COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jean-Pierre Leleux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d’un document
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le tableau de programmation des mesures d’application de la loi n° 2016–1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des lois.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne est parvenue à un texte commun.
4
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
interdiction de stade et accès à la fonction publique
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, auteur de la question n° 1546, adressée à Mme la ministre de la fonction publique.
M. Alain Duran. Madame la ministre de la fonction publique, je souhaitais appeler votre attention sur les éventuelles implications des mesures d’interdiction administrative ou judiciaire de stade pouvant être prises à l’encontre de supporters de clubs sportifs.
J’ai été saisi récemment du cas d’un supporter qui s’est vu retirer le bénéfice d’un concours de la fonction publique pour avoir, par le passé, fait l’objet de mesures d’interdiction administrative de stade, lesquelles n’ont pas été suivies d’une confirmation par l’autorité judiciaire. J’ajoute que ces faits n’étaient pas empreints de violence.
L’article 5 de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires, en vigueur, dispose : « Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire […] si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ».
Au regard de ce cas particulier, et sans nullement viser à porter une quelconque appréciation sur les fondements et la justesse des décisions des autorités administratives et judiciaires, je souhaite vous interroger, madame la ministre, en vue de savoir, d’une part, si le prononcé d’une ou plusieurs interdictions administratives ou judiciaires de stade est inscrit au casier judiciaire et, d’autre part, s’il est susceptible d’interdire aux personnes concernées d’intégrer la fonction publique au titre de l’article 5 de la loi précitée ou de l’enquête de moralité accompagnant l’accès à certains métiers publics.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. En effet, l’article 5 de la loi n° 83–634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précise que « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ».
Toutefois, le juge administratif rejette tout caractère automatique au refus de nomination fondé exclusivement sur la seule mention au bulletin n° 2.
Il incombe en effet à l’administration, sous le contrôle du juge, d’apprécier, au cas par cas, et selon une approche de proportionnalité, si les faits à l’origine de la condamnation mentionnée au bulletin n° 2 sont compatibles ou non avec la nature des fonctions auxquelles prétend l’intéressé.
Le cas sur lequel vous m’interpellez concerne un lauréat d’un concours de la fonction publique ayant fait l’objet d’une mesure préventive d’interdiction administrative de stade et non de la peine complémentaire d’interdiction de stade.
Faute d’inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire, l’interdiction administrative de stade n’est pas un motif qui entre dans le champ des dispositions précitées de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983.
Au-delà de l’incompatibilité prévue à l’article 5 et qui est examinée au regard des fonctions que le candidat à un emploi public est amené à exercer, l’administration peut exiger davantage des candidats à des emplois publics dont la déontologie est renforcée ; c’est le cas, par exemple, des corps de police ou des métiers de la justice.
Et, dans ce cadre, elle peut vérifier, sous le contrôle du juge, si l’intéressé présente les garanties requises pour exercer les fonctions auxquelles il prétend.
L’administration peut, à cet effet, prendre en compte des faits matériellement établis dont elle a connaissance, alors même qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une inscription au bulletin n° 2.
En l’absence de précisions sur le corps auquel ce lauréat pouvait accéder, il m’est difficile de vous en dire plus.
En effet, c’est au regard de la nature des fonctions à occuper que le comportement passé du lauréat, le cas échéant révélé lors d’une enquête de moralité, peut fonder la décision de refus de nomination, en dehors des motifs de refus énumérés à l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983.
M. le président. La parole est à M. Alain Duran.
M. Alain Duran. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse, qui apporte un éclairage utile sur un point de droit qui, force est de le constater, peut avoir des conséquences dramatiques pour certains jeunes susceptibles de se trouver dans cette situation.
conséquences pour la pêche de la sortie du royaume-uni de l'union européenne
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 1492, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos discussions de ce matin peuvent paraître futiles au regard des événements de cette nuit. Il me paraît important de le rappeler mais la vie continue…
Ma question s’adressait à M. Vidalies. Depuis le 23 juin dernier, date du référendum actant la volonté des Britanniques de sortir de l’Union européenne, les pêcheurs français sont inquiets, et parmi eux, les pêcheurs des Hauts-de-France le sont plus particulièrement. Cette décision, qui a des incidences sur de nombreux secteurs de notre économie, les inquiète à plusieurs titres.
En effet, si l’Union européenne a incontestablement des défauts et des lourdeurs bureaucratiques, elle a néanmoins instauré la communautarisation des zones économiques exclusives de ses États membres, ainsi que la négociation des totaux admissibles de capture, les TAC, et des quotas annuels.
La politique commune des pêches engendre d’âpres discussions chaque année, mais elle constitue un cadre connu, déterminé, pour une activité qui dépasse bien souvent les frontières nationales : 60 % de l’activité de la flottille régionale française se situent dans les eaux anglaises. Ce chiffre monte à 80 % pour les navires hauturiers qui pêchent au large de l’Écosse.
Les milliers d’emplois directs et indirects engendrés par la pêche doivent être protégés, et les professionnels méritent une lisibilité dans l’exercice de leur activité.
Alors que le gouvernement britannique a annoncé son intention d’activer la clause de sortie de l’Union européenne avant la fin du mois de mars prochain, les négociations seront rudes, et le rôle de la Commission sera primordial.
Qu’adviendra-t-il de l’accès des navires français aux eaux anglaises ? Qu’en sera-t-il de l’accès au marché unique pour les produits britanniques ? Et, enfin, les droits historiques des pêcheurs français, bien antérieurs à la création de l’Union européenne, puisqu’ils existent depuis la fin du XlXe siècle avec les pays riverains de la Manche, seront-ils également remis en cause ?
Même si les négociations à Bruxelles ont permis de maintenir un niveau de capture de pêche acceptable, comment le Gouvernement compte-t-il s’assurer que les intérêts français seront bien défendus à Bruxelles dans le cadre de l’aboutissement du Brexit ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Alain Vidalies, qui n’a pas pu être présent ce matin.
Vous attirez l’attention du Gouvernement sur les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pour les entreprises françaises de pêche exerçant dans la zone économique exclusive, la ZEE, de cet État, ainsi que sur le marché des produits de la mer. Sachez que cette inquiétude, nous la partageons. Elle est légitime.
Le peuple britannique a exprimé, à l’occasion du référendum du 23 juin 2016, le choix de ne plus être membre de l’Union européenne. Ce choix démocratique doit être respecté.
Les implications du retrait du Royaume-Uni pourraient être importantes pour de nombreux secteurs économiques français, dont la pêche maritime, bien sûr.
Le Gouvernement, lors du dernier comité interministériel à la mer auquel j’ai participé, et le Président de la République, durant les Assises de la mer, ont affirmé que les intérêts français en matière de pêche maritime seraient âprement défendus durant les discussions qui s’ouvriront le moment venu.
Le Premier ministre Bernard Cazeneuve l’a d’ailleurs confirmé lors de sa déclaration de politique générale le 13 décembre à l’Assemblée nationale.
Vous soulignez, à juste titre, la forte dépendance de la pêche française aux eaux britanniques, particulièrement dans les Hauts-de-France, en Bretagne ou en Normandie.
À l’heure actuelle, les revendications du Royaume-Uni sur ce sujet ne sont pas connues, mais nous imaginons qu’elles pourraient porter sur l’accès des navires de l’Union à la ZEE britannique dans son ensemble, l’accès aux zones de pêches historiques situées dans les eaux territoriales, ou encore la répartition future des quotas entre l’Union européenne à 27 et le Royaume-Uni.
Comme vous, nous sommes bien conscients que le Royaume-Uni est exportateur de produits de la mer et que son marché principal est aujourd’hui l’Union européenne.
Ces négociations, comme cela a été décidé par les 27 chefs des États membres concernés, ne pourront débuter que lorsque le Royaume-Uni aura formellement notifié le recours à l’article 50 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui encadre la procédure de retrait volontaire et prévoit un délai de deux ans pour négocier un accord.
Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour défendre les intérêts français dans les négociations à venir et les échanges avec les représentants professionnels du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, le CNPMEM, sur ce sujet sont denses et coordonnés. Je veux vous le redire, monsieur le sénateur, comme à l’ensemble des pêcheurs français concernés par cette question, le Gouvernement est vigilant et mobilisé.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin.
M. Jean-François Rapin. Madame la ministre, si j’ai bien noté l’implication du Gouvernement sur le sujet, je relève qu’il y a beaucoup de « si » et que de nombreuses questions se posent encore. Je préconise que le Parlement soit pleinement associé à ces discussions. (M. Philippe Mouiller opine.)
appellations d'origine bugey-cerdon et clairette de die
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 1573, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’appellation d’origine contrôlée bugey-cerdon, délivrée en 2009.
En effet, dans l’Ain, des générations de producteurs bugistes représentés aujourd’hui par le Syndicat des vins du Bugey, reconnu comme organisme de défense et de gestion, ont œuvré pour faire reconnaître le vin effervescent bugey-cerdon méthode ancestrale.
Le bugey-cerdon représente 50 % de la production des vins du Bugey, pour un total de 15 000 hectolitres par an. Il s’inscrit, comme il se doit, dans le cadre d’un cahier des charges très restrictif.
Or il apparaît que la clairette de Die, historiquement vin effervescent blanc issu de la vallée de la Drôme, a fait l’objet d’une appellation d’origine contrôlée pour un vin effervescent rosé, reconnue par l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, le 7 septembre 2016. Depuis, le cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée « Clairette de Die rosée » a été homologué par un arrêté du 16 novembre 2016 paru au Journal officiel du 26 novembre 2016.
Cette reconnaissance, monsieur le ministre, est étonnante en ce qu’elle concerne la création d’une catégorie jusqu’alors inexistante, puisqu’il s’agit d’une nouvelle couleur de vin et de nouveaux cépages au cahier des charges. Les quelques références historiques ne sauraient donner une légitimité à la clairette de Die rosé.
Cette situation sans précédent constitue un non-sens. En effet, l’AOC bugey-cerdon a elle-même été reconnue sur la base d’us et coutumes, d’une notoriété dûment établie, ainsi que sur une antériorité certaine dans sa propre région de production.
La clairette de Die rosé qui sera produite va disposer d’un potentiel sans commune mesure avec la production de bugey-cerdon. Autrement dit, la typicité du bugey-cerdon se trouvera noyée dans une production plus importante et concurrencée par un vignoble voisin disposant de règles différentes.
La récente décision de l’INAO suscite une inquiétude profonde et légitime, en ce qu’elle constitue une concurrence directe qui risque de mettre à mal toute la production des vins du Bugey et de casser la dynamique existante depuis plusieurs années maintenant.
Les viticulteurs bugistes, leurs représentants, les acteurs de ce territoire et l’ensemble des élus de l’Ain sont tous mobilisés sur ce dossier important.
C’est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez me donner des explications concernant cette décision. En effet, elle met en cause le concept même de l’appellation, lequel assure une garantie d’origine, de tradition et d’authenticité de tout produit ainsi labellisé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous me posez une question dont je comprends le sens, tout comme je comprends que vous soyez mobilisé sur ce sujet. Le ministre a certes des responsabilités. Toutefois, pour ce qui concerne les signes officiels de la qualité et de l’origine, les fameux SIQO, c’est un institut composé de professionnels, l’INAO, qui décide, en toute connaissance de cause, des appellations. Le ministre a peu de choses à dire sur les décisions qui sont prises. Heureusement qu’il en est ainsi parce que les sujets en cause sont tellement complexes que je me garderais bien de venir donner moi-même des avis qui seraient retenus – ou pas d'ailleurs ! – par le conseil de l’INAO !
Il se trouve que le Syndicat de la clairette de Die a effectivement demandé, en septembre 2013, à l’INAO d’introduire la clairette de Die rosé dans la gamme de ses productions d’appellation contrôlée.
Lors du débat qui a eu lieu, comme c’est toujours le cas, au sein de cette institution, les producteurs de vin de Bugey ont pu faire connaître leur opposition à cette reconnaissance.
M. Didier Guillaume. C’est dommage !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Les experts ont tranché et ont décidé de satisfaire la demande présentée par le Syndicat de la clairette de Die.
Le ministre de l’agriculture respecte les décisions des professionnels.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. D’ailleurs, si je m’avisais de faire l’inverse, j’aurais droit aux protestations des producteurs de clairette de Die rosé qui viendraient me demander pourquoi j’ai refusé cet agrément. Je suis obligé de respecter les règles fixées par les producteurs eux-mêmes et par l’INAO pour être en mesure de juger, apprécier et attribuer des AOC-AOP à un certain nombre de zones de production.
Je comprends votre position. Je sais que la notoriété de cette production de Bugey est parfaitement assise, ce qui n’interdit pas à la clairette de Die rosé d’avoir quelques ambitions ! L’appellation Bugey me semble suffisamment solide…
M. Didier Guillaume. Mais oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … pour apaiser les craintes de ses producteurs : la reconnaissance obtenue par la clairette de Die rosé ne va pas menacer– au contraire ! – les vins du Bugey,…
M. Patrick Chaize. Mais si !
M. Stéphane Le Foll, ministre. … qui sont connus et appréciés par les consommateurs.
Me demander de me prononcer sur cette question reviendrait à dire que le ministre de l’agriculture a pouvoir de décision sur les appellations d’origine ! Vous imaginez les problèmes que cela poserait ! Donc, je ne peux pas vous dire autre chose que ceci : je respecte une décision des professionnels.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, votre réponse ne me donne pas satisfaction pour une raison simple : c’est vous qui signez l’arrêté.
M. Patrick Chaize. Et si l’avis du ministre n’était pas nécessaire, il n’y aurait pas besoin qu’il signe un arrêté ! Quand vous signez un arrêté, vous le faites en votre âme et conscience.
Je vous ai alerté par courrier sur ce point. Je n’ai d'ailleurs pas eu de réponse.
J’aurais apprécié que vous preniez le temps de faire une contre-expertise, ou du moins que vous vous donniez la peine de poser un certain nombre de questions. Quoi qu’il en soit, au vu de votre réponse, monsieur le ministre, je suis très inquiet pour la protection à l’avenir de l’ensemble des produits français historiquement reconnus en AOC. Après cette décision, la copie pourra se faire de façon impunie.
M. Didier Guillaume. Non ! Ce n’est pas une copie !
M. Patrick Chaize. Bien sûr que si, monsieur Guillaume, et vous le savez très bien ! Jusqu’à présent, le label AOC reposait sur des us et coutumes, sur des cépages existants et sur des process existants, ce qui n’est pas le cas pour la clairette de Die rosé, que vous le vouliez ou non ! (M. Didier Guillaume s’exclame.)
arboriculture et brouettes de cueillette
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, auteur de la question n° 1488, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la réglementation en matière de sécurité des travailleurs de la filière arboricole fruitière.
En France, elle représente 6 % de la totalité des exploitants agricoles, leurs exploitations mobilisent 9 % de la main-d’œuvre totale et 27 % du salariat saisonnier. Plus de 70 % des exploitations fruitières sont pourvoyeuses d’emplois et les exploitations produisant des fruits à pépins sont celles qui emploient le plus. Le premier bassin de production est le Sud-Est.
La prévention du risque de chute des travailleurs est donc une problématique omniprésente. La réglementation en vigueur prévoit de réaliser la cueillette depuis un plan de travail conçu, installé et équipé de manière à garantir la sécurité des personnes. Le décret du 7 mars 2008 impose l’usage d’une plateforme élévatrice et interdit l’utilisation d’échelles, escabeaux et marchepieds.
Sans ignorer la nécessaire protection collective des travailleurs, il est indispensable de préciser les conditions d’utilisation des plateformes et brouettes de cueillette qui ne sont pas adaptées aux caractéristiques des vergers anciens.
En effet, deux mesures dérogatoires peuvent être prises, mais la principale difficulté est liée au fait que les travaux doivent s’effectuer sur une courte durée, sans être répétitifs.
La filière arboricole fruitière traverse une grave crise. Cette mesure est inadaptée. De plus, elle conduirait au doublement du nombre de plateformes de relève, ce qui ne serait pas sans conséquence financière sur les exploitations. Enfin, le temps de cueillette serait rallongé et le travail des saisonniers, mis à mal.
C’est pourquoi je vous demande de suspendre cette mesure et j’attends que les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, accompagnent les professionnels pour une mise en œuvre de mesures adaptées à la réalité d’un secteur agricole en difficulté.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame Morhet-Richaud, deux sénateurs viennent de me poser des questions, l’un me demande de suivre l’avis des professionnels, tandis que l’auteur de l’autre m’enjoignait d’aller contre !
Les questions de crises rencontrées par l’arboriculture, je les mesure parfaitement. Je sais aussi que la prévention du risque de chute de hauteur est un enjeu important pour cette filière. Un engagement a été pris – et il est partagé par tous les partenaires sociaux –, il s’agit d’éviter les accidents du travail, principalement dus aux chutes dans les vergers. Ce genre de problème, on doit le solutionner par la négociation.
Vous me demandez de suspendre l’application d’une règle qui vise à éviter des chutes et des accidents du travail. Je vous ai écoutée, c’est ce que vous voulez, madame la sénatrice ! Pour ma part, je suis conscient de mes responsabilités tout en sachant qu’il faut toujours trouver les ajustements nécessaires.
Cet objectif de prévenir les accidents et les chutes dans les vergers, au demeurant partagé par tous, notamment par les partenaires sociaux, doit être un engagement de chacun.
Les préventions des chutes de hauteur dans l’arboriculture figurent en bonne place dans le plan « santé et sécurité au travail de l’agriculture 2016–2020 », négocié et discuté.
Comme vous l’avez dit, certains producteurs de fruits peuvent toutefois rencontrer des difficultés en raison de la configuration de leurs vergers. Il faut être capable de s’adapter à la configuration de chacun des vergers pour mettre en œuvre la réglementation sur la prévention des chutes en hauteur, s’agissant, en particulier, de l’obligation de réaliser des travaux de cueillette depuis une surface plane et horizontale. J’ai bien compris que dans des vergers dont les surfaces ne sont pas planes et pas horizontales, il est en effet plus difficile d’avoir des plateformes elles aussi planes et horizontales.
Mes services, en lien avec le ministère du travail, ont publié en mars 2015 un guide sur le travail en hauteur en arboriculture. Les représentants des professionnels ont été associés, aux côtés des pouvoirs publics, à la rédaction de ce guide technique, garantissant ainsi sa bonne lisibilité par les acteurs sur le terrain.
L’objectif de ce document est d’accompagner les arboriculteurs dans la démarche d’évaluation des risques et de mise en œuvre générale de la réglementation, en s’adaptant, bien sûr. Il ne s’agit pas d’imposer des contraintes à des gens qui sont dans l’impossibilité de les appliquer !
Pour les vergers dans lesquels il n’est pas possible de recourir à des équipements techniques mécanisés de protection, l’utilisation de matériels type brouettes de cueille – que vous avez cités –, escabeaux et traîneaux moins volumineux est possible. Les services de l’État disposent ainsi de l’ensemble des éléments pour répondre à toutes les situations pratiques que l’on peut rencontrer sur le terrain.
Enfin, l’Association française de normalisation, l’AFNOR, travaille depuis cet automne à la rédaction d’un guide qui précisera à l’attention des professionnels et en pleine concertation avec eux les adaptations techniques que doivent comporter ces matériels. Les constructeurs pourront ainsi développer des produits innovants, qui répondent aux configurations des vergers anciens, tout en respectant les conditions de sécurité.
Comment réussir à concilier la sauvegarde de l’activité et la protection des salariés ? Eh bien, en étant capable de s’adapter ! Les règles ne peuvent pas être appliquées de la même manière partout, il faut qu’elles soient adaptées. Et nous cherchons à trouver les voies et les moyens de ces adaptations pour que l’activité nécessaire à l’arboriculture se poursuive tout en protégeant les salariés des accidents du travail.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. En revanche, Mme la ministre du travail est venue, voilà quelques mois, dans notre territoire et a rencontré à cette occasion une délégation d’arboriculteurs, qui l’ont interrogé sur ces questions. Elle leur a promis une réponse rapide. Or, à ce jour, les agriculteurs de mon département n’ont malheureusement reçu aucune réponse – ils me l’ont confirmé dernièrement – alors même que la cueillette de 2016 est finie depuis bien longtemps.
Le guide que vous avez évoqué ou le fascicule que l’AFNOR a rédigé sur les équipements de travail en arboriculture ont certes le mérite d’exister, mais ils ne résolvent absolument pas le problème d’une réglementation trop coûteuse et contraignante. Il semblerait qu’une norme européenne soit également en projet. J’espère que votre ministère veillera à ce qu’elle n’impose pas de contrainte supplémentaire à l’arboriculture, qui est, je le répète, en grande difficulté.
procédure de permis de construire pour les exploitations agricoles
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 1497, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.