Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi ! Pourquoi croyez-vous que Paris a été choisi ?
M. Pierre Charon. Monsieur le ministre d’État, nous avons besoin de vous et du préfet de police. Qu’envisagez-vous pour que Paris reste cette Ville lumière attractive face à ces mesures qui feront de Paris…
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. … l’une des villes les plus embouteillées d’Europe ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. Vous vous y connaissez en matière de bouchons, monsieur le ministre d’État, mais je ne vous parle pas ici des bouchons lyonnais, qui font la réputation de votre ville. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. Les voies sur berges portent le nom de Georges Pompidou. (Les marques d’impatience se répètent sur les mêmes travées.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. Pour paraphraser celui-ci, arrêtons donc d’emmerder les Parisiens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Et ils applaudissent à de telles bouffonneries !
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, si vous aviez posé cette question à l’ancien maire de Lyon, il aurait pu vous répondre, mais, aujourd’hui, le ministre de l’intérieur est un peu démuni, si je puis dire, dans la mesure où une loi du 28 février 2017 a conféré les principales compétences en matière de voirie à la mairie de Paris.
M. Roger Karoutchi. C’est un scandale !
M. Philippe Dominati. On peut abroger la loi !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Le préfet de Paris peut donc formuler un certain nombre de remarques, mais, sauf sur les axes que l’on pourrait qualifier de « stratégiques », il est désormais démuni. Il peut donner un certain nombre de conseils, mais c’est aujourd’hui le maire de Paris et le Conseil de Paris qui décident. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la perspective des jeux Olympiques, nous avons demandé à Mme la maire de Paris, à qui j’ai écrit personnellement, d’avoir une réflexion globale, portant sur l’ensemble de l’agglomération parisienne. En effet, comme vous le savez, les jeux Olympiques vont se dérouler à la fois dans Paris intra-muros, mais également dans la première couronne. Il convient donc que nous ayons une réflexion globale sur les circulations à l’intérieur de ce grand secteur si nous voulons réussir les jeux Olympiques de 2024. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour le groupe Les Républicains.
M. Michel Forissier. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
La transition écologique est l’un des objectifs qui vous incombent, monsieur le ministre d’État. Les agences de l’eau doivent répondre à des défis d’une pertinence capitale pour l’avenir de l’humanité, à savoir adapter les politiques du changement climatique, atteindre 100 % du bon état des eaux en 2027, réussir la prise en main de la GEMAPI par les collectivités, élargir nos compétences à la biodiversité, accompagner le financement du renouvellement des réseaux et lutter contre les fuites.
Les arbitrages budgétaires du Gouvernement sont en parfaite contradiction avec les objectifs fixés. En effet, la réduction, de l’ordre de 30 %, des budgets successifs et la baisse des effectifs, d’une part, et l’augmentation de 25 millions à 50 millions d’euros pour le financement de l’Agence française pour la biodiversité et un nouveau prélèvement institué par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, d’autre part, ne nous permettront plus d’atteindre les objectifs.
Pouvez-vous, monsieur le ministre d’État, revenir sur ces arbitrages et redonner aux agences de l’eau les moyens de remplir leur mission et d’atteindre leurs objectifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, depuis que j’ai pris mes responsabilités, j’ai rencontré à deux reprises l’ensemble des présidents et des directeurs des agences de l’eau. Ma conviction, qui ne coulait pas de source – sans faire de mauvais jeu de mots (Sourires.) – pour d’autres interlocuteurs, est que leur gouvernance par bassin a du sens et doit être préservée. Ainsi que vous l’avez évoqué, les agences constituent un fantastique outil au service des politiques de l’eau, mais également de la biodiversité.
Cela dit, il nous semble que des évolutions sont nécessaires.
D’abord, les agences doivent avoir un rôle pivot dans la politique de l’eau et de la biodiversité. C’est bien dans cet esprit qu’elles vont désormais financer entièrement les opérateurs de la biodiversité, l’Agence française pour la biodiversité, les parcs nationaux et l’ONCFS, parce que le lien est évident entre la gestion de l’eau et les écosystèmes.
Vous m’interrogez sur les moyens. Ceux-ci sont tout de même importants. Ainsi, au titre du onzième programme, nous prévoyons plus de 12,6 milliards d’euros sur six ans. Cette somme est exactement intermédiaire par rapport aux deux programmes précédents, qui s’étaient vu allouer 13,6 milliards d’euros, pour le dixième programme, et 11,4 milliards d’euros, pour le neuvième programme.
Pour l’année 2018, le plafond des redevances qui pourront être versées aux agences de l’eau devait être baissé. Il a été remonté de 2,28 milliards d’euros, à la demande des députés. En contrepartie de cette hausse du plafond, qui était demandée par les agences, nous avons reconduit le prélèvement sur leurs fonds de roulement de 200 millions d’euros, somme à rapprocher de leur trésorerie, abondante par ailleurs à hauteur de 760 millions d’euros. La situation est cependant variable suivant les bassins.
Sachez en tout cas que je veillerai à permettre à chacune de ces agences d’exercer pleinement ses missions dans le cadre de ce onzième programme. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour la réplique.
M. Michel Forissier. Monsieur le ministre d’État, je suis profondément déçu par votre réponse.
Puisque l’heure est au jeu de mots, vous me permettrez de vous dire que, même si, pour l’instant, on ne manque pas d’eau en France, je crains que, à force d’avaler des couleuvres, vous ne preniez le risque de manquer d’air. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Selon moi, l’amendement qui a été présenté par le Gouvernement à l’Assemblée nationale est un leurre, parce qu’il conduit à un prélèvement supplémentaire, au profit direct de l’État, de 200 millions d’euros pour 2018. On donne un peu d’air pour le reprendre après !
L’eau est source de vie. Cet élément indispensable à l’existence de l’homme sur la Terre ne doit pas être considéré comme une base de fiscalité servant de facteur d’équilibre pour le budget de l’État. Cette conception est un retour au Moyen-Âge, lorsque l’on prélevait l’impôt sur le sel, symbole de l’archaïsme de la fiscalité.
M. le président. Il faut conclure !
M. Michel Forissier. L’eau est, au contraire, un bien commun, qui doit être préservé comme patrimoine essentiel de l’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
aide à l'installation et au maintien des médecins
M. le président. La parole est à Mme Delmont-Koropoulis, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, le 13 octobre dernier, le Gouvernement a présenté son plan de renforcement de l’accès territorial aux soins. À cette occasion, le Premier ministre a pu déclarer que « chaque citoyen doit avoir accès à une médecine de qualité, quel que soit l’endroit où il vit ».
De trop nombreux territoires, dont la densité médicale est inférieure de 30 % à la moyenne nationale, souffrent d’inégalités d’accès à la santé. La Seine-Saint-Denis se trouve même dans une situation critique : ce département manque cruellement de médecins et 45 % de ceux qui y exercent sont âgés de plus de soixante ans. Cette situation est la même dans de nombreux départements ruraux.
Le projet de modification de zonage ambulatoire pour l’aide à l’installation des médecins récemment présenté ne fait qu’aggraver notre inquiétude. Les nouveaux critères d’accessibilité ne rendent pas compte de la situation réelle des territoires. Les communes aisées de l’Ouest parisien, par exemple, sont favorisées alors que les territoires fragilisés du nord-est francilien ne sont pas considérés comme des zones prioritaires.
Vous n’avez pas comptabilisé les médecins de secteur 2, ce qui fausse votre résultat. Dans les zones en difficulté, qu’elles soient rurales ou urbaines, n’exercent souvent que des médecins libéraux en secteur 1. Ce sont eux qui incarnent la médecine de proximité.
Madame la ministre, ma question est la suivante : la lutte contre l’inégalité d’accès aux soins de proximité dont souffre tant la Seine-Saint-Denis fait-elle réellement partie de vos priorités ou bien allez-vous permettre que se mette en place une médecine à deux vitesses dont les plus démunis seront les laissés-pour-compte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Buzyn, toujours retenue à l’Assemblée nationale pour défendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les ministres n’ayant pas de droit de réplique, je voudrais revenir un instant sur la question précédente. L’exemple du logiciel Louvois, mis en place en 2011 et dont nous ne tournerons la page qu’en 2021, devrait éclairer ceux qui voient dans les solutions informatiques la réponse à tout.
Sur des sujets aussi essentiels que le renforcement de la présence médicale en France, permettez-moi de penser qu’il ne sert à rien d’inventer de nouvelles solutions informatiques. Madame la sénatrice, qu’il s’agisse de la ruralité ou de n’importe quel quartier de votre département d’Île-de-France, nous devons trouver des solutions appliquées au terrain.
Il faut faire confiance à l’intelligence collective des territoires plutôt que de s’en remettre à la coercition. Imposer aux jeunes médecins de s’installer pour renforcer la présence médicale ne reviendrait qu’à les faire fuir, sinon à les décourager de s’engager dans cette profession.
À l’inverse, c’est au plus près du terrain que nous voulons chercher les solutions. Nous le faisons à travers le plan ambitieux qu’ont présenté le Premier ministre et la ministre de la santé, construit autour de la volonté de renforcer les coopérations avec, notamment, le doublement du nombre de maisons de santé. Elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent. Bien sûr, il faut aller plus loin, mais elles constituent un élément important de notre dispositif qu’il faut renforcer, dans les quartiers comme dans la ruralité.
Il faut aussi développer les capacités d’intervention sur l’ensemble de la chaîne médicale. Le dispositif ASALEE, qui permet aux infirmières et aux infirmiers de prendre en charge des maladies chroniques, sous l’autorité d’un médecin, va permettre aussi d’alléger, sur certaines fonctions, la charge de travail des médecins.
Il faut encore développer des pratiques avancées. Il s’agit d’un point essentiel qui permettra à certains professionnels d’exercer au-delà de leur spécialité initiale.
Dans le même esprit, nous voulons encourager l’innovation et le développement de la télémédecine en rémunérant les médecins pour les actes de télémédecine.
Nous voulons enfin simplifier la vie administrative des médecins pour faire en sorte qu’ils passent l’essentiel de leur activité non pas à faire de la paperasse, mais à accompagner les femmes et les hommes dans vos quartiers, comme dans l’ensemble de la France rurale.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Nous voulons améliorer et garantir un véritable accès aux soins pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
J’espère donc que vous ne maintiendrez pas les critères que j’ai pointés du doigt et qui conduisent à une situation inégalitaire.
J’en appellerai toujours à l’application du principe d’équité, qui, seul, peut endiguer l’inégalité d’accès aux soins dans les territoires fragilisés. Permettez-moi de citer l’exemple du démantèlement programmé de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, contre lequel s’élèvent tous les élus de Seine-Saint-Denis, toutes tendances politiques confondues. Tous ensemble, nous serons vigilants pour que l’accès aux soins…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annie Delmont-Koropoulis. … soit garanti sur le territoire. La défense de la santé…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annie Delmont-Koropoulis. … n’a pas de couleur politique et doit se garder des solutions technocratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 31 octobre 2017, à seize heures quarante-cinq.
Je remercie M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres de leur présence.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Merci, mes chers collègues.
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Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ?
Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur le thème : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
L’orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l’occurrence le groupe Union Centriste, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Daniel Dubois, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Daniel Dubois, pour le groupe Union Centriste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, le mouvement HLM, auquel se sont associés les professionnels du bâtiment et les associations de locataires, tire la sonnette d’alarme.
La demande faite aux bailleurs sociaux de compenser la baisse des APL, les aides personnalisées au logement, par une baisse de leurs loyers va les priver de 1,7 milliard d’euros de recettes. Dès 2018, le pronostic vital d’environ 200 organismes sera engagé. D’ici à cinq ans, c’est l’intégralité des bailleurs sociaux qui sera en grande difficulté.
À cela s’ajoute, dans le projet de loi de finances pour 2018, l’augmentation de 100 millions d’euros des cotisations au FNAP, le Fonds national des aides à la pierre, ainsi que le gel des loyers en 2018 pour un manque à gagner d’environ 150 millions d’euros. Au final, ce sont 2 milliards d’euros qui vont manquer au logement social.
Si le projet de loi de finances pour 2018 est adopté en l’état, nous connaîtrons un ralentissement brutal des constructions neuves, y compris dans le secteur privé – une partie des opérations, de caractère mixte, est vendue en VEFA, ou vente en l’état futur achèvement. Nous connaîtrons également un ralentissement des réhabilitations énergétiques, ainsi qu’une réduction drastique des crédits d’entretien.
Le Gouvernement ose parler d’un « choc de l’offre » ? À mon sens, il s’agit plutôt d’un choc dans le mur ! Il s’est enfermé dans une logique purement comptable qui pèche par son uniformité, alors même que les situations des bailleurs sur nos territoires sont diverses. Une logique au demeurant totalement injuste, puisqu’elle ponctionne les 9 milliards d’euros d’APL versés dans le secteur HLM sans s’interroger sur les 9 autres milliards d’euros versés, cette fois-ci, dans le secteur privé. Il semble que de telles considérations n’ont pas encombré le Gouvernement : il a besoin de 1,5 milliard d’euros pour équilibrer son budget et la mesure sur l’APL peut lui rapporter près de 2 milliards d’euros.
Ce ne sont pas l’amélioration des conditions d’emprunt, l’augmentation inapplicable des surloyers ou encore la vente de logements à des locataires impécunieux qui permettront de compenser une telle perte.
Je devine, monsieur le secrétaire d’État, les arguments du Gouvernement. Le Président de la République a lui-même déclaré qu’il a « deux problèmes avec les HLM » : premièrement, le trop grand nombre d’opérateurs, qu’il estime à 800 – notons que l’USH, l’Union sociale pour l’habitat, ne recense que 519 organismes dans le domaine du locatif social ; deuxièmement, la mauvaise circulation du capital, avec des organismes qui auraient des « trésors » sans construire.
Dès lors, la volonté du Gouvernement apparaît clairement : dans une première phase, appauvrir les bailleurs ; dans une seconde, livrer les plus fragiles à l’appétit des plus solides. Telle est la stratégie pour le logement qui sera mise en œuvre demain, si nous n’y prenons garde. Ainsi, on réduit drastiquement le nombre d’organismes ; ainsi, les capitaux circulent – circulez, circulez, il n’y a plus rien à voir !
Monsieur le secrétaire d’État, le gouvernement auquel vous appartenez a-t-il bien conscience des conséquences qu’aura sa politique ? Est-il conscient de son impact sur l’emploi ? Les HLM génèrent 17 milliards d’euros de travaux par an, mobilisent l’équivalent de 170 000 emplois non délocalisables dans le secteur du bâtiment, souvent de manière contracyclique.
Le Gouvernement est-il conscient de l’impact de cette politique sur la fiscalité ? Chaque année, les organismes d’HLM acquittent 1 milliard d’euros de TVA. Est-il conscient du fait que, faute de bailleurs, l’article 55 de la loi SRU va devenir inopérant ?
Le Gouvernement est-il conscient du risque encouru par les collectivités territoriales en cas de mobilisation des garanties d’emprunt ? Est-il conscient que les organismes d’HLM ne pourront plus s’engager dans la rénovation urbaine, alors même qu’ils avaient financé 45 % du PNR 1, soit 3 milliards d’euros, sur leurs fonds propres ?
Le Gouvernement est-il enfin conscient de la fracture sociale et territoriale qu’il va exacerber en créant des organismes de taille gigantesque, qui siphonneront les loyers des territoires périphériques pour construire en zone tendue ?
Monsieur le secrétaire d’État, baisser drastiquement les APL revient à déstructurer tout le secteur du logement social. Et tout cela, sans que nous en discutions, sans une bribe de débat et sans vision d’ensemble ! Je crains, pour tout vous dire, un incroyable rendez-vous manqué.
Permettez-moi d’identifier un problème de méthode. Est-ce comme cela que nous réformons dans notre pays ? Sans concertation, « en marche » forcée ? Avec des objectifs budgétaires, mais sans stratégie pour le secteur ?
Permettez-moi, ensuite, de pointer une vraie méconnaissance du monde HLM. Face aux millions de chômeurs, de pauvres, de mal-logés, face au défi de l’aménagement équilibré de notre territoire, le logement aidé est au cœur de notre pacte social. Il mérite un débat plus large qu’un débat budgétaire. S’il doit être réformé, cela ne peut être au détour d’un article du projet de loi de finances.
Profitons d’être à la croisée des chemins pour nous poser des questions fondamentales : à quoi doit servir le logement social ? À loger uniquement les plus défavorisés ou à organiser la mixité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Eh oui !
Mme Annie Guillemot. Très bien !
M. Daniel Dubois. Il s’agit d’un véritable débat de société.
Comment doit-il fonctionner ? Quel est le rôle de l’État ? Après s’être désengagé de l’aide à la construction, doit-il ne plus contribuer à la solvabilité des ménages ?
J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, avancer quelques propositions. Ne soyons pas uniquement fixés sur les économies à réaliser. Certes, le logement social doit pouvoir être plus efficient, nous ne remettons pas en cause ce constat ; mais il peut bénéficier de nouvelles recettes et en générer d’autres. Réfléchissons à la manière dont nous pouvons drainer de l’argent privé vers le logement social. Pourquoi pas par le biais de dispositifs de défiscalisation ? La fédération des OPH propose, par exemple, une hausse importante de la TVA sur la construction de logements neufs.
Réfléchissons à la mise en œuvre de deux stratégies distinctes en fonction des territoires : l’une, axée sur la production massive de logements en zones tendues ; l’autre, sur l’équilibre du territoire et le renouvellement des populations, en zones périphériques ou rurales, en élargissant les compétences des organismes autour d’objectifs partagés – revitalisation des centres-bourgs, services à la population, ingénierie auprès des collectivités...
Réfléchissons à optimiser le traitement de la demande de logement par le biais, par exemple, d’une plateforme nationale dont l’objectif serait la garantie d’une attribution à la suite d’une mutation professionnelle.
Réfléchissons aussi au bâti. Depuis la loi de 2005 sur l’accessibilité, on assiste à une dé-densification des constructions, alors même que le prix du foncier est un enjeu majeur. Les deux tiers des nouveaux immeubles ne dépassent pas trois niveaux. La plupart des logements sont accessibles, ce qui génère des surcoûts. Pourrions-nous réfléchir à des immeubles avec une mobilité assurée, quelle qu’en soit la hauteur, et à des logements vraiment évolutifs ?
Monsieur le secrétaire d’État, ce débat peut être passionnant et des solutions sont envisageables. Je propose donc, dans l’immédiat, et face à l’urgence budgétaire, que vous puissiez vous engager à réécrire l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018, en bonne intelligence et en lien avec tous les partenaires. Le Sénat s’honorerait de participer à un tel exercice. Sachez, par ailleurs, qu’il est très sensible à la problématique du logement dont la réalité se vit tous les jours dans les territoires. Il sera toujours disponible pour débattre et contribuer à une réforme globale du logement.
Je pense que vous aurez compris mon message : ne prenons pas le risque de déstabiliser durablement un secteur qui recouvre tant d’enjeux sociaux et économiques. Ne passons pas à côté d’une vraie réforme pour réaliser des gains relatifs si l’on considère l’effet levier du logement dans notre pays. J’espère que vous nous entendrez. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre, dès mon propos introductif, à beaucoup des points évoqués par M. Dubois.
Je souhaite tout d’abord dire, avec énormément de conviction et de fermeté, que le Gouvernement ne cherche en rien à déstabiliser le secteur HLM. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Je le dis avec d’autant plus de fermeté que nous avons entamé des discussions avec ces organismes depuis le premier jour, bien avant que ne s’ouvre le débat sur les APL, avec pour seul souci de réussir à résorber le manque de logements sociaux en France.
Sur ces questions, on a entendu tout et son contraire. On a d’abord accusé le Gouvernement, cet été, de vouloir revenir en arrière sur la loi SRU ; on a ensuite dit que nous allions modifier le revenu d’éligibilité au logement social afin de diminuer le nombre de demandeurs. Tout cela est totalement faux !
Depuis le premier jour, nous avons entamé, avec l’ensemble des bailleurs sociaux, une discussion de fond pour voir comment améliorer la situation, au bénéfice des locataires. Je reviendrai sur ce point.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de la nécessité de préserver le modèle du logement social.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de l’enjeu que représente la rénovation urbaine, qui n’est pas uniquement financée par l’État, par l’Union sociale pour l’habitat ou par Action logement, mais aussi par les bailleurs eux-mêmes, qui contribuent aux programmes de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et financent, par de la dette supplémentaire, les projets de rénovation urbaine.
L’État s’est engagé – nous y reviendrons lors du débat interactif – à consacrer 1 milliard d’euros supplémentaire pour doubler, in fine, son apport au nouveau programme de l’ANRU. Il s’agit du fameux milliard dont on entend parler depuis des années, mais qui n’a jamais été budgété. Nous, nous le faisons en inscrivant les premiers crédits dans le projet de loi de finances pour 2018.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est aussi conscient que le système actuel n’est pas optimal ni suffisamment efficient et qu’il peut être amélioré.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient que les différents offices des différentes sociétés n’ont absolument pas les mêmes caractéristiques, n’ont absolument pas la même solidité de bilan, n’ont absolument pas les mêmes capacités d’emprunt, n’ont absolument pas les mêmes niveaux de ressources et n’ont absolument pas la même attention vis-à-vis d’un public à aider très fortement. Le taux de locataires éligibles aux APL diffère ainsi de manière significative entre offices ou entre sociétés, de 15 % à 80 %. Ce sont d’ailleurs souvent les organismes ayant le plus grand nombre de locataires éligibles aux APL qui connaissent les situations financières les plus difficiles, dans des territoires trop souvent oubliés.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement a pleinement conscience de ces difficultés qu’il prend en considération dans tout ce qu’il entreprend.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à une méthode de discussion, de concertation, que j’évoquais voilà quelques instants en répondant à une question de Mme Estrosi Sassone. Dès le premier jour de notre entrée au Gouvernement, Jacques Mézard et moi-même avons rencontré les bailleurs sociaux. Je les ai encore vus hier soir et ce matin. Je les vois tous les jours ou tous les deux jours, dans ce souci de concertation et de discussion.
Je vais vous parler en toute franchise et en toute transparence. Nous avons évoqué, avec l’ensemble des bailleurs sociaux, un certain nombre de pistes de travail, dont la première consiste à chercher comment améliorer le financement des opérations de logements sociaux. En effet, on le sait bien, un logement social est uniquement financé par du capital et de la dette. Cette dette est portée par l’État, plus précisément par la Caisse des dépôts et consignations, avec une contre-garantie des collectivités locales – c’est un point essentiel.
Les bailleurs sociaux nous ont indiqué qu’ils voulaient des prêts de haut de bilan. Sans entrer dans des considérations trop techniques, je dirai que cela permet d’avoir plus de capital et qu’il s’agit donc d’un dispositif extrêmement bénéfique. À ce titre, on leur propose 2 milliards d’euros.
Ils regrettent également de n’avoir à leur disposition que des prêts à taux variable, qui ne leur permettent pas de connaître à l’avance les sommes à rembourser. Pour la première fois, nous leur proposons des prêts à taux fixe, avec des remboursements in fine, qui n’interviennent qu’à la fin du prêt. Une telle mesure aura un impact direct sur leur trésorerie.
Ils souhaitent améliorer leurs capacités en matière de rénovation énergétique. Nous leur proposons à ce titre 3 milliards d’euros.
Ils veulent bénéficier, dans certains cas, d’allongements de prêts. Nous le ferons, à hauteur de 30 milliards d’euros. Mais cela n’aura de sens que si les coûts supplémentaires sont pris en charge par l’État et la Caisse des dépôts et consignations.
En revanche, ces gains doivent être mis au profit des locataires. Ne nous leurrons pas : le système actuel des APL, inflationniste au possible, n’est pas pérenne. Une erreur fondamentale a été faite à la fin des années soixante-dix, au moment où on est passé de l’aide à la construction à l’aide au logement. Par la suite, en effet, la conjoncture économique n’a pas permis d’accroître les aides personnelles au logement.
Les gains financiers dont bénéficieront les bailleurs sociaux devront finalement profiter à l’ensemble du mécanisme des APL et, donc, participer à la diminution de leur charge, qui représente aujourd'hui 18 milliards d’euros, soit la moitié du budget de la défense nationale. Telle est la réalité.
Je l’ai dit, un bailleur social est aujourd'hui financé par de la dette. Il existe 4,5 millions de logements sociaux. Avec les représentants de l’ensemble des organismes d’HLM, nous voulons travailler sur l’accession sociale, en permettant à certains d’acquérir leur logement. Pourquoi une telle volonté ?
Pour tous les bailleurs sociaux, le logement, c'est-à-dire l’actif, est valorisé à zéro dans les comptes, parce qu’il est réputé ne pas pouvoir être vendu. Or certains économistes évaluent ces 4,5 millions de logements sociaux à 230 milliards d’euros. Pour ma part, je ne pense pas qu’on puisse raisonner ainsi. Toutefois, permettez-moi de rappeler la multiplicité des logements sociaux : PLAI, ou prêt locatif aidé d’intégration, PLUS, ou prêt locatif à usage social, et PLS, prêt locatif social, proche du logement intermédiaire ou privé. Cette dernière catégorie représente à peu près 20 % du parc social, soit environ 900 000 logements, que certains locataires souhaitent acquérir. Cela emporte des difficultés, notamment de copropriété, qu’il faudra régler.
Chaque année, on vend autour de 8 000 logements. Si on réalisait demain la vente de 20 000 logements pour un prix moyen de 100 000 euros, on obtiendrait 2 milliards d’euros. Or le revenu annuel total des bailleurs sociaux s’élève à un peu plus de 20 milliards d’euros. Une telle vente représenterait donc 10 % des loyers. Il s’agit là d’une vraie piste d’amélioration : on pourrait ainsi mieux rentabiliser une opération et diminuer les loyers des bénéficiaires. Je parle bien d’accession sociale et non pas de vente aux institutionnels. Sur ce sujet, de nombreux bailleurs sociaux sont tout à fait enclins à réfléchir. D’ailleurs, dans le projet de loi Logement, on introduira les modifications visant à faciliter l’accession sociale.
Le troisième volet concerne le regroupement que vous avez évoqué, monsieur le sénateur Dubois. Les organismes et les sociétés d’HLM l’appellent aujourd'hui de leurs vœux. En effet, il élargit les possibilités d’accueil des personnes en grande difficulté financière. J’évoquais tout à l’heure les disparités entre bailleurs sociaux ; il convient donc de rassembler, pour accueillir des publics plus sensibles, et de mieux construire grâce à des capacités financières plus importantes. Nombre de bailleurs sociaux se sont déjà organisés en GIE, alors que d’autres se sont consolidés au sein de groupes.
Enfin, outre le financement, la vente et le regroupement, nous négocions aujourd'hui avec l’ensemble des bailleurs sociaux l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018. Comme je vous l’ai indiqué en toute transparence et en toute franchise, nous en discutons tous les jours.
Les bailleurs sociaux l’ont affirmé dès le début, les améliorations de financement que nous leur proposons ne leur conviennent pas. Nous avons donc travaillé, et le Premier ministre leur a écrit. Aujourd’hui, ils relèvent des avancées significatives pour ce qui concerne le package financier, qui ne leur convient toujours pas, je ne me voile pas la face. La presse, les campagnes de pub qu’ils financent le montrent.
Toutefois, de vraies pistes de travail existent. Par exemple, les bailleurs sociaux estiment que les mesures prévues à l’article 52 du projet de loi de finances, qui ne reposent que sur une baisse de loyer, s’appliqueraient trop rapidement. Ils nous demandent d’évoluer sur certains sujets, tels que la TVA, ce qui leur apporterait une plus grande souplesse pour monter en puissance. Nous travaillons donc ensemble sur ce point, l’objectif étant de diminuer la dépense relative aux APL, mais de manière plus progressive.
Sans vouloir être trop long, je souhaite encore insister sur trois points. Vous avez évoqué, monsieur Dubois, de nombreuses pistes de réflexion, en souhaitant que le Gouvernement puisse y répondre positivement. Nous sommes d’ores et déjà totalement en ligne avec certaines d’entre elles. Je pense notamment à la TVA, mais aussi à la rénovation des centres-bourgs des villes moyennes. Avec Jacques Mézard, nous avons la conviction que ce sujet a été laissé de côté ces dernières années. Par conséquent, au cours des négociations que nous avons menées ces deux derniers mois, nous avons lancé un plan en matière de rénovation de logements. Nous avons notamment obtenu d’Action logement le financement, à hauteur de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans, de la rénovation dédiée des centres-bourgs de villes moyennes. Cela doit être un axe fort de la politique du logement.
Vous avez également fait allusion, monsieur le sénateur, aux systèmes de plateforme, et notamment à la plateforme d’attribution SNE, qui doivent être améliorés.
J’en viens enfin à la question du bâti, et au prix du foncier. Vous avez raison, dans certaines opérations en zones tendues, le prix du foncier représente 30 % à 50 % du prix de l’opération. Que faisons-nous dans le cadre du « choc de l’offre » – et non pas du « choc dans le mur » ! – que nous portons ? Il s’agit d’aligner les intérêts des uns et des autres. Car tel n’est pas le cas dans le secteur privé, ce qui est aberrant. Or, quand les vents sont contraires à la marée, on n’avance pas !
C’est la raison pour laquelle nous procéderons à un abattement fiscal massif. Ainsi, si un citoyen a besoin d’un terrain, mais que les propriétaires ne peuvent le lui vendre parce qu’ils attendent vingt-deux ans pour ne pas payer d’impôt sur la plus-value immobilière, le système ne fonctionne pas ! Par conséquent, tout propriétaire foncier vendant d’ici à fin 2020 bénéficiera d’un abattement spécifique, de 100 % s’il s’agit de logement social, de 85 % s’il s’agit de logement intermédiaire et de 70 % s’il s’agit de logement privé. Nous alignons les intérêts.