PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, ce premier débat budgétaire du quinquennat, au cœur de l’été, n’aurait sans doute eu que peu d’échos s’il ne s’inscrivait dans le contexte des mesures prises par le nouvel exécutif et qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines. Si, en l’absence de loi de finances rectificative, le Parlement a peu de prise sur les mesures concernant l’année en cours, il n’en garde pas moins le droit d’en débattre.
Les économies annoncées, parfois drastiques, notamment dans les grands ministères régaliens, destinées à faire face à certaines dépenses inéluctables, sont dans toutes les têtes. La commission des finances a rendu hier son avis sur les projets de décrets d’avance et d’annulation qui concernent des sujets, hélas, urgents, tels que la recapitalisation d’Areva ou le financement des opérations militaires extérieures.
Le règlement du budget de l’année passée n’est, quant à lui, que la constatation d’un résultat. Sur ce point, vous l’aurez compris, le RDSE, qui a, dans sa majorité, soutenu l’action du précédent gouvernement, approuvera, dans sa majorité également, ce projet de loi de règlement.
En 2016, le PIB a crû de 1,2 %, un résultat légèrement décevant par rapport aux projections établies dans la loi de finances initiale et dans la loi de finances rectificative. Toutefois, cela représente 0,1 point de plus que la croissance constatée en 2015. Il s’agit donc d’une amélioration modeste, mais réelle, qui confirme la reprise constatée dans la seconde moitié du quinquennat Hollande. Pour l’année en cours, le consensus des économistes prévoit 1,5 % de croissance. Au total, le quinquennat passé, qui s’était caractérisé par une croissance quasi nulle pendant la première moitié, de 2012 à 2014, a donc connu une reprise modérée sur sa seconde moitié.
Le déficit public s’établit à 3,4 % du PIB, un résultat, là aussi, légèrement décevant par rapport à la prévision – 3,3 % dans la loi de finances initiale –, mais qui reste malgré tout très proche. Au total, alors que la situation financière de la France s’était beaucoup dégradée à la suite de la récession de 2008-2009, les déficits se sont réduits de façon continue depuis 2012 sans toutefois atteindre l’objectif annoncé de retour sous le seuil de 3 % du PIB et de réduction du poids de la dette.
Votre gouvernement, messieurs les ministres, parviendra-t-il à sortir la France de son interminable crise de langueur, une crise qui combine depuis tant d’années faible croissance, déficits continus, chômage élevé et forte pression fiscale ? C’est en tout cas son ambition affichée, et je la salue, je l’encourage, je la soutiens, car le défi à relever est immense, nous l’avons tous compris.
À ce titre, si les mesures d’économies de 4,5 milliards d’euros annoncées par le ministre de l’action et des comptes publics et destinées à atteindre l’objectif de 3 % de déficit en 2017 peuvent susciter l’incompréhension, elles visent en réalité à respecter la prévision inscrite dans la loi de finances initiale pour 2017. Toutefois, on peut constater que les économies frappent des missions considérées jusqu’à présent comme prioritaires, telles la sécurité et la défense.
Cet effet de ciseaux budgétaire, qui affecte, on le sait, la défense mais aussi des missions importantes comme l’aide au développement – à laquelle je suis particulièrement attentif –, pose un problème à court terme. C’est pourquoi il doit permettre un redressement des comptes publics à moyen et long terme et je ne doute pas que telle soit la volonté du Gouvernement.
À côté des dispositions touchant les ministères, Bercy a pris d’autres mesures d’économies : gel du point d’indice, rétablissement du jour de carence dans la fonction publique, ou encore réduction du nombre de contrats aidés ; les mesures d’économies budgétaires sont toujours impopulaires, mais, encore une fois, elles peuvent être rendues plus acceptables si on les replace dans une perspective globale de rétablissement des comptes publics.
Pour 2018, le Gouvernement affiche des objectifs non moins ambitieux : 11 milliards d’euros d’allégements fiscaux, qui doivent notamment passer par la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés, engagée l’an dernier, par une nouvelle réduction de cotisations sociales, par un resserrement inédit de l’assiette de l’ISF, par la suppression de la taxe sur les transactions financières intrajournalières et, bien sûr, par la première étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Cette réforme est pour l’instant envisagée avec inquiétude par les communes, qui craignent une perte substantielle de leurs ressources propres – les questions d’actualité de ce début d’après-midi l’ont encore montré – mais aussi de leur autonomie financière.
Ces mesures s’accompagneront, en sens inverse, de la hausse de certains prélèvements – la CSG et les taxes sur le diesel et le tabac – et de mesures non fiscales d’accroissement des recettes, comme des cessions de participations de l’État à hauteur de 10 milliards d’euros, annoncées par M. Le Maire. Toutes ces mesures risquent de frapper de façon différente les ménages aisés et les ménages modestes. Il est donc essentiel de s’assurer de leur intérêt économique.
Le Président de la République a décidé de reporter d’un an la mise en place du prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source. Il est vrai que les questions techniques et déontologiques posées par cette réforme sont plus importantes qu’on ne pouvait l’imaginer au premier abord ; tout cela n’avait d’ailleurs pas échappé à la commission des finances du Sénat. L’adoption de cette disposition dans le cadre de la dernière loi de finances du précédent quinquennat avait à cet égard quelque chose de surprenant, mais tout aussi surprenant est le choix du texte permettant ce report : le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. N’aurait-il pas eu davantage sa place dans un collectif budgétaire ? Il est vrai que l’agenda resserré et la priorité donnée à la réforme du marché du travail rendent difficile l’examen d’un tel texte en milieu d’année…
Tout est question de priorité. Le Gouvernement souhaite, conformément à une demande de la population, réduire la pression fiscale pesant sur les entreprises et surtout sur les ménages, mais il n’en doit pas moins poursuivre, me semble-t-il, les efforts menés par la précédente majorité pour lutter contre la fraude fiscale, qui est toujours estimée à 80 milliards d’euros par an – c’est énorme.
De ces quelques remarques, je retire l’idée que si le Gouvernement apparaît dynamique et sincère dans sa volonté de réduction des dépenses et de la pression fiscale, et de redressement des comptes publics, il manque peut-être une vision de plus long terme de ce vers quoi il entend nous mener à l’horizon des prochaines années.
Ainsi, le grand sujet de la redéfinition des missions et du périmètre de l’action publique doit être abordé. Le débat d’orientation des finances publiques est, me semble-t-il, le moment privilégié pour cela, puisque nous avons le recul et l’expérience des exercices passés et du temps pour la réflexion avant le dépôt à l’automne du projet de loi de finances.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous allez défendre l’exécutif, mon cher collègue ? Il en faut bien un, commis d’office… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. Tout allait très bien !
M. Claude Raynal. Ne persiflez pas, mes chers collègues.
Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, je veux tout d’abord vous dire quelques mots, au nom d’Yves Daudigny, à propos des comptes sociaux. J’aborderai ensuite le projet de loi de règlement.
Les recettes de 2016 du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, se composent principalement de 205 milliards d’euros de cotisations sociales, de 89 milliards d’euros de CSG et de 46 milliards d’euros d’impôts, taxes et autres contributions. Cette diversité de ressources ne saurait toutefois remettre en cause la spécificité des finances sociales. Si elles doivent conduire, comme toutes les finances, à la recherche d’un équilibre de dépenses et de recettes, elles sont aussi liées à la recherche, à la science, à la prise en charge des accidents de la vie, aux solidarités et donc, profondément, à l’humain et à notre vivre ensemble.
Trois caractéristiques distinguent la France en matière de finances sociales. La première réside dans le niveau d’engagement financier. Pour 2015, la couverture, ou la réparation, des risques sociaux a atteint un montant de 746,6 milliards d’euros, soit 34 % du PIB, sur un montant total de dépenses publiques de 1 242,8 milliards d’euros.
La deuxième caractéristique est le faible niveau de reste à charge supporté par nos compatriotes en matière de dépenses de santé. La variabilité de ce reste à charge suivant le type de soins, sa progression en valeur absolue, et les frais optiques et de prothèses dentaires créent un ressenti éloigné de cette situation favorable quand on la compare avec les autres pays de l’OCDE.
La dernière caractéristique est l’existence d’une dette sociale unanimement considérée comme insupportable, car elle concerne nos dépenses courantes de protection sociale.
Par ailleurs, la dégradation constatée en 2017, à hauteur de 1,3 milliard d’euros, de la situation financière du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse par rapport à la prévision de la fin de l’année 2016 ne doit pas masquer la maîtrise des dépenses et la trajectoire de réduction du déficit de la sécurité sociale sur la période 2012-2017.
Le déficit du régime général était de 13,3 milliards d’euros en 2012, de 4,1 milliards d’euros en 2016, et il devrait s’établir à 1,6 milliard d’euros en 2017. Le déficit global du régime général et du FSV était de 17,5 milliards d’euros en 2012 et devrait atteindre 5,5 milliards d’euros fin 2017. La branche accidents du travail-maladies professionnelles affiche un solde positif depuis 2013. La branche retraite, après plus d’une décennie de déficit, est redevenue excédentaire en 2016. La branche famille retrouvera un excédent en 2017, pour la première fois depuis dix ans.
L’inquiétude persiste pour le FSV, dont le déficit, malgré une baisse sensible de ses charges, s’aggraverait de nouveau en 2017 pour atteindre 4 milliards d’euros, en raison d’une forte baisse de ses recettes, assises sur les revenus du capital.
Ainsi, notre pays éprouve de grandes difficultés à équilibrer sa branche maladie, qui a vu en 2016 la mise en place de la protection universelle maladie ; le déficit de cette branche s’est réduit de 1 milliard d’euros en 2016 mais devrait encore dépasser 4 milliards d’euros en 2017.
La santé mentale, la prise en charge des cancers, des maladies cardioneurovasculaires et du diabète constituent les pathologies qui engagent les prises en charge les plus importantes après les hospitalisations ponctuelles.
Un nombre croissant de personnes vit avec au moins une pathologie chronique et se trouve parfois en situation de dépendance ou de handicap. Notre système de santé doit donc évoluer pour mieux accompagner ces personnes dans leur lieu de vie, leur fournir des soins de qualité, coordonnés et continus. Il s’agit d’un défi organisationnel majeur qui appelle une restructuration profonde de l’organisation des soins.
Relever le défi de l’équilibre de la branche maladie de la sécurité sociale n’est pas affaire d’experts, mais nous concerne tous – patients, professionnels de santé, responsables politiques – quand l’exercice médical et soignant met au jour la vocation médicale de l’homme, selon Emmanuel Levinas, comme l’impossibilité de passer son chemin lorsqu’il s’agit de solitude, de souffrance et de mort, selon Alain Cordier.
MM. André Gattolin et Richard Yung. Très bien !
M. Claude Raynal. Voilà ce que souhaitait dire Yves Daudigny, qui, au dernier moment, a été empêché.
Je complète son propos par quelques mots sur le projet de loi de règlement et sur les orientations des finances publiques. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’examen du projet de loi de règlement doit d’abord être l’occasion de répondre à deux questions essentielles : quelle est l’évolution des finances publiques d’exécution à exécution ? Les objectifs fixés par le législateur ont-ils été atteints ?
Force est de constater que, fin 2016, le déficit des administrations publiques, comme le déficit budgétaire de l’État, diminue et se situe à 3,4 % du PIB. Ces bons résultats ne doivent pas nous étonner. Les ministres MM. Sapin et Eckert nous ont habitués, depuis le projet de loi de finances pour 2013, à tenir les engagements de la France. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Raoul. C’est dit !
M. Claude Raynal. Après 5,1 % en 2011, 4,8 % en 2012, 4 % en 2013, 3,9 % en 2014, 3,6 % en 2015, nous arrivons à 3,4 % du PIB en 2016. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Sur ce dernier chiffre, notons qu’il est exactement conforme au niveau recommandé par le Conseil de l’Union européenne du 10 mars 2015, dans le cadre de la procédure de déficit excessif.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est formidable !
M. Claude Raynal. Notons aussi que cette baisse constante des déficits s’est accompagnée d’un allégement des prélèvements obligatoires de 44,8 % du PIB en 2013 à 44,4 % en 2016. Cette baisse des déficits n’a donc pu être réalisée que grâce à, déjà, une diminution des dépenses publiques de 57 % du PIB en 2013 à 56,4 % en 2016, et même 55 % hors crédits d’impôt. On relèvera que cet objectif de contrôle de la dépense publique n’est donc pas, messieurs les ministres, l’apanage de votre seul gouvernement.
M. Philippe Dallier. Bravo ! (Rires sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Claude Bérit-Débat. C’est la vérité, mes chers collègues !
M. Claude Raynal. Dès lors, pourquoi avoir pris le risque d’ouvrir une polémique bien mauvaise et bien stérile au sujet des comptes publics, à la suite de l’audit de la Cour des comptes ? (Protestations sur les mêmes travées.)
MM. Philippe Dallier et Francis Delattre. Oh !
M. Éric Doligé. Quelle mauvaise foi !
M. Claude Raynal. La Cour aurait identifié un risque d’exécution compris entre 8 milliards et 9 milliards d’euros sur un total de 322 milliards d’euros. Ce risque à mi-année est-il nouveau ? Il était entre 6 milliards et 10 milliards d’euros en 2012, et les parlementaires que vous étiez à l’époque, messieurs les ministres, ne s’en étaient guère émus… Il était encore de 7 milliards à 8 milliards d’euros en 2015 et en 2016.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tout va bien, alors…
M. Claude Raynal. Vous le savez bien, les régulations de l’été servent chaque année à permettre d’atteindre les objectifs budgétaires.
M. Claude Raynal. D’ailleurs, votre ami, M. Woerth, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, l’a rappelé récemment.
M. Claude Raynal. Ainsi, à l’issue de ce travail que tout gouvernement, quel qu’il soit, aurait réalisé, notre déficit public sera, comme la France s’y est engagée, inférieur à 3 % du PIB.
M. Claude Raynal. De fait, entre 2012 et 2017, le déficit se sera donc contracté de 2 points. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Philippe Dallier s’esclaffe.)
Deux points, c’est d’ailleurs l’objectif que vous vous fixez pour les cinq prochaines années. Vos prédécesseurs l’ont réalisé, tout en permettant le financement des politiques qui nous paraissaient prioritaires, notamment l’éducation, la justice, la défense et la sécurité. (Rires sur les mêmes travées.) Au fond, du point de vue de la baisse du déficit public, vous mettez vos pas dans ceux des personnes qui vous ont précédés… (Mêmes mouvements.)
M. Claude Raynal. Vous le constatez, cette petite polémique stérile n’avait pas sa place, dès l’instant où nous partageons avec vous cette volonté de poursuivre le rétablissement de nos comptes publics. (Ah, tout de même ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je gage d’ailleurs que le rapport de la Cour des comptes portant sur l’exécution de l’année 2018, premier exercice sous votre entière responsabilité, sera bien moins commenté.
Poursuivons maintenant notre réflexion sur le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques. De façon générale, votre gouvernement propose de continuer dans la voie de la baisse des prélèvements obligatoires, de la dépense publique, du déficit du budget de l’État pour réduire in fine le poids relatif de la dette.
L’amélioration de la situation économique, fruit notamment des dispositions prises par vos prédécesseurs, devrait vous y aider. Je note d’ailleurs que l’estimation de 1,5 % de croissance pour 2017, qualifiée d’« optimiste » par le Haut Conseil des finances publiques fin 2016, devrait être atteinte, voire dépassée.
Si nous pouvons partager vos orientations dans leurs principes, leur application appelle cependant de nombreuses remarques. Sur l’effort de 13 milliards d’euros demandé aux collectivités territoriales, outre la coïncidence malheureuse entre cette annonce et l’affirmation contradictoire d’une volonté de négociation entre l’État et les collectivités territoriales, il est patent que, durant les quatre dernières années, la baisse du déficit public est d’abord à mettre à l’actif des collectivités.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ah, il faut le dire ! Cela devient raisonnable.
M. Claude Raynal. Pour la seule année 2016, le rapporteur général de la commission des finances chiffre à 3,1 milliards d’euros la contribution des administrations publiques locales à ce résultat. L’explication en est connue et nous l’avons régulièrement dénoncée : quand la participation des collectivités est une perte sèche, la contribution de l’État n’est qu’une moindre augmentation des dépenses comparée à l’évolution tendancielle.
C’est pourquoi, avant de proposer de nouvelles coupes dans les services publics de proximité, commençons par rétablir la réalité des efforts de chacun, à compter, par exemple, de 2013, en appliquant, comme vous le proposez pour l’avenir, un calcul sur les dépenses en volume.
M. Philippe Dallier. Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Raynal. Nous trouverions alors sans difficulté les efforts réalisés non pas par l’État et que vous demandez maintenant, pour la deuxième fois, aux collectivités.
Nous notons également que, d’une part, vous demandez à l’ensemble des collectivités un nouvel effort de 13 milliards d’euros et que, d’autre part, vous supprimez la taxe d’habitation pour 80 % des foyers français, pour un montant évalué à 9 milliards d’euros sur trois ans.
Si la volonté de réduire la taxe d’habitation est intéressante, compte tenu du caractère inégalitaire de cette taxe, vous proposez en réalité que le financement de cette décision soit gagé par les économies dégagées par l’ensemble des collectivités territoriales.
Sur cette mesure, enfin, il me semble qu’elle pourrait encourir la censure du Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité devant l’impôt. Dès lors, ce seraient non plus 9 milliards, mais 21,5 milliards d’euros qu’il faudrait trouver… Il faut d’ores et déjà nous y préparer et penser dès aujourd’hui au remplacement de cette taxe par une part d’impôt national suffisamment dynamique, comme la proposition en a été faite par le Président de la République.
En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, vous faites vôtres des mesures déjà décidées par l’ancien gouvernement à hauteur de 7 milliards d’euros, je n’y reviens pas. Je ne reviens pas non plus sur les 3 milliards d’euros nécessaires en 2018 pour engager la baisse de la taxe d’habitation.
En revanche, messieurs les ministres, comment pouvez-vous, dans une situation de comptes publics qualifiée par vous-mêmes de tendue, proposer une transformation de l’ISF ayant un coût budgétaire, si j’ai bien compris, de 3 milliards d’euros en 2018 ? Je refuse pour ma part de voir un quelconque lien de cause à effet entre la réintroduction tardive de cette mesure et l’augmentation parallèle de la contribution des collectivités territoriales de 10 milliards à 13 milliards d’euros…
Par ailleurs, comment pouvez-vous affirmer dans le même temps que vous ne touchez pas aux impôts, alors que l’augmentation des taxes sur le tabac comme sur le diesel devrait vous rapporter 2,5 milliards d’euros ?
Je ne reviens pas sur l’avis de nombreux économistes à ce sujet, plusieurs collègues l’ont fait. Cette mesure aurait un impact très significatif sur les ménages les plus riches, situés au-delà du neuvième décile, comme l’a prouvé l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques.
Tout cela conduit le groupe socialiste et républicain à vous demander, d’ici à la présentation du projet de loi de finances pour 2018, d’intégrer ces quelques remarques et de retravailler en profondeur votre trajectoire des finances publiques.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On aura bien ri, cet après-midi.
M. Claude Raynal. Vous nous avez d’ailleurs montré, très récemment, que vous étiez capables d’une grande agilité pour intégrer en catastrophe quelques milliards de dépenses nouvelles.
Le groupe socialiste et républicain votera donc le projet de loi de règlement et vous souhaite, messieurs les ministres, un été studieux pour revenir à la rentrée devant nous avec une trajectoire de finances publiques plus affinée et peut-être plus convaincante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Sourires sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Premier prix de l’humour !
M. Daniel Raoul. C’est dur d’entendre la vérité !
Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne m’étalerai pas sur les comptes de 2016, vous connaissez tous ici notre position sur les orientations budgétaires et vous connaissez tout autant notre refus de nous soumettre à l’austérité imposée par Bruxelles.
Rappelez-vous bien néanmoins que si nous en sommes là aujourd’hui, c’est du fait des politiques menées depuis des décennies. Que les choses soient claires : tous les gouvernements portent une très lourde responsabilité dans cette affaire.
Je l’ai dit ici avant-hier, mais je le répète : je considère que le respect de la règle des 3 % imposée par l’Union européenne passe après la sécurité des Français. Tel est l’objet de mon propos. Mais qu’est-ce qui peut stopper les attaques contre notre pays, la règle des 3 % ou un équipement correct de nos forces de sécurité ? Croyez-vous que les familles des morts du Bataclan ou de Nice et des soldats morts pour la France ont quelque chose à faire de la règle des 3 % ?
M. David Rachline. Or, oui, le fait de diminuer le budget du ministère de l’intérieur, ce qui entraîne par exemple la fin des recours aux réservistes au sein de forces de police, comme dans le Var ou dans ma ville, alors que la saison touristique bat son plein, ou le fait de diminuer celui de la défense, alors que nos soldats luttent contre nos ennemis dans des matériels hors d’âge – je rappelle que les véhicules de l’avant blindé dans lesquels nos soldats font la guerre au Sahel ont en moyenne plus de 31 ans ; je n’ose vous demander de quand datent vos voitures de fonction, messieurs les ministres – remettent en cause la sécurité des Français.
Au-delà des chiffres, cette actualité budgétaire est très inquiétante quant au fonctionnement de notre République et à la dérive autoritaire que nous voyons poindre.
L’article 24 de la Constitution de la Ve République dispose : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. » Quant à l’article 47, il précise : « Le Parlement vote les projets de loi de finances. » Or pour voter la loi, pour contrôler l’action du Gouvernement et pour évaluer les politiques publiques, les parlementaires ont besoin de recevoir des informations et d’interroger ceux qui, sur le terrain, mènent ces politiques publiques, obéissent au Gouvernement et utilisent l’argent public.
Pour que nos institutions fonctionnent correctement, il est indispensable, il est normal et je dirais même qu’il est sain que les personnes, notamment les hauts fonctionnaires, qui s’expriment devant les commissions parlementaires puissent le faire en toute franchise. Et, en cas de sujets sensibles, ce qui est bien évidemment le cas des affaires de défense, les auditions se font à huis clos. Elles n’ont donc pas vocation à être rendues publiques.
Si les personnes entendues par les commissions ne viennent que pour répéter des éléments de langage préparés par leur autorité de tutelle ou pour, sur ordre, cacher la vérité, voire mentir, plus besoin que nous perdions notre temps à les auditionner. Mais on change alors la Constitution, car, si pour contrôler l’action du Gouvernement, vous n’avez que la parole du ministre, cela ne va pas être facile… Et, si le pouvoir législatif n’équilibre plus le pouvoir exécutif, on change de régime et l’on quitte le système démocratique !
Le Sénat a récemment obtenu la condamnation d’un homme qui avait menti devant une commission d’enquête ; c’est bien la preuve que nos institutions ne fonctionnent que si la parole est libre, vraie et sincère devant le Parlement, qui, je le rappelle, représente le peuple souverain.
Je conclurai par les mots de Georges Orwell : « Dans des temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire. » Je suis sûr que le Vendéen Pierre de Villiers, qui a servi la France pendant quarante-trois années avec honneur et fidélité, sera ému d’être passé du côté des révolutionnaires. (M. François Marc s’exclame.)