M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Il s’agirait en effet du deuxième grand soir juridique que proposerait le Sénat avec cette clause que l’on appelle tantôt balai tantôt filet !
Une telle clause créerait, en l’état, une insécurité juridique puissante. Or la culture du droit français depuis deux siècles repose sur la clarté et la prévisibilité de l’effet juridique, selon nos plus grands juristes, y compris les membres du Conseil constitutionnel. Certes, elle existe dans d’autres pays européens, mais, ici, elle aurait un effet balai en ramenant a posteriori certains « plus petits projets » dans le champ de l’autorisation environnementale, d’où l’insécurité juridique.
C’est la lecture qu’en font les juristes de l’État, et c’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable.
J’ajoute néanmoins, comme je l’ai dit à M. Garot à l’Assemblée nationale, que ces principes sont intéressants d’un point de vue intellectuel. Nous devons donc nous donner la possibilité de mener à leur sujet un travail approfondi, en nous gardant de les introduire ainsi dans ce projet de loi, car je ne pense pas que cela fonctionnerait.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Dantec, Labbé, Collin, Corbisez, Gold et Guérini, Mme Jouve et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 46
Insérer neuf alinéas ainsi rédigés :
…) Après le II de l’article L. 122-1, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … - Lorsqu’un projet, en deçà des seuils fixés, est toutefois susceptible d’avoir des incidences négatives notables sur l’environnement, l’autorité compétente transmet les informations relatives au projet dont elle dispose à l’autorité environnementale qui examine sans délai la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement.
« La saisine de l’autorité environnementale est également ouverte :
« - au maître d’ouvrage qui peut transmettre à l’autorité environnementale une demande d’examen au cas par cas ;
« - à toute association agréée au niveau national en application de l’article L. 141-1 qui peut adresser à l’autorité compétente une demande motivée en ce sens ;
« Lorsque le maître d’ouvrage n’est pas à l’origine de la demande, l’autorité compétente l’informe sans délai.
« L’absence de réponse de l’autorité compétente, saisie par une association agréée au niveau national en application de l’article L. 141-1 au terme du délai fixé par voie réglementaire vaut rejet de la demande de saisine de l’autorité environnementale.
« L’absence de réponse de l’autorité environnementale au terme du délai fixé par voie réglementaire vaut dispense de réaliser une étude d’impact.
« Les modalités d’application de ce paragraphe sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le secrétaire d'État, j’ai la réputation d’être moins « grand soir » et plus réformiste… (Sourires.)
Notre amendement porte cependant, en effet, monsieur le rapporteur, sur le même problème que l’amendement précédent.
Il existe une insécurité juridique, un trou dans la raquette dans les ordonnances, et je veux rappeler la jurisprudence sur ce point de la Cour de justice de l’Union européenne, qui estime, dans son arrêt C-435/09 Commission européenne contre Royaume de Belgique, qu’un « projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l’environnement » et doit, par conséquent, être soumis à l’évaluation environnementale.
On m’a rapporté le déroulement des travaux de la commission Vernier. Je pense qu’il y a eu un peu de jeux d’acteurs et que, si un compromis a finalement été trouvé, il est très fragile.
Les auteurs de cet amendement reprennent la proposition faite à l’origine par la commission Vernier, avant que, certains acteurs s’y opposant, les projets soient retirés de l’évaluation.
Je pense que nous prenons un vrai risque et je voudrais vraiment entendre M. le secrétaire d’État à cet égard. On a bien compris qu’il s’agissait d’un compromis entre acteurs, dont certains faisaient barrage. Toujours est-il qu’il y a une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Dès lors, je crains qu’on ne parte directement au contentieux, alors que les ordonnances visent au contraire à faciliter les choses.
C’est pourquoi le groupe du RDSE propose de reprendre la proposition de la commission Vernier, une proposition qui avait été travaillée collectivement avant d’être bloquée par certains acteurs qui, de surcroît, à mon avis, se sont trompés dans leur analyse – mais je ne veux pas parler à leur place. Bouchons le trou dans la raquette, ou nous aurons de l’insécurité juridique !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent que tous les projets en dessous des seuils susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement soient transmis à l’autorité environnementale par l’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation du projet, afin que l’autorité environnementale rende un avis sur la nécessité ou non d’une étude d’impact.
En outre, ils proposent que le maître d’ouvrage et les associations agréées pour la protection de l’environnement puissent également saisir l’autorité environnementale de ces petits projets afin de les soumettre à une évaluation au cas par cas.
Je rappelle que la France fait l’objet d’une procédure précontentieuse, puisqu’elle a reçu un avis motivé de la Commission européenne pour non-application de cette clause aux plans et programmes.
Un arbitrage a été rendu consistant à transposer cette clause pour les plans et programmes, mais non pour les projets, afin de ne pas pénaliser les petits projets, notamment agricoles. Tous les acteurs consultés dans le cadre de la préparation de l’ordonnance se sont mis d’accord sur ce point d’équilibre, sur lequel il ne serait pas raisonnable de revenir.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. L’argumentation de M. Dantec tient bon, intellectuellement et juridiquement ; en particulier, monsieur le sénateur, ce que vous dites à propos de la Cour de justice de l’Union européenne est exact.
Je reprends ces ordonnances dans les conditions que vous connaissez : elles sont à cheval sur deux quinquennats, deux législatures de l’Assemblée nationale et deux mandatures du Sénat. Elles sont venues répondre à l’urgence sur les thèmes dont nous débattons depuis le début de l’après-midi, et il est clair que les clauses en question n’y ont pas été insérées dès le début.
Toujours est-il que, je vous le répète, je ne puis malheureusement qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement, parce que, comme M. le rapporteur vient de le souligner, introduire ces dispositions de cette façon ne nous semble pas sécurisant juridiquement.
M. Ronan Dantec. Vous voulez dire politiquement !
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Non, monsieur le sénateur : je me règle uniquement sur ce que me disent les juristes de l’État. On ne peut pas me suspecter d’être traversé par quelque lobby que ce soit, et j’en suis fier – si ce n’est peut-être un lobby eurois, le seul auquel je sois perméable : celui de mes électeurs ! (Sourires.)
Plus sérieusement, je vous répète ce que j’ai dit à l’Assemblée nationale à MM. Garot et Bouillon, ainsi qu’à d’autres députés qui se sont investis sur ces questions, et qui développent des arguments très semblables aux vôtres, pour ne pas dire identiques – preuve qu’il y a bien quelque chose à faire.
Cependant, dans le cadre des ordonnances dont nous parlons, je ne puis pas émettre un avis favorable à votre proposition.
Néanmoins, je le dis devant le président de la commission du développement durable, je suis prêt à y revenir ultérieurement, avec les parlementaires, dans le cadre d’un véhicule législatif spécifique.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Monsieur le secrétaire d’État, je vous rassure : je ne vous voyais pas comme le porte-parole de tel ou tel lobby, mais plutôt dans un rôle d’apaisement entre les différents lobbies.
J’ai bien entendu votre proposition de revenir sur ces questions. De fait, tout le monde comprend bien qu’un problème se pose ! J’en ai toutefois une autre à vous faire : puisque nous travaillons dans l’urgence – vous venez de rappeler la manière dont ces ordonnances nous arrivent –, pourquoi ne pas adopter notre proposition, en attendant que le Gouvernement soumette à la commission mixte paritaire un dispositif finalisé ?
Ainsi, nous répondrions à l’insécurité juridique que vous avez vous-même reconnue, monsieur le secrétaire d’État, tout en vous laissant quelques jours pour mettre au point une proposition sécurisée : quelques jours, soit pratiquement dix fois plus que le temps dans lequel nous avons travaillé…
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Dantec, Longeot, Bignon et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 46
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) L’article L. 122-1 est ainsi modifié :
- le V est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’avis de l’autorité environnementale fait l’objet d’une réponse écrite de la part du maître d’ouvrage. » ;
- au VI, après le mot : « public », sont insérés les mots : « , ainsi que la réponse écrite à l’avis de l’autorité environnementale, » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement et le suivant font suite aux travaux de la commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, dont le rapport a pour sous-titre : « Construire le consensus ». Il s’agit de mettre en application deux des trente-cinq propositions adoptées à l’unanimité par cette commission d’enquête.
L’amendement n° 13 rectifié vise à boucher un autre trou dans la raquette. Comme nos débats l’ont montré, nous sommes tous d’accord pour penser que la séquence de débats sur les projets, en particulier sur le volet environnemental de ceux-ci, doit être plus apaisée. Or elle ne peut être plus apaisée que si la totalité des données sont sur la table.
On insiste beaucoup dans cette discussion sur l’importance de l’évaluation environnementale et du rôle de l’autorité environnementale, qui est aussi l’État, mais un trou étonnant demeure dans la raquette : à l’avis de cette autorité, dont les représentants ont fait devant notre commission d’enquête des exposés très brillants – M. Longeot ne me démentira pas –, tout important qu’il soit, le maître d’ouvrage n’est pas tenu de répondre, pas même dans l’enquête publique. C’est ainsi qu’on ne trouve dans certaines enquêtes publiques aucune réponse du maître d’ouvrage aux objections publiques de l’autorité environnementale. Le même problème se retrouve plus tard, au moment des arrêtés pris ou de l’enquête publique menée en application de la loi sur l’eau. Et là, généralement, les choses se passent très mal avec certains acteurs, et l’on rentre dans une opposition.
C’est pourquoi nous proposons, tout simplement, de compléter la séquence de débats en instaurant une obligation de réponse du maître d’ouvrage à l’autorité environnementale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. Cet amendement, issu d’une proposition du rapport de la commission d’enquête sur la compensation des atteintes à la biodiversité, vise à rendre obligatoire une réponse écrite du maître d’ouvrage à l’avis et aux observations formulés par l’autorité environnementale sur l’étude d’impact qu’il a réalisée. Cette réponse figurera obligatoirement dans le dossier de l’enquête publique ou de la procédure de participation du public.
En réalité, le maître d’ouvrage dispose déjà de la possibilité de modifier son étude d’impact afin de prendre en compte l’avis de l’autorité environnementale avant le début de la procédure de participation du public. Je crois que c’est ce qu’il fait dans la majorité des cas.
Toujours est-il que l’excellent amendement de notre collègue Ronan Dantec permet d’enrichir l’information du public et de prévenir les conflits futurs.
Nous faisons confiance aux travaux de la commission d’enquête et nous émettons un avis favorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Je suis favorable à l’amendement, tout en soumettant à la sagesse du Sénat un vœu de légère rectification : la mesure pourrait être restreinte aux projets dépassant un certain seuil, par exemple à ceux qui relèvent de la CNDP, afin, simplement, qu’elle n’ait pas de caractère systématique.
Pour le reste, je souscris tout à fait à la philosophie de cet amendement, qui, même s’il correspond à une légère surtransposition – il ne faut pas trop le dire devant le sénateur Cornu (Sourires.) –, va dans le bon sens, surtout si l’on peut éviter le caractère systématique : cette petite rectification, si vous l’acceptiez, fixerait un cadre et permettrait au dispositif de bien fonctionner.
M. le président. Monsieur Dantec, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le secrétaire d’État ?
M. Ronan Dantec. Je propose plutôt que cette question soit discutée en commission mixte paritaire. Si le Sénat le veut bien, adoptons l’amendement tel quel, et la commission mixte paritaire tranchera ! (M. le secrétaire d’État opine.)
M. le président. C’est peut-être plus sage, en effet…
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens cet amendement, mais je regrette vivement que l’amendement n° 1 rectifié bis de M. Bonnecarrère ait été retiré, parce qu’il était judicieux – M. le rapporteur avait d’ailleurs émis un avis de sagesse. En effet, dès lors qu’on apporte des précisions à la commission d’enquête, des réponses, alors qu’avant on ne les avait pas, on pouvait se permettre de prendre la mesure proposée.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé de surtransposition : on sait tous que, aujourd’hui, les délais d’instruction sont bien trop longs, et que nous sommes bien moins bons que d’autres pays pour lancer des travaux. Or nous apportions une réponse, puisque, concrètement, on mettait en débat le questionnement et les réponses qui vont en face.
Certes, on ne va pas vivre de regrets, mais, en vue de la commission mixte paritaire, il serait peut-être judicieux de s’emparer des deux propositions, parce qu’il ne s’agirait pas de surtransposer d’un côté, et partant d’alourdir un peu la mécanique, si je puis dire, et de perdre de l’autre une occasion de la simplifier. Les deux amendements pouvaient très bien se compléter de façon intelligente. J’en appelle donc à celles et ceux de nos collègues qui siégeront à la commission mixte paritaire.
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Dantec, Longeot, Bignon et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 51
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… ) Le f) du 2° du II du même article L. 122-3 est complété par les mots : « , notamment en application de l’article L. 112-1-3 du code rural et de la pêche maritime » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement lui aussi fait suite aux travaux de la commission d’enquête, sur un point extrêmement important de la réflexion de cette commission, comme M. Gremillet pourra le confirmer : la prise en compte de l’impact sur le monde agricole, notamment sur le foncier agricole, des projets eux-mêmes et de leurs mesures compensatoires.
Intégrer dans le débat les conséquences sur le monde agricole des utilisations de foncier liées aux deux séquences, le projet lui-même et les compensations de celui-ci, était une proposition très forte de la commission d’enquête. Je remercie les services du Sénat, qui nous ont aidés à voir comment elle pouvait être introduite dans la loi : nous proposons de faire référence à un article du code rural et de la pêche maritime.
M. Longeot et M. Bignon pourraient en témoigner : une vraie attente existe dans le monde agricole pour que cette question soit prise en compte,…
M. Jean-François Longeot. Tout à fait !
M. Ronan Dantec. … parce que l’économie du foncier agricole est aujourd’hui au cœur de nombreux projets. Je crois donc qu’il faut l’inscrire noir sur blanc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fouché, rapporteur. La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt prévoit que, pour les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements susceptibles d’avoir des conséquences négatives importantes pour l’agriculture, le maître d’ouvrage doit réaliser une étude préalable comprenant une analyse de l’état initial de l’économie agricole du territoire concerné, l’étude des effets positifs et négatifs du projet sur cette économie et les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet, ainsi que les mesures de compensation collective visant à consolider l’économie agricole. Cette étude complémentaire est adossée à l’étude d’impact.
Les auteurs de l’amendement proposent que le contenu de l’étude d’impact comprenne obligatoirement, le cas échéant, des éléments de cette étude préalable. Il s’agit d’une proposition de la commission d’enquête relative à la compensation des atteintes à la biodiversité, dont M. Longeot fut président et dont le rapporteur, M. Dantec, a rendu ses conclusions en mai dernier.
La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Il est défavorable, non pas sur le fond, mais sur la forme. Je vais essayer d’être encore plus sénateur que les sénateurs… Après tout, me direz-vous, au fond de chaque président de conseil départemental peut sommeiller un sénateur ! (Sourires.)
On ne peut pas d’un côté refuser la surtransposition des directives, comme M. Cornu, et de l’autre émettre, comme la commission, un avis favorable sur un amendement qui, typiquement, conduit à une surtransposition.
Par ailleurs, je fais confiance au Sénat pour, dans sa sagesse, veiller à ce que les champs de la loi et du règlement ne se mélangent pas, préoccupation que je comprends. Avec le même souci de clarté, je m’efforce d’éviter que l’on s’éloigne trop de la loi d’habilitation. C’est une question de respect du Parlement : de la loi d’habilitation jusqu’à la loi de ratification, les ordonnances doivent rester dans le cadre prévu par le législateur. En l’occurrence, il doit s’agir d’évaluation environnementale et de concertation en matière environnementale.
Remarquez que, cette fois encore, je ne me prononce pas sur le fond, qui dépend d’ailleurs davantage de mon collègue Stéphane Travert que de notre ministère.
Simplement, pour les deux raisons de principe que j’ai expliquées – parce qu’il y a surtransposition et parce que, pour le Gouvernement, cet amendement déborde du cadre de la loi de ratification –, j’invite le Sénat à rejeter l’amendement, par cohérence avec les débats tels qu’ils se déroulent depuis le début de l’après-midi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je voterai cet amendement, parce que la surtransposition que vous évoquez, monsieur le secrétaire d’État, est largement balayée par l’esprit de l’amendement. Je vois que vous souriez, mais il n’en reste pas moins que la commission d’enquête a été unanime sur ce point : pour une fois, il y a une approche collective de la problématique collective !
Votre ministre de tutelle dit vouloir se mobiliser pour limiter la consommation de terres agricoles, et je crois que, dans notre hémicycle, toutes sensibilités confondues, et peut-être aussi d’ailleurs à l’Assemblée nationale, tous souscrivent à cet objectif. De ce point de vue, le présent amendement va droit au but !
Il s’agit de diminuer l’emprise sur les terres les plus productives et de réaliser les compensations, là où elles sont nécessaires pour la biodiversité, de préférence sur des terres moins productives. Sans doute y a-t-il une légère surtransposition ; comme d’autres ici, je combats les surtranspositions, mais, en l’occurrence, les bénéfices de l’amendement sont largement supérieurs à cet inconvénient, d’autant que la diminution de l’emprise agricole est une problématique française, comme l’a souligné M. le ministre d’État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Je le répète, j’essaie seulement d’être cohérent.
Monsieur Gremillet, vous avez dit regretter le retrait de l’amendement n° 1 rectifié bis, qui était sans lien avec l’ordonnance. Pardon d’être rigoureux avec la loi, moi qui ne suis pas parlementaire !
Le ministre d’État a, je crois, indiqué devant votre commission, et en tout cas cela a été indiqué dans la presse, que, après les états généraux de l’alimentation, il y aurait des conclusions opérationnelles, dans la loi comme dans le règlement.
Je ne voudrais pas que l’on caricature mon propos : je cherche juste à être cohérent sur la manière dont le Sénat et le Gouvernement travaillent pour écrire la loi. Et je maintiens ma cohérence jusqu’au bout, sinon je ne serais pas un homme de parole et je ne serais pas rigoureux. Sur le fond, je ne me prononce pas plus que je ne l’ai fait pour le sénateur Dantec : la question sera examinée lors de travaux ultérieurs, qui concerneront directement l’agriculture.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Pour moi, monsieur le secrétaire d’État, la consommation de foncier agricole est une question environnementale. Nous parlons d’évaluation environnementale, dites-vous : mais les terres agricoles, c’est de l’environnement ! Nous sommes donc au cœur du sujet.
Je me suis précédemment félicité que nous ayons rajouté dans le dispositif l’impact climatique des projets, en termes à la fois d’émissions de dioxyde de carbone et de vulnérabilité par rapport aux dérèglements. Nous avons donc bien élargi le champ !
À la vérité, nous essayons de faire en sorte que le débat porte sur la totalité de l’impact environnemental. Or le foncier agricole est l’un des grands enjeux de l’impact environnemental.
Peut-être y a-t-il une légère surtransposition, mais elle va dans le bon sens. Nous sommes tout de même là pour améliorer la loi !
En outre, le consensus est tel que nous n’avons pas besoin d’attendre les conclusions des états généraux de l’alimentation pour comprendre qu’il faut limiter la consommation de foncier agricole ; c’est du bon sens.
La question me paraît donc tout à fait mûre, d’autant qu’on ne fait que reprendre un article qui existe déjà.
Grâce à cette mesure, les maîtres d’ouvrage feront attention dès le départ à ne consommer ni trop de foncier ni trop de biodiversité, car ils devraient aller chercher d’autres terrains. En somme, ils auront une vision plus globale de leur projet, un objectif qui était, monsieur le secrétaire d’État, au cœur de votre intervention dans la discussion générale. L’amendement est donc tout à fait dans l’esprit des ordonnances !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour explication de vote.
M. Jérôme Bignon. Voilà quelques années, on consommait la surface agricole utile d’un département tous les dix ans. Or, voilà six mois, lors d’un petit-déjeuner organisé par la Fédération nationale des sociétés d’aménagement et d’établissement rural, la FNSAFER, j’ai appris que le rythme de consommation était passé à un département tous les six ans. Il faut que nous réalisions, les uns et les autres, ce que cela signifie !
Ce que nos collègues critiquent souvent, et à juste titre, ce sont les surtranspositions qui aggravent les mesures, les rendent plus rigoureuses, plus contraignantes. Quand une surtransposition est bénéfique pour l’ensemble du texte, accueillons-la avec joie : c’est de l’intelligence législative que nous construisons ensemble ! Personne n’a dit que la surtransposition était en elle-même mauvaise : quand elle va au-delà de ce que l’Europe nous demande, nous sommes fondés à protester, mais quand c’est nous qui la demandons pour le bien de l’agriculture, nous devrions tous être d’accord.
M. Jean-François Longeot. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Je ne partage pas tout à fait l’avis de M. Bignon. Nous avons si souvent lutté contre les transpositions, et nous entendons si souvent la profession agricole elle-même les dénoncer, que nous devons être cohérents avec nous-mêmes.
Je souscris sans réserve au fond de l’amendement : il faut, bien sûr, protéger les terres agricoles de la surconsommation ! Toutefois, dans la mesure où il y a une légère surtransposition, et même si elle apparaît positive à certains, je me demande si l’on ne pourrait pas régler les problèmes plutôt localement. Nous avons des documents d’urbanisme, SCOT et autres, et tout le monde est conscient qu’il faut préserver autant que possible les terres agricoles : plutôt que de surtransposer, faisons donc confiance aux élus, dont la majeure partie sont très responsables et n’ont aucune envie de surconsommer des terres agricoles !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fouché, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement n’est pas un cavalier, puisque votre ordonnance réécrit l’article visé. En outre, il ne fait que renvoyer à une étude qui existe déjà. Tout cela me paraît donc simple.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Gontard, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 58
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa de l’article L. 123-9 est supprimé ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Par cet amendement, nous souhaitons pointer les contradictions entre le discours et le contenu réel de ces ordonnances.
En effet, loin de la volonté exprimée en préambule d’améliorer la concertation et l’implication citoyennes dans la prise de décision pour les plans, programmes et projets ayant une incidence sur l’environnement, la refonte de l’article L. 123-9 du code de l’environnement comporte un abaissement de la période d’enquête publique lorsque celle-ci ne nécessite pas d’évaluation environnementale : plus précisément, cette période passerait de trente à quinze jours.
Dans n’importe quel cas de figure, nous estimons qu’il n’est jamais bon signe de réduire le temps de l’information publique et de la concertation. Nous proposons donc de rétablir la durée de trente jours pour l’enquête publique.
J’ajoute que ce raccourcissement est aussi justifié par la dématérialisation, ce qui nous renvoie à la même problématique, liée à la ruralité, que précédemment.