compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Corinne Bouchoux,
M. Jean-Paul Émorine.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 27 juillet 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de commencer notre séance de questions d’actualité au Gouvernement, je voudrais rappeler que la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social a pu aboutir à un accord.
En outre, ce matin, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans la vie politique est parvenue à l’adoption d’un texte commun. En revanche, il n’a pas été possible d’aboutir à un texte commun sur le projet de loi organique.
Mes chers collègues, notez bien dans vos agendas que nous examinerons demain, mercredi 2 août, à seize heures, les conclusions des deux commissions mixtes paritaires qui ont abouti à un accord.
Pour le projet de loi organique, le Gouvernement a décidé une nouvelle lecture. Cette lecture, sur proposition de la commission, avec l’accord du Gouvernement et, j’insiste sur ce point, de tous les groupes politiques, aura lieu vendredi 4 août, à quinze heures et, éventuellement, le soir. (Murmures sur un grand nombre de travées.) Mes chers collègues, cette solution nous évitera une semaine complémentaire de session.
M. Bernard Saugey. Très bien !
M. le président. Il n’y a pas d’opposition sur ce calendrier ?…
En vertu de cette large consultation démocratique (Sourires.), il en est ainsi décidé.
En conséquence, le délai limite de dépôt des amendements de séance sur le projet de loi organique pour la confiance dans la vie politique pourrait être fixé à l’ouverture de la discussion générale. La durée de la discussion générale serait fixée à une heure.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
3
Cessation du mandat et remplacement d'un sénateur
M. le président. Par décision du 28 juillet 2017, le Conseil constitutionnel a rejeté la contestation dirigée contre l’élection à l’Assemblée nationale, à la suite du scrutin du 18 juin 2017, de M. Luc Carvounas comme député de la neuvième circonscription du Val-de-Marne.
En conséquence, conformément à l’article LO 137 du code électoral, M. Luc Carvounas a cessé d’appartenir au Sénat.
Par lettre en date du 28 juillet 2017, M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur m’a fait connaître qu’en application des articles LO 137 et LO 320 du code électoral, M. Laurent Dutheil est appelé à remplacer, en qualité de sénateur du Val-de-Marne, M. Luc Carvounas à la suite de la décision du Conseil constitutionnel confirmant son élection à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Le mandat de M. Laurent Dutheil a commencé samedi 29 juillet 2017, à zéro heure.
Au nom du Sénat, je lui souhaite la bienvenue parmi nous.
4
Candidatures à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et républicain a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Luc Carvounas, dont le mandat a cessé.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
J’informe le Sénat que le groupe Union Centriste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault, dont le mandat a cessé.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
5
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 31 juillet, le texte d’une décision statuant sur la conformité à la Constitution de l’accord économique et commercial global, AEGG, entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part, du 22 février 2017.
Acte est donné de cette communication.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 31 juillet dernier, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui a adressé trois décisions de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant :
- sur le second alinéa de l’article 1766 du code général des impôts (Contrats de capitalisation souscrits à l’étranger - Sanction en cas de manquement aux obligations déclaratives) (2017-667 QPC),
- sur la combinaison du 1° du II de l’article 244 bis A et du 2° du II de l’article 150 U du code général des impôts (Imposition des plus-values de cessions de biens immobiliers - Résidence principale - Contribuable devenu non résident à la date de la cession) (2017-668 QPC),
- sur les termes « ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage » figurant au a) du 1° de l’article L. 115-7 du code du cinéma et de l’image animée (Taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision) (2017-669 QPC),
Les textes de ces décisions de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 1er août 2017, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article 230-8 du code de procédure pénale (Effacement anticipé des données à caractère personnel inscrites au fichier de traitement des antécédents judiciaires) (2017 670 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Je rappelle également que notre séance est retransmise en direct sur le site internet du Sénat, sur Public Sénat et sur Facebook.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et tout autant au respect du temps de parole imparti.
nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Frogier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur la préparation de la consultation de sortie de l’accord de Nouméa.
Monsieur le Premier ministre, dans votre déclaration de politique générale, vous avez affirmé que l’État veut jouer pleinement son rôle d’acteur et de garant du processus de l’accord de Nouméa. Vous en avez même fait un engagement personnel.
Je tiens à saluer ce volontarisme, qui succède à l’attentisme et aux atermoiements du quinquennat précédent.
M. Didier Guillaume. Ah !
M. Pierre Frogier. Encore faut-il passer de la parole aux actes.
Vous avez vous-même rappelé que, s’il n’est pas saisi, d’ici mai prochain, par l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, l’État devra organiser, en novembre 2018, la consultation pour l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.
En clair, dans quinze mois, la Calédonie décidera de son accession ou non à l’indépendance.
Alors que l’issue de ce référendum est connue d’avance, le risque est grand que ce scrutin, de nature exagérément binaire, mal préparé, remette le feu aux poudres.
À ce titre, permettez-moi de citer Michel Rocard : « Personne ne peut avoir dans la tête que la question qui va être posée à ce référendum soit choisie de manière à diviser les Calédoniens en deux paquets égaux. Parce que là, on est sûr qu’ils recommenceront à se taper dessus. »
Monsieur le président du Sénat, vous avez vous-même affirmé à plusieurs reprises que l’État devait nous accompagner dans la recherche des convergences nécessaires à la définition de notre destin commun.
Sur le plan local, nous avons pris l’initiative d’organiser les États généraux de l’avenir, forme de « palabre à l’océanienne », pour échanger et rechercher avec la population et l’ensemble des forces politiques ce qui nous unit, ce qui nous rassemble, afin que cette consultation ne soit pas mortifère.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt, lors de votre venue annoncée en Nouvelle-Calédonie, dont je vous rappelle la devise : « Terre de parole, terre de partage », à vous engager dans ce grand palabre pour l’avenir ? Et, puisque vous avez insisté sur la dimension personnelle de votre engagement, pourriez-vous nous dire comment vous comptez le traduire dans les faits ?
Monsieur le Premier ministre, la parole de l’État est attendue à Nouméa. La parole de la France est attendue dans le Pacifique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe La République en marche. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’engagement du Gouvernement et sur mon implication personnelle dans la construction de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, et je vous en remercie.
Je veux vous dire à nouveau combien je suis conscient des enjeux et des défis considérables qui nous attendent, collectivement, en Nouvelle-Calédonie.
Comme vous, je veux éviter que les tensions ne s’avivent à l’approche de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté.
J’ai indiqué, dans ma déclaration de politique générale, quelle était l’ambition du Gouvernement sur ce sujet, et vous savez que, dès ma nomination, j’ai entrepris de rencontrer toute une série d’acteurs politiques, parlementaires ou non, et d’acteurs culturels de Nouvelle-Calédonie, pour mieux saisir, pour mieux mesurer et, pour tout dire, pour mieux comprendre l’ampleur de ces défis et la complexité de ces enjeux.
Je l’ai fait, et je vais continuer à le faire, comme l’ensemble du Gouvernement d’ailleurs, dans un esprit d’écoute et en suivant une valeur à laquelle vous êtes particulièrement attaché, car c’est une valeur océanienne : l’humilité.
Tel est également l’esprit qui a guidé la visite en Nouvelle-Calédonie de Mme la ministre des outre-mer, que je tiens à saluer. Au cours de la semaine dernière, elle a effectué son premier déplacement dans les outre-mer, et elle a choisi de se rendre d’abord en Nouvelle-Calédonie. Elle y a rencontré un grand nombre d’acteurs. Elle aussi a cherché à mieux comprendre, mieux saisir et mieux mesurer l’ensemble des enjeux du processus, et au-delà.
L’humilité, que je crois indispensable pour aborder les questions qui sont devant nous, s’impose tout d’abord devant la force de l’engagement de celles et ceux qui ont œuvré, parfois au prix de leur vie, pour tracer un chemin de paix et marcher de concert vers ce destin commun qui est désormais un acquis.
Monsieur le sénateur, je le sais, vous avez contribué à tracer ce chemin, notamment en proposant que le drapeau du FLNKS soit érigé au côté du drapeau français.
Cette humilité, c’est aussi celle qui doit nous saisir devant la responsabilité collective, qui nous revient à tous, en tant qu’acteurs du processus de l’accord de Nouméa.
Au fond, nous devons organiser, dans la transparence, un scrutin dont la légitimité ne pourra pas être contestée. C’est une priorité pour le Gouvernement, c’est une priorité de mon action, et c’est une priorité difficile à atteindre techniquement, vous le savez.
Nous voulons aussi profiter des fruits de la réflexion, souvent remarquable, menée par les nombreux experts missionnés par les non moins nombreux gouvernements qui se sont intéressés à ce sujet. Il y a de la connaissance acquise, il y a de l’expérience acquise, et il serait absurde, voire contre-productif, de vouloir s’en passer.
Si j’apporte cette précision, c’est parce que, en la matière, l’ensemble du Gouvernement entend s’inscrire dans une histoire et dans une continuité : c’est aussi une forme d’humilité, et il me semble que cette attitude est indispensable.
Nous pouvons nous appuyer sur des acquis irréductibles, qui sont l’œuvre de l’amitié civile et de la réconciliation engagée par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, que je tenais à citer ici.
Nous avons un grand nombre de points de convergence, qu’il s’agisse des valeurs aux sources de la société calédonienne comme de l’organisation institutionnelle ou du principe de la citoyenneté calédonienne.
Vous avez rappelé la devise de la Nouvelle-Calédonie : « Terre de parole, terre de partage. » Vous souhaitez, à juste titre, que l’État, plus encore que le Gouvernement, qui est à la fois acteur et arbitre du processus, ait lui aussi une parole. C’est le sens du déplacement de Mme la ministre des outre-mer, qui, à cette occasion, a insisté sur plusieurs enjeux : l’action en faveur de la jeunesse, la lutte contre l’insécurité, le soutien à la filière du nickel ou encore la préservation de la biodiversité.
Comme vous l’avez évoqué, j’aurai l’occasion de me rendre sur place au cours de la première quinzaine de décembre, après que les échéances électorales auront permis de renouveler les sénateurs de Nouvelle-Calédonie et après que nous aurons réuni, en octobre, un comité des signataires pour étudier, dans le détail, les conditions d’organisation de la consultation qui se tiendra au cours de l’année 2018.
Je profite de ce moment pour vous le dire, je compte bien que le comité des signataires, qui sera précédé par beaucoup d’entretiens, nous permettra d’échanger ces « bouts de parole » auxquels l’ensemble des acteurs de Nouvelle-Calédonie sont attachés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté, ce n’est pas se prononcer pour ou contre le destin commun. Ce destin commun est acquis : il est l’un des acquis de toutes les discussions, de tout le partage qui a eu lieu depuis maintenant de nombreuses années, et il ne doit pas être remis en cause ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République en marche et du groupe Union Centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
prévention des feux de forêt
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
Mme Hermeline Malherbe. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
J’aurais pu à nouveau questionner le Gouvernement sur la taxe d’habitation, qui reste une préoccupation majeure pour les élus locaux. (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains. – MM. Martial Bourquin et Alain Néri applaudissent.)
M. Alain Néri. Absolument !
Mme Hermeline Malherbe. Toutefois, je souhaite évoquer un autre sujet d’inquiétude, à savoir la prévention des risques d’incendie.
Monsieur le ministre d’État, récemment, le sud-est de la France et la Corse ont fait face à de violents incendies, qui ont réduit en cendres près de 4 000 hectares de forêt, blessant au passage pompiers, forces de l’ordre et secouristes. Ces acteurs font preuve d’un très grand courage, au péril de leur vie, et je pense que nous pouvons tous ici leur rendre hommage.
Le 14 juillet dernier, dans mon département des Pyrénées-Orientales, au Boulou et à Maureillas-las-Illas, près de la frontière espagnole, le feu a consumé 190 hectares et mobilisé plusieurs centaines de pompiers.
Monsieur le ministre d’État, au-delà des outils que l’on peut donner aux pompiers et aux forces de sécurité pour lutter contre les incendies, ma question porte sur les moyens de prévention que l’on peut développer et valoriser.
Parmi ces moyens, on peut rappeler ceux qui concernent la défense des forêts contre l’incendie, la DFCI, pour laquelle les départements et les communes œuvrent, en particulier avec l’Entente pour la forêt méditerranéenne.
On peut aussi saluer les communes qui ont mis en place des réserves intercommunales de sécurité civile, les RISC, dans les Pyrénées-Orientales en particulier, pour assurer une surveillance des massifs en lien avec les pompiers et l’Office national des forêts, l’ONF.
Ainsi, je souhaite insister tout particulièrement sur l’action des communes qui accompagnent l’installation d’éleveurs dans le cadre du sylvo-pastoralisme, ou qui épaulent les propriétaires de mas isolés pour le défrichement et l’entretien des espaces naturels.
Par ailleurs, nous constatons qu’il existe des disparités d’une région à l’autre dans l’application de la réglementation en matière de prévention, et parfois entre deux communes au sein d’un même département.
Monsieur le ministre d’État, ma question est simple : comment reconnaître et valoriser le rôle préventif joué par les communes rurales, y compris financièrement, et comment harmoniser la prévention sur l’ensemble du territoire national pour une plus grande efficacité ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame Malherbe, je sais quelle attention vous portez à la situation que nous venons de vivre et que nous vivons encore aujourd’hui.
La semaine dernière, je me suis rendu en Corse, où, près d’Olmeta, quelque 1 300 hectares de forêt ont brûlé. Le lendemain, M. le Premier ministre et moi-même sommes allés à Bormes-les-Mimosas, où l’incendie était immense. Au total, dans cette région, 12 000 personnes ont dû être déplacées dans la nuit.
À ce titre, je veux saluer, comme vous l’avez fait, le travail de toutes celles et de tous ceux qui se sont engagés. Je songe en particulier à nos sapeurs-pompiers et à nos forces de protection civile, qui étaient sur le terrain. (Mme Sophie Primas applaudit.) Croyez-moi, ils étaient profondément engagés. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe La République en marche et du RDSE.)
La première action, c’est effectivement d’empêcher que le feu ne prenne, et donc d’avoir une autre vision de l’urbanisme et de la nature. J’ai également entendu ce que vous avez dit à propos des travaux d’entretien menés dans les zones agricoles.
La deuxième action, c’est de déployer les moyens disponibles pour lutter contre les incendies. C’est pour cela que, malgré les difficultés financières, le Gouvernement a décidé de commander six avions nouveaux pour les prochaines années : ainsi, nous aurons des moyens à la hauteur des difficultés qui peuvent être les nôtres ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et sur quelques travées du RDSE.)
situation ferroviaire à la sncf
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour le groupe La République en marche.
M. Jean-Jacques Filleul. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des transports.
Ce dernier week-end de retours et de départs des vacanciers a été marqué par une pagaille monstre à la gare Montparnasse.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Jacques Filleul. Cette gare ne pouvait plus exercer ses fonctions primaires : accueillir les voyageurs et faire circuler les trains.
De nombreuses hypothèses ont été émises pendant ces soixante-douze heures, en particulier sur la nature de la panne qui a bloqué des milliers de voyageurs et perturbé toutes les gares du réseau Ouest-Atlantique.
Cette situation, grave par sa durée et par les perturbations qu’elle a entraînées, n’est pas admissible. Le service public est profondément touché par cette épreuve.
Madame la ministre, nous savons votre volonté : vous êtes venue présenter votre feuille de route le 20 juillet dernier devant notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Votre projet est ambitieux ; nous le soutenons. SNCF Réseau doit faire l’objet de lourds investissements pour rénover et moderniser l’infrastructure ferroviaire dans sa variété et dans sa multiplicité. Il n’en reste pas moins que ces dysfonctionnements, dont l’ampleur dépasse tous les incidents quotidiens du réseau, sont inquiétants, d’autant que la concurrence pour le transport des voyageurs, issue du quatrième paquet ferroviaire européen, s’impose pour demain, plus précisément pour 2022.
Je tiens à rendre hommage à la sagesse des passagers en déficit d’informations, à leur patience, ou à leur fatalisme, face aux retards et aux suppressions de trains qu’ils ont subis et subissent encore aujourd’hui.
Ce défaut d’information de la part de SNCF, la longueur des recherches pour identifier l’origine de la panne ont suscité des polémiques et surtout de nombreuses questions.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-Jacques Filleul. Madame la ministre, au vu de cette situation, comment avez-vous réagi, quelles sont vos exigences vis-à-vis de SNCF et, dans l’immédiat, quelles mesures envisagez-vous de prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et sur quelques travées du groupe Union Centriste.)
MM. Michel Canevet et Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Marques de surprise et de satisfaction sur un grand nombre de travées.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, samedi dans la soirée, un signalement de défaut sur la basse tension du poste de Vanves, qui contrôle la signalisation sur les dix kilomètres de voies précédant la gare Montparnasse, a été relevé par les équipes.
Cette panne, car il s’agit bien d’une panne, présente la double caractéristique d’être complexe à identifier – les stations où elle peut survenir sont remplies de connecteurs, et il faut identifier celui d’entre eux qui ne fonctionne plus – et d’être susceptible de faire courir des risques graves pour la sécurité des voyageurs.
M. Roger Karoutchi. Tout de même, trois jours !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. En effet, le défaut de basse tension peut avoir pour effet de faire passer un feu rouge au vert, ce qui pose des questions de sécurité évidentes.
La SNCF a donc entrepris, dans les meilleures conditions de rapidité, d’identifier la panne. Mais elle s’est heurtée, outre le problème d’identification que j’ai mentionné, à la difficulté de réorganiser le plan de transports sans savoir quand la panne serait détectée et résolue, et à l’incroyable intensité du trafic lors de ce week-end de chassé-croisé.
M. Simon Sutour. Action, action !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Au total, ce week-end, sur 1,5 million de voyageurs SNCF dénombrés, 70 000 ont été impactés par la panne, et 3 500 n’ont pas pu être acheminés.
Cette situation n’est évidemment pas satisfaisante,…
M. Roger Karoutchi. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … vous le savez, je le sais, tous les Français l’ont compris, et le président de SNCF Mobilités comme le président de SNCF Réseau, que j’ai reçus aujourd’hui avec Mme la ministre des transports,…
M. Éric Doligé. Il faut en changer ! (Remarques ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … l’ont bien entendu ainsi. Ils en ont parfaitement conscience.
Face à ces difficultés, et comme souvent dans les crises, nous avons relevé des choses extrêmement insatisfaisantes, et d’autres qu’il faut saluer.
Parmi les éléments insatisfaisants figurent le temps passé pour identifier l’origine de la panne et la difficulté à mettre en place des process de travail en mode dégradé…
M. Simon Sutour. Qui gouverne ?…
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous voulez peut-être que l’on évoque les conditions dans lesquelles le réseau a été régénéré pendant les cinq dernières années,…
M. Simon Sutour. Disons, depuis dix ans ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Alors, disons pendant les dix ou les quinze dernières années ! (Nouvelles protestations.)
M. Alain Néri. Oh là là !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il nous a fallu et il nous faudra consacrer beaucoup plus de moyens à l’entretien des réseaux existants. (Brouhaha continu sur les mêmes travées.) C’est le sens de l’intervention de Mme la ministre des transports, qui s’est rendue sur les lieux dès dimanche et qui y est revenue lundi.
J’ai parfaitement conscience du charme, de l’intérêt, et même de l’opportunité qui s’attachent aux grands projets d’infrastructures. Mais nous devons également veiller à la sécurité : dans cet hémicycle figurent un certain nombre d’élus de nos territoires qui savent combien ces questions sont importantes et qui, en la matière, ont de mauvais souvenirs.
Pour des raisons de sécurité et pour des raisons d’efficacité, nous devrons consacrer des moyens à l’entretien des réseaux. (Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. Alain Néri. Ah, bravo, c’est une découverte !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est une priorité, et elle sera assumée.
J’ajoute que nous avons demandé au président de SNCF Réseau et au président de SNCF Mobilités de livrer tout le retour d’expérience nécessaire sur un tel incident. Je songe notamment à la mobilisation des « gilets rouges », qui permettent d’informer les voyageurs. Je pense aussi à la qualité - ou, en l’espèce, à l’absence de qualité - de l’information qui a été transmise aux usagers, laquelle, venant de sources différentes, était souvent imprécise et parfois contradictoire. Ce n’est pas acceptable.
SNCF Réseau et SNCF Mobilités ont des progrès considérables à faire.
Mme Catherine Procaccia. Ah oui !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est le sens des remarques précises, claires et fermes, que Mme la ministre des transports et moi-même avons formulées aux responsables de l’entreprise.
Cela étant, monsieur le sénateur, nous devons également souligner un bel aspect, même s’il ne compense pas l’insatisfaction éprouvée : nous avons également vu, à l’occasion de cette crise, des personnels se mobiliser, revenir de vacances, pour tenter de faire face à une situation pénible et difficile. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mme Stéphanie Riocreux, MM. Jean-Jacques Filleul et André Gattolin applaudissent.) Nous avons vu des gens œuvrer, jusque tard dans la nuit, parce qu’il fallait apporter un service aux usagers. Je tenais également à le souligner ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)