Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, la présentation de votre premier projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’occasion de donner corps aux orientations de votre politique de santé, d’autant plus que vous avez annoncé les quatre priorités de la stratégie nationale de santé.
Cela dit, l’objectif de la politique de santé doit être avant tout de répondre aux enjeux de la transition épidémiologique, du développement des pathologies chroniques, de la dépendance, de l’intrication du médical et du social et de la place des facteurs environnementaux. Il importe que le rôle des différents acteurs du système de soins, leurs missions, leurs modes d’organisation et leur coordination répondent bien à ces enjeux et ne restent pas figés dans des représentations passées.
L’hôpital d’aujourd’hui et de demain n’est bien sûr plus celui de 1958, ni même celui de 2007. Or les moyens qui lui sont accordés ne lui suffisent clairement plus pour assurer ses missions actuelles. Il nous faut garantir sa pérennité en tant qu’institution porteuse d’un accès égalitaire à des soins de qualité, sur tout le territoire, et cela nécessite de nouvelles orientations, tant pour ce qui concerne le financement de l’hôpital public que pour ce qui touche au périmètre des activités hospitalières.
Les investissements nécessités par le développement de l’ambulatoire, les technologies numériques et les impératifs écologiques ne trouvent pas de réponse satisfaisante dans les modes actuels de financement. Ceux-ci peinent à assurer le fonctionnement courant et les investissements d’entretien. Les retards s’accumulent alors que le personnel est de plus en plus désemparé par les plans successifs d’économie.
L’hôpital est un bien commun apprécié des Français, qui donne du sens à la solidarité et à l’engagement de l’État pour la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Les défis auxquels il est confronté doivent être résolus par un nouvel engagement national. Mieux inséré dans les parcours de soins, doté de capacités suffisantes pour rester à la pointe de la recherche et de l’innovation, garant de l’accès égal et de la participation des usagers à ses services, notre hôpital a un bel avenir devant lui ; nous devons lui en donner les outils.
Or la fixation à 2 % de l’ONDAM hospitalier, même abondé de la hausse du forfait journalier, pose un nouveau cadre financier très contraint ; l’heure d’un nouveau « plan Hôpital » est donc venue, madame la ministre.
Si l’on revient aux priorités, appréciables, de la stratégie nationale de santé, force est de constater qu’il n’est pas toujours aisé de les retrouver dans ce texte. La prévention est l’objet de mesures de fiscalité et d’une obligation concernant les vaccins ; l’Assemblée nationale y a ajouté le financement d’une consultation de dépistage pour les jeunes femmes.
Nous approuvons la décision concernant les vaccins, tout en prêtant une grande attention au message envoyé par plusieurs sociétés savantes, dont le Collège national des généralistes enseignants, qui nous alertent sur les risques que l’obligation accroisse in fine le phénomène de défiance, tant il est vrai que, en santé publique, les logiques d’autorité fonctionnent assez mal. Il est néanmoins tout aussi vrai que l’intérêt général et collectif doit être respecté par chaque individu.
C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle était parvenue, l’an dernier, la concertation nationale sur la vaccination, pilotée par le professeur Alain Fischer, qui insistait sur l’importance de plusieurs mesures : écoute de la population et des professionnels, transparence de l’information et des experts, diffusion d’informations validées, implication de l’école, campagnes de sensibilisation dans les médias ou encore facilitation de la pratique de la vaccination. C’est en complément de ces actions que le comité recommandait l’élargissement des obligations vaccinales de l’enfant. Il recommandait également la prise en charge à 100 % des vaccins obligatoires. C’est l’ensemble de ces axes qu’il faut appliquer pour réussir.
Une politique de prévention en santé doit s’attaquer aux causes : au tabac, certes, mais aussi à l’alcool, aux polluants, dont ceux de l’air, et aux substances chimiques, notamment aux perturbateurs endocriniens, dont le rôle dans l’accroissement de nombreuses pathologies se révèle, au fil des études scientifiques, bien plus important que ce que l’on imaginait. Que vienne le temps où la loi s’appuiera sur des recettes prélevées sur les polluants de l’alimentation pour financer un fonds alimentation-santé ainsi qu’une politique plus active en la matière !
À l’aune des évolutions sanitaires et sociales, notre système doit évoluer, et vite. C’est sans doute consciente de cette situation que vous avez introduit l’article 35 dans ce projet de loi, un article qui suscite l’intérêt, en raison des perspectives qu’il ouvre, mais qui ne doit pas terminer en déceptions multiples. Nous approuvons cette volonté, mais il faudra mieux en préciser les objectifs : la lutte contre les inégalités, la prévention et la participation des usagers sont essentielles et les modes d’organisation doivent se penser avec les territoires.
Madame la ministre, votre projet contient des pistes intéressantes, mais aussi des ambiguïtés, relatives par exemple au tiers payant intégral, et il ne faudrait pas que cette ambiguïté se mue en un rendez-vous manqué avec la réduction des inégalités sociales. C’est un objet précieux, car il s’agit de la sécurité sociale et, au fond, pour ce qui concerne la santé, de la capacité de notre pays à réaliser de nouveaux progrès.
Madame la ministre, ne nous décevez pas, portez la santé publique, toute la santé publique. C’est cela qui nous anime et qui fondera nos positions dans la discussion qui s’ouvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Amiel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certains choix du Gouvernement présentés dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale recueillent l’approbation de notre groupe politique, que ce soit en matière de santé publique – c’est le cas de la lutte contre le tabagisme et de l’obligation vaccinale – ou en matière de politique de santé, avec le déploiement de la télémédecine et la mise en place d’organisations innovantes favorisant les initiatives des professionnels de santé.
En revanche, nous ne vous suivrons pas pour ce qui concerne les retraités et les familles. Le basculement des cotisations salariales vers la CSG est présenté comme une mesure de « justice sociale […] avec l’objectif d’une contribution équitable de l’ensemble des Français au financement de la protection sociale ». Mais où est la justice sociale ? En réalité, la mesure constitue une perte sèche pour huit millions de retraités qui avaient déjà subi une série de mesures sous les gouvernements précédents – la fiscalisation de la majoration de retraite pour charges de famille et la suppression de la demi-part des veuves, ces deux mesures ayant eu pour conséquence d’assujettir certains retraités au taux normal de CSG de 6,6 % et non plus au taux réduit de 3,8 % –, sans oublier le gel de leurs pensions depuis trois ans.
Par ailleurs, alors que le versement des cotisations obligatoires ouvre toujours des droits, vous transférez sur la CSG des retraités les cotisations des actifs pour les indemnités de chômage. De cette façon, vous faites le choix de ne plus financer uniquement l’UNEDIC par les cotisations des salariés.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons la proposition de nos rapporteurs de supprimer la hausse de 1,7 point de la CSG pour les retraités.
Nous regrettons également que vous ayez fait le choix de continuer la politique familiale du gouvernement précédent. Nous estimons que cette politique doit être universelle, car elle est la preuve que l’État reconnaît le rôle fondamental de la famille dans la société, indépendamment de toute considération financière. Il est essentiel de comprendre que la vocation de la politique familiale n’est pas l’assistance, mais l’équité.
Or la réduction du quotient familial et la modulation des allocations ont fortement fragilisé cette politique. Ce PLFSS prévoit une nouvelle baisse d’une des prestations familiales ; les familles seront progressivement concernées par la baisse du montant de la PAJE, certaines perdront leurs droits et d’autres verront le montant de leur prestation divisé par deux. Nous voterons donc la suppression de l’article 26 proposée par notre collègue Élisabeth Doineau.
J’en viens maintenant au domaine médico-social. Je tiens à remercier notre rapporteur pour ce secteur, Bernard Bonne, qui nous a expliqué qu’une hausse tendancielle du niveau de l’ONDAM médico-social, bien que réjouissante, ne pouvait être un motif suffisant de satisfaction. Au-delà de la dénonciation du manque de places dans les établissements, dont les élus et les représentants associatifs se font les infatigables relais, je souhaite appeler votre attention sur deux sujets particuliers, dont l’urgence requiert qu’une réponse leur soit apportée sans délai.
En premier lieu, je veux évoquer le cas de nos concitoyens atteints de handicap et contraints de recourir à des prises en charge à l’étranger. Voilà plus de deux ans que les alertes ont été déclenchées, notamment ici, au Sénat. Nous avons rendu des travaux, des préconisations ont été faites, mais peu de chose a été accompli.
Des efforts ont, certes, été fournis, et je veux saluer les deux principales initiatives que constituent la « réponse accompagnée pour tous » et le fonds d’amorçage de 15 millions d’euros.
Toutefois, l’ampleur et la cruauté du phénomène réclament des réponses d’une bien plus grande envergure ; un montant de 15 millions d’euros seulement pour contrer cet « exil des sans-solution » dont le coût s’élève à près de 400 millions d’euros ? Notre longue histoire de terre d’accueil nous inspire très justement l’horreur des départs contraints. Prompts à dénoncer ce mal quand il accable d’autres peuples, qu’attendons-nous pour y répondre quand il touche nos propres concitoyens ? L’intention du fonds d’amorçage doit être considérablement renforcée et, surtout, les conseils départementaux doivent être associés à la démarche.
En second lieu, il n’y a pas que le secours financier qui soit salutaire. J’évoquais la « réponse accompagnée pour tous », la confection sur mesure d’un parcours personnalisé pour chaque personne handicapée. Oui, c’est la voie qu’il nous faut désormais emprunter. Oui, c’est aux structures et aux intervenants médico-sociaux de s’adapter aux besoins spécifiques de la personne.
Mais à qui ce nécessaire et ambitieux projet est-il échu, sans qu’aucun moyen supplémentaire soit venu l’accompagner ? Aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. On veut en faire des interfaces performantes et réactives entre les publics touchés par le handicap et les acteurs chargés de leur prise en charge. Très bien ! Mais il faut alors leur donner les moyens d’assumer cette immense tâche.
J’entends bien que les MDPH ont récemment été déchargées de missions qui excédaient leur cœur de métier, et c’est fort bien. Mais, là aussi, le pas franchi est trop timide.
Nos MDPH sont trop souvent dépassées par l’ampleur des missions qui leur sont confiées, au détriment des familles et des personnes handicapées, malgré des efforts importants accomplis par les personnels.
Voilà, madame la ministre, les principaux sujets que je tenais à porter à votre connaissance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours un peu difficile de trouver la bonne distance à l’égard de sujets dont on a eu la responsabilité, entre une indifférence qui serait totalement contrainte et la nécessaire liberté qu’il faut laisser à un ministre et à son gouvernement.
Je veux évoquer devant vous deux sujets que je trouve importants, les modes d’accueil des enfants de moins de 3 ans, sujet qui est traité dans le présent PLFSS, et les violences faites aux enfants, sujet qui ne l’est pas. Enfin, je voudrais attirer votre attention sur deux outils qui sont à votre disposition et sur lesquels vous pouvez donc vous appuyer.
En ce qui concerne, premièrement, les modes d’accueil, le rapport de la Cour des comptes constate, à juste titre, que le gouvernement précédent n’a pas atteint les objectifs de création chiffrés qu’il s’était fixés. Les raisons en sont multiples, malgré les investissements réalisés et les choix budgétaires opérés, particulièrement par la CNAF, puisque, si ma mémoire est bonne, entre 2013 et 2016, 400 millions d’euros ont été consacrés à l’aide à l’investissement et 13 milliards d’euros l’ont été au fonctionnement des crèches. En effet, en dépit des subventions supplémentaires à l’investissement annoncées dans un plan en 2015, les collectivités locales n’ont pas jugé possible de prendre le risque d’engagements supplémentaires pour la création de structures d’accueil, en particulier en termes de fonctionnement.
Je crains que cet état des lieux, quelles que soient votre volonté et celle de la CNAF, ne perdure, les collectivités locales, encore davantage fragilisées par les baisses de dotations annoncées voilà quelques semaines, hésitant à s’engager durablement dans la création d’établissements d’accueil de jeunes enfants.
Sur ce sujet, ma conclusion, madame la ministre, est la suivante : je crois que nous sommes arrivés au moment où notre pays doit se doter d’un service public de la petite enfance. Le fait que l’accueil des enfants de moins de 3 ans ne soit une compétence obligatoire ni de l’État ni des collectivités locales conduit ces dernières, selon leurs choix de société, mais, le plus souvent, selon leurs contraintes budgétaires, à ne pas porter la création de structures d’accueil à la hauteur de l’attente des familles.
Si l’école maternelle fonctionne bien en France, c’est parce que chaque parent sait qu’il peut y trouver une place pour son enfant, dès 3 ans. Si nous voulons réellement que l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes progresse, il est indispensable de faire de l’accueil des moins de 3 ans une politique publique dont la compétence est clairement attribuée et le financement défini.
Deuxièmement, je veux évoquer le sujet des violences faites aux enfants.
Paradoxalement, on a beaucoup mieux pris en compte, depuis une dizaine d’années environ, les violences faites aux femmes. Tout le monde ou presque sait aujourd’hui qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon, mais qui sait que deux enfants meurent probablement chaque jour de violences à leur encontre ? Qui sait que 10 % des enfants sont victimes de violences sexuelles ? Qui sait que 80 % de ces violences ont lieu dans la sphère familiale ? La visibilité sur les violences faites aux enfants est infiniment moins grande, probablement parce que le déni est encore plus lourd, le tabou plus difficile à lever, la famille étant tellement présupposée être un lieu de protection et d’épanouissement qu’il est parfois fort difficile d’admettre qu’elle est aussi, pour les enfants, le premier lieu de violence et de maltraitance. J’en veux pour preuve que l’on en est au cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes et seulement au premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants. Cela dit bien le décalage dans le temps entre les deux prises de conscience !
Les femmes ont un ministère dédié – leur nom figure dans son intitulé. Vous avez, madame la ministre, la responsabilité de l’enfance, de sa protection et de la lutte contre les violences faites aux enfants. Cette lutte est une politique de santé publique. Je sais que vous en êtes parfaitement convaincue ; vous le savez d’autant mieux que la Haute Autorité de santé a déjà produit un premier rapport à ce sujet… D’ailleurs, la reconnaissance de cette lutte comme une politique de santé publique, et pas simplement comme une affaire privée ou de droit pénal, n’a pas été si évidente.
Il faut maintenant poursuivre la mise en œuvre du premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants, parce que les choses ne se feront pas d’elles-mêmes. Nous avons, sur ce sujet, tellement d’immobilisme et de résistances à combattre qu’une immense mobilisation est nécessaire, particulièrement des professions de santé, dont je rappelle qu’elles sont quasiment les derniers signalants en matière de violences faites aux enfants, alors qu’elles sont probablement celles qui sont le plus à leur contact.
J’insiste sur la nécessité de mener à bien ce premier plan et, en toute logique, de préparer bientôt le deuxième.
Enfin, je veux attirer votre attention sur deux outils remarquables que vous avez à votre disposition, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, et le Conseil national de la protection de l’enfance.
Souvent, on pense que les conseils sont des « machins » qui ne servent à rien. Bien au contraire, ces deux hauts conseils sont des lieux où la société civile réelle – et non les institutions de la société civile – est véritablement présente. Vous avez là de l’expertise, des relais et de véritables outils, pour peu que ces deux conseils soient dotés des moyens nécessaires à leur fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Laurence Cohen et Nassimah Dindar applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacky Deromedi. Madame la ministre, je sais que vous connaissez toutes les problématiques auxquelles nous sommes confrontés. Je vous ai saisie récemment du cas particulier d’un adolescent atteint d’une forme rare de cancer, qui, malgré la qualité de la recherche en France, ne peut être traitée actuellement qu’aux États-Unis. J’ai obtenu auprès de vos services un accueil et une compréhension qui vous font honneur. Je vous remercie de votre engagement dans ce domaine.
La question déborde d’ailleurs les cancers pédiatriques, puisque, dans ce cas, il s’agit d’une forme de cancer dont peuvent également être atteints des adultes.
Le code de la sécurité sociale prévoit la prise en charge forfaitaire de telles maladies. Il s’agit la plupart du temps de traitements coûteux. Il est heureux que notre législation ait prévu une telle possibilité de prise en charge. Je salue d’ailleurs l’engagement, dans ce domaine, des caisses de sécurité sociale, des médecins-conseils et des personnels, qui traitent ces cas avec beaucoup d’humanité.
Je vous ai entendue vous engager à donner les moyens nécessaires à la recherche. Bien entendu, je vous fais confiance. Il faudrait que la recherche contre le cancer fasse partie des priorités de ce quinquennat, au même titre que certains axes prioritaires, que je ne conteste pas.
Je suis convaincue qu’un effort peut être fait. Nous sommes tous prêts à apporter notre pierre à l’édifice, mais, en premier lieu, je souhaiterais que soient mis à contribution ceux qui produisent les médicaments.
Certains médicaments sont plus rentables que d’autres, mais, aujourd’hui encore, certains marchés moins rentables sont insuffisamment investis par la recherche. C’est le cas des médicaments spécifiques aux traitements des cancers pédiatriques.
Je souhaiterais qu’une contribution spéciale soit demandée à tous les fabricants de produits pour les traitements médicaux, pour les traitements de confort ou pour la cosmétique, que cette contribution soit partagée par moitié entre le fabricant et les consommateurs, le fabricant ayant ainsi la possibilité d’augmenter ou non le prix de vente de son produit de la moitié de la somme qu’il devra reverser pour la recherche, et que cette contribution soit consacrée à la recherche contre le cancer, avec l’obligation d’en réserver la moitié au moins à la recherche spécifique contre les cancers pédiatriques. Je vous présenterai un amendement à ce sujet.
Au reste, des associations de parents désemparés se sont créées pour recueillir des fonds privés afin de pouvoir faire face, dans l’urgence, à l’accompagnement de ces enfants. Ces parents, dans l’angoisse de ne pas pouvoir procurer à leur enfant les soins qu’il pourrait recevoir à l’étranger, créent des associations dans le but de pouvoir lever rapidement les fonds nécessaires au traitement de leur enfant.
Il serait souhaitable que ces associations puissent bénéficier du statut d’intérêt général et, en conséquence, qu’elles puissent délivrer un rescrit fiscal aux donateurs, ce qui leur permettrait de lever beaucoup plus rapidement les fonds nécessaires. Bien entendu, tous les justificatifs devront être fournis, mais avec une priorité d’examen pour une réponse rapide, car dans ces cas dramatiques, on parle en jours…
Je veux maintenant intervenir sur les sujets de préoccupation principaux des Français de l’étranger et, tout d’abord, sur les « certificats de vie », question récurrente depuis des années, qui peine à trouver une solution.
Nos compatriotes retraités résidant à l’étranger doivent prouver chaque année qu’ils sont vivants pour percevoir leur retraite. Quoi de plus normal ? Cependant, beaucoup de nos compatriotes retraités résidant à l’étranger vivent loin d’une administration locale qui acceptera de justifier de leur existence.
J’ai eu à traiter plusieurs cas de Français demeurant loin d’une représentation officielle qui puisse justifier de leur état. Pour s’y rendre, il faudrait qu’ils prennent l’avion ou le bateau et qu’ils en aient les moyens. Ceux qui sont trop âgés, malades ou sans ressources ne peuvent pas prendre ce risque. Par ailleurs, si le certificat n’est pas rédigé dans la langue du pays, qui voudra certifier ?
J’ai même vu plusieurs cas de retraités venus passer quelques mois avec leur famille en France, qui ne pouvaient pas obtenir de la commune dans laquelle ils résidaient provisoirement auprès de leur famille ce fameux « droit à vivre dans la dignité » qu’est le certificat de vie.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, avec l’accord du Gouvernement, l’article 55 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, aux termes duquel « les bénéficiaires d’une pension de retraite versée par un organisme français et résidant hors de France peuvent envoyer aux caisses de retraite leurs certificats d’existence par voie dématérialisée, dans des conditions fixées par décret. » Ce dispositif devait entrer en vigueur le 1er janvier 2018.
Le Conseil constitutionnel l’a déclaré contraire à la Constitution pour de simples raisons de procédure, considérant qu’il s’agissait d’un « cavalier législatif ».
Madame la ministre, quelles solutions très pratiques et concrètes votre ministère peut-il apporter dans cet univers kafkaïen ?
Un autre sujet concerne la situation de nos compatriotes expatriés qui rentrent en France, quelle qu’en soit la raison, mais bien souvent à la suite de la rupture de leur contrat de travail ou d’un problème familial, après avoir la plupart du temps travaillé dans des entreprises de droit local qui ne les ont pas affiliés au régime de sécurité sociale français.
Le bénéfice de la protection maladie universelle est subordonné à la justification d’une activité professionnelle ou à une résidence stable et régulière ininterrompue depuis plus de trois mois. Ceux qui ne sont pas adhérents à la Caisse des Français de l’étranger, la CFE, se retrouvent à leur arrivée en France et pour trois mois au moins sans assurance maladie, ce qui entraîne pour eux et pour leur famille des conséquences parfois gravissimes.
Il serait souhaitable qu’ils puissent, dès qu’ils ont connaissance de leur retour en France, signaler cette situation auprès du consulat afin de pouvoir bénéficier d’une couverture sociale dès leur arrivée.
Permettez-moi d’évoquer également la réforme du régime de la Caisse des Français de l’étranger. Cette réforme est en discussion depuis des mois, tant au niveau du conseil d’administration et de la direction de la CFE que dans un dialogue constant avec la direction de la sécurité sociale et votre cabinet.
La réforme prévoit de nombreuses mesures, notamment une réflexion sur une prise en compte accrue de la composante liée à l’âge, une offre spéciale pour les jeunes de moins de 30 ans, une offre 100 % digitale, un « produit France » pour prendre en charge uniquement les soins en France, un objectif de remboursement clarifié pour les hospitalisations, etc. Il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui doit se traduire par une nouvelle loi.
Pouvons-nous espérer, madame la ministre, que ce texte puisse venir en discussion sans trop tarder ?
Pour terminer, j’évoquerai le problème crucial de la CSG-CRDS, qui inquiète nos compatriotes retraités.
L’augmentation des prélèvements les préoccupe, car il en résultera une diminution de leur pouvoir d’achat, sans parler de leur assujettissement à ces prélèvements.
Certaines compensations sont envisagées pour les anciens salariés ou fonctionnaires résidant en France, mais quid des autres retraités pénalisés par l’augmentation prévue, indépendamment de l’exonération partielle de la taxe d’habitation, qui ne sera pas complète cette année et qui ne bénéficie pas à la plupart des expatriés ?
Qu’en sera-t-il pour les non-résidents qui acquittent la taxe ? Quelles perspectives leur offre le Gouvernement ?
Je vous remercie d’avance, madame la ministre, des réponses que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’ensemble de vos contributions.
Je note déjà avec satisfaction que, sur un certain nombre de sujets, notamment dans le champ de la santé, et particulièrement sur la prévention, nous pourrons peut-être arriver à des consensus dans les débats à venir. Cela me réjouit.
Je ne saurais répondre maintenant à l’ensemble des points que vous avez soulevés, mais j’aurai évidemment l’occasion de le faire lors de l’examen des amendements.
Je veux simplement revenir sur quelques grands axes que plusieurs d’entre vous ont évoqués.
Concernant la CSG, il faut considérer la politique du Gouvernement dans son ensemble. Ainsi, seuls les retraités assujettis au taux plein de CSG subiront la hausse de 1,7 point et 40 % des retraités – les plus modestes, dont les retraites se situent en dessous du seuil de la CSG à taux plein – échapperont à cette augmentation.
Par ailleurs, une grande partie des retraités qui seront assujettis à la hausse de 1,7 point bénéficieront de l’allégement de la taxe d’habitation. Au total, sur les 7 millions de retraités qui connaîtront une augmentation de la CSG, 3,8 millions seront compensés, voire plus que compensés – ils gagneront en pouvoir d’achat par la suppression de la taxe d’habitation.
J’ajoute que le PLFSS comportera des dispositions à destination des plus modestes, notamment la revalorisation du minimum vieillesse, qui augmentera dès le 1er avril 2018.
Prenant en compte la politique fiscale et sociale dans son ensemble, nous sommes attentifs à l’équilibre d’ensemble des réformes, dont il est très important de retracer l’impact, dans sa globalité, sur telle ou telle population. Il ne s’agit pas de travailler en silo.
Monsieur Milon, vous avez évoqué les conditions de financement de la sécurité sociale, et vous n’avez pas été le seul à relever que le projet de loi augmente fortement la part de la CSG dans ce financement. Il nous semble en effet que celle-ci est une ressource particulièrement adaptée, du fait de son assiette très large, qui assure une contribution de toutes les ressources productives. Il s’agit également d’une ressource adaptée au caractère de plus en plus universel de certaines branches, notamment des branches famille et maladie.
Nous voyons bien aujourd’hui que le ratio entre actifs et inactifs a tellement diminué depuis la création de la sécurité sociale que le modèle qui a été pensé en 1945 n’est plus soutenable. Nous sommes obligés de réfléchir à d’autres voies.
Concernant le RSI, beaucoup ont estimé que nous prenions des risques, voire que la réforme n’était pas souhaitée. Je rappelle tout de même que la perte de confiance des indépendants dans leur régime de sécurité sociale était telle que presque tous les candidats à la présidence de la République avaient inscrit dans leur programme la réforme du RSI ! Nous n’avons à aucun moment menti en évoquant une baisse des charges. Il s’agit d’une réforme qui vise simplement, à charges constantes, à améliorer la qualité du service rendu. Nous n’avons pas non plus vendu une harmonisation entre le régime général et le modèle des indépendants. En revanche, nous vendons une simplification pour ceux qui, dans leur vie professionnelle, sont amenés à changer de statut plusieurs fois, ou à avoir des statuts mixtes – je pense notamment aux travailleurs qui sont salariés à mi-temps et indépendants à mi-temps. Ces derniers verront leur parcours de vie simplifié par les dispositions du droit de la sécurité sociale qui les concernent. L’enjeu réside donc aussi, selon nous, dans la simplification des parcours. C’est d’ailleurs également la raison pour laquelle nous allons, à terme, intégrer le régime étudiant dans le régime général.
Nous sommes évidemment très attentifs à ce que ne se produise pas un nouvel accident industriel, tel que celui qui a été observé en 2008. Depuis le mois de juillet dernier, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances ont été chargées d’une mission de préparation et de pilotage de la réforme et, contrairement à ce qui s’est passé en 2008, nous ne prendrons aucune décision aux conséquences irréversibles. Nous nous mettons donc en mesure d’assurer aux indépendants une bascule de leur régime vers le régime général, en prenant en compte toute la complexité du système. Nous avons, je pense, appris du passé, de façon à ne pas renouveler les erreurs.
Concernant, en particulier, les systèmes d’information, nous avons constitué un groupement d’intérêt économique, un GIE, formé par les différents organismes du régime général, pour maintenir et faire évoluer en commun les applications du RSI. McKinsey et Accenture se sont également vu confier la mission de définir un schéma type. Nous avons donc pris énormément de précautions.
Le projet de loi prévoit d’ailleurs la mise en place d’un comité de surveillance, qui sera chargé de valider chaque étape avant tout changement. Je pense que nous avons donc été vraiment très vigilants.
Sur la question de la dette et des besoins de financement de l’ACOSS, qui a été évoquée par beaucoup d’entre vous, le plafond de trésorerie de l’ACOSS devrait être porté à 38 milliards d’euros en 2018, contre 33 milliards d’euros en 2017. Le montant de l’encours de dette de l’ACOSS ne pose pas de problème de financement dès lors que les taux à court terme demeurent bas, ce qui sera visiblement le cas en 2018, eu égard à la politique conduite par la Banque centrale européenne.
Toutefois, face à davantage d’incertitudes à moyen terme, le Gouvernement est favorable à ce qu’une réflexion soit engagée dans le courant de l’année prochaine, visant à réduire cette dette via la CADES ou grâce aux excédents dégagés par les différentes branches. Nous y reviendrons.
Beaucoup de remarques ont également été faites sur les personnes âgées, sur l’ONDAM médico-social et sur les EHPAD. Je vais tâcher d’être brève, d’autant que nous aurons l’occasion de revenir sur l’ensemble de ces mesures.
S’agissant des EHPAD, nous sommes conscients que l’ONDAM médico-social, qui progresse plus que l’ONDAM général, correspond à un vrai besoin, compte tenu du vieillissement de la population dans les EHPAD, et à la part de soins, qui est importante.
En prenant nos responsabilités, nous avons pris acte de la réforme de la tarification qui avait été prévue dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Nous sommes en train de suivre de façon très étroite la mise en œuvre de cette réforme, qui commence à s’appliquer. Les inquiétudes d’un certain nombre d’EHPAD quant au modèle de tarification sont parvenues jusqu’à nous. C’est la raison pour laquelle nous accompagnons aujourd’hui cette évolution financièrement, en prévoyant des financements supplémentaires pour la partie relative aux soins. En effet, nous voyons non seulement que les personnes âgées sont de plus en plus dépendantes, mais qu’elles souffrent aussi de polypathologies qui nécessitent davantage de soins. Notre effort s’élève d’ores et déjà à 100 millions d’euros.
Nous avons également prévu un fonds pour accompagner les EHPAD qui ne s’y retrouveraient pas financièrement et resteraient en déficit. Ce fonds sera doté, de mémoire, de 26 millions d’euros pour l’année 2018.
Enfin, nous créons des postes d’infirmières de nuit, là aussi pour répondre à des besoins qui ont été exprimés sur le terrain.
Notre vigilance est donc très grande, ce qui ne nous exonérera pas d’une réflexion de moyen et de long terme sur notre modèle d’accompagnement de la perte d’autonomie dans notre société. En effet, l’EHPAD n’est pas un modèle unique. Le séjour en EHPAD correspond aujourd’hui clairement à la fin de vie, puisque les personnes qui entrent dans ces structures y restent en moyenne deux ans.
Nous avons à réfléchir collectivement, de façon interministérielle, à la politique d’accompagnement des aînés, à une politique de la ville qui rende la ville inclusive, à une politique d’adaptation des logements et à une tarification différente de la perte d’autonomie. La réflexion ne fait que débuter. Nous prenons acte d’un changement de tarification des EHPAD, que nous allons accompagner, mais il ne s’agit évidemment pas là de l’ultime réforme de l’accompagnement de la perte d’autonomie de nos aînés, puisque nous savons que le nombre de personnes âgées dépendantes va tripler d’ici à 2050.
J’ai d’ailleurs confié aujourd’hui une mission sur l’évolution à moyen terme du modèle d’accompagnement de la dépendance à deux hauts conseils, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le HCAAM. Je pense que nous aurons l’occasion de reparler de ce virage dans cet hémicycle.
Monsieur Savary, vous avez évoqué la situation des retraites. Le Gouvernement est évidemment très attentif aux équilibres de la branche retraite à court et moyen termes. Nous allons suivre de très près les travaux du Conseil d’orientation des retraites, dont nous attendons le nouveau rapport. Il serait à mon avis prématuré de tirer, sur la base d’un seul point d’un seul rapport, des conclusions qui amèneraient à des réformes paramétriques, alors que nous nous engageons dans une réforme structurelle.
Nous avons d’ores et déjà intégré dans nos hypothèses de travail une prévision d’évolution à court terme plus réaliste que celle qu’avait retenue le PLFSS pour 2017, mais nous nous adapterons au fur et à mesure. Nous ferons preuve sur ce plan, d’une très grande vigilance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur moi pour tenir devant vous un discours de vérité sur ce sujet qui nous concerne tous et sur lequel nous aurons évidemment des choix stratégiques à faire dans les années qui viennent.
Concernant le Fonds de solidarité vieillesse, il n’est pas exact de dire que la hausse du minimum vieillesse n’est pas financée. Je vous fais remarquer que le déficit du Fonds de solidarité vieillesse devrait diminuer – vous l’avez d’ailleurs relevé – de 200 millions d’euros en 2018. Une revalorisation du minimum vieillesse n’est pas incompatible avec une réduction importante du déficit de ce fonds, qui devrait passer de 3,6 milliards d’euros cette année à 800 millions d’euros en 2021.
Beaucoup d’orateurs ont évoqué la politique familiale – je pense notamment à Mmes Doineau, Schillinger et Dindar. Je partage votre souhait, mesdames les sénatrices, de réfléchir en priorité aux objectifs de notre politique familiale. Nous avons par exemple une inquiétude : la baisse de la natalité en 2016 et 2017. Si cette baisse se confirme, nous devrons repenser une politique nataliste ; en effet, je ne sais pas si les allocations familiales telles qu’elles ont été conçues il y a quelques années correspondent aux besoins actuels des familles.
Nous avons un autre défi à relever : la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Nous devons réfléchir à une politique de création de places en crèche ou à d’autres modes de garde pour le jeune enfant. Mme Rossignol a évoqué ce point. Or les places de crèche telles qu’elles ont été pensées sous le quinquennat précédent ne semblent pas répondre exactement aux besoins des familles.
Enfin, je voudrais évoquer un troisième objectif : la pauvreté des familles nombreuses ou monoparentales. Notre politique familiale ne saurait se dédouaner totalement d’un sujet spécifique à la France : le nombre d’enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté, qui sont en quelque sorte assignés à résidence dans la pauvreté, est bien supérieur à la moyenne de l’OCDE. C’est la raison pour laquelle je souhaite qu’on ouvre un grand débat en 2018 sur les objectifs assignés à notre politique familiale et sur la manière de les atteindre. Là encore, ce débat devra tenir compte de toutes les sensibilités représentées au sein de cette assemblée, mais également de toutes les parties prenantes.
La réflexion ne fait que commencer. On ne peut donc réduire le PLFSS aux mesures d’urgence que j’ai prises quand j’ai constaté que 36 % des familles monoparentales vivaient en dessous du seuil de pauvreté et que cela représentait 70 % des enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté. J’assume ce choix stratégique effectué dans l’urgence, mais le débat devra se prolonger en 2018.
Madame Deroche, vous m’avez posé une question sur les ATU. Les autorisations temporaires d’utilisation ont été créées à une période où l’industrie pharmaceutique présentait un médicament ayant une indication. On a vu qu’avec une nouvelle politique visant à obtenir une première indication, souvent dans une niche, puis à développer progressivement de très nombreuses indications, le système des ATU ne permettait pas, une fois l’AMM octroyée, d’avoir accès aux médicaments innovants dans les nouvelles indications de façon anticipée. J’ai vu ce problème arriver quand j’étais présidente de l’INCA. Le ministère en est parfaitement conscient également, et nous devons encore travailler pour essayer de proposer une solution dès 2018.
Vous m’avez aussi interrogée sur les chirurgiens-dentistes : la négociation de la nouvelle convention est en cours avec la CNAM et, pour l’instant, nous réfléchissons avec les chirurgiens-dentistes à la manière de définir un panier de soins minimum qui permettrait d’accentuer l’intérêt pour les actes de prévention et d’avoir un reste à charge de zéro pour les familles.
Vous m’avez également interpellée sur les vaccins, notamment les vaccins contre les HPV. La problématique des vaccins contre la grippe ou les HPV est légèrement différente de celle des vaccins de la petite enfance.
J’ai souhaité aujourd’hui axer l’obligation vaccinale sur les vaccins de la petite enfance, car un certain nombre d’enfants, notamment des enfants atteints de cancer, ne peuvent pas bénéficier de la couverture vaccinale et sont, de ce fait, particulièrement sensibles aux épidémies. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’une couverture vaccinale large pour éviter des décès d’enfants.
La problématique du vaccin contre les HPV est très différente, puisqu’il s’agit d’une protection individuelle. Si l’on veut considérer le vaccin anti-HPV sous l’angle de la protection collective, il faudrait alors s’interroger sur la vaccination des garçons. C’est un sujet réel. D’autres pays ont choisi de vacciner l’ensemble des jeunes, et pas seulement les filles. Nous aurons peut-être ce débat l’année prochaine. Mais nous avons déjà suffisamment de pain sur la planche pour convaincre nos concitoyens de l’utilité de vacciner les enfants de moins de deux ans !
J’ai regretté, madame Cohen, que vous évoquiez le suicide d’un praticien à Grenoble. Si la qualité de vie des professionnels de santé est, certes, une vraie question dans nos établissements, que ce soit en EHPAD ou à l’hôpital public, le cas particulier dont vous avez fait part relève, me semble-t-il, d’un autre problème. Veillons, sur des sujets aussi sensibles, à ne pas instrumentaliser le suicide d’un professionnel à un moment donné.
Cela étant, nous ouvrons évidemment la question de la qualité de vie au travail et du sens de l’hôpital public de demain. La tâche est immense, après des années d’une politique qui a voulu faire croire que l’hôpital public devait répondre à une logique d’entreprise. L’hôpital n’est pas une entreprise comme une autre, il ne doit pas rechercher des parts de marché. C’est la raison pour laquelle je souhaite revenir, au moins partiellement, sur la tarification à l’activité. Nous devons redonner à l’hôpital public le sens de sa magnifique mission, qui consiste à faire du progrès médical, de l’enseignement, de la recherche et à accueillir toutes les populations, sans reste à charge.
Nous allons travailler l’an prochain avec l’ensemble des acteurs pour que l’hôpital public retrouve la place qu’il n’aurait jamais dû cesser d’avoir. Les réformes successives – T2A, loi HPST, politique d’ONDAM très contraint – l’ont considérablement impacté et la politique du rabot sur la T2A n’a pas été compensée par un autre mode de tarification permettant de valoriser le savoir-faire de l’hôpital, notamment la pertinence des actes et la qualité des soins.
Je souhaite rééquilibrer cette politique de façon à ce que l’hôpital public ne se lance plus dans une course effrénée à l’activité. J’espère que nous pourrons mener ce débat de façon apaisée.
Je rappelle que 400 millions d’euros d’investissements sont prévus pour l’hôpital public, de même que 400 millions d’euros pour le numérique en santé, qui bénéficiera évidemment en partie à l’hôpital.
Monsieur Daudigny, vous estimez qu’on aurait pu mettre en place partiellement le tiers payant sur la part AMO. Mais on aurait alors perdu le sens de la réforme voulue par Marisol Touraine, qui devait déboucher sur un tiers payant complet et généralisé. Dans les débats, à aucun moment il n’a été question d’avancer par étapes, en commençant par un tiers payant sur la part AMO, puis en l’étendant aux complémentaires en cas de succès. L’esprit de la loi était d’offrir à tous les Français une facilité d’accès aux soins au moyen d’un tiers payant généralisé sur l’ensemble du champ tarifaire. Pour l’instant, il est clair que nous ne pouvons pas atteindre cet objectif. Je ne pense pas qu’on rendrait service à nos collègues médecins en généralisant le tiers payant seulement sur la partie AMO. Nous devons surtout rendre du temps médical aux praticiens.
Ce qui compte pour moi, c’est que le rapport commandé permette d’identifier – j’ai pris un engagement pour mars 2018 – le délai dans lequel nous serons en mesure de généraliser le tiers payant sur l’ensemble du champ tarifaire, complémentaire et obligatoire, de façon à ce que tout le monde y ait accès le plus vite possible. Ce rapport prévoit également d’identifier les populations qui sont vraiment gênées par l’absence de tiers payant généralisé, au-delà de celles qui en bénéficient déjà – CMU-C, ACS, ALD. Nous savons en effet qu’un certain nombre de nos concitoyens ont des difficultés à avancer ces sommes. L’idée est d’avancer par étapes en faveur des populations les plus en difficulté. Nous le savons tous ici, il n’y a pas urgence à ce que le tiers payant soit accessible à l’ensemble des foyers, quels que soient leurs revenus. Nous privilégions une démarche pragmatique, qui ne perd pas pour autant sa cible de vue, à savoir l’accessibilité pour ceux qui en ont vraiment besoin, le plus rapidement possible.
S’agissant du tabac, beaucoup de choses ont été dites sur les zones frontalières. Nous sommes parfaitement conscients de ce problème avec Gérald Darmanin. C’est la raison pour laquelle nous menons une politique acharnée de lutte contre la fraude : 200 postes supplémentaires vont être dédiés à la lutte contre la fraude et le commerce illégal de tabac dans l’administration des douanes. Le ministère des comptes publics travaille par ailleurs à un plan d’aide pour les buralistes. Enfin, les sanctions et les poursuites vont se durcir.
Outre ce renforcement des contrôles, je m’engage pour ma part à mener des négociations à l’échelon européen, notamment sur la traçabilité du tabac, un sujet sur lequel je suis très engagée avec mes homologues ministres de la santé, des finances ou de l’agriculture. Nous sommes aidés pour cela par la volonté farouche du directeur général de l’Organisation mondiale de la santé et du commissaire européen à la santé, résolus à avancer vers une harmonisation de la fiscalité sur le tabac en Europe, avec la nécessité d’en faire réellement une priorité de santé publique pour l’ensemble des pays européens.
Je le rappelle quand même, s’il est aujourd’hui difficile d’harmoniser la fiscalité au niveau européen, c’est en partie parce que la France fait office d’exception. Le taux de prévalence du tabagisme dans les autres pays d’Europe n’a rien à voir avec le nôtre, et nos voisins ne sont donc pas confrontés à la même urgence sanitaire. L’Angleterre compte 15 % de fumeurs, contre 30 % pour la France. Les autres pays ont réussi là où nous avons échoué, et il est donc plus difficile de les embarquer vers une hausse drastique du prix du tabac, alors que leur santé publique est meilleure que le nôtre.
Je voudrais conclure sur les cancers des enfants, un sujet qui me tient à cœur depuis de nombreuses années. J’avais écrit le plan Cancer 2014-2019 en faisant des cancers des enfants l’une de mes priorités. Ce plan comportait, me semble-t-il, l’ensemble des mesures qu’on pouvait imaginer pour favoriser la recherche sur les cancers des enfants.
Aujourd’hui, une association de malades en particulier prône la taxation de certaines industries. Or nous avons besoin que les industriels fabriquent des médicaments pour les cancers pédiatriques. Il nous faut donc entraîner les industriels sur la voie de l’innovation médicamenteuse.
On peut décider d’instaurer une taxe, mais ce n’est pas elle qui permettra de développer de nouveaux médicaments.
Nous avons besoin de nous investir considérablement dans le nouveau règlement pédiatrique européen, qui favorise justement les investissements de l’industrie dans les médicaments pédiatriques. La France est leader en la matière.
Dans le cadre du plan Cancer, j’avais créé des centres d’essais cliniques de phase précoce pour les enfants et j’avais invité tous les grands industriels à nous donner leurs molécules innovantes pour les cancers réfractaires afin de les tester dans un cadre offrant une sécurité maximale aux enfants français. La France était donc pionnière dans l’accès aux médicaments innovants et aux essais cliniques.
Nous devons développer une réflexion intelligente, et non pas dogmatique, sur les cancers pédiatriques.
La question de la recherche est importante. J’avais mobilisé beaucoup d’acteurs de la recherche sur les cancers pédiatriques, mais nous avons peu d’équipes de recherche dédiées, probablement parce que la plupart des grands progrès médicaux ne proviennent pas d’une recherche appliquée.
Il faut certes avoir, en matière de recherche, des financements dédiés à un sujet. Mais, selon la formule consacrée, nous n’avons pas découvert l’électricité en essayant d’améliorer la bougie ! C’est une réalité : les grands progrès en médecine sont venus de recherches qui n’avaient rien à voir avec le sujet sur lequel allait s’appliquer le résultat des recherches. Vouloir à tout prix financer la recherche sur les cancers des enfants ne fera donc pas forcément progresser la recherche sur ces cancers. Ce qui compte, c’est d’avoir un très bon financement de la recherche en France de manière générale et de renforcer l’accessibilité aux essais cliniques. Cela doit devenir une priorité.
En revanche, je ne crois pas à la taxation des industriels : celle-ci risque de les freiner au lieu de les inciter. Toutes les incitations à la recherche sont pour moi positives, mais elles ne passent pas forcément par une taxation. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)