M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque intervenant dispose de deux minutes au maximum. J’invite tous les orateurs à veiller au respect scrupuleux de cette règle.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je risque malheureusement d’être redondante, car le département des Hautes-Pyrénées n’échappe pas aux inquiétudes ressenties nationalement sur ce thème.
En matière de logement social, l’article 52 du projet de loi de finances a suscité de vives réactions de la part des bailleurs sociaux de mon département. À mon avis, cette disposition relève d’une vraie fausse bonne nouvelle pour les locataires. Si l’État réalise par ce biais une économie substantielle au travers de la diminution du montant des APL, il n’en fait pas moins porter le poids sur les budgets des organismes d’HLM, mettant en péril leur équilibre financier et menaçant alors la qualité même des logements. Certains d’entre eux ont d’ores et déjà annoncé geler leur production de logements jusqu’à nouvel ordre.
Permettez-moi de vous décrire ce que la baisse des loyers va occasionner pour deux organismes dans les Hautes-Pyrénées. La société d’économie mixte de construction de la ville de Tarbes estime sa perte financière entre 500 000 et 600 000 euros, se retrouvant avec un autofinancement négatif de 300 000 euros. L’office public de l’habitat du département évalue, quant à lui, cette perte à 4 millions d’euros, subissant une diminution de plus de 90 % de son autofinancement. Les deux organismes devraient alors faire appel, pour leurs encours, à leurs garants, qui ne sont autres que les communes et le conseil départemental, dont la marge de manœuvre budgétaire a été extrêmement mise à mal depuis plusieurs années.
Conséquemment à ces pertes budgétaires, c’est l’habitat lui-même qui se verrait amputé des programmes de rénovation, en particulier de la rénovation thermique. Ainsi, lorsqu’à moyen terme, il eût été envisageable de concevoir des économies liées à la performance énergétique du parc immobilier, l’absence d’investissements en la matière créera inévitablement des dépenses supplémentaires pour les locataires.
Enfin, cet article pourrait tout bonnement se révéler également contre-productif pour atteindre l’objectif d’amélioration de l’accès au logement des personnes les plus modestes.
M. le président. Pensez à conclure !
Mme Maryse Carrère. Car, en zones tendues particulièrement, peut-on raisonnablement penser que, au vu du danger financier que représentera pour un organisme d’HLM le fait d’avoir une majorité de locataires pour lesquels il serait contraint d’abaisser les loyers, sa commission d’attribution continuera à attribuer des logements aux plus modestes, une telle démarche impliquant une diminution de ses ressources ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, j’évoquais précédemment les offices ou sociétés pour lesquels les nouveaux modèles de financement que nous proposons ont un effet positif. Mais, vous avez raison, l’effet est négatif pour d’autres.
J’insiste sur la diversité des situations. Il y a 750 offices ou sociétés. Avec les sociétés d’économie mixte, le nombre d’entités qui financent du logement social s’élève aujourd'hui à 800. Vous le savez, car vous en avez toutes et tous sur vos territoires.
La difficulté est effectivement de mener cette réforme du financement, de la vente et du regroupement en faisant en sorte qu’elle n’ait pas un effet négatif sur les uns quand d’autres en sortiraient encore plus forts.
L’article 52 prévoit une mutualisation, une péréquation. Vous connaissez cela par cœur. Notre travail, dans la perspective de la finalisation du dispositif, est de faire en sorte que cette mutualisation, cette péréquation, soit pertinente.
J’évoquais tout à l’heure la TVA. C’est une piste de travail que proposent les bailleurs sociaux. Pourquoi est-ce intéressant ? Tout simplement parce que la TVA est directement fonction de l’activité : plus vous avez d’activité, plus vous pouvez bénéficier des nouveaux financements que nous proposons et plus, au final, vous pouvez les utiliser pour financer votre activité à moindre coût. Cela permet d’établir une corrélation, indépendamment des effets ou de la structure financière des offices ou sociétés. C’est donc un moyen d’avancer dans le bon sens.
Encore une fois, ce n’est pas une décision budgétaire. L’intérêt de diminuer les APL est réel. Il faut le faire ; il y va de la pérennité du système. Mais c’est une réforme globale du système des HLM que nous essayons de porter aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur la baisse des APL, puisque je vous ai interrogé sur le sujet lors des questions d’actualité. J’évoquerai plutôt la politique du logement adaptée à nos territoires.
Je regrette que la politique du logement du Gouvernement s’inscrive dans une démarche interventionniste et centralisatrice, bousculant quelque peu les élus locaux et resserrant l’étau autour des collectivités locales. Le logement tout court et, plus particulièrement, le logement social doit répondre à une demande en fonction des territoires, qu’ils soient tendus ou non. Dans les Alpes-Maritimes ou en Île-de-France, nos collectivités, au nom des 25 % de logements sociaux d’ici à 2025, se voient assigner des objectifs de production qui sont surréalistes et inatteignables, en tout cas dans le délai imparti : 2025, c’est demain ! Ces obligations finissent par décourager les élus, même les plus volontaires.
Dans la brochure de présentation de la « stratégie logement » du Gouvernement, les collectivités sont loin d’être au cœur des dispositifs proposés, alors que leur rôle central est d’initier localement une politique de l’habitat au nom de l’intérêt général, du principe de solidarité et, surtout, des spécificités des territoires. Le maire demeure bien le premier sollicité lorsque l’un de nos concitoyens procède à une demande de logement social.
Il faut donner plus de souplesse à l’application de la loi SRU, non pas, comme je l’entends dire souvent, pour exonérer les communes de leurs obligations de construction de logements, mais simplement pour permettre une meilleure adaptation des objectifs aux réalités des territoires dans un souci d’une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. C’est la raison pour laquelle il serait peut-être plus pertinent de définir entre le préfet et les collectivités une contractualisation arrêtant les objectifs réellement réalisables au vu, par exemple, de l’état du foncier disponible, des projets structurants définis et mis en œuvre. Les sanctions s’appliqueraient alors pleinement si cette contractualisation n’était pas respectée.
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, quel est votre avis sur cette adaptation aux réalités locales qui – je le pense sincèrement – serait plus à même de créer un choc de l’offre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je souhaite souligner plusieurs éléments.
Premièrement, dans la politique du logement que nous avons engagée avec Jacques Mézard, nous avons objectivement eu le souci des collectivités. Nous n’avons pas voulu mettre en place un énième dispositif ; il y a eu les OIN, les PIL, les PIE, sans parler des PLU, des SCOT, etc. Nous avons décidé d’arrêter cette surenchère et de passer à des schémas de contractualisation avec les collectivités ; c’est beaucoup plus efficace.
Deuxièmement, ainsi que je l’évoquais, le débat sur la loi SRU est très compliqué. Vous avez objectivement raison : il y a des approches territoriales. L’exemple que vous avez donné rejoint celui que j’ai moi-même pris précédemment. La difficulté est la suivante : rouvrir le débat sur ce sujet alors qu’il manque un million et demi de logements sociaux en France aujourd’hui ne risque-t-il pas de se révéler contre-productif pour cette grande cause nationale qu’est la construction de logement social ?
Troisièmement, à titre personnel, je vous suis à 100 % sur la territorialisation de la politique du logement. Je vous donne un exemple très concret. Il existe le prêt à taux zéro, le dispositif Pinel. Certains sont en A, d’autres en A bis, d’autres encore en B1, B2, C. C’est très pratique pour territorialiser une politique de logement… Et cela fait des années que ça dure. Nous sommes donc en train de revoir cette territorialisation. Nous allons procéder à des aménagements et essayer de voir comment être plus proche de la réalité en fonction des différentes zones. À mon avis, à terme, il faudra effectivement de plus en plus territorialiser la politique du logement.
Une partie de ma famille vient de l’Oise. Dans le petit village, il n’y a plus de centre-ville ou de centre-bourg. En revanche, il y a énormément de pavillons autour, avec tous les problèmes que cela implique. Et, dans un petit village analogue que je suis allé visiter dans le Bas-Rhin, c’était l’inverse ! Pourtant, les deux sont en zone B2. Les financements et les dispositifs ne permettent pas de faire la même politique. À terme, il faudra donc territorialiser ; mais cela prendra du temps. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Ma question porte sur les entrées et les sorties dans le logement social.
Ces dernières années, beaucoup a été fait pour favoriser la construction de logement social neuf.
En février dernier, la Cour des comptes estimait que, sur les 17,5 milliards d’euros consacrés au logement social, plus de la moitié, pratiquement 55 %, soit 9,5 milliards d’euros, se rapportaient directement ou indirectement à la construction. Parmi les différentes incitations à la construction de logements neufs, on peut notamment mentionner la TVA à taux réduit, l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et les avantages liés à l’accès à l’épargne réglementée et aux prêts locatifs.
Même si les objectifs initiaux du précédent gouvernement ne sont pas remplis, la hausse du rythme de la construction au cours de dernières années doit nous réjouir. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, je veux porter à votre attention deux écueils liés à cette politique du logement social centrée sur la construction.
D’une part, il apparaît que les constructions ne sont pas suffisamment ciblées et ne tiennent pas compte, par exemple, des zones de tension ou encore de la taille des foyers, avec notamment l’accroissement des familles monoparentales alors que nous avons des logements qui sont prévus pour un plus grand nombre de personnes.
D’autre part, parmi l’ensemble des entrées dans le logement social, seulement une sur six s’effectue dans une construction neuve.
Comme la Cour des comptes l’a relevé, la rotation au sein du parc social demeure trop faible aujourd'hui. Il conviendrait utilement, à mon avis, de favoriser celle-ci, afin d’accroître le nombre global de logements proposés à la location sans tout focaliser sur la construction de logements nouveaux. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, quels sont les instruments que vous comptez utiliser pour fluidifier les entrées et sorties dans le parc social ? Une plus grande fluidité ne permettrait-elle pas, à coût constant, une meilleure redistribution de la part des organismes de logement social vers les foyers aux revenus les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les chiffres que nous avons déjà évoqués à plusieurs reprises – 4,5 millions de logements et 1,5 million de personnes en attente – représentent un véritable enjeu.
L’introduction de plus de mobilité est un problème compliqué. Cela renvoie à la question de tout à l’heure. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut décider par une loi ; cela se fait au plus près du terrain. Et vous en êtes les premiers garants. En effet, les ménages qui constituent les logements sociaux sont connus sur le terrain. Nous avons donc fait le choix de porter un aménagement au niveau des commissions d’attribution des logements. Ces dernières sont composées de celles et ceux qui connaissent véritablement ceux qui habitent dans les logements sociaux.
Notre objectif est de pouvoir le faire sur la base du volontariat. Nous voulons proposer tous les six ans d’autres solutions à celles et ceux qui habitent dans un logement social, si leur situation a évolué, par exemple parce que leurs enfants sont partis faire des études ou, inversement, parce qu’un héritage leur a permis d’acquérir un appartement dans une rue voisine. Si ces personnes ont droit au parc social, on leur propose d’autres solutions dans le parc social.
Pourquoi faut-il le faire rapidement ? Parce que, au bout de vingt-cinq ans dans un logement social, lorsque les enfants partent ou lorsque le bailleur propose un nouvel appartement, compte tenu de l’évolution des prix, le T5 a un loyer inférieur à un T3. La personne n’a donc aucun intérêt à changer de logement – cela ne représente aucun gain pour elle –, et elle reste dans son appartement. Il faut donc pouvoir faire une telle proposition rapidement. Nous avons donc retenu une période de six ans, afin que cela corresponde à un véritable gain de pouvoir d'achat.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’annonce cet été du coup de rabot sur l’APL a sonné comme un coup de tonnerre pour 6,5 millions de foyers : 5 euros en moins, c’est un mois de goûter pour les enfants ou encore les repas d’une journée, comme en témoignaient ce matin deux bénéficiaires de l’APL dans le journal L’Humanité.
Cette mesure injuste rapportera 390 millions d’euros au budget de l’État. Dans le même temps, Bruno Le Maire a annoncé : « Nous allons rendre 400 millions d’euros aux 1 000 premiers contributeurs à l’ISF. » En bref, vous pénalisez les 20 % de ménages français qui ont le plus besoin d’aide pour se loger au profit des 1 000 les plus riches, qui, on s’en doute, n’en ont pas besoin. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir s’ils appartiennent aux 3 250 familles qui détiendraient, selon Le Figaro du 30 septembre dernier, 150 milliards d’euros dans les paradis fiscaux. Et vous allez encore plus loin, en annonçant une baisse d’APL pour les locataires de logements sociaux compensée par une baisse des loyers équivalente. C’est donc aux bailleurs sociaux de compenser, encore une fois, le désengagement de l’État à hauteur de 1,5 milliard d’euros ! Autant d’argent en moins pour les réhabilitations, les constructions et le bien-être des habitants !
Enfin, cette mesure crée une inégalité insupportable entre les locataires. Car, demain, les bailleurs auront plus de scrupules à loger des bénéficiaires d’APL, dont les loyers seront plus faibles que ceux qui ne sont pas bénéficiaires de ces aides. D’autres personnes se verront barrer la route du logement social, car leurs revenus passeront en dessous du minimum requis par les commissions d’attribution.
Saisi par le collectif Vive l’APL, le Conseil d’État a promis qu’il rendrait sa décision avant vendredi. Mais vous pouvez agir avant. Ma question sera donc franche et directe, monsieur le secrétaire d’État : quand allez-vous retirer enfin ce décret insupportable pour tant de familles en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, le décret dont vous parlez est un décret d’exécution budgétaire sur l’année 2017. Était-ce une bonne idée de raboter de 5 euros ? Tout le monde s’est suffisamment exprimé, me semble-t-il, pour dire que les politiques de rabot ne sont pas la bonne solution. Simplement – vous savez très bien comment sont faits les budgets –, ce n’est pas nous qui avons conçu le budget pour 2017.
Mme Éliane Assassi. Nous non plus ! On avait même voté contre !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Ainsi que la presse l’a montré, la diminution des APL était déjà prévue. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Mais si, madame la sénatrice !
La réforme que nous proposons aujourd'hui, avec les débats que nous avons sur 2018, et les mécanismes que nous essayons de mettre en œuvre visent à apporter des financements aux bailleurs sociaux, à permettre les regroupements, ainsi que l’accession et en faire bénéficier le système des APL, pour en assurer la pérennité.
En outre, il y a une autre réforme dont on n’a pas parlé jusqu’à présent, mais dont il faudrait discuter : l’établissement du revenu des APL. Aujourd'hui, les APL sont établis sur la base des revenus n-2, qui ne sont donc pas les revenus actuels, c'est-à-dire les revenus réels. Ainsi, celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd'hui au chômage touche des APL au regard de son revenu d’il y a deux ans quand il était au travail : l’abattement forfaitaire qui est fait ne correspond pas réellement à ses revenus actuels.
Il s’agit donc typiquement d’une réforme intelligente, mais dont personne ne parle. La mesure est beaucoup plus juste pour celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd'hui au chômage, de même qu’elle est plus équitable pour celui qui travaille aujourd'hui alors qu’il était au chômage voilà deux ans.
M. Fabien Gay. Mais je vous parle des 5 euros que vous prenez aux familles qui n’ont déjà plus rien pour bouffer à la fin du mois !
Mme Éliane Assassi. Il faut aller chercher l’argent dans les paradis fiscaux !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en propos liminaires, j’insisterai sur le fait que la démarche d’élaboration d’un projet de territoire en matière de logement, qu’il soit social ou non, doit se faire en partenariat avec les collectivités locales. Elle oblige à articuler la réflexion sur le logement au sein de son contexte territorial et de ses dynamiques de développement et permet ainsi d’avancer de manière opérationnelle.
Dans les territoires, nous disposons d’éléments prospectifs : SCOT, PLH, SRADDET, notamment. À ce titre, la montée en puissance des collectivités territoriales et de l’intercommunalité a eu un impact important sur les politiques du logement. Or les contraintes sur les finances publiques deviennent un des principaux sujets de préoccupation des acteurs.
Dans ce contexte, il est primordial que les efforts soient maintenus d’un point de vue fiscal en faveur des zones rurales pour soutenir les investissements immobiliers. En effet, le logement social ou plutôt aidé a un effet de levier particulièrement puissant. Il constitue un investissement structurant pour les territoires. Or opérer un « rezonage » restrictif en matière de PTZ et de dispositif Pinel se révèle extrêmement contre-productif pour les territoires ruraux, puisqu’on leur fait perdre en attractivité et on les fragilise encore davantage. Et ce ne sont pas les engagements du Président de la République de prolonger de deux ans le PTZ neuf ou de quatre ans le PTZ ancien en zones B2 et C qui vont inverser la tendance durablement !
C’est la même chose en matière de taxation des plus-values immobilières réalisées au moment de la vente de terrains, notamment. Le Gouvernement propose, vous l’avez évoqué, des dispositions dans les zones tendues. Mais, encore une fois, il ne faut pas oublier les territoires ruraux ! Pourquoi ne pas élargir ce type de mesures aux zones rurales et non tendues ? Et jusqu’où êtes-vous prêt à aller le cas échéant ? Je pense, par exemple, à l’exonération quand il s’agit de projets relatifs aux logements aidés et au taux de réduction élevé pour les autres opérations.
Je vous remercie des éléments que vous pourrez nous fournir à ce sujet, afin que nos territoires restent attractifs en ce domaine et que les moyens développés puissent participer activement à la réduction de la fracture territoriale et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, concernant l’importance des collectivités, je souhaite aborder un point que je n’ai pas évoqué en répondant à Mme Estrosi Sassone. Nous avons pris un engagement très ferme : laisser le permis de construire aux mains des maires. Or il faut savoir que beaucoup de gens étaient venus nous voir le premier jour en nous disant que la meilleure solution pour construire du logement, social ou pas, était de retirer le permis de construire des mains des maires. Aujourd'hui, on ne peut pas construire sans l’accord de l’élu local ; ce n’est pas possible. Nous laissons donc le permis de construire aux mains des maires. Je tenais à le souligner, car c’est souvent occulté.
Sur les dispositifs PTZ et Pinel, il faut aussi voir d’où l’on part. Les précédents projets de loi de finances prévoyaient la fin de ces dispositifs au 31 décembre 2017. Nous avons pris un engagement très ferme : la reconduction de ces dispositifs, dans la plupart des cas sur quatre ans ; sur deux ans dans les zones B2 et C pour le PTZ neuf, et sur quatre ans dans ces mêmes zones pour l’ancien. Pourquoi sur une aussi longue durée ? Justement pour donner de la visibilité et de lisibilité aux acteurs. Objectivement, rares ont été les gouvernements qui ont pris un engagement de rallonger sur une aussi longue durée ces instruments financiers, que ce soit en zone dense ou en zone détendue.
Il y a une difficulté avec la zone détendue. C’est tout l’enjeu de la territorialisation de la politique de logements et des instruments. Il y a des zones détendues, comme celle que j’évoquais dans l’Oise : objectivement, ce qui tue l’âme du village est de n’avoir eu que des constructions aux alentours, du fait des dispositifs fiscaux, et pas du tout de rénovation du centre-ville. C’est pour cela que nous allons plus loin sur le PTZ ancien que le PTZ neuf dans certaines zones rurales. Mais il y a des cas où cet exemple ne s’applique pas. Par conséquent, aujourd'hui, nous faisons au mieux. Cela pose la question de la politique du logement à terme.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un aménagement équilibré des territoires en matière de logement social exige une répartition sur l’ensemble du territoire des nouvelles constructions, afin d’assurer à nos concitoyens des logements décents à des prix abordables, en termes de locations, mais aussi d’accession à la propriété.
Dans la logique d’une stratégie contrainte par la diminution de la dépense publique, le Gouvernement a fait le choix de recentrer les dispositifs Pinel et prêt à taux zéro sur les zones tendues. Cela limitera forcément le développement des autres territoires en augmentant les difficultés à monter des opérations mixtes : logement social, accession sociale, accession libre, en zones dites « non tendues ». Ainsi, de nombreuses intercommunalités vont se retrouver dans l’incapacité de mettre en œuvre leur politique locale de l’habitat, elles seront notamment incapables de répondre à leurs obligations SRU. Ces mesures cumulées sont contraires aux attentes d’un aménagement équilibré du territoire.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple. Comment comptez-vous concilier ces deux impératifs : faire face à la demande des zones tendues et accompagner les zones non tendues dans le développement d’une attractivité renouvelée ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est au centre des débats que nous avons eus jusqu’à présent, puisqu’elle porte sur la territorialisation, à terme, de toute la politique du logement.
Certaines pistes existent. On sait, par exemple, qu’en zone tendue il faut construire davantage, plus vite et moins cher. C’est donc assez facile : il faut un choc sur la fiscalité du foncier ; il faut aussi un choc sur les entreprises afin qu’elles abandonnent leurs locaux commerciaux pour pouvoir créer des logements à la place ; et il faut un choc en reconduisant massivement les dispositifs fiscaux permettant de construire dans ces zones, en ayant néanmoins le souci de construire davantage dans les zones peu denses, mais tout de même tendues. Nous avons tous en tête des exemples de bâtis peu denses autour de gares en pleine métropole, qui sont un non-sens urbanistique.
Inversement, comment faire une politique d’aménagement du territoire dans les zones détendues ? Par exemple, en reconduisant le PTZ plus longtemps dans l’ancien que dans le neuf. Aujourd'hui, en zone détendue, il importe que l’effort soit plus important en matière de rénovation que de construction nouvelle. Bien sûr, mes propos sont à prendre dans un sens très global. Encore, une fois, comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, je suis convaincu que chaque territoire garde sa spécificité. Il est donc très difficile de généraliser. Quoi qu’il en soit, nous devons relever le défi et tirer profit des outils qui existent, lesquels ne permettent que cette approche globale.
Le dernier point que vous évoquez, monsieur le sénateur, est l’attrait économique des territoires. J’ai passé des années à essayer de redresser des entreprises dans les territoires. Je n’ignore donc pas que l’attractivité ne dépend pas uniquement du logement. Elle repose en réalité sur le triptyque emploi, logement, transport. Voilà pourquoi le Gouvernement essaie de faire avancer ces trois dossiers dans le même sens. Tout cela nous renvoie au plan de rénovation des villes moyennes que j’évoquais tout à l’heure, et où le volet économique est très présent.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Ma question, monsieur le secrétaire d’État, concerne la baisse des APL.
Cette décision est injuste, car elle frappera en premier lieu plus de 6 millions de ménages parmi les plus modestes et les plus précaires, qui perdront 60 euros de pouvoir d’achat chaque année. Elle est injuste, car elle devra être compensée par une baisse des loyers HLM, sans aucun avantage pour les locataires. Par répercussion, elle coûtera aux organismes d’HLM près de 1,7 milliard d’euros par an et elle les obligera à augmenter les loyers des locataires ne disposant pas d’APL, via les surloyers.
Cette décision est aussi contre-productive, en premier lieu pour les offices d’HLM, qui verront leur capacité d’investissement gravement compromise, que ce soit pour entretenir les bâtiments, pour les rénover ou pour en proposer de nouveaux de même qualité. Les manifestations négatives de cette décision se font d’ailleurs déjà sentir en Midi-Pyrénées, par exemple, où dix-neuf organismes de logement social ont décidé de suspendre provisoirement le lancement de nouveaux programmes et toutes les opérations en vente en l’état futur d’achèvement. Ces organismes n’auront pas d’autre choix que de recourir à la mobilisation des garanties d’emprunts accordées par les collectivités locales, ce qui les placera dans une situation fragile.
C’est une mesure contre-productive également pour l’activité économique du secteur du bâtiment, qui peine déjà à se relancer et qui pourra s’en trouver fortement réduite, fragilisant ainsi l’emploi local.
Elle est enfin contre-productive lorsqu’il s’agit de mettre en place la transition énergétique décidée par le précédent gouvernement, en finançant notamment la rénovation thermique des bâtiments.
Monsieur le secrétaire d’État, la politique du logement social est certes une question économique, mais c’est aussi une question culturelle : nous parlons là du modèle de société que nous voulons avoir, et nous voulons une société solidaire. Vous n’ignorez pas que la décision du Gouvernement, ajoutée à la baisse des aides à la pierre, compromettra fortement les réinvestissements des bailleurs et la construction de nouveaux logements sociaux, dont le besoin se fait quotidiennement sentir dans nos territoires.
Ma question est donc simple : a-t-on réellement mesuré l’impact que cette mesure allait avoir sur l’économie locale, particulièrement dans le secteur du bâtiment ? Nous soutenons, en France, le droit à des logements sociaux de qualité. Comment, avec une telle mesure, comptez-vous répondre à cette exigence ?