M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour le groupe du RDSE.
Mme Hermeline Malherbe. Ma question s'adressait à M. le ministre de l’agriculture, mais j’ai bien compris que c’est M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales qui me répondra.
Les agriculteurs, et particulièrement les viticulteurs, dans mon département comme partout ailleurs en France, sont inquiets. Plusieurs éléments contribuent en effet au déséquilibre de l’économie agricole.
Tout d’abord, l’accès au foncier est une question essentielle pour nos agriculteurs. L’accaparement des terres et l’étalement urbain rendent encore plus problématique l’installation des jeunes agriculteurs, qui était déjà difficile.
La proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle ouvre de nouvelles possibilités aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui disposent des outils adéquats pour limiter le risque d’accaparement des terres agricoles par des sociétés étrangères, comme l’a si bien souligné mon collègue Alain Bertrand la semaine passée.
L’artificialisation des terres agricoles et l’étalement urbain se font au détriment des espaces agricoles. La menace est là aussi réelle. Des dispositifs efficaces existent pourtant : je pense par exemple aux périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains, les PAEN, tel celui qui a été mis en œuvre dans les Pyrénées-Orientales. Cependant, ce dispositif est encore trop peu utilisé sur l’ensemble du territoire français pour produire de réels effets en matière de préservation du foncier agricole.
Le transfert des droits de plantation constitue une autre difficulté, particulièrement pour les vignerons. Il est possible d’acheter des vignes dans une autre région, de les arracher et de bénéficier d’un droit à replanter dans sa région d’origine. Ces transferts sont possibles même dans les zones d’appellation d’origine contrôlée ou d’indication géographique protégée. Les bassins concernés s’en trouvent fragilisés, comme l’a souligné le député Pierre Aylagas dans une question écrite.
Au déséquilibre économique subi s’ajoutent le pillage du potentiel de production, ainsi que des préjudices sanitaires et environnementaux. Que compte faire le Gouvernement pour protéger nos agriculteurs et nos viticulteurs contre ces pratiques néfastes,…
M. François Grosdidier. Rien !
Mme Hermeline Malherbe. … et, plus largement, comment assurer une meilleure maîtrise du foncier agricole ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l’agriculture, retenu par d’autres occupations.
Le Gouvernement est actif sur le sujet que vous évoquez à bon droit.
Premièrement, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a renforcé les outils de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, afin de freiner leur consommation.
Deuxièmement, nous avons renforcé le rôle des SAFER et du contrôle des structures. Il s’agit là aussi de préserver les espaces agricoles et naturels, et partant de favoriser l’installation des agriculteurs et la diversité des projets.
Ce volet a été renforcé récemment, avec l’adoption à l’unanimité d’une proposition de loi par le Sénat. Malheureusement, soixante-dix députés du groupe Les Républicains, dont MM. Jacob et Le Maire, ont saisi le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Cela témoigne d’un manque de cohérence entre le groupe Les Républicains du Sénat et celui de l’Assemblée nationale ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En outre, madame la sénatrice, pour mener une politique efficace en la matière, l’accompagnement des élus locaux est nécessaire, en particulier celui des maires qui délivrent les permis de construire. Il faut une vision partagée sur ce sujet.
Concernant les autorisations de plantation de vignes, la majorité précédente (Protestations sur certaines travées du groupe Les Républicains.), en accord avec l’Allemagne, avait entériné la fin de la régulation des plantations viticoles dans l’Union européenne.
M. François Grosdidier. Vingt ans après…
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous l’avons sauvée au travers de la réforme de la PAC de 2013.
Enfin, j’indique que les professionnels du cognac seront reçus demain par le ministre de l’agriculture. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous le voyez, madame la sénatrice, la maîtrise du foncier, la défense des viticulteurs et des agriculteurs restent des priorités du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour la réplique.
Mme Hermeline Malherbe. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’éclairer l’ensemble du monde agricole sur les actions menées. Je profite de cette occasion pour saluer l’excellent travail réalisé avec Xavier Beulin, président de la FNSEA récemment décédé. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
grippe aviaire
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Louis Carrère. Ma question porte sur la grippe aviaire.
Le ministre de l’agriculture était dans les Landes mardi ; je le remercie de son action et de sa disponibilité. Toutefois, dans le contexte actuel, les professionnels de cette filière d’excellence ont besoin d’être rassurés, car ils sont en déshérence. Ils n’ont pas même encore perçu 30 % de ce qui leur est dû par l’Europe au titre de l’épisode de 2016. Ils ont besoin d’être rassurés sur les volumes et sur le calendrier. Je demande donc au Gouvernement de tenir les engagements pris, bien sûr, mais en les assortissant de dates précises.
Par ailleurs, le ministre doit élaborer un pacte avec l’ensemble des professionnels pour apporter des correctifs en matière de biosécurité ; il y va de la pérennité de la filière.
Il faut absolument que le Gouvernement nous éclaire sur les solutions qu’il entend négocier avec le Comité interprofessionnel du foie gras et tous les partenaires pour sauver cette filière d’excellence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir salué le travail et l’engagement de Stéphane Le Foll, qui, comme vous l’avez dit, était encore dans les Landes mardi dernier. Il m’a demandé de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
La crise est effectivement très grave. Il faut d’abord stabiliser la contamination. Pour ce faire, les services de l’État ont étendu la zone d’abattage préventif dans des secteurs encore instables, notamment l’ouest du département des Landes et une partie du nord des Pyrénées-Atlantiques. Sous quinze jours, tous les palmipèdes de ce périmètre seront abattus. Parallèlement, une interdiction de mouvements a été décidée pour l’ensemble des Landes et du nord des Pyrénées-Atlantiques. Il n’y a pas d’autre stratégie possible, la vaccination ne permettant pas de stopper la diffusion du virus.
Les remises en place de palmipèdes ne seront possibles que d’ici à la fin du mois de mai, mais les gallinacés peuvent d’ores et déjà être remis en place dans les zones stables.
Concernant l’indemnisation, là encore l’État sera au rendez-vous. Pour l’amont de la filière, les premiers versements interviendront en mars pour les éleveurs ayant subi un abattage et les pertes économiques dues aux restrictions de mouvements seront indemnisées au printemps. Le reste dû au titre de la crise de 2016, c’est-à-dire 30 %, sera versé à partir du mois d’avril. Pour l’aval de la filière, le soutien à la trésorerie sera évidemment reconduit pour les éleveurs en difficulté.
Enfin, au-delà de l’urgence, il convient, comme vous l’avez dit, de pérenniser et de solidifier l’ensemble de la filière. Une réflexion sur un pacte qui pourrait lier tous les acteurs de la filière et qui porterait sur l’organisation des flux et les mesures de confinement nécessaires pour éviter le contact avec les oiseaux migrateurs est engagée entre la profession et l’État. Les mesures devront bien sûr être adaptées aux différents types de production et aux capacités d’investissement des acteurs, notamment des éleveurs. En tout état de cause, monsieur le sénateur, nous veillerons à préserver la diversité des situations et des modèles. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
brexit
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe de l’UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Cadic. Depuis l’annonce du Brexit, il y a huit mois, les 300 000 Français établis au Royaume-Uni, et au-delà les 3 millions d’Européens vivant outre-Manche, n’ont reçu aucune assurance sur leur statut de la part des autorités britanniques.
La situation devient de plus en plus anxiogène, sur fond de xénophobie ambiante et décomplexée, nourrie par les atermoiements de Theresa May, qui ne veut pas déplaire à des tabloïds qui font de la haine de l’Europe leur fonds de commerce. Les Européens ne se sentent plus bienvenus. Par exemple, le questionnaire à remplir pour obtenir un certificat de résident permanent est passé de douze à quatre-vingt-cinq pages, et s’il est jugé incomplet, vous recevez en retour une invitation à quitter le territoire ! Les employeurs refusent désormais de prendre le risque d’embaucher en CDI des ressortissants de l’Union européenne. Ceux-ci vivent cette discrimination avec beaucoup d’amertume.
Lundi dernier, avec Patricia Connell et Nicolas Hatton, nos élus consulaires du Royaume-Uni, j’étais aux côtés de milliers de manifestants devant Westminster à l’appel du mouvement The 3 Million, qui exige une clarification, dès à présent, du statut des 3 millions de citoyens de l’Union européenne résidant au Royaume-Uni. Ces derniers refusent de servir de monnaie d’échange lors des futures transactions.
Vendredi dernier, le Premier ministre a rencontré Theresa May. Qu’avez-vous fait pour que les droits des Européens établis au Royaume-Uni soient préservés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous le savez, la Chambre des Communes s’est prononcée. Il appartient désormais à la Chambre des Lords de le faire, de manière que le Gouvernement britannique soit autorisé à activer l’article 50 avant la fin du mois de mars, comme Mme Theresa May s’y était engagée, en vue d’amorcer les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
C’est sur cette base et dans le cadre fixé par les vingt-sept chefs d’État ou de Gouvernement de l’Union européenne que s’engageront les négociations, qui porteront à la fois sur la séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne, sur ses conséquences, notamment financières, et sur les relations futures, y compris sur les plans économique et commercial, voire sur une participation du Royaume-Uni à un certain nombre de politiques communes, par exemple en matière de recherche. Cela impliquerait, pour ce pays, un certain nombre d’obligations financières.
M. François Grosdidier. Vous devriez plutôt répondre à la question !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. La première question, qui a bien sûr été au cœur des récents échanges, à Londres, entre M. Bernard Cazeneuve et Mme Theresa May, est celle du statut des citoyens européens qui vivent au Royaume-Uni et des citoyens britanniques installés dans les pays de l’Union européenne. Comme vous l’avez indiqué, environ 300 000 Français résident outre-Manche, tandis que quelque 150 000 Britanniques vivent en France. Ils ne sauraient être victimes d’un référendum que nous n’avons pas souhaité, d’une décision que nous n’avons pas voulue et qui est de la seule responsabilité des Britanniques.
Nous respectons cette décision, mais nous ferons en sorte que les négociations préservent les intérêts de l’Union européenne, de son économie et de ses entreprises, mais aussi et d’abord de ses citoyens.
M. François Grosdidier. Ce n’est pas la question !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Puisque c’est la dernière fois que j’interviens dans cet hémicycle, je voudrais remercier M. le président Larcher et M. le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, pour le travail que nous avons effectué ensemble, dans un esprit de coopération, sur les questions européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.
M. Olivier Cadic. La détresse de nos compatriotes installés outre-Manche ne me semble pas prise en compte. Il serait temps que nous devenions proactifs ; nous subissons depuis trop longtemps le calendrier britannique. Commençons par régler unilatéralement la question du statut des Britanniques installés dans l’Union européenne. Nous pourrions leur accorder, immédiatement et sans contrepartie, le maintien de leur statut de citoyen européen jusqu’à la fin de leur vie. Ainsi, le Brexit n’aurait pas d’effet sur eux. Une telle démarche placerait le Gouvernement britannique devant ses responsabilités. Il ne pourrait plus se servir des Européens installés au Royaume-Uni comme d’une monnaie d’échange lors de futures négociations. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
justice
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Ma question porte sur la situation du service public de la justice en France au terme de ce quinquennat.
Je voudrais partager l’état des lieux qu’est en train de dresser la commission des lois du Sénat, qui enquête depuis plus de six mois sur la situation de la justice française. Celle-ci est grave. J’évoquerai quelques indicateurs qui sont, hélas ! éloquents : le délai moyen de jugement est passé de sept mois à onze mois pour les tribunaux de grande instance, de treize mois à seize mois et demi pour les conseils de prud’hommes ; la moitié seulement des condamnations reçoivent un commencement de mise à exécution dans l’année qui suit le prononcé. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
La politique pénale est un fiasco ! Vous avez renoncé à créer des places de prison et souhaitez vider les prisons (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) en privilégiant une nouvelle politique, celle de la contrainte pénale. Or la contrainte pénale ne représente que 1 000 décisions par an. En revanche, nos magistrats veulent être sévères : ils ont prononcé 130 000 condamnations en 2016 ; n’est-ce pas là un désaveu cinglant ?
La situation de nos prisons est catastrophique et inhumaine. Vous avez suspendu la loi de 2012, qui prévoyait la création de 10 000 places de prison. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une saturation de nos prisons, qui accueillent 68 000 détenus pour 58 000 places. N’est-il pas temps de dresser le constat d’échec de cette politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas une question, c’est un meeting !
M. le président. La parole à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Bas, après ce réquisitoire violent,…
M. Philippe Bas. Ce sont des faits !
M. Charles Revet. C’est la réalité !
M. André Vallini, secrétaire d'État. … je vais essayer de plaider la cause, qui est bonne, du Gouvernement en matière de justice.
Je voudrais tout d’abord citer à mon tour quelques chiffres.
Pour 2017, le budget de la justice, en fonctionnement et en investissement, est en progression de 4,2 %. C’est une hausse exceptionnelle dans le panorama budgétaire de notre pays.
La justice n’est pas lente uniquement parce que la demande de nos concitoyens s'accroît, notamment par suite de la judiciarisation de la société, mais aussi parce que l’on manque de magistrats. Depuis 2012, 2 282 nouveaux magistrats sont passés par l'École nationale de la magistrature et 5 512 nouveaux fonctionnaires de greffe ont été formés à Dijon.
Depuis cette même année, l'augmentation du budget de la justice s’élève à 14 %. La hausse avait commencé sous le gouvernement de Lionel Jospin. Elle avait été très forte pendant cinq ans et s’était poursuivie durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy – reconnaissons-le –, avant de se prolonger sous François Hollande. Mais il y a une grande différence entre le quinquennat de François Hollande et celui de Nicolas Sarkozy, qui tient à l’indépendance de la justice. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. François Grosdidier. Combien de prisons construites ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Il faut bien sûr que la justice reçoive les moyens de fonctionner, mais il faut aussi qu’elle soit indépendante ! Je donnerai trois illustrations de notre volonté de garantir l’indépendance de la justice.
Premièrement, depuis la loi du 25 juillet 2013, aucune instruction individuelle n'a été adressée aux magistrats : notre législation l'interdit.
Deuxièmement, tous les membres du parquet ont été nommés après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui constitue une rupture avec le quinquennat précédent, hormis l’époque où Michel Mercier était à la Chancellerie.
Enfin, la réforme constitutionnelle que nous avons essayé de faire aboutir pour rendre son indépendance au parquet a été bloquée par l'opposition à l'Assemblée nationale et par la majorité sénatoriale.
M. Roger Karoutchi. Quelle hypocrisie !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Bas, on peut toujours dire que la justice va mal, mais elle est de moins en moins lente et elle va de mieux en mieux en termes de fonctionnement et d'investissement.
M. François Grosdidier. Vous avez arrêté de construire des prisons !
Mme Éliane Assassi. Il ne faut pas des prisons, mais des écoles !
M. André Vallini, secrétaire d'État. Surtout, elle est indépendante ; souhaitons qu’elle le demeure dans les années qui viennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
plan de lutte contre les violences faites aux enfants
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Michelle Meunier. Ma question s’adresse à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Il y a un mois, à Saint-Herblain, le petit David, âgé de huit ans, est décédé après avoir subi des actes de torture et de barbarie commis par sa mère et son compagnon. Quelques jours plus tard, à Vitry-sur-Seine, le jeune Oumar, quinze ans, a succombé aux coups de ceinturon infligés par son beau-père. Le 6 février dernier, à Aire-sur-la-Lys, le jeune Yannis, cinq ans, est mort après avoir été puni pour avoir fait pipi au lit, frappé par son beau-père qui l’a forcé à courir dans le froid en pleine nuit.
Je pourrais, hélas ! continuer la liste, car, depuis le début de l'année, cinq morts violentes d'enfants ont été médiatisées. Ces enfants ont probablement subi, pendant des semaines, des mois, voire des années, des actes de violence et de maltraitance, le plus souvent dans le cadre familial.
Devant ces drames, notre société ne peut rester aveugle et sourde. Cette violence, nous le savons, recouvre des réalités diverses : violences physiques, violences sexuelles, violences psychologiques. Bien que ces sévices ne se terminent pas toujours par un décès, leurs conséquences sont graves pour les victimes. Le coût social du traitement médical et psychologique de ces jeunes et de ces adultes en devenir se chiffre en milliards d'euros. Il s’agit donc d’une urgence humaine et d’une urgence sociale, d’un problème majeur de santé publique.
Madame la ministre, le Gouvernement a su mettre en œuvre un plan global pour lutter contre les violences faites aux femmes. Vous avez manifesté votre volonté d’agir dans le même sens en faveur des enfants : pouvez-vous nous en dire davantage aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs travées du RDSE. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Joël Labbé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes. Je voudrais d’abord profiter de cette dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement de la législature pour remercier tous les sénateurs et sénatrices avec lesquels j’ai eu l’occasion de travailler au cours de ces trois dernières années, en particulier vous-même, madame Meunier, M. Gérard Roche, M. Georges Labazée, les deux présidentes successives de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Chantal Jouanno, M. Alain Milon et Mme Caroline Cayeux.
Pendant ces trois ans, je me suis attachée à déployer une politique globale de l'enfance, mais aussi à mettre en place une politique spécifique en faveur de l'enfance en danger.
La loi du 14 mars 2016, dont votre ancienne collègue Muguette Dini et vous-même avez eu l’initiative, a permis d’éviter les ruptures dans les parcours des enfants placés au titre de la protection de l'enfance, de mieux repérer et de mieux anticiper les difficultés familiales et les mises en danger des enfants, de décloisonner les interventions des acteurs publics, qu’ils relèvent de la justice, de l’éducation nationale, de l’aide sociale à l’enfance, de la psychiatrie, de la pédopsychiatrie.
J’ai acquis la conviction que la protection de l'enfance et la lutte contre les maltraitances ne sont pas réductibles à un sujet compassionnel. Elles constituent un sujet profondément et éminemment politique, qui convoque les représentations de la famille, de la liberté éducative, du rôle de l'école, des droits de l'enfant, de l'éducation à la sexualité et de la responsabilité dont chacun d’entre nous est investi envers les enfants en danger.
À ce titre, je regrette que le Sénat ait jugé utile de déférer au Conseil constitutionnel la mesure, adoptée dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, définissant l'autorité parentale comme devant s'exercer sans punition corporelle. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, cela revient à dire à tous ces parents que Mme Meunier évoquait à l'instant : « Vous pouvez frapper vos enfants, vous en avez le droit, mais pas trop, pas au point de les tuer, de les martyriser. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Allons !
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Laurence Rossignol, ministre. Il devient alors impossible, pour qui que ce soit, d’établir la différence entre la violence quotidienne, les punitions corporelles, le droit de correction et les maltraitances faites aux enfants.
Je présenterai la semaine prochaine le premier plan de lutte interministériel contre les violences faites aux enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
politique de santé
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Dans les domaines des affaires sociales et de la santé, le bilan du quinquennat qui s’achève n’est guère satisfaisant. Le pouvoir d'achat des Français a baissé en moyenne de plus de 500 euros depuis 2012…
M. Jean-Louis Carrère. C’est la suite du meeting !
M. Alain Milon. … et le nombre des travailleurs pauvres atteint 9 millions au terme du quinquennat de M. François Hollande. Alors que nos voisins européens ont enregistré des résultats probants en matière de lutte contre le chômage, le nombre des demandeurs d'emploi de catégorie A a crû, dans notre pays, de 500 000 en cinq ans.
M. Jean-Louis Carrère. Parlez-nous de vos assistants !
M. Alain Milon. Contrairement à vos annonces, le déficit de la sécurité sociale sera d’environ 4 milliards d’euros en 2017. La seule amélioration enregistrée est liée essentiellement à la réforme du régime des retraites réalisée par vos prédécesseurs, que vous aviez combattue.
Je suis au regret de devoir constater que vos réformes successives de la santé ont été aussi dogmatiques que bureaucratiques. Le niveau de remboursement des patients a baissé avec les contrats dits « responsables ». Le malaise à l'hôpital n'a fait que croître, et en décourageant la médecine libérale, vous avez favorisé le développement des déserts médicaux.
La baisse des allocations familiales a été un coup dur porté aux familles. Dans le même temps, vous n'avez pas su faire prendre au pays le virage du XXIe siècle : nous en avons débattu ici même hier soir. Il suffisait pourtant de s'inspirer de ce qui a fonctionné chez nos voisins européens.
En définitive, la loi El Khomri n’aura servi à rien : elle n’a été qu’un simulacre de réforme.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Milon. Le temps du bilan est venu. Ne pensez-vous pas que, face à la situation sociale inquiétante que connaissent les Français, face à la désespérance de beaucoup de nos compatriotes, il serait temps de faire résonner vos paroles avec la réalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur Milon, je vous prie de bien vouloir excuser Marisol Touraine, qui est en déplacement à l'étranger avec le Premier ministre.
Monsieur le président Milon, j'ai beaucoup d'estime pour vous, j'ai eu beaucoup de plaisir à débattre avec vous pendant ces trois années, mais je vous pensais capable de plus de modération. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Milon rit.)
Nous n’avons pas la même vision des choses. Pour notre part, nous sommes fiers d'avoir mené une vraie politique de gauche. Nous sommes fiers d'avoir rétabli l’équilibre des comptes sociaux – je rappelle que le déficit du régime général de la sécurité sociale dépassait 17 milliards d’euros il y a cinq ans – tout en ouvrant de nouveaux droits. Ainsi, 650 000 personnes ont pu partir à la retraite avant l'âge légal parce qu'elles avaient commencé à travailler très jeunes, 500 000 salariés travaillant dans des conditions particulièrement difficiles bénéficient déjà de points pénibilité, 4 millions de foyers ont touché la prime d'activité en 2016, des dizaines de milliers de femmes bénéficient de la garantie des impayés de pension alimentaire. Oui, nous sommes fiers de toutes ces réalisations !