M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article unique.
M. Pierre-Yves Collombat. Sans allonger les débats, je veux dire que ce débat est surréaliste. Je crains que, au mois de juillet prochain, on ne devienne encore plus intelligent que maintenant ! (Sourires.) Je suis prêt à prendre le pari que ceux-là mêmes qui sont d’accord avec le texte aujourd’hui seront demain d’un avis complètement opposé. On passe son temps à revoir les textes : ce n’est ni nouveau ni infamant.
Sur le fond, je ne veux pas être blessant, mais il faut sortir des vingt arrondissements parisiens pour se rendre compte que les intercommunalités sont très différentes,…
M. Alain Joyandet. Bien sûr !
M. Pierre-Yves Collombat. … y compris les communautés d’agglomération. Certaines sont très agglomérées et urbanisées, tandis que, dans d’autres, la question des compétences « eau » et « assainissement » a été réglée depuis longtemps, à la satisfaction générale.
Quant à l’argument du bénéfice à attendre des grandes organisations, il est parfois vrai, mais parfois faux. Je prendrai l’exemple de ma commune, qui a intégré, parce que je l’ai voulu – c’est pourtant une commune rurale, ce qui montre que je ne suis pas allergique à cette solution ! –, une communauté d’agglomération. La compétence enlèvement des ordures ménagères était obligatoire, ce qui a entraîné un doublement de la taxe dans ma commune !
Notre collègue a raison : c’est au cas par cas qu’il faut raisonner. Pour cela, il faut laisser aux communes la liberté de choisir la solution qui leur convient le mieux !
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article unique.
M. Daniel Gremillet. Cette proposition de loi est vraiment un texte pour les territoires. Ici, nous sommes au Sénat, qui représente justement ces territoires. Nous sommes dans une posture non pas d’échéance politique, mais d’écoute des territoires. Si effectivement le bon sens l’emporte, cela signifie qu’il faut revenir à la proximité, aux réalités de terrain, à la faisabilité.
Je suis d’autant plus à l’aise pour évoquer cette question que j’ai voté contre la loi NOTRe, notamment en raison de la dimension trop importante des structures intercommunales qui éloigne et déresponsabilise. Mais le débat ne se situe pas là aujourd’hui. Ces structures sont en marche, en route. Elles se sont organisées, mais certains domaines ne le sont pas, dont celui que nous évoquons aujourd’hui. Cela nous laisse la possibilité, si l’on est à l’écoute des territoires, de corriger le tir.
Quel est le problème, sinon de laisser la liberté aux acteurs des territoires de jouer l’efficacité ? Je ne voudrais pas que le Sénat décourage ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps. Nous sommes tous sur le terrain, quelles que soient nos sensibilités politiques, et nous savons combien de personnes, dans les équipes municipales et les syndicats, consacrent de leur temps à la gestion de l’eau et ne coûtent presque rien : c’est du bénévolat ! C’est le premier point que je voulais aborder.
Par ailleurs, je veux évoquer la règle économique.
Je le dis toujours, en économie, il faut boxer dans sa catégorie. Dans certains territoires, on peut répondre aux besoins en termes de qualité d’eau et de service rendu aux milieux ruraux, sans que, pour autant, les coûts soient astronomiques, c’est-à-dire que l’on a à la fois la proximité et le service rendu aux citoyens. C’est donc une loi de bon sens, qui responsabilise les acteurs des territoires. Je reviendrai tout à l’heure sur l’amendement de M. Joyandet, qui s’inscrit dans cette logique de proximité et de responsabilité.
Quelle que soit notre sensibilité politique, cette loi est très attendue sur le terrain.
M. Jean Bizet. Très juste !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, sur l’article unique.
M. Alain Vasselle. Je suis d’autant plus à l’aise pour intervenir sur cette proposition de loi que je n’étais pas encore redevenu sénateur lorsque la loi NOTRe a été soumise à l’examen de notre assemblée. D’ailleurs, si j’avais été présent, je pense que je ne l’aurais pas votée.
Cela étant dit, je veux attirer l’attention de nos collègues sur quelques points, en précisant au préalable que je fais miennes les trois dernières interventions, car elles sont pertinentes et inspirées par le bon sens et la sagesse du Sénat.
Il me semble que notre assemblée, dans sa sagesse, devrait suivre la proposition faite dans l’amendement de M. Joyandet. J’ai cru comprendre que notre rapporteur n’était pas totalement indifférent à cette proposition, même si, pour sa part, la commission des lois a émis un avis négatif à une courte majorité.
Je veux faire deux remarques.
Premièrement, il ne faut pas oublier que les périmètres des bassins versants en ce qui concerne l’eau ne correspondent pas systématiquement à ceux des intercommunalités.
M. Jean Bizet. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. Deuxièmement – je serai bref, car j’interviendrai peut-être sur l’amendement tout à l’heure –, je ne sais pas si des collègues du Morbihan sont présents, mais j’ai le souvenir que Josselin de Rohan, ancien sénateur de ce département, avait évoqué la création d’un syndicat départemental de l’eau, pour parvenir à une mutualisation du prix de l’eau.
M. Jean Bizet. C’est exact !
M. Alain Vasselle. Cela signifie que si vous rendez obligatoire l’exercice de cette compétence par les communautés d’agglomération, il faudra dissoudre ce syndicat pour que celles-ci, s’il en existe dans le département, reprennent la compétence.
Soyons cohérents et pragmatiques, et que le bon sens l’emporte dans nos décisions législatives ! (MM. Michel Savin et Alain Joyandet applaudissent.)
M. Jean Desessard. Ce n’est pas le bon sens qui l’avait emporté il y a deux ans !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article unique.
M. Alain Houpert. J’aime beaucoup M. Desessard, qui a le verbe haut, mais je l’invite à traverser le périphérique pour venir voir des intercommunalités en province.
Dans une intercommunalité, communauté d’agglomération, communauté urbaine ou métropole, il y a le centre et la périphérie. Les communes de la périphérie ne bénéficieront jamais des mêmes services que le centre.
Aujourd’hui, nous saluons tous le bon sens et la sagesse dont fait preuve le Sénat en s’interrogeant sur la pertinence des transferts de compétences. Le travail des sénateurs que nous sommes tous consiste à ausculter les territoires et de revenir à une juste proportion. La loi NOTRe a été adoptée, mais, comme toutes les lois, elle a des aspérités qu’il faut polir pour construire cet édifice qu’est la République française.
Je voterai cette proposition de loi et l’amendement de M. Joyandet, car, s’agissant des compétences « eau » et « assainissement », il ne faut pas oublier le volontariat, qui est très important. Vous avez dit, monsieur Desessard, qu’on pouvait transférer les emplois à l’intercommunalité. Mais très souvent dans les petites communes, il s’agit non pas d’employés, mais de volontaires, des conseillers municipaux.
Les bassins versants ont leurs aspérités, sont différents ; c’est une mosaïque. Venez dans la communauté d’agglomération de Beaune, au sud de la Côte-d’Or : si Beaune est très riche, les communes périphériques sont très pauvres. Avec du bon sens et du volontariat, on peut servir l’eau aux habitants au moindre prix.
On parle beaucoup d’économies. Certes, nous allons en faire, mais les véritables économies sont celles qui sont réalisées par les consommateurs lorsqu’ils payent leur eau.
Je rappellerai les propos d’un Président de la République mort en exercice : « Arrêtons de faire des lois qui embêtent les Français ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article unique.
Mme Marie-France Beaufils. Je partage les propos tenus précédemment par mon collègue Bernard Vera. Je veux insister sur la notion de choix, qui me semble importante, d’autant que la diversité de nos territoires est très grande.
Dans mon intercommunalité, qui est en train de se transformer, puisqu’elle sera passée d’une communauté d’agglomération à une communauté urbaine, puis à une métropole, nous sommes sous la pression de la mise en œuvre de la compétence « eau ». Ce dont nous discutons ici aujourd’hui, c’est-à-dire le transfert de cette compétence « eau » à la nouvelle intercommunalité, nous le vivons très précisément, et très mal.
Pourquoi ? Nous avons mis en œuvre depuis des années une régie municipale de l’eau, alors que l’intercommunalité a des délégations de service public, des régies… Cet énorme brassage ne permet pas, pour le moment, d’avoir une unité. Nous ne sommes pas aujourd’hui capables d’avoir quelque chose qui sorte de façon correcte et dans de bonnes conditions.
Cette proposition de loi permet de laisser une liberté de choix. Si nous avions eu ce choix dans notre intercommunalité, nous aurions regroupé ceux qui étaient en régie…
M. Michel Savin. Bien sûr !
Mme Marie-France Beaufils. … et qui pompaient dans la Loire de quoi s’alimenter, alors que d’autres avaient opté pour des solutions différentes. Nous n’aurions pas choisi de prendre cette compétence pour l’intercommunalité, nous l’aurions fait pour des territoires différents.
C’est la raison pour laquelle il est important de redonner le choix, et le texte proposé peut le permettre. Mais vous ne l’avez prévu que pour les communautés de communes, alors qu’il serait bon de l’élargir.
M. Jean Bizet. Très juste !
Mme Marie-France Beaufils. Toutes les intercommunalités ont besoin d’avoir le choix.
Par ailleurs, il est angélique de penser que le regroupement permettra d’avoir un prix de l’eau très intéressant pour tout le monde.
M. Michel Savin. Vous avez raison !
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons débattu il y a peu du droit à l’eau. Si je prends l’exemple de mon intercommunalité, on assistera à une augmentation du prix de l’eau par rapport à celui que je propose aux habitants de ma commune avec une régie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Bien sûr !
M. Michel Savin. Pour le même service !
Mme Marie-France Beaufils. On ne peut pas faire des amalgames de choses prétendument naturelles, car elles ne le sont pas. Un prix de l’eau moins élevé pour ceux qui consomment moins, pour les foyers les plus modestes, ce n’est pas naturel non plus !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article unique.
M. Marc Laménie. Cette proposition de loi nous permet de nous rassembler sur un sujet important, que nous vivons au quotidien dans nos territoires, notamment ruraux, et dont certains d’entre nous peuvent témoigner.
Certes, la loi NOTRe a été adoptée, mais on peut aujourd'hui se rendre compte de ce qui va et de ce qui ne va pas. Il faut faire évoluer la loi. De nombreux élus, qui font notamment partie de petits syndicats intercommunaux d’alimentation en eau potable, se sont émus de la disparition de ces syndicats : ils sont réellement inquiets. Leurs attentes sont légitimes, car les syndicats fonctionnent avec des élus bénévoles.
Comme ma commune est isolée, un syndicat assure la maintenance vingt-quatre heures sur vingt-quatre, car je ne suis pas compétent pour réparer les fuites… On arrive ainsi à maintenir un service public de l’eau qui répond réellement aux attentes.
Il faudrait remettre cette compétence à une grande communauté de communes. Mais on le constate déjà pour d’autres secteurs, ce transfert soulève des questions chez nous, les élus de base et de proximité. Car, dans le fond, ceux qui connaissent le mieux le réseau, ce sont les élus de proximité, les fontainiers. Si la compétence relève d’« usines à gaz », cela ne pourra pas aller !
Ce combat correspond à une réalité locale de gestion du service public de l’eau et de l’assainissement. Ce débat nous anime avec passion, car il porte sur la reconnaissance d’un service de proximité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, sur l’article unique.
M. Bernard Delcros. Une partie de notre discussion est hors sujet : la question est de savoir non pas si nous avons, ou non, voté la loi NOTRe, mais si cette proposition de loi est utile pour nos territoires et si elle prévoit une mesure de bon sens.
J’approuve, pour ma part, cette proposition de loi, car il est important de laisser le choix aux élus de trouver les bonnes solutions et, surtout, le meilleur échelon pour répondre aux problèmes qui se posent.
Je rejoins Mme Beaufils quant à la distinction à faire entre théorie et pratique. Si, en théorie, on peut penser que confier cette compétence à une communauté d’agglomération permettra une mutualisation et une baisse du prix, l’inverse peut aussi se produire, comme on pourrait rapidement le démontrer pour certains territoires.
Je le redis, il faut laisser aux élus le choix de trouver le bon échelon. Dans de nombreux cas, la petite commune – je suis maire de l’une d’entre elles – n’est pas le bon échelon, mais la très grande communauté de communes ne l’est pas non plus. Il faut aussi laisser un délai raisonnable aux élus pour mettre en place ce nouveau service. Je suis d’accord avec Jean-Pierre Sueur, la date du 1er janvier 2020 me paraît très proche.
Je suis favorable à la proposition de loi et à l’amendement de M. Joyandet.
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi, sur l’article unique.
M. René Danesi. Je formulerai deux brèves observations.
La ressource, le transport, la consommation et l’assainissement de l’eau sont profondément liés à la géologie et à la géographie physique, humaine et économique. L’eau potable est diverse et elle ne peut pas être enfermée dans un carcan uniformisé pour tout le pays, et encore moins dans un carcan idéologique.
Il me paraîtrait normal que le Sénat exprime, à l’occasion de cette proposition de loi, sa confiance dans la capacité d’adaptation des élus locaux aux réalités locales.
Pour ces raisons, je voterai cette proposition de loi des deux mains, en ma qualité de maire rural qui a géré un réseau intercommunal d’eau et d’assainissement pour douze communes rurales pendant quarante-deux ans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 1 rectifié quinquies est présenté par MM. Joyandet, D. Laurent, Lemoyne, Milon, Raison, Longuet, Danesi, G. Bailly, Vial, Vasselle, de Legge et J.P. Fournier, Mmes Lopez et Deseyne, MM. Grand, Revet, Pierre et Grosdidier, Mme Primas, MM. Huré, Chaize et Lefèvre, Mme Deromedi, MM. Vogel, Masclet, B. Fournier, Chatillon, Charon, Houpert, Laménie, Doligé, Calvet, Leleux, Bouvard, A. Marc, Chasseing et Pellevat, Mme Giudicelli, M. Bizet, Mme Gruny et MM. de Raincourt, Dufaut et Gremillet.
L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par M. Gabouty, Mme Billon, MM. Bockel, Capo-Canellas, Cigolotti et Delcros, Mme Doineau, M. D. Dubois, Mmes Gatel et N. Goulet, M. L. Hervé, Mmes Joissains et Loisier et MM. Luche et Vanlerenberghe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le II de l’article 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogé.
II. – En conséquence, compléter l’intitulé de la proposition de loi par les mots :
et des communautés d’agglomération
La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quinquies.
M. Alain Joyandet. Je commencerai par dire qu’il n’y a pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre.
Monsieur le ministre, j’ai été maire de Vesoul, ville-centre d’un petit département rural, pendant dix-sept ans. Autour de Vesoul, bien avant que l’intercommunalité ne soit obligatoire, nous avions fait un district urbain. Comme nous avons anticipé, nous sommes, si je puis dire, des « pros » de l’intercommunalité. Notre eau était déjà « districale » : elle est donc déjà intercommunale. Nous avons construit une usine des eaux ensemble et nous avons surtout préservé le service public pendant dix-sept ans. C’est toujours le cas, avec une qualité et un prix de l’eau tout à fait compétitifs.
Je ne prêche donc pas pour ma paroisse. Je dis simplement que tout est dans la nature. Ce que nous avons réussi à faire, un grand nombre de communautés de communes du département – il y en a dix-neuf autres – ne sont pas prêtes à le faire et n’ont pas envie de le faire, contrairement à ce que j’entends dans cet hémicycle. Cela coûte aussi très cher. Soyons concrets : un schéma directeur coûte entre 80 000 et 100 000 euros par communauté de communes. Multiplié par vingt, vous voyez ce que cela représente pour ces toutes petites communes !
Certains syndicats des eaux n’ont pas la même superficie que nos communautés de communes.
Nous avons évoqué la fameuse réunion de la commission mixte paritaire, et je ne reviendrai pas sur l’intérêt de la loi NOTRe, que j’ai votée. Mais je regrette aussi le seuil de 15 000 habitants. Dans ma communauté de communes, cela ne pose pas de problème puisqu’elle comprend 35 000 habitants. Mais on coupe des communautés de communes en deux pour les répartir dans d’autres qui n’ont pas les mêmes compétences. On fait tout cela en le rendant obligatoire, par des décisions qui tombent de Paris et qui doivent s’appliquer uniformément sur le territoire. Ce n’est pas cela, la France ! Certaines choses peuvent être appliquées facilement dans des endroits et plus difficilement dans d’autres.
La proposition de loi permet uniquement à chacun en fonction de son territoire de faire ou de ne pas faire, ou même de prendre un peu du temps pour faire. On n’interdit rien, on permet seulement aux collectivités de décider elles-mêmes.
Mon amendement permet d’élargir le dispositif aux communautés d’agglomération, car, sur le territoire, les toutes petites communautés d’agglomération rencontrent les mêmes problèmes que les communautés de communes. Pour certaines communautés d’agglomération, cela sera certainement facile à faire, mais d’autres n’y parviendront pas. (M. Alain Houpert applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.
M. Jean-Marc Gabouty. Je ne reviendrai pas sur l’excellente argumentation de mes collègues Alain Joyandet et Daniel Gremillet. Je veux simplement rappeler que les dispositions de la loi NOTRe sur le transfert obligatoire de l’eau et de l’assainissement aux EPCI n’ont pas été introduites par le Sénat, qui s’y est opposé. Mais notre assemblée n’a pas voulu pas faire échouer la commission mixte paritaire pour conserver certains acquis. Voilà quel est l’historique exact de ce dispositif.
Sur les compétences « eau » et « assainissement », la cohérence voudrait aujourd’hui que le Sénat se prononce de la même manière que lors des débats sur la loi NOTRe, outre la concession acceptée pendant la commission mixte paritaire.
J’ajoute que, s’agissant de ces compétences, il ne s’agit plus vraiment d’intercommunalité. Aujourd’hui, avec le transfert obligatoire et la concentration des compétences, c’est de la « supracommunalité » pour ceux qui la vivent.
Selon les territoires concernés, le transfert d’un certain nombre de compétences obligatoires peut conduire à réaliser des économies ou à engendrer des surcoûts, des lourdeurs et des lenteurs.
Dans mon EPCI, le transfert de l’assainissement a déjà eu lieu il y a quelques années. Je vais vous faire part de mon expérience de maire depuis deux décennies.
Auparavant, lorsqu’un problème sur le réseau nous était signalé et que la compétence était exercée par la commune, on mettait un ou deux jours pour le résoudre, au maximum une semaine. Aujourd’hui, on prend d’emblée un ticket pour un mois ! Croyez-moi, nos concitoyens apprécient cette réactivité…
On constate donc un manque de proximité. Le principe de subsidiarité a été bafoué par différentes lois au cours de la dernière décennie. Certains territoires peuvent faire ces choix, et la proposition de loi n’empêche pas le transfert de compétences. Mais laissez la liberté à ceux qui veulent s’organiser autrement de le faire ! C’est au plus près du terrain que l’on est le mieux placé pour savoir quelle est la meilleure organisation en termes de coût et de service rendu à nos concitoyens.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Castelli, Esnol, Fortassin, Guérini et Arnell, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le II de l’article 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogé.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Selon moi, aucune raison de fond ne justifierait que l’on ne vote pas mon amendement.
Cela a été dit, les communautés d’agglomération sont dans des situations très diverses. Par ailleurs, avec la loi NOTRe, on hérite de communautés de communes comprenant cinquante membres, voire davantage, constituant de véritables méli-mélo où l’on ne sait plus qui fait quoi… La différence était claire dans le texte de Jean-Pierre Chevènement.
Aucune raison ne justifie qu’on réserve un sort particulier aux communautés d’agglomération. Alors pourquoi la commission va-t-elle donner un avis négatif sur mon amendement ? J’imagine que c’est parce que, sur le plan tactique, le choix que nous avons fait – ne rectifier qu’à la marge, alors qu’il faudra aussi traiter les problèmes de fond – n’est pas bon. Je le dis par anticipation, la raison qui nous sera donnée pour rejeter l’amendement nous paraît de circonstance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nos collègues Alain Vasselle et Pierre-Yves Collombat ont anticipé mes propos.
J’avais initialement proposé un avis de sagesse, considérant que ce débat – les faits me donnent raison ! – devait avoir lieu dans l’hémicycle et parce que, comme nombre d’orateurs, notamment M. Sueur, l’ont souligné, il y a non pas un seul modèle de communauté d’agglomération, mais plusieurs, entre celles qui ont un caractère très urbain et celles qui incluent – elles représentent aujourd’hui pratiquement la majorité – des territoires périurbains et ruraux.
S’agissant de cette seconde catégorie de communautés d’agglomération, la logique est presque la même que pour les communautés de communes.
La commission des lois en a décidé autrement et a rejeté l’avis de sagesse que je lui avais proposé.
L’avis est donc défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Après les propos que j’ai tenus dans mon intervention liminaire, vous comprendrez que mon avis soit défavorable.
Le débat est reparti sur l’intercommunalité. Monsieur Joyandet, je ne peux pas vous laisser dire que tout est imposé depuis Paris ! La loi est faite ici, mais ce sont les commissions départementales, dans lesquelles les élus sont majoritaires, qui arrêtent les schémas.
M. Alain Joyandet. Non, pas du tout !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe votera contre ces amendements.
En effet, il nous paraît raisonnable d’apporter aux communautés de communes la souplesse que cette proposition de loi prévoit, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
Mais, en ce qui concerne le monde urbain, les choses sont très différentes, et je vois mal comment on peut mettre en place un dispositif différent pour, d’une part, les communautés d’agglomération et, d’autre part, les communautés urbaines et les métropoles.
M. Alain Joyandet. Bien sûr que si, c’est possible !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est bien le cas jusqu’à maintenant !
M. Jean-Pierre Sueur. Cette mesure se justifie pour les communautés de communes, et je crois comprendre la raison qui peut motiver ces amendements.
Mes chers collègues, nous n’avons pas été assez vigilants – disons-nous quelques vérités – quant à la définition des communautés d’agglomération. Pour moi, il s’est toujours agi d’instances urbaines où existe un tissu urbain aggloméré.
Or la réalité est qu’il existe maintenant des endroits où on a créé, au travers d’une sorte de détournement de la loi – je le dis clairement –, une « communauté d’agglomération » autour d’une commune de 10 000 ou 15 000 habitants et 60 villages. Je comprends, dans ces conditions, que l’on dise que l’on peut les assimiler à de grosses communautés de communes, ce qui est la réalité.
M. Alain Joyandet. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Néanmoins, pour ma part, je regrette ces exceptions, ou ces quelques cas, car, si je suis pour une organisation structurée et dynamique de l’urbain et pour une organisation moderne et dynamique du monde rural et des moyennes et petites communes, je ne suis, en revanche, pas pour la confusion consistant à appeler « agglomérations » des espaces qui n’en sont pas.
Mme Marie-France Beaufils. Laissons-leur le choix !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes favorables aux communautés de communes, mais nous ne voterons pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Certes, on peut comprendre que cette proposition se justifie à l’échelle des communautés de communes, mais je voterai, moi aussi, les deux amendements identiques en raison de ce que l’on a vécu lors du transfert de cette compétence à de grosses intercommunalités.
Il en est en effet résulté que, loin de baisser, le prix payé par l’abonné a fortement augmenté, pour un service identique, voire moins bon.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Michel Savin. Le discours selon lequel les grosses structures seraient de nature à rationaliser et créer des économies se révèle infondé dans beaucoup de cas.
Monsieur Desessard, lorsqu’une petite commune a un agent, voire deux, celui-ci ne s’occupe pas que du service de l’eau, il s’acquitte également de tâches concernant la voirie, les bâtiments ou encore l’entretien des cours d’eau. Il est donc impossible pour la commune de le transférer vers l’intercommunalité, sans quoi elle n’a plus d’agent. Elle transfère donc la compétence sans l’agent, qui reste à la charge de la commune, ce qui représente un coût pour la collectivité dans la mesure où l’intercommunalité qui récupère la compétence est dans l’obligation de recruter pour assurer le service.
Ainsi, le coût global s’avère supérieur, voire très supérieur. Dans certains cas, ce mécanisme entraîne donc non pas une économie, mais un surcoût.
M. Alain Joyandet. Tout à fait !
M. Jean-Baptiste Lemoyne et Mme Sophie Joissains. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.