Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour le groupe UDI-UC.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il s’agit de la dernière discussion budgétaire de ce quinquennat. Je le regrette : passer six mois sans parler du bilan budgétaire du quinquennat, c’est dommage !
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Il y aura la loi de règlement !
M. Vincent Delahaye. Je voudrais d’abord rappeler que ce quinquennat est celui des promesses budgétaires non tenues.
M. Daniel Raoul. Ça commence bien !
M. Vincent Delahaye. « Retour à l’équilibre budgétaire en 2017 », promis par François Hollande, « pas de hausse d’impôt pour neuf Français sur dix » – je cite, cette fois, le Premier ministre Ayrault –, « mise en place d’une grande réforme fiscale », « 50 milliards d’économies de 2014 à 2017 », aucune de ces promesses n’a été tenue.
M. Charles Revet. Il faut de temps en temps le rappeler !
M. Vincent Delahaye. C’est aussi le quinquennat des occasions ratées. Monsieur le secrétaire d’État, vous comparez souvent, sur le plan budgétaire, ce quinquennat avec le précédent. Or il faut comparer les contextes ; ils sont totalement différents !
M. Éric Doligé. Oui !
M. Vincent Delahaye. Nous avons vécu, en 2008, une crise terrible. Des mesures ont été prises ; peut-être étaient-elles trop importantes ; peut-être ont-elles trop dégradé le déficit public.
Je ne dis pas que tout a été parfait dans le quinquennat précédent !
M. Alain Richard. Mais si ! C’est bien connu… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Delahaye. Mais vous avez bénéficié d’un contexte hyper-favorable d’« alignement des planètes », avec des taux d’intérêt très bas, voire nuls, un pétrole à bas prix, une inflation quasi nulle, et un taux de change euro/dollar très favorable.
M. Yannick Vaugrenard. Il faut avoir un peu de chance !
M. Vincent Delahaye. Et, malgré tout cela, vous n’avez pas assaini les finances publiques. Bien au contraire !
M. Daniel Raoul. C’est gonflé !
M. Vincent Delahaye. Le déficit est toujours à 70 milliards d’euros. (M. Daniel Raoul s’exclame.)
M. Philippe Dallier. C’est une folie !
M. Vincent Delahaye. Combler un déficit d’un tel montant nécessiterait de doubler l’impôt sur le revenu – merci pour ceux qui le paient ! – et d’augmenter de moitié la TVA, en portant son taux de 20 % à 30 %. Voilà ce qu’il faudrait pour solder les comptes…
M. Daniel Raoul. Les vôtres !
M. Vincent Delahaye. … et honorer la promesse de François Hollande du retour à l’équilibre.
La dette continue de s’aggraver. Elle approchera les 2 200 milliards d’euros. Depuis 2012, elle aura augmenté de 350 milliards d’euros.
M. Roland Courteau. Et de combien entre 2007 et 2012 ?
M. Vincent Delahaye. Les dépenses publiques atteignent 57 % du PIB. C’est l’un des records mondiaux. Et pour quel résultat ? (Mme Odette Herviaux s’exclame.) Nous avons 6 millions de personnes sans emploi, et une économie en bien mauvais état !
Entre l’exécution en 2015 et le projet de loi de finances rectificative que vous nous proposez, il y a une baisse de 3 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés. Parce que nos entreprises vont mal et gagnent moins d’argent, elles investissent moins et elles embauchent moins ! (M. Roland Courteau s’exclame.)
M. Alain Richard. C’est le contraire !
M. Vincent Delahaye. Face à ce terrible constat d’échec, le Gouvernement continue de prétendre que tout va bien. Chaque fois qu’il vient devant le Sénat, M. le secrétaire d’État prétend que ce gouvernement a tout bien fait, maîtrisé les dépenses, réduit les déficits, redressé nos comptes publics…
Mais il ne suffit pas de prétendre certaines choses pour qu’elles se réalisent. Pour bien comprendre l’écart entre les belles promesses, les belles paroles et la réalité, il suffit de reprendre les chiffres.
En 2015, l’État a enregistré un déficit de 70,5 milliards d’euros.
Pour 2016, le Gouvernement prévoit un déficit à 69,9 milliards d’euros, soit une amélioration de 0,6 milliard d’euros. C’est énorme… (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) La vérité est qu’il n’y a ni maîtrise des dépenses, ni réduction significative des déficits, ni redressement de nos comptes publics.
Pour masquer ses mauvais résultats, le Gouvernement est le champion des astuces fiscales et des artifices comptables ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je vous en donne quelques exemples.
Vous utilisez systématiquement la prévision de croissance la plus optimiste (M. Maurice Vincent s’exclame.), celle qui se trouve en haut de la fourchette des prévisions disponibles, au lieu de vous situer raisonnablement dans la moyenne des prévisions. (M. Maurice Vincent s’exclame de nouveau.)
La prévision de croissance est un indicateur de la bonne santé économique d’un pays. Plus la croissance est importante, mieux le pays se porte, et plus les recettes fiscales augmentent.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Vincent Delahaye. En prévoyant une croissance plus importante que le consensus des économistes, vous surévaluez les recettes fiscales de 2 milliards d’euros, sans justification.
Vous utilisez l’astuce technique du mécanisme des primes d’émission pour maintenir la dette coûte que coûte en dessous de 100 % du PIB, en allégeant la dette d’aujourd’hui pour la repousser à demain. Cela ne règle évidemment pas le problème ; la dette est toujours présente.
Pour financer des cadeaux électoraux, vous engagez des dépenses qui dureront pendant plusieurs années avec des recettes qui, elles, ne dureront pas, puisqu’elles ne concernent que cette année.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Chèques en bois !
M. Vincent Delahaye. C’est catastrophique !
Vous considérez d’ailleurs comme une recette la baisse de la charge de la dette de 2,9 milliards d’euros. Or, si cette réduction de la charge de la dette est possible, c’est grâce à une conjoncture exceptionnelle, avec des taux très bas, sur lesquels le Gouvernement n’a pas de pouvoir. Cela n’a rien à voir avec une maîtrise des dépenses !
Le prélèvement sur recettes est réduit de 1,9 milliard d’euros. Tant mieux pour nous si l’Union européenne n’a pas dépensé tout son budget ! Mais ce ne sera pas forcément le cas chaque année.
On a une révision à la baisse des versements aux collectivités territoriales – qui correspond au Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. Mais, comme l’a rappelé M. le rapporteur général voilà quelques instants, c’est lié à un moindre investissement des collectivités territoriales. On ne peut donc pas s’en réjouir. Les collectivités territoriales sont les victimes de la politique budgétaire du Gouvernement durant ce quinquennat. C’est malheureusement une réalité ; vous ne pouvez pas la nier.
Les donations et les successions rapporteront 1 milliard d’euros de plus que prévu. Mais rien ne dit que ce sera le cas l’an prochain.
M. Vincent Delahaye. Il s’agit de recettes exceptionnelles, monsieur le secrétaire d’État. Or vous les utilisez pour financer des dépenses durables. C’est cela que je critique !
M. Vincent Delahaye. Monsieur le secrétaire d’État, si vous m’interrompez systématiquement, c’est bien…
M. Alain Richard. Que votre discours est sectaire !
M. Vincent Delahaye. … que mes propos font mouche ! (M. Charles Revet opine.)
M. Vincent Delahaye. Manifestement, cela vous touche.
M. Vincent Delahaye. Si c’était insignifiant, vous ne m’interrompriez pas comme cela !
M. Vincent Delahaye. Le fait que vous m’interrompiez sans cesse prouve que je tape en plein dans le mille,…
M. Charles Revet. Exactement !
M. Vincent Delahaye. … et j’en suis ravi.
Mais je préfère parler de l’avenir. Certes, il est vrai que, au Sénat et à la commission des finances, nous passons beaucoup de temps à essayer de rétablir la vérité en démontant les différents mécanismes que vous mettez en place.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous passez surtout plus de temps à regarder le passé qu’à étudier le budget…
M. Vincent Delahaye. Je suis fatigué par ces astuces fiscales et ces artifices comptables (M. Daniel Raoul s’exclame.), qui laissent de côté les vraies questions.
Qu’est-ce qui serait efficace pour que la France aille mieux, pour que notre économie se redresse et crée des emplois et de la richesse ?
M. Daniel Raoul. Vous auriez pu nous le dire dans le projet de loi de finances !
M. Éric Doligé. C’est Fillon !
M. Vincent Delahaye. Aujourd’hui, il est temps de tourner la page et de clore cette dernière discussion budgétaire de ce triste quinquennat.
M. Daniel Raoul. Cela vous évite de parler du fond !
M. Vincent Delahaye. Pour préparer l’avenir, je voudrais suggérer quelques points d’amélioration de méthode.
M. Daniel Raoul. Vous n’avez plus le temps !
M. Vincent Delahaye. Je souhaite d’abord que les comptes de l’État de l’année précédant l’élection présidentielle soient votés le plus tôt possible, dès le mois de mars. Il serait, me semble-t-il, nécessaire pour la démocratie de pouvoir conclure un quinquennat avec un vrai débat budgétaire sur la réalité des chiffres, et non pas sur les chiffres virtuels qui figurent dans un budget.
M. Vincent Delahaye. Je souhaite ensuite que nous soyons plus prudents que vous, monsieur le secrétaire d’État, en prenant comme hypothèse de croissance le consensus des économistes diminué de 0,5 %. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.) La marge de manœuvre ainsi dégagée permettra précisément de rectifier le tir. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. C’est l’heure !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Delahaye.
M. Vincent Delahaye. J’ai été interrompu par M. le secrétaire d’État, madame la présidente.
M. Alain Richard. Si vous perdiez moins de temps en polémiques, vous pourriez défendre vos propositions.
M. Vincent Delahaye. Je souhaite, enfin, une sincérité des comptes. Arrêtons ce petit jeu de sous-estimations systématiques sur les OPEX et sur d’autres dépenses. Cessons de financer des dépenses quotidiennes avec des recettes exceptionnelles (M. Daniel Raoul s’exclame.) ou des moindres dépenses, qui ne sont pas vraiment des recettes.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Vincent Delahaye. Le groupe UDI-UC votera le présent projet de loi de finances rectificative si les amendements proposés par la commission des finances et ceux sur lesquels elle a émis un avis favorable sont adoptés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Cadic. Bravo !
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parce qu’il s’agit probablement du dernier texte budgétaire que nous examinerons en cette législature, le présent projet de loi de finances rectificative pour 2016 appelle, au-delà de son texte même, l’ébauche de quelques bilans.
D’abord, sur le plan de la procédure.
J’ai eu maintes fois l’occasion d’exprimer, à cette tribune, la circonspection, pour ne pas dire la consternation, que m’inspirent les différentes modalités d’application de notre corpus de règles budgétaires, au terme desquelles le Parlement dépense un temps et une énergie inversement proportionnels au pouvoir qu’il exerce réellement. Ce texte en est, je crois, une ultime illustration.
En effet, il est censé soumettre à la représentation nationale les mouvements budgétaires qui ont infléchi l’exécution de l’année en cours. Or un bon tiers d’entre eux se trouvent en fait répartis dans trois décrets d’avance pris en cours d’année et ratifiés ici d’une formule lapidaire.
C’est ainsi que le plan d’urgence pour l’emploi, qui mobilise près de 2 milliards d’euros, et dont tout le monde s’accordera pour dire qu’il s’agit d’un sujet crucial, n’aura jamais été présenté ni débattu au sein de notre assemblée. Cela ne me semble pas acceptable.
En matière budgétaire aussi, l’heure des comptes, si j’ose dire, est venue. Disons-le clairement : les comptes ont été assainis.
On peut toujours arguer, comme certains, que le Gouvernement a été chanceux ; pour ma part, cela m’avait échappé…
On peut toujours prétendre que les chiffres ne refusent rien de ce que la direction du budget leur demande habilement. Peut-être. Mais il n’en reste pas moins que, entre 2012 et 2015, le déficit public s’est réduit de près de 23 milliards d’euros, passant de 4,8 % à 3,6 % du PIB. C’est l’INSEE qui l’affirme.
Certes, cela n’épuise pas le débat. Mais c’est un fait. Nous venons de le constater dans les campagnes du Brexit et de la présidentielle américaine, le pouvoir mortifère de la désinformation politique orchestrée existe, et il est dangereux. Il serait vraiment salutaire de ne pas y sacrifier en France.
Je n’aurai malheureusement pas le temps de disserter ici sur cette citation, pourtant très inspirante, du philosophe Guy Debord, pour qui, dans un « monde réellement renversé » – c’est bien le cas aujourd'hui –, « le vrai est un moment du faux ». En termes plus triviaux : « Plus c’est gros, plus ça passe ! »
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous qui avez convoqué toutes les ressources de la casuistique pour justifier notre dessaisissement de la discussion budgétaire, je vous l’assure : tenir quelques faits pour vrais, et ce sans détour, n’est pas un aveu de faiblesse. Bien au contraire ! Car la reconnaissance du résultat ne vaut pas nécessairement approbation de la méthode.
Les écologistes n’ont cessé de dénoncer, au début du quinquennat, l’inopportunité de certaines politiques d’austérité imposées par l’Allemagne à toute l’Europe. La limitation de leur impact récessif n’aura tenu qu’à la clairvoyance et au courage de la Banque centrale européenne, la BCE, qui a assumé de prendre de grandes libertés par rapport à ses statuts.
Toutefois, ne nous y trompons pas : l’essentiel de l’effort demandé aux Français et à leurs services publics tient moins à nos engagements budgétaires à l’égard de la Commission qu’à la concurrence fiscale plus ou moins légale à laquelle se livrent les États. Hélas ! le Gouvernement a préféré y participer plutôt que de la combattre.
Ainsi, dans son édifiant bilan du quinquennat, l’Observatoire français des conjonctures économiques, ou OFCE, note que les « mesures Hollande » auront allégé les prélèvements des entreprises de 20,6 milliards d’euros, retrouvant ainsi un niveau inférieur à celui d’avant la crise de 2008.
Pendant ce temps, les ménages auront vu leurs prélèvements augmenter de 35 milliards d’euros, soit le creusement d’un écart de 55 milliards d’euros entre ménages et entreprises !
De plus, cette augmentation de la pression sur les ménages se double d’un accroissement des inégalités.
Le premier train de mesures fiscales du quinquennat dans le projet de loi de finances rectificative de l’été 2012 avait pourtant permis de gommer les trop grandes disparités de traitement entre le capital et le travail.
Mais, malheureusement, un an plus tard, le tournant social-libéral inspiré par le fameux mouvement des « pigeons », qui s’est finalement révélé plus proche du rapace que de la colombe, en a progressivement atténué les effets.
Cela se retrouve d’ailleurs dans l’évolution des indicateurs de pauvreté et d’inégalités. Après avoir nettement décru en 2013, ils ont repris depuis, selon l’INSEE, une croissance constante.
Je ne compte plus mes interventions dénonçant la place de choix de l’écologie dans le palmarès des missions et des ministères les plus affectés par les coupes claires.
Côté fiscalité écologique, il y a là aussi quelques faits. Ce gouvernement sera à la fois celui qui aura introduit une contribution climat-énergie, ce qui est très bien, et celui qui aura supprimé l’écotaxe, ce qui est moins bien. C’est tout le paradoxe et le problème. L’écologie reste une variable d’ajustement.
Dans son récent rapport sur l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, la Cour des comptes pointe la grande incohérence et les profondes contradictions des politiques publiques en la matière.
La Cour démontre même que la tendance est malheureusement à la baisse des dépenses favorables à l’environnement et à la hausse de celles qui y sont défavorables !
Voilà quelques éléments d’appréciation généraux du quinquennat, auxquels ce projet de loi de finances rectificative ne cherche pas à déroger. Il se compose d’un grand nombre de dispositions disparates, que nous examinerons dans la discussion des articles.
À l’Assemblée nationale, où la majorité a semblé bénéficier de davantage de mansuétude qu’à l’accoutumée, quelques mesures intéressantes ont été prises. Le groupe écologiste attendra donc de connaître le sort que le Sénat leur réservera avant d’arrêter sa position. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Odette Herviaux et M. Philippe Kaltenbach applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Maurice Vincent. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avec ce projet de loi de finances rectificative pour 2016, nous avons enfin l’occasion de débattre cette année des choix essentiels pour notre pays que constituent les décisions budgétaires.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, je souligne une nouvelle fois, pour le regretter, combien votre refus de discuter du projet de loi de finances pour 2017 a affaibli le Sénat. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Mais il est vrai, chacun le constate aujourd'hui, que vous étiez confrontés à des contradictions probablement insurmontables entre les promesses démagogiques de la frange la plus conservatrice de votre électorat et les réalités de la gestion de notre pays, dans un contexte européen et international difficile.
En matière de politique budgétaire, certains pensent que les déficits et la dette peuvent progresser indéfiniment. Mais il faut alors accepter une création de monnaie quasiment illimitée et, au final, l’inflation, qui pénalise toujours les plus modestes, et la dévaluation, laquelle réduit le pouvoir d’achat du pays.
D’autres, à l’inverse, voient dans l’équilibre budgétaire strict un objectif indépassable. Il faudrait alors envisager de couper fortement dans les dépenses publiques, de supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires, mais ce serait alors la quasi-certitude de l’effondrement de la croissance et de l’explosion du chômage.
Depuis cinq ans, le Gouvernement a choisi une voie médiane, celle du rétablissement progressif de notre crédibilité financière, avec le souci de soutenir la croissance. C’est la seule voie positive et réaliste.
À ce stade, chers collègues de la majorité sénatoriale, permettez-moi de vous faire part de ma très grande inquiétude devant vos projets pour les années à venir. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. Et c’est reparti !
M. Francis Delattre. Occupez-vous plutôt de votre primaire ! Vous avez beaucoup à faire !
M. Maurice Vincent. Comment pourrez-vous baisser de 100 milliards d’euros la dépense publique ?
M. Philippe Dallier. Vous verrez bien !
M. Francis Delattre. On vous l’a déjà expliqué !
M. Maurice Vincent. Comment pourrez-vous laisser le déficit public filer à 4 % en 2017, puisque c’est ce qui est annoncé, avant de « serrer la vis » brutalement pour rechercher à tout prix l’équilibre budgétaire au plus vite ?
Nous voyons bien que ces promesses ne seront sans doute pas tenues.
M. Francis Delattre. Ça, en matière de promesses non tenues, vous êtes des spécialistes !
M. Maurice Vincent. Elles ne pourraient l’être qu’en attaquant les fondements de la sécurité sociale et des services publics auxquels les Français sont les plus attachés.
Je vous fais une prophétie. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Le prophète, c’est Macron !
M. Maurice Vincent. Si votre politique devait être mise en œuvre en totalité, nous aurions à la fois un budget gravement déflationniste, l’affaiblissement de l’État avec les coupes claires que vous prévoyez dans les services publics, sans pour autant que les comptes du pays soient, au final, améliorés.
Au contraire, ce projet de loi de finances rectificative pour 2016 vient parachever le bilan des efforts accomplis et des résultats obtenus depuis cinq ans. Pourtant, chacun le sait, le Gouvernement a dû ajouter à ses priorités initiales en matière d’éducation, d’emploi et de jeunesse des décisions majeures, que vous n’avez d’ailleurs pour la plupart pas contestées, en faveur de nos services de sécurité et de défense, qui avaient souffert, eux aussi, de vos politiques jusqu’en 2012.
Vous devez le constater, le déficit public, qui était de 5 % du PIB en 2012, a été ramené à 3,3 % aujourd’hui.
M. Vincent Delahaye. Non : 4,8 !
M. Philippe Dallier. Vous deviez être à l’équilibre en 2015 !
M. Francis Delattre. C’est un engagement du candidat Hollande !
M. Maurice Vincent. La situation de la sécurité sociale a été totalement assainie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Avec la CADES ! Des milliards d’euros !
M. Maurice Vincent. Le déficit est de 400 millions d’euros en 2016, et les comptes seront à l’équilibre l’an prochain.
M. Philippe Dallier. Personne ne vous croit !
M. Maurice Vincent. Je pense que nous pouvons effectivement nous féliciter de l’effort accompli et de tels résultats. Oui, ce gouvernement a réduit le déficit public de 40 milliards d’euros en cinq ans, alors que celui-ci avait progressé, monsieur Delahaye, de 55 milliards d’euros de 2007 à 2011 ! (M. Vincent Delahaye s’exclame.)
M. Philippe Kaltenbach. Il fallait le rappeler !
M. Maurice Vincent. Non seulement la programmation pluriannuelle de nos finances publiques a été respectée,…
M. Francis Delattre. Oh !
M. Maurice Vincent. … mais la France voit réellement la possibilité de sortir de la procédure de déficit excessif qu’elle subissait dans les instances européennes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Pourquoi François Hollande ne se représente-t-il pas ?
M. Maurice Vincent. Ce sont des réalités. Vous ne pouvez pas les contester.
Nous avons aussi pu bénéficier, grâce à ce sérieux budgétaire exercé dans la durée, de conditions favorables pour financer notre dette. Certes, nous savons tous qu’il convient de faire preuve de prudence pour le futur sur ce sujet.
Finalement, il est logique que le Haut Conseil des finances publiques soit revenu sur ses petites interrogations initiales, en reconnaissant aujourd'hui que les prévisions d’inflation, d’emploi et de masse salariale du Gouvernement pour 2016 étaient réalistes et que le déficit public avait bien été ramené – que vous le vouliez ou non – à 3,3 % du PIB.
Je suis particulièrement fier d’avoir appartenu à une majorité qui a beaucoup fait pour lutter contre toutes les fraudes : fraude fiscale, fraude à la TVA, fraude aux travailleurs détachés, fraude aux cotisations sociales… Cette majorité a pris à bras-le-corps la difficile question de la fiscalité des revenus issus de l’économie numérique. Elle s’est donné les moyens avec la création du service de traitement des déclarations rectificatives, faisant rentrer 6,3 milliards d’euros dans les caisses de l’État et près de 30 milliards d’euros d’avoirs qui sont sortis de l’ombre.
Le présent projet de loi de finances rectificative contient des dispositions qui vont dans le même sens : la limitation de l’optimisation fiscale en matière d’impôt de solidarité sur la fortune, ou ISF, et la qualification de biens personnels en biens professionnels.
Là encore, je me dois de souligner la différence qui nous oppose objectivement devant les Français. Vous proposez la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est hautement symbolique de votre éloignement accéléré, que je regrette, des valeurs d’équité et de justice sociale.
M. Francis Delattre. Y’ en a marre d’enrichir la Belgique et l’Irlande !
M. Maurice Vincent. Je veux souligner par ailleurs l’urgence et la difficulté des situations qui ont conduit le Gouvernement à engager en cours d’année des dépenses importantes, à travers des décrets d’avance. Qui peut en contester l’utilité, notamment pour la sécurité intérieure ou pour les opérations extérieures ?
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Maurice Vincent. C’est vrai que l’année 2016 a été marquée par un nouvel attentat sanglant. Compte tenu des risques élevés qui perdurent, il était normal et indispensable que le Gouvernement procède à des adaptations permanentes et engage de nouvelles dépenses. Qu’auriez-vous dit s’il n’en avait pas été ainsi ?
D’autres dépenses engagées en cours d’année ont été également tout à fait cohérentes. Je pense aux dépenses pour l’emploi, avec le plan d’urgence, qui crée une prime pour l’embauche de tout nouveau salarié dans une TPE et qui marche très bien, ou aux dépenses dans les domaines de l’enseignement scolaire, de l’hébergement d’urgence et de l’asile.
Mme la présidente. Vous êtes au terme de votre temps de parole.
M. Maurice Vincent. Pour terminer, je souhaite que le Sénat joue pleinement son rôle, cette fois-ci, sur le présent projet de loi de finances rectificative, en améliorant le texte issu de l’Assemblée nationale, notamment sur la fiscalité économique locale et sur le régime des immobilisations industrielles.
Le Sénat joue parfaitement son rôle ici de contrepoids pour rééquilibrer les décisions prises à l’Assemblée nationale. C’est l’illustration supplémentaire qu’il y aurait eu tout intérêt et tout bénéfice pour chacun d’entre nous de débattre du projet de loi de finances pour 2017. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Maurice Vincent. Mais vous ne l’avez pas voulu ! (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dominati. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme cela été souligné, nous examinons aujourd’hui le dernier texte budgétaire du quinquennat, qui porte sur l’année 2016.
Les résultats de cette année nous permettent donc de dresser un bilan assez complet et panoramique du quinquennat qui s’achève. Que constatons-nous en 2016 ?
La croissance est de 1,4 %.