M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, deux minutes trente pour la stratégie sur les déchets, c’est court ! Je vais tenter d’être concis et efficace.
Quels sont nos objectifs ? C’est la continuité de la loi que le Parlement a votée sur la transition énergétique, comme la continuité dans la volonté de diminuer nos gaz à effet de serre. Vous savez à quel point la question du recyclage permet d’y parvenir. C’est l’un des axes forts du plan Climat qui a été dévoilé par Nicolas Hulot, vous le savez, au mois de juillet dernier.
Au moment même où nous nous parlons dans cet hémicycle, monsieur le sénateur, Brune Poirson est en train de présenter la méthode qui permettra l’élaboration de la feuille de route sur l’économie circulaire, afin de lancer une grande période de concertation avec l’ensemble des acteurs, y compris les élus locaux très fortement engagés dans les syndicats de traitement des ordures ménagères pour lesquels nous devons avoir le plus grand respect et la plus grande écoute.
Comment allons-nous atteindre les objectifs ? C’est la vraie question, monsieur le sénateur.
Tout d’abord, nous devons beaucoup progresser dans notre pays, vous l’avez dit, en termes de déploiement du tri des déchets. C’est un enjeu majeur. Sur ce sujet, les intentions du Gouvernement sont claires, notamment sur la trajectoire prévue de la TGAP. Conformément à l’engagement du Président de la République pendant sa campagne, nous augmenterons cette taxe collectée sur la mise en décharge et l’incinération d’ici à la fin du quinquennat. C’est là une condition indispensable ! Pour rendre le recyclage plus compétitif que la mise en décharge, il faut créer l’effet de levier.
Nous le savons, il est néanmoins nécessaire que cette évolution soit soutenable pour les entreprises et les collectivités territoriales. Cela signifie deux choses : d’une part, monsieur le sénateur, les augmentations ne doivent pas avoir lieu trop tôt, pour laisser le temps aux investissements, conformément à un devoir de prévisibilité, pour ne prendre personne en otage ; d’autre part, nous devons réfléchir en parallèle aux mesures d’incitation et d’accompagnement aux financements de projets pour les parties prenantes. Brune Poirson souhaite d’ailleurs que le Parlement soit associé à cette réflexion.
Vous m’interpellez également sur les installations de tri mécano-biologique, qui permettent d’extraire la fraction fermentescible des ordures ménagères collectées en mélange.
L’expérience française a montré les limites de ces installations. En effet, les procédés utilisés ne permettent généralement pas la production d’un compost de qualité pure : les composts produits contiennent encore, notamment, des morceaux de plastique. C’est pourquoi la loi privilégie explicitement la mise en place du tri à la source des biodéchets et indique, dans ce cadre, que la création d’installations de tri mécano-biologique est désormais non pertinente et doit être évitée.
Je tiens néanmoins à vous rassurer. L’ADEME, dans son avis technique de mars 2017, que vous citez, ne se montre absolument pas opposée au développement d’installations innovantes, à la seule condition qu’elles soient compatibles avec le déploiement du tri à la source, qui est nécessaire pour assurer un recyclage ou un compostage de qualité.
Ces questions très techniques sont parfois difficiles à expliquer à nos concitoyens et même aux élus locaux. Le Gouvernement est donc preneur de vos conseils, monsieur le sénateur, et note votre souhait d’enrichir la trajectoire de traitement des déchets dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. La question posée n’est pas aussi technique que vous voulez bien le dire, monsieur le secrétaire d’État. Les mesures à prendre sur l’ensemble des territoires pour tenir les objectifs nécessitent de mettre en œuvre des investissements à l’échelle d’une génération. On ne peut donc se tromper ni sur les choix financiers ni sur les choix techniques. Nous comprenons bien que le Gouvernement veuille assurer la continuité de l’application de la loi – il n’y a pas de débat sur ce point –, mais pour cela il faut une feuille de route.
Sur la TGAP, vous m’avez indiqué que vous prévoyez son augmentation d’ici à la fin du quinquennat, mais nous avons besoin de savoir quel sera le niveau d’arrivée, à quel rythme se fera l’augmentation… Sans ces éléments, nous ne pouvons pas faire de projections financières.
Vous m’avez également précisé que vous laissez une place à l’innovation. Je me permets d’insister pour qu’elle soit la plus large possible. Cela va au-delà du tri mécano-biologique ; se pose, par exemple, la question de la constitution d’une filière pour le combustible solide recyclable. Le CSR est-il, à vos yeux, une filière d’avenir ? Nous encouragez-vous en ce sens, en complément de l’utilisation de techniques telles que la méthanisation ? Quelle est la part d’innovation que vous nous laissez ?
Vous venez aussi de m’indiquer que le Gouvernement réfléchissait à un accompagnement au projet. Cela signifie des perspectives de subventions. Cela se fera-t-il par la voie de l’ADEME, ou d’une autre manière ? Dans le cadre de ces subventionnements, aurons-nous la liberté des choix technologiques, qui peuvent bien sûr être examinés avec les conseils utiles ? Peut-on combiner financement, subventions et innovation ?
Il vous appartiendra de nous donner ces réponses d’une manière un peu plus précise dans les semaines et les mois qui viennent, faute de quoi nous ne pourrons pas prendre de décisions cohérentes d’investissement.
nuisances occasionnées par la ligne à grande vitesse sud-europe-atlantique
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 062, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Mme Nicole Bonnefoy. Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre chargée des transports sur les nuisances occasionnées pour les riverains par la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse Tours-Bordeaux.
Depuis le 2 juillet 2017, date de mise en service de cette ligne, les riverains immédiats mais aussi, parfois, les résidents de villages distants de la ligne ressentent les nuisances sonores ou vibratoires occasionnées par le passage des TGV. De l’avis général, ces bruits et vibrations ne sont nullement comparables à ceux qui ont été ressentis lors des essais en amont.
Le concessionnaire de la ligne, LISEA, s’est engagé à réaliser un suivi acoustique tant à l’échelle de l’ensemble de la ligne que sur les sites les plus sensibles, conformément aux normes en vigueur pour une telle situation, en particulier l’arrêté du 8 novembre 1999. La réglementation prévoit que les mesures réalisées prennent en considération le niveau sonore moyen sur deux périodes de référence. Les pics de bruit, qui sont en réalité ce qui affecte le plus les riverains, ne comptent pas aujourd’hui parmi les mesures retenues.
LISEA a également indiqué privilégier, dans sa sélection des sites de suivi, ceux qui sont situés à moins de 100 mètres de la ligne à grande vitesse. Les élus et les habitants des communes impactées demandent en revanche que des mesures soient effectuées dans des lieux situés au-delà de cette limite, notamment les hôpitaux, les écoles et les sites qui accueillent un public sensible, afin d’y prendre en considération les pics de bruit répétés au cours de la journée.
Ces deux points révèlent que le respect de la réglementation en vigueur, sur laquelle LISEA entend se fonder pour réaliser les infrastructures de protection acoustique des riverains, risque de ne pas suffire pour protéger pleinement ceux-ci des nuisances. J’entends dès lors interroger par votre intermédiaire, monsieur le secrétaire d'État, Mme la ministre chargée des transports quant aux possibilités, d’une part, de prendre des mesures de protection complémentaires à celles existant aujourd’hui et, d’autre part, de faire évoluer la réglementation applicable afin d’apporter une meilleure réponse aux préoccupations des riverains de la LGV Tours-Bordeaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, tout d’abord, je tiens à excuser l’absence de Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je m’efforcerai de porter devant vous la voix du Gouvernement et de vous rassurer.
Il me faut tout de même acter dès à présent que cette ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux a permis, depuis le 2 juillet dernier, une nette amélioration de la desserte ferroviaire du grand Sud-Ouest et qu’elle était attendue par bon nombre de nos concitoyens depuis très longtemps. Dans le même temps, comme vous l’avez rappelé, c’est aussi un sujet de préoccupation majeur pour les riverains de la nouvelle infrastructure, qui s’inquiètent des nuisances sonores occasionnées.
Le Gouvernement a pleinement conscience de ce problème. Nous avons été saisis directement par des associations d’élus et des parlementaires ; vous le faites encore ce matin, madame la sénatrice.
Quel est le cadre prévu pour ces nuisances sonores ? Les impacts sonores des nouvelles infrastructures de transport sont strictement encadrés par la réglementation. Je veux ici vous confirmer que le concessionnaire, LISEA, devra scrupuleusement respecter les niveaux maximums autorisés. Dans ce domaine, le gestionnaire d’infrastructure a en effet une obligation de résultat, et non pas seulement une obligation de moyen.
Quelles actions sont et seront menées ? Une vaste campagne de mesures acoustiques, sur site, pilotée par le CEREMA, est en cours pour s’assurer du bon respect de ces normes. Il faut savoir de quoi on parle et avoir un instrument de mesure.
Les résultats sont attendus au début de l’année 2018 et seront accessibles aux parlementaires qui s’intéressent à la question. Si des manquements, graves ou relatifs, devaient être relevés, nous imposerons au concessionnaire de mettre en place, à ses frais, les mesures correctrices qui s’imposeront, et ce dans les plus brefs délais.
Mme la ministre chargée des transports a demandé aux services de l’État tant centraux que déconcentrés d’être très attentifs au bon respect de ces dispositions. Je vous invite d’ailleurs, madame la sénatrice, à joindre vos efforts aux nôtres pour vous assurer de ce suivi.
La réglementation doit-elle évoluer ? Tel est aussi, bien évidemment, en creux, votre question. Il existe un débat récurrent – je le connais bien en tant qu’élu local normand – sur la manière dont sont pris en compte les pics sonores en fonction du lieu où les mesures sont faites et de la circulation des trains.
L’objectif du Gouvernement n’est pas de se lancer, en début de quinquennat, dans un débat d’experts ; il s’agit plutôt de répondre rapidement au ressenti des populations et des élus locaux. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a demandé aux préfets concernés d’organiser des comités de suivi, qui associent la population, pour veiller au respect de la réglementation par LISEA, mais surtout pour recenser les difficultés apparues et les faire remonter au ministère, ce qui nous permettra d’avoir un dialogue opérationnel et concret avec le concessionnaire.
Quels outils peuvent être mobilisés ? Il faudra examiner avec toutes les parties prenantes les réponses qui peuvent être apportées. Sachez en tout cas que le Gouvernement est déjà favorable à ce que le Fonds de solidarité territoriale de la LGV Sud-Europe-Atlantique soit mobilisé pour toute action visant à améliorer l’insertion environnementale de la nouvelle infrastructure en dehors de l’emprise ferroviaire et au-delà des obligations réglementaires qui s’imposent.
Nous sommes précisément dans ce cas. L’utilisation de ce fonds pourrait donc être activée si des situations particulières étaient détectées et étaient portées par les préfets ou par vous-même à notre connaissance. Dans ce cas, et sous la présidence du préfet coordinateur, un financement pourrait être mis en place. Mme Élisabeth Borne aura en tout cas à cœur de réunir les collectivités territoriales concernées dès le début de l’année 2018, partant du résultat des mesures pour prescrire, éventuellement, un certain nombre de travaux indispensables. Nous sommes mobilisés sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que Mme Borne est soucieuse de cette question et que le Gouvernement essaie d’apporter des réponses. Pour ma part, tout comme pour les riverains, il n’y a pas cinquante solutions, il n’y en a que deux.
La première serait de changer le matériel roulant, pour que ne circulent sur cette ligne que des TGV neufs. Ce sont d’ailleurs ces rames neuves qui roulent entre Paris et Bordeaux et qui ont été utilisées par LISEA dans le cadre des prémesures acoustiques avant l’ouverture de la ligne. Or c’est du matériel ancien qui roule sur la ligne entre Tours et Angoulême, par exemple, et ce sont ces rames, poussées à 300 kilomètres à l’heure, qui occasionnent un bruit effroyable. Ce matériel sera probablement changé, mais dans cinq ans peut-être ; en attendant, c’est lui qui fait du bruit.
La deuxième solution serait de modifier le seuil retenu par la réglementation en la matière. Vous m’expliquez que c’est compliqué, qu’il s’agit d’un débat d’experts. Il n’en reste pas moins que, dans les mesures acoustiques, les pics de bruit ne sont pas retenus ; comme vous le savez, on ne mesure que la moyenne entre les pics et les silences. Or ce ne sont évidemment pas les silences qui posent problème aux riverains ; ce sont les pics ! Il est nécessaire de faire entrer ces derniers dans la réglementation.
Vous avez par ailleurs évoqué l’utilisation du FST, le Fonds de solidarité territoriale, pour les travaux qu’il faudrait imposer au concessionnaire. J’imagine que les élus qui nous écoutent en ce moment vont bondir. En effet, le Fonds de solidarité territoriale vise à offrir aux communes et autres collectivités traversées par la LGV un dédommagement de tous les préjudices qu’ils ont subis pour la construction de la ligne. Si ce fonds est utilisé pour ces travaux, les communes ne pourront donc pas bénéficier des crédits qui leur ont été octroyés.
Je veux bien, à l’évidence, travailler avec le Gouvernement sur ces sujets prégnants. J’ai pu, dans mon département, me rendre chez des riverains de la LGV et constater que le passage de ces TGV engendre un degré de nuisances sonores qui dépasse l’entendement. Je compte donc sur le Gouvernement pour améliorer la situation et faire en sorte que les riverains puissent être satisfaits dans les meilleurs délais.
ligne à grande vitesse montpellier-perpignan
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 072, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Roland Courteau. Lors de l’examen par notre assemblée, voilà quelques années, du projet de loi autorisant la ratification de l’accord franco-espagnol pour la réalisation de la ligne à grande vitesse transpyrénéenne Perpignan-Figueras, j’avais beaucoup insisté, en ma qualité de rapporteur, sur l’urgence qui s’attachait à réaliser concomitamment le tronçon Montpellier-Perpignan. Les années ont passé, la section internationale Perpignan-Figueras a bien été réalisée, mais la LGV Montpellier-Perpignan est restée au point mort de longues années durant, alors même que la mission Querrien, en 1990, avait annoncé sa réalisation dans les dix années suivantes.
Plus récemment, et fort heureusement, les ministres des transports des précédents gouvernements avaient rassuré élus, populations et acteurs économiques quant à la volonté de l’État de réaliser cette ligne à grande vitesse. L’un des prédécesseurs de Mme Borne avait posé les perspectives suivantes : approbation du tracé à la fin de l’année 2015, réalisation d’une enquête publique à la fin de 2016, puis, en 2018, la déclaration d’utilité publique et, enfin, un chantier d’une durée de quatre à cinq ans. Tout cela avait été précisé à Mme Marie-Hélène Fabre, alors députée de Narbonne.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Ce projet fait-il encore partie des priorités de ce gouvernement ? Par ailleurs, quelles suites le Gouvernement entend-il réserver au projet de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse-Narbonne ?
Je rappelle que le projet de LGV Montpellier-Perpignan représente non seulement un atout économique majeur pour l’essor et le développement de nos territoires, mais également un enjeu en matière de mobilité et de développement durable.
La ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan et l’axe Bordeaux-Toulouse-Narbonne doivent offrir des liaisons structurantes entre les trois métropoles régionales que sont Montpellier, Barcelone et Toulouse. L’enjeu est non seulement local, régional et national, mais aussi européen. La ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan constitue un véritable maillon stratégique sur le plus grand des axes de lignes à grande vitesse européennes. Le statut international de la ligne a été reconnu et il a été admis que son utilité et ses enjeux dépassaient largement ceux du seul tronçon considéré. Cette liaison rapide avec Barcelone et toute la Catalogne constitue un véritable levier économique pour l’eurorégion.
La LGV Montpellier-Perpignan permettrait de garantir tant la continuité des réseaux à grande vitesse entre la France et l’Espagne que les énormes investissements déjà réalisés. Enfin, dois-je rappeler l’union sacrée des collectivités autour non seulement de ces deux projets de ligne à grande vitesse, mais aussi des modalités de desserte des agglomérations, dont la gare de Narbonne-Montredon. Allez-vous me rassurer, monsieur le secrétaire d'État ? Allez-vous dissiper mes craintes ? Quelles sont les véritables intentions du Gouvernement sur ces deux dossiers majeurs ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, la grande question, on le sait bien, est la suivante : comment financer ces grands projets au vu de l’état des finances publiques, que vous connaissez et que je découvre en tant que jeune membre du Gouvernement ?
La LGV Montpellier-Perpignan requiert un investissement d’un montant de 5,5 milliards d’euros, dont 1,9 milliard d’euros pour une première phase Montpellier-Béziers, qui devait faire l’objet d’une mise à l’enquête publique en 2018, ce que je vous confirme. La liaison Bordeaux-Toulouse-Narbonne, qui a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique en 2016, représente quant à elle un investissement de 5,9 milliards d’euros.
Ces deux projets nécessiteraient donc un investissement total d’au moins 10 milliards d’euros, qui devra être supporté exclusivement par la puissance publique. En effet, je le rappelle, la « règle d’or » empêche désormais SNCF Réseau de financer les nouveaux projets par sa dette, qui s’élèvera en 2018 à la modique somme de 50 milliards d’euros.
Quelle est la position du Gouvernement sur ces projets ? Le Gouvernement est absolument conscient des fortes attentes des élus et des territoires d’Occitanie sur ces deux projets ferroviaires. Qu’il n’y ait pas de doute sur ce point ! Néanmoins, face à l’impasse de financement à laquelle nous sommes confrontés, le Gouvernement a annoncé, le 1er juillet dernier, une pause de tous les grands projets d’infrastructures de transport.
Mme la ministre chargée des transports, dont j’excuse à nouveau l’absence devant vous, a toujours eu une position claire sur le futur des mobilités : il faut reconstruire nos modes de pensée mais aussi nos solutions. C’est tout le sens de cette pause de travail. Je tiens à vous rassurer : il ne s’agit pas de confondre pause et remise en cause des projets, comme je peux parfois le lire dans la presse quotidienne régionale.
Comment s’y prendre ? Il faut rechercher, d’abord, toutes les optimisations des réseaux existants qui peuvent redonner de la régularité et de la capacité à nos services de transports. C’est une nécessité que nos concitoyens attendent au quotidien.
L’objectif, dans le même temps, est non pas d’abandonner les grands projets structurants pour les territoires, mais bien de les inscrire dans un calendrier réaliste, après avoir mobilisé toutes les optimisations possibles des lignes classiques. Je le dis pour les deux projets dont vous faites état, monsieur le sénateur, mais vous comprendrez que mon propos concerne l’ensemble des projets d’infrastructures que notre pays peut connaître.
Quelle est la prochaine étape ? Les Assises de la mobilité et les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures ont été lancés avec un objectif simple : permettre la construction d’une trajectoire pluriannuelle de financement des infrastructures de transport afin de créer de la visibilité et de la prévisibilité. Cette trajectoire devra être équilibrée entre recettes et dépenses, elle devra être réaliste et, permettez-moi de le dire, elle devra être sincère. En effet, si ces projets ont pris beaucoup de retard, c’est parce que nous avons parfois manqué, dans le passé, de sincérité budgétaire.
Les conclusions de cette démarche feront l’objet d’un projet de loi d’orientation, qui sera présenté au Parlement au premier trimestre de 2018. C’est dans ce cadre que le Gouvernement souhaite la poursuite des réflexions autour des grands projets d’infrastructure de transport, en Occitanie comme dans le reste de la France. J’espère, monsieur le sénateur, que je vous aurai ainsi rassuré.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Voilà un interminable feuilleton ! Comprenez, monsieur le secrétaire d’État, notre lassitude et notre irritation face aux tergiversations des pouvoirs publics depuis des décennies.
Dois-je rappeler que la volonté de favoriser les échanges entre la France et l’Espagne s’est manifestée, en 1992, lors du sommet franco-espagnol d’Albi ? Elle a été réaffirmée lors du sommet de Tolède en 1993. Les deux gouvernements ont décidé la réalisation d’une ligne à grande vitesse à écartement international de Montpellier à Narbonne et Barcelone. Le sommet franco-espagnol de Foix, en 1994, a défini le tronçon de la liaison Paris-Madrid par Montpellier et Barcelone, qui irait de Barcelone à Narbonne, point d’où les futures lignes se dirigeraient vers Montpellier, Paris et Toulouse. Ce tronçon devait, en principe, être mis en service au cours de la période 2002-2005.
Or, aujourd’hui, vingt-sept ans après la mission Querrien, les pouvoirs publics en sont encore à s’interroger, alors que le tronçon Montpellier-Perpignan constitue, sur l’axe reliant l’Europe du Nord au sud de l’Espagne, le seul maillon manquant. Voilà qui explique, monsieur le secrétaire d’État, notre exaspération.
liaison privée « charles-de-gaulle express »
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, auteur de la question n° 064, transmise à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
M. Pierre Laurent. Ma question porte sur la réalisation de la liaison privée « Charles-de-Gaulle Express ».
Au moment même où le Gouvernement fait planer le doute quant à la réalisation pleine et entière du futur réseau Grand Paris Express, dont plusieurs lignes sont remises en cause, il fait preuve d’une obstination qui confine à l’absurde concernant le projet CDG Express. Il me faut d’abord faire remarquer que cette liaison privée aura pour l’usager un coût : le titre de transport est estimé aujourd’hui entre 27 et 29 euros et la tarification du STIF ne s’y appliquera pas.
Les infrastructures nécessaires à la réalisation de cette ligne privée reposent entièrement sur des deniers publics, car la société de projet est abondée en fonds propres par la SNCF et Aéroports de Paris. De source interne à SNCF Réseau, le coût global de ce projet est estimé aujourd’hui à 2,12 milliards d’euros. Pour autant, le CDG Express ne desservirait ni les arrondissements parisiens ni les villes de la banlieue parisienne qu’il traverserait. Nul site olympique ne serait non plus desservi. Ce sont les lignes B et D du RER, impactées négativement par ce projet s’il était réalisé, et la future ligne 17 du Grand Paris Express qui desserviront ces sites. En effet, le CDG Express utiliserait en grande partie le réseau ferré existant, alors que celui-ci est déjà saturé, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences dramatiques pour les usagers des lignes B, E, H, K et P, pour ceux du TER Picardie et pour le fret.
D’un point de vue environnemental – le secrétaire d’État à la transition écologique devrait être sensible à cet argument –, le CDG Express serait également néfaste. Cela est clair au vu des procédures d’expulsion d’extrême urgence qui concernent 29 hectares de terres agricoles sur le territoire de Mitry-Mory, du passage de nouveaux tronçons au cœur d’une zone Natura 2000 ou encore de la dégradation de l’environnement urbain des habitants de la porte de la Chapelle à Paris, dont on connaît déjà l’état actuel et où le train passera 152 fois par jour sous les fenêtres des riverains.
Le STIF estime à 1,5 milliard d’euros le déficit de recettes lié à la perte de ponctualité sur la ligne B du RER, qui transporte chaque jour 900 000 passagers, alors qu’on en prévoit à peine 20 000 sur le CDG Express. Et l’impact financier sur les autres lignes reste à établir !
On le voit, le CDG Express est en exacte opposition à la priorité aux transports quotidiens affichée par le Président de la République. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à le dire. Pas un seul des organismes compétents consultés au sujet du CDG Express – STIF, Autorité environnementale, ARAFER, Cour des comptes et d’autres – n’a manqué de souligner son impact négatif pour les transports du quotidien. Pas un seul n’a manqué de sommer le gestionnaire de fournir des garanties solides sur le sujet. À ce jour, aucune réponse nette et précise n’existe quant à ces questions primordiales.
Monsieur le secrétaire d’État, en un mot comme en cent, ce projet reste inutile et coûteux. Il ne manquera pas d’avoir des conséquences désastreuses sur le transport quotidien des Franciliens. Il faut avoir le courage de l’abandonner. C’est l’engagement que j’attends de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je ne vais pas vous surprendre : le Gouvernement ne partage pas votre point de vue. Je doute de pouvoir vous convaincre, mais je vais tenter d’apaiser vos craintes.
La qualité de cette liaison ferroviaire est vitale pour l’économie et pour l’attractivité de notre pays et de sa capitale, Paris, dont vous êtes sénateur et qui est la première destination touristique d’Europe. La nécessité de cette infrastructure nouvelle est donc établie pour le Gouvernement. Avec une croissance moyenne du trafic de l’aéroport de 3 % par an, soit un doublement en vingt ans, l’accès à l’aéroport par les autoroutes A1 et A3 est déjà saturé et le RER B ne pourra jamais suffire. Plusieurs raisons justifient clairement et de manière rationnelle ce projet.
Sur l’aspect du transfert modal, ce projet permet d’opérer un transfert de la route vers le fer pour l’accès à l’aéroport, ce qui aura un impact direct sur la pollution de l’air et le changement climatique en décongestionnant les voies rapides du nord de la région parisienne, qui en ont bien besoin.
Par ailleurs, quant au confort des voyageurs, dans le RER, les voyageurs avec leurs bagages et les voyageurs du quotidien se gênent mutuellement. Il y a une forme de conflit d’usage, comme disent les techniciens des questions de transport. Cela est vrai, notamment, à chaque arrêt avec les nombreuses montées et descentes. Le CDG Express permettra donc d’apporter un gain de confort pour tout un chacun.
Où en sommes-nous sur ce projet ? Il a été déclaré d’utilité publique, une seconde fois, en mars 2017 après un avis favorable de la commission d’enquête. Sa construction sera réalisée dans le cadre d’un montage juridique associant SNCF Réseau, Aéroports de Paris et la Caisse des dépôts et consignations. Je tiens, monsieur le sénateur, à vous préciser que le projet sera réalisé sans subventions publiques. Il ne pèsera donc pas sur les financements nécessaires à la modernisation du RER B, puisqu’il sera entièrement financé par la vente de billets sur cette liaison, donc par l’usager, et par une taxe affectée dont s’acquitteront, à partir de 2024, les passagers aériens, hors correspondances, de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Il n’y a donc pas lieu d’opposer le projet Charles-de-Gaulle Express à la modernisation de la ligne B du RER, qui se poursuit et qui contribue d’ailleurs au projet lui-même à hauteur de 150 millions d’euros. Je tiens à vous rassurer sur ce point, puisque j’ai entendu le début de votre question : l’État et la région Île-de-France se sont engagés en faveur des transports du quotidien dans le cadre du nouveau contrat de plan 2015-2020. Une enveloppe totale de 7,5 milliards d’euros est prévue pour les projets de transports collectifs régionaux, dont près de 1,3 milliard d’euros pour les schémas directeurs des RER ; 230 millions d’euros ont d’ailleurs déjà été engagés, depuis 2015, pour le seul RER B.
Enfin, et toujours au profit des voyageurs du quotidien, il faut bien entendu mentionner la réalisation du Grand Paris Express, dont les travaux sont lancés au sud de Paris et qui viendra soulager les lignes existantes. Je doute de vous avoir convaincu, monsieur le sénateur, mais j’espère au moins vous avoir apaisé.