter aucune précision.
Si votre mesure est adoptée, au risque d’être redondant, elle aura un double effet.
Premièrement, les plafonds pour les deux prestations sont pour l’instant différents, celui du complément familial étant inférieur à celui de la PAJE. Avec votre proposition, 70 000 ménages seraient exclus de cette aide, ce qui est totalement contradictoire avec le caractère universel des prestations sociales, notamment familiales.
Ma collègue Élisabeth Doineau nous l’a rappelé : ce gouvernement n’assume pas sa volonté de passer d’un système universel à un système dit de solidarité, que je qualifierais pour ma part de système de culpabilité ou de culpabilisation des familles qui commettent manifestement un crime en gagnant correctement leur vie.
Deuxièmement, cet article se traduira par une baisse des prestations pour 1,7 million de familles. La France consacre 3,5 % de son produit intérieur brut à la famille, contre 2,1 % en moyenne dans les autres pays. C’est un modèle à préserver, une nécessité vitale pour soutenir la natalité française.
Dans un contexte de baisse continue des naissances, cette initiative gouvernementale est particulièrement déplacée. Les aides économiques constituent évidemment un levier pour inciter les ménages français à s’agrandir, rassurés qu’ils seront de pouvoir accueillir sereinement un nouvel enfant avec les moyens financiers et matériels nécessaires.
Nous estimons que cet article s’attaque à la politique familiale. Ce sont toujours les mêmes qui trinquent ! Vous faites des économies sur le dos des familles modestes et nous ne pouvons le cautionner.
En effet, par le biais de cette mesure, le Gouvernement n’économisera pas moins de 500 millions d’euros sur trois ans, alors même que la branche famille est excédentaire. Il faut bien trouver de l’argent pour financer l’accueil des migrants ! (Protestations.)
Durant le quinquennat précédent, de sévères coups de rabot, pour ne pas dire des coups de hache, ont été portés à la politique familiale : près de 4 milliards d’euros ont été retirés aux familles alors que, on le voit, des enfants jusqu’aux retraités, la ligne politique de ce gouvernement peut être résumée par un slogan : « Familles, je vous hais ! »
Il faut non seulement stopper cette saignée, mais aussi travailler à développer notre soutien aux familles françaises qui, dois-je le rappeler, sont l’avenir de notre pays.
Je demande, moi aussi, la suppression de l’article 26.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je voudrais dire un mot sur la politique familiale.
Je comprends l’attachement de chacun à l’universalité des droits ; je comprends aussi qu’il faut impérativement que ce pays affiche une politique familiale ambitieuse, et je la soutiendrai.
Nous avons, me semble-t-il, trois défis à relever, qui ont évolué avec le temps.
Se pose tout d’abord le problème de la baisse progressive de la natalité. Toutefois, celle-ci ne s’explique peut-être pas pour les raisons qui sont évoquées, à savoir la baisse du niveau des allocations. Je ne suis pas sûre que les familles renoncent aujourd’hui à faire un enfant pour des raisons budgétaires. Ce choix s’explique plus souvent par une difficulté à concilier vie familiale et vie professionnelle, ou encore par une perte de confiance dans l’avenir, la perspective d’un monde angoissant, qui change rapidement et qui peut faire peur à de jeunes couples.
Ensuite, les familles ont changé. Beaucoup de femmes, mais aussi d’hommes, souhaitent maintenant concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. C’est un vrai sujet pour les femmes aujourd’hui, notamment pour les familles monoparentales, qui sont nombreuses et au sein desquelles les mères ont de très grosses difficultés à accéder à l’emploi. J’y reviendrai, mais je pense qu’élever seule des enfants dans le monde actuel est une source d’angoisse, d’instabilité et de précarité.
Enfin, nous sommes confrontés à la pauvreté des enfants, une spécificité française. Le visage de la pauvreté a changé ces dernières années, avec 3 millions d’enfants et 36 % des familles monoparentales qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, et 70 % des enfants de ces familles qui sont pauvres. La France n’a pas réussi à inverser ce cercle vicieux de la pauvreté, contrairement à d’autres pays. Nous devons en sortir et donner à ces enfants des perspectives d’avenir, car nous savons que, en l’état actuel de l’organisation de la société, les enfants pauvres d’aujourd’hui seront les pauvres de demain.
Baisse de la natalité, problèmes de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, problème de pauvreté des familles monoparentales et des enfants : voilà trois défis importants que nous devons relever collectivement.
Je souhaite que nous rouvrions un débat sur la politique familiale et que nous définissions ensemble les objectifs que nous fixons à celle-ci.
Si l’universalité est, in fine, la réponse pour atteindre les objectifs que nous nous fixerons, dont acte. Mais il me semble que nous ne pouvons pas perdre de vue aujourd’hui les familles monoparentales et les familles pauvres. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, pour ce premier PLFSS du quinquennat, afficher l’urgence qu’il y avait à agir en la matière.
Nous ne pouvons absolument pas tolérer que 70 % des enfants élevés dans des familles monoparentales vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté.
J’en ai donc fait une priorité, d’où l’augmentation de l’allocation de soutien familial, qui va toucher 750 000 familles monoparentales. J’ai également, grâce aux mesures d’économies proposées, dégelé la prime à la naissance : 550 000 familles seront concernées.
Nous allons pouvoir augmenter le complément familial majoré de 17 euros, ce qui concernera 450 000 familles nombreuses, certes.
Je rappelle que les différentes mesures à destination des familles qui vous sont présentées représentent un surcroît de dépenses de 70 millions d’euros pour l’année 2018. C’est donc un effort réel, certes en faveur des familles monoparentales et nombreuses, mais ce sont aussi les familles plus pauvres.
Je ne veux pas qu’on réduise la question de la PAJE à une mesure d’économie. C’est aussi une mesure de simplification. Je m’étonne que personne ne se soit jamais questionné, depuis toutes ces années, sur la différence des plafonds de ressources requis pour recevoir la PAJE et le complément familial. Pourquoi ces plafonds n’ont-ils jamais été harmonisés ?
Comment une famille pourrait-elle comprendre qu’elle bénéficie d’une allocation de base de la PAJE seulement jusqu’à l’âge de trois ans, comme si un enfant coûtait moins cher par la suite – on sait tous ici que c’est l’inverse ? Après les trois ans de l’enfant, le plafond de ressources nécessaire pour toucher le complément familial majoré diminuait.
On aligne ces deux plafonds…
Mme Laurence Rossignol. Par le bas !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Certes, mais je n’ai pas de leçons à recevoir de vous, madame Rossignol. Les gouvernements auxquels vous avez appartenu ont gelé la PAJE, l’allocation de base comme la prime à la naissance, et retardé le versement de la prime à la naissance de quatre mois pour réaliser 300 millions d’euros d’économies… Ne venez pas ensuite m’expliquer que vous avez fait des choses pour les familles pauvres !
Je reviens aux économies que je propose. La mesure de simplification que nous prévoyons rendra le système plus lisible pour les familles : avec le même plafond de ressources, on recevra une allocation avant et après les trois ans de l’enfant.
Je précise que cette mesure aura un effet très limité, puisqu’elle ne touchera que 4 % des familles les plus aisées parmi les 72 % de familles actuellement éligibles à la PAJE.
Je rappelle également qu’il s’agit d’une mesure de flux : aucune famille ne verra son allocation diminuer pour des enfants déjà nés, la modification ne concernant que les enfants nés après le 1er avril 2018.
Je le répète, aucune famille ne verra le versement de sa prestation diminuer dans les mois qui viennent. Il s’agit certes d’une mesure d’économie, mais elle améliore surtout la lisibilité de notre politique familiale. En effet, je vous rappelle qu’il existe au sens large, dans notre pays, 2 000 façons d’obtenir une prestation familiale ! Nombre d’enfants, parents qui travaillent ou sont sans emploi, niveau des ressources, lieu de résidence, etc., autant de critères qui doivent être intégrés dans les algorithmes !
Il est temps de s’interroger sur la simplification et l’harmonisation du système pour permettre aux gens d’accéder effectivement à leurs droits.
La mesure que je vous propose va dans le sens de cette simplification. Elle nous permet aussi de faire des choix en faveur des familles les plus pauvres : dégel de la prime à la naissance, augmentation de l’allocation de soutien familial – allocation qui est attribuée à des familles monoparentales –, hausse de 17 euros du complément familial majoré – 450 000 familles concernées.
Nous mettons donc bien en œuvre une logique d’investissement en faveur des enfants les plus pauvres, ceux qui n’ont aucune perspective de s’en sortir.
Nous allons ouvrir, en 2018, le débat sur la politique familiale et, après cette concertation, j’espère venir devant vous avec un certain nombre de mesures. Nous verrons à ce moment-là s’il faut toucher ou pas à l’universalité des droits. En tout état de cause, nous devons nous fixer des objectifs clairs, que nos concitoyens comprennent.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression du présent article.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention et je partage certains de vos propos, d’autres pas du tout.
Par exemple, je partage votre combat en faveur des familles les plus modestes, celles qui ont le plus de besoins, et l’attention que vous portez à la pauvreté des enfants. Mais avouez que ce pli a déjà été pris les années précédentes !
L’examen des derniers projets de lois de financement de la sécurité sociale a bien montré que le gouvernement précédent mettait effectivement l’accent sur les familles les plus modestes.
Madame la ministre, vous devriez entendre le consensus qui s’exprime aujourd’hui sur quasiment toutes les travées de cet hémicycle. Beaucoup d’entre nous pensent que le compte n’y est pas et que vous reprenez d’une main ce que vous donnez de l’autre !
Je vous rappelle que le conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales a émis, à l’exception des organisations patronales, un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Je note aussi que notre position est reprise par de grandes associations, que nous n’avons pas nécessairement l’habitude d’entendre.
J’entends que l’année 2018 doit être celle de la réflexion et de la mise à plat de notre politique familiale – accueil de la petite enfance, universalité des droits, etc. Vous nous dites que vous n’avez pas de tabou. Je vous rejoins sur ce point et vous suggère d’intégrer à votre réflexion un travail sur le service public à destination des enfants de moins de trois ans, car ce sujet fait pleinement partie de ce que vous appelez la conciliation entre vies personnelle et professionnelle.
Naturellement, je voterai l’amendement n° 211 de suppression de l’article 26.