Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. Michel Amiel. Surtout, comment expliquer que, pour les médecins libéraux, vous voyiez la maternité et les dispositifs de protection qui lui sont liés comme l’outil d’une régulation de la profession et de la démographie médicale, et non comme un droit social ?
Mes chers collègues, je serai comme vous vigilant aux dispositions spécifiques de ce projet de loi, de l’assiette d’imposition pour les personnes louant des meublés via des plateformes collaboratives à la retraite des travailleurs handicapés, à la facilité de vaccination, ou encore au financement des soins de suite et de réadaptation, les SSR.
Enfin, pour que le système de santé se porte bien, il nous faut être attentifs à ce que les personnels de santé, eux aussi, se portent bien ! Nous le savons, la souffrance de ces personnels ne fait que s’accroître depuis de longs mois. Au-delà du sort des amendements que nous avons déposés, mon vote, et celui des autres membres du groupe du RDSE, dépendra de l’atteinte d’un juste équilibre entre le coût et le prix de la santé. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Brigitte Micouleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’interviendrai, au nom du groupe écologiste, à propos de la branche maladie et de la branche AT-MP. Mon collègue Jean Desessard traitera des autres branches dans la suite du débat.
Je voudrais tout d’abord dire quelques mots sur les équilibres budgétaires. Nous saluons la réduction du déficit de la branche maladie, qui témoigne du souci de ménager les difficultés des comptes publics et des générations futures. C’est tout à fait positif. Nous formulerons néanmoins deux remarques.
En premier lieu, la branche AT-MP est en excédent depuis maintenant trois ans. Concernant cet excédent, nous sommes totalement opposés à ceux qui, à droite, proposent en conséquence de réduire les cotisations.
En revanche, nous regrettons que cet excédent ne soit pas utilisé pour améliorer la santé au travail et la prévention, alors que les troubles musculo-squelettiques et les burn out explosent et que, selon les statistiques de l’assurance maladie pour 2014, le nombre de maladies reconnues comme professionnelles a augmenté de 3,4 % par an depuis dix ans, sans compter le phénomène de sous-déclaration de ces pathologies.
La branche AT-MP ne peut pas être un livret d’épargne que l’on ponctionne pour compenser les déficits des autres branches ! Des problèmes existent : nous les dénonçons depuis des années. On peut ainsi citer le cas de certains travailleurs malades de l’amiante qui ne parviennent pas à être suivis ou indemnisés, ou encore la situation des personnes exposées à des pesticides ou à d’autres produits chimiques.
En second lieu, concernant la branche maladie, les économies ne peuvent évidemment pas être faites au détriment des conditions de travail des personnels. Il nous semble important de poursuivre et de renforcer le dialogue avec les personnels hospitaliers en souffrance. Je pense sincèrement que leur point de vue, issu de leur expérience, ainsi que de leur engagement professionnel, peut nous aider à trouver des solutions.
Madame la ministre, nous saluons les avancées que vous avez obtenues, au cours de ce quinquennat, dans le domaine de l’accès aux soins : le tiers payant, notamment, ou encore la protection maladie universelle. Nous saluons également votre détermination à lutter contre les immenses dégâts sanitaires provoqués par les addictions au tabac et à l’alcool, responsables respectivement de près de 80 000 et 50 000 morts par an.
Dans ces deux domaines, vous intervenez souvent dans un milieu hostile, parfois haineux, voire sexiste. Vous avez tout notre soutien. Il serait irresponsable de continuer comme avant. Nous approuvons donc les mesures de lutte contre le tabagisme prévues dans ce PLFSS.
Il nous semble très important qu’une proposition forte soit ajoutée, afin d’inciter et d’aider les buralistes à diversifier leurs activités en distribuant des produits autres que ceux du tabac. Des compensations financières ont été prévues ces derniers jours dans le cadre de la renégociation de leur contrat d’avenir, mais il faudrait aussi améliorer, selon nous, l’accompagnement à la diversification économique des activités des bureaux de tabac, lesquels sont souvent les derniers commerces dans des campagnes désertées et dans de nombreux quartiers. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
Cela dit, mon rôle de parlementaire est aussi de lancer des alertes et de prendre date. Il serait inconvenant de ma part de ne pas le faire. Au nom du groupe écologiste, j’insisterai donc cette année encore sur quelques points.
Des économies de fond, durables, sont possibles, mais elles font invariablement défaut dans les textes budgétaires qui se succèdent. L’augmentation constante des dépenses de la branche maladie est largement due à l’explosion des maladies chroniques dans notre pays, explosion liée, pas uniquement, mais bien souvent, à nos modes de vie et à notre environnement, et pour lesquelles la prévention est l’élément clef.
En France, on estime que plus de 80 % des dépenses remboursées par l’assurance maladie sont attribuables à des maladies non contagieuses, comme le diabète, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et cardiovasculaires, le stress, dont l’apparition et l’aggravation sont souvent directement ou indirectement liées à des éléments sur lesquels nous avons la possibilité d’agir.
Le groupe écologiste proposera comme à son habitude plusieurs amendements visant à réduire l’impact de certains facteurs environnementaux et de certains produits nuisibles pour la santé. C’est non pas une manie, une attitude obsessionnelle ou du radotage, mais l’expression d’une conviction forte. C’est surtout le constat objectif qu’il est possible de réaliser des milliards d’euros d’économies dans la durée.
Il existe une autre piste pour limiter les déficits à l’avenir. Même si des efforts et des progrès ont été accomplis dans ce domaine, la lutte contre le non-recours aux droits doit se poursuivre énergiquement. De nombreuses personnes modestes sont encore perdues, isolées, dans les méandres de l’administration, et n’ont souvent accès aux droits, notamment aux soins, que lorsque leur maladie s’est considérablement aggravée. Cela coûte très cher aux finances publiques !
Certains efforts ont été annoncés récemment par le Premier ministre, et nous nous en réjouissons, mais nous insistons : entre 21 % et 34 % des personnes éligibles à la CMU-C n’avaient pas ouvert leurs droits en 2013 selon le Fonds CMU, soit entre un et deux millions de personnes selon les estimations. Des économies considérables pourraient être réalisées à moyen et à long terme si l’on renforçait l’accès aux droits de ces personnes.
Par ailleurs, c’est un constat, les droits prévus dans la loi doivent être mis en application. On ne peut pas miser dans le budget de la Nation sur une part de non-recours pour faire des économies. Dans une démocratie, les droits doivent être respectés, sous peine de voir se brouiller les repères républicains, sous peine de voir grandir la méfiance et, de façon incontrôlable, un certain nombre de mouvements extrêmes, populistes, antirépublicains. Nous déposerons des amendements dans ce sens.
Le groupe écologiste sera très attentif aux débats dans l’hémicycle et arrêtera sa position sur ce texte à l’issue de son examen. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans quelques années, les observateurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 verront sans doute dans ce texte un moment fort de l’histoire de notre protection sociale, car il acte le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, en toute raison, avec un souci de vérité qui crédibilise la parole politique.
Oui, mes chers collègues, la discussion qui s’engage est un moment heureux de la vie de notre sécurité sociale, née, ne l’oublions pas, d’un programme appelé Les Jours heureux, élaboré dans la clandestinité en mars 1944. Cette histoire nous oblige à nous tenir éloignés des accusations caricaturales de tuyauterie ou d’insincérité.
Le retour à l’équilibre n’est pas le seul résultat arithmétique d’additions et de soustractions dans une masse financière de près de 500 milliards d’euros. C’est l’assurance de la pérennité dans l’économie mondialisée d’un système que nos aïeuls avaient fondé sur le pilier de la solidarité. C’est un message de confiance adressé aux Français et aux Françaises, aux plus jeunes en particulier, qui ont pu douter de leurs futures retraites et de la solidité de notre système de soins. C’est la fin de la plus insupportable des injustices consistant à demander à nos enfants et à nos petits-enfants de payer pour le remboursement de nos feuilles de maladie, en plus des leurs.
Les chiffres, mes chers collègues, ne sont pas moins crédibles lorsqu’ils sont favorables et porteurs d’espoir que lorsqu’ils traduisent tendances négatives et craintes. Alors que le déficit du régime général était de 23,9 milliards d’euros en 2010, il devrait être de 3,4 milliards d’euros en 2016 et de 400 millions d’euros en 2017. La branche famille sera de retour à l’équilibre. Quant aux branches vieillesse et AT-MP, elles seront excédentaires. Enfin, la branche maladie connaîtra un déficit de 2,6 milliards d’euros, soit une réduction de 1,5 milliard d’euros par rapport à 2016.
Cette lecture des résultats du seul régime général ne porte aucune insulte à la vérité, car là est bien le cœur de notre protection sociale. Le Fonds de solidarité vieillesse n’a-t-il pas été créé en 1993 pour distinguer entre une prestation vieillesse reposant sur le paiement de cotisations et d’autres avantages de retraite relevant de la solidarité nationale ? Son déficit atteindrait 3,8 milliards d’euros en 2017 et se situerait au même niveau qu’en 2016, contre 4,1 milliards d’euros en 2012. Le retour à l’équilibre sur la période 2017-2020 est engagé, avec le transfert de la charge du minimum contributif à la branche vieillesse.
Deux éléments confortent ce redressement des comptes. La réduction de l’endettement de la sécurité sociale, engagée dès 2015 pour 2,7 milliards d’euros, se poursuivra pour plus de 7 milliards d’euros en 2016 et à hauteur de 10 milliards d’euros en 2017. Depuis 2015, les déficits annuels sont devenus inférieurs au montant de capital remboursé chaque année par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Cette dette doit s’éteindre à l’échéance de 2024. L’encours sera de 135,8 milliards d’euros au 31 décembre 2016 et le déficit de trésorerie de l’ACOSS sera ramené à 16,3 milliards d’euros.
L’absence pendant la période 2012-2015 de tout déremboursement économique, de nouvelle franchise, de nouveau forfait montre que la modernisation engagée de notre système de santé n’induit pas de recul social.
La protection des Français a progressé depuis 2012, le reste à charge des dépenses de santé ayant diminué pour s’établir à 8,4 % en 2015, contre 9,3 % en 2011. La prise en charge par l’assurance maladie obligatoire est passée de 77,1 % en 2011 à 78,2 % en 2015. Nous sommes, madame la ministre, résolument à vos côtés quand vous affirmez le rôle irremplaçable de la sécurité sociale, fondée sur la seule solidarité, et quand vous défendez l’objectif d’un rôle de nouveau dominant de l’assurance maladie dans la prise en charge des soins dentaires.
J’en viens aux mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le PLFSS fixe des objectifs d’efficacité, de justice et d’équité quand sont plafonnées les rémunérations éligibles à l’exonération de cotisations sociales accordée aux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprises ; quand le bénéfice de ce dispositif est étendu aux reprises dans un quartier prioritaire de la ville ; quand est affirmée la responsabilité conjointe des réseaux du régime social des indépendants, le RSI, et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, dans le recouvrement des cotisations dues par les travailleurs indépendants ; quand, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, sont réduits les taux des cotisations des travailleurs indépendants à faibles revenus ; quand est mieux assurée la continuité des droits des frais de santé en cas de changement de situation professionnelle ; quand est prorogée pour une année la participation des organismes complémentaires au financement des nouveaux modes de rémunération des médecins ; quand, enfin, le droit de communication est étendu aux agents des organismes de protection sociale.
Le PLFSS a pour objectif l’adaptation de notre système social à la nouvelle économie, comme en témoigne l’exemple des particuliers loueurs de meublés de tourisme via des plateformes collaboratives. Rien ne justifie que les revenus élevés tirés d’une activité professionnelle échappent au financement de la protection sociale et entraînent une concurrence mortelle pour les entreprises de services classiques ! Deux seuils d’adhésion au RSI ont été fixés, à 23 000 euros et 7 720 euros. À titre de comparaison, le SMIC net annuel s’élève à 13 700 euros. Il est indispensable de donner un signe équilibré.
Le PLFSS fixe des objectifs de justice et de solidarité quand sont revalorisés les deux seuils de revenu fiscal de référence, permettant à 290 000 ménages retraités, pour un revenu net mensuel inférieur à 1 018 euros, de ne plus payer de CSG, et à 260 000 ménages, pour un revenu inférieur à 1 331 euros, de bénéficier du taux réduit de 3,8 % ; quand est réintroduite une possibilité de mutualisation par les branches pour les contrats de prévoyance. J’appuie cette mesure, qui concilie liberté contractuelle de l’entreprise et garantie de l’égalité de traitement des salariés et des employeurs d’une branche pour des risques lourds, hors risques santé.
Le PLFSS fixe également des objectifs en matière de prévention. Une nouvelle contribution assise sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac est créée et le poids relatif de la fiscalité du tabac à rouler est aligné sur celui des cigarettes.
Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France. Madame la ministre, vous venez de lancer l’opération « Moi(s) sans tabac ». Votre combat mérite un grand respect et notre total soutien. Des amendements seront néanmoins proposés sur l’article 16. Il s’agit non pas de savoir si l’on est pour ou contre le tabac, mais de mettre en œuvre des dispositifs éducatifs plus inventifs face à la faible réceptivité de nos concitoyens aux campagnes de santé publique. La France est ouverte sur des pays à faible fiscalité, de la Belgique à l’Espagne. Baisse de ventes ne signifie pas baisse équivalente de consommation.
Nous avons une exigence, la mise en œuvre de la traçabilité, dans le cadre du protocole de Séoul de 2012, et nous formulons une proposition, l’alignement des sanctions des trafiquants en bande organisée de tabac sur celles des trafiquants de drogue.
Par ailleurs, nous avons une satisfaction, à savoir la prise en compte de la situation des buralistes dans le quatrième contrat d’avenir liant l’État aux débitants de tabac.
Enfin, l’autorisation donnée aux CAARUD, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, de dispenser les médicaments correspondants est également une mesure de prévention.
J’aborderai maintenant les mesures relatives à la branche maladie. L’ONDAM progressera de 2,1 % en 2017. C’est là un objectif exigeant, qui suppose des économies de plus de 4 milliards d’euros par rapport à une évolution tendancielle non maîtrisée, qui serait de 4,3 %. Surtout, cet objectif ne doit pas masquer la progression des dépenses. À 190,7 milliards d’euros, l’ONDAM pour 2017 augmente de 8,9 milliards d’euros par rapport à 2015. L’ONDAM hospitalier progresse sur la même période de 2,8 milliards d’euros.
Comme vous, madame la ministre, je suis opposé au dispositif de régulation de l’installation des médecins libéraux introduit en commission à l’Assemblée nationale. Je salue, comme la majorité des internes et des jeunes médecins, le contrat de praticien territorial médical de remplacement, élément de plus dans la lutte contre les déserts médicaux.
L’adoption d’un congé maternité et paternité pour les médecins généralistes, quel que soit le secteur d’exercice, a reçu un avis favorable de notre part en commission.
Face au dangereux déni de la vaccination en France, nous approuvons l’autorisation donnée aux pharmaciens, à titre expérimental, de vacciner contre la grippe et aux médecins généralistes de stocker les vaccins.
Nous approuvons également la mesure prévoyant la consultation d’un psychologue afin de lutter contre la souffrance psychique des jeunes âgés de 6 ans à 21 ans, ainsi que l’extension de la télémédecine et la prise en charge intégrale des frais de santé des victimes d’actes de terrorisme.
L’hôpital, mes chers collègues, est l’une des forces de notre pays. Le concept d’« hôpital-entreprise » l’a déstabilisé profondément, en modifiant les rapports entre les médecins et l’administration. Depuis 2012, la notion de service public hospitalier a été réaffirmée et 10 milliards d’euros supplémentaires ont été consacrés à l’hôpital, soit 1,3 milliard d’euros de plus en 2017. Au total, 31 000 postes de soignants ont été créés. Ce sont des réalités. L’ONDAM pour 2017 permettra la revalorisation du point d’indice et la mise en place du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ».
Nous savons cependant à quel point les conditions de travail des professionnels de santé à l’hôpital sont difficiles. Je dis mon souci que les infirmières, au-delà de l’enchaînement d’actes techniques, conservent un temps de dialogue avec le patient. Vous engagez, madame la ministre, un travail de fond avec les professionnels, qui sont souvent en première ligne sur le front de la violence sociale, sur les conditions de travail, la sécurité et la formation. L’essentiel est bien de développer l’attractivité de ces carrières. À cet égard, les groupements hospitaliers de territoire doivent s’appuyer sur des projets médicaux visant à l’homogénéité et à la graduation de l’offre de soins.
Certaines mesures actent par ailleurs la fin de la logique du « tout 2A ». Nous ne pouvons que les approuver.
Madame la ministre, vous affirmez votre soutien total à l’innovation. Nous sommes à vos côtés. Nous vivons une époque formidable : de nouveaux médicaments apparaissent et guérissent des maladies graves et allongent la vie de patients atteints d’affections mortelles il y a peu. Les thérapies ciblées, les immunothérapies ouvrent des champs immenses d’espoir.
Permettre à toutes et à tous d’accéder le plus rapidement possible à ces médicaments coûteux est un défi pour notre société. Notre pays a montré sa capacité de réaction lors de l’apparition soudaine du Sovaldi guérissant l’hépatite C. Quatre articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale – les articles 18, 49, 50, 51 et 52 – vont avoir un impact sur les dispositifs en place.
La création du Fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique est une satisfaction. Nous nous interrogeons toutefois sur l’effet de la présence dans la clause de sauvegarde de deux taux distincts pour les médicaments de ville et d’hôpital. La constitution de deux périmètres de solidarité ne sera-t-elle pas pénalisante pour les laboratoires les plus innovants ?
L’article 50 relatif aux médicaments biosimilaires suscite une inquiétude, madame la ministre. Il n’évoque en effet que la substitution, acte du pharmacien, et ne traduit pas en cela exactement la position de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé relative à l’interchangeabilité, laquelle relève du prescripteur. Nous craignons que ne se reproduise avec les biosimilaires la situation que nous avons connue avec les génériques.
Nous avons une ambition, celle de conserver l’efficacité de notre dispositif d’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU, et un souhait, celui de ne pas dégrader la primauté de la négociation conventionnelle entre le Comité économique des produits de santé et les industriels dans la recherche du « juste » prix du médicament.
Madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien et la grande conviction du groupe socialiste et républicain. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est le fruit de cinq années de choix ambitieux et courageux qui vous doivent beaucoup. Au nom du groupe socialiste et républicain, je tiens à vous en remercier et à vous féliciter. Nous défendons avec sérénité et assumons avec fierté un bilan fondé sur les valeurs de progrès et de solidarité, d’efficacité et de justice, lesquelles sont à l’origine depuis 2012 d’une nouvelle donne sociale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat nous offre la possibilité de dresser un bilan quasi définitif de la politique sociale menée au cours des cinq dernières années. Au-delà des questions se rapportant strictement à ce PLFSS, qui seront traitées par ma collègue Corinne Imbert, je tenterai d’esquisser les grandes lignes qui font la singularité de votre action, madame la ministre.
La stabilité ministérielle dont a bénéficié cette politique publique depuis 2012 est de nature à faciliter l’identification de ses grands traits et son évaluation. Pour autant, ce qui caractérise votre politique, madame la ministre, c’est au contraire l’absence de grandes orientations à même d’adapter notre système de protection sociale aux exigences de notre monde pour le faire entrer dans le XXIe siècle.
Plus grave, le Gouvernement n’a eu de cesse de repousser la discussion des véritables enjeux et a alterné entre réformes anecdotiques et obsessions bureaucratiques. Je prendrai pour exemple la réforme des retraites et la loi santé, chacune illustrant ces deux dimensions.
Pour ce qui est de l’anecdotique, la réforme des retraites de 2014 apparaît comme une non-réponse à la crise structurelle que rencontre le système par répartition.
La loi Fillon de 2010 prévoyait une réflexion sur une réforme systémique. Il s’agissait en effet d’adapter nos retraites aussi bien à l’enjeu démographique, comme le vieillissement de la population, qu’aux nouvelles données du marché du travail et à la diversité des parcours professionnels. Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, s’est contenté d’augmenter le coût du travail et d’allonger la durée de cotisation sans s’attaquer à la multiplicité des régimes.
Comme l’a fort justement souligné le rapporteur Gérard Roche, le coût du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue va croissant et diminue donc les effets de la réforme de 2010. L’amélioration de la branche vieillesse n’est donc pas de votre fait, loin de là, mais vos mesures diminuent l’impact positif de nos réformes.
Mme Nicole Bricq. Ceux qui en bénéficient apprécieront !
Mme Catherine Deroche. La loi de modernisation de notre système de santé de 2015 illustre, quant à elle, l’obsession bureaucratique de ce gouvernement, qui s’attaque à un principe essentiel de notre protection sociale : la liberté, celle des professionnels comme celle des patients. (M. Jean Desessard s’exclame.) Cette loi menace la liberté des professionnels de santé en affirmant le primat du contrôle administratif au détriment de la définition d’un véritable projet médical.
Ainsi, la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, qui visent à centraliser la gestion des hôpitaux publics, se fait à la discrétion des agences régionales de santé, les ARS, alors que le Sénat avait proposé que cette mise en place soit commandée par le projet médical.
L’approche hospitalocentrée de cette loi, en opposition avec la promotion de la médecine libérale, traduit des présupposés idéologiques, entraîne la contrainte et se révèle finalement inadaptée au besoin impérieux de développer les soins ambulatoires.
La généralisation du tiers payant obligatoire, qui remet en cause le lien direct entre patients et médecins, élément pourtant essentiel de cette relation bien particulière, est un coup de grâce porté à l’exercice libéral au profit d’un système administré.
Face à ce triste balancement entre frilosité et bureaucratisation, vous affichez un optimisme bien mal à propos. Loin d’être « sauvé », notre système de protection sociale souffre toujours d’un déficit important, notamment du fait des 3,8 milliards d’euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse, déficit que le Gouvernement a mis à l’écart afin de proclamer la fin du « trou de la Sécu ».
Comme l’a évoqué M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, il convient de rappeler que la dette sociale demeure à un niveau préoccupant. De l’aveu même du président de la CADES, celle-ci ne pourra pas « mourir » en 2024, comme cela était initialement prévu, si la CRDS n’est pas augmentée d’au moins 50 %.
Il y a donc urgence à se libérer de l’irresponsable illusion donnée par ce gouvernement, selon lequel les problèmes sont derrière nous. À cet égard, notre groupe a engagé une réflexion de fond, afin de proposer les grandes orientations qui définiront la protection sociale de demain. Bien que l’architecture globale de notre projet n’ait pas vocation à faire l’objet d’amendements, du fait notamment des règles des articles 40 et 41 de notre règlement, je souhaiterais en présenter quelques aspects, qui sont, à mon sens, incontournables.
La réalisation d’une protection sociale fondée sur la proximité et l’équilibre public-privé, à rebours de l’étatisation défendue par le gouvernement actuel, est une dimension majeure de notre projet. Ainsi, nous proposerons la création de centres ambulatoires universitaires, qui récupéreraient une partie des prérogatives hospitalières en matière d’enseignement et de soins. Ces centres viseraient précisément à faire basculer notre système vers un modèle ambulatoire, en intégrant cette dimension dans la formation des professionnels de santé.
Parallèlement, nous sommes favorables à une plus grande autonomie de gestion pour les établissements publics hospitaliers, ainsi qu’à un repositionnement des CHU sur leur cœur d’activité, c’est-à-dire l’excellence de la recherche. Les récentes manifestations du personnel hospitalier ont à ce titre révélé l’ambivalence de votre discours : alors que vous faites de l’hôpital la matrice de votre politique de santé, vous le soumettez à des coupes budgétaires sans vision ni réforme de fond.
La nouvelle orientation de notre système de protection sociale doit également passer par une redéfinition de son financement.
À côté des incontournables réformes de structure de la politique de santé, nous défendons des mesures simples telles que le rétablissement du jour de carence, supprimé par le Gouvernement en 2014, comme le demandent les représentants des hôpitaux publics. Le Sénat avait d’ailleurs adopté l’année dernière un amendement dans ce sens. Nous ne réitérerons pas l’expérience cette année, connaissant le sort qui lui sera réservé.
Une réforme systémique est également nécessaire au sein de la branche vieillesse. Nous défendons ainsi la mise en place d’un régime universel unique de retraite prenant acte de l’universalisation des droits sociaux attachés à la personne. Ce régime donnerait lieu non seulement à la fusion de tous les régimes, mais aussi à l’unification des régimes complémentaires avec les régimes de base.
Dans cette perspective, la mise en œuvre d’un calcul universel par points serait la conséquence nécessaire de la prise en compte de la réalité du travail, à savoir la pluralité et la discontinuité des parcours professionnels. Le système de répartition par points permettrait d’offrir une plus grande transparence, tout en assurant la prise en compte de la diversité des situations, notamment celles des personnes exerçant des métiers difficiles, lesquelles pourraient, dans ce cadre, bénéficier d’une bonification de leurs points.
Comme vous pouvez le constater, réformer profondément ne signifie pas remettre en cause la solidarité nationale. C’est au contraire s’inscrire dans la continuité de l’histoire de notre système de protection sociale en proposant des mécanismes de solidarité et de répartition. Porter des réformes structurelles est un devoir pour tout responsable politique attaché à la pérennité de notre protection sociale.
La démarche de notre groupe est donc éminemment constructive, car elle vise non pas à rapiécer quelques régimes ici ou là, mais à bâtir la protection sociale de demain. Il s’agit non plus de « sauver » la sécurité sociale à tout bout de champ, mais bien d’en faire, de nouveau, l’un des ciments de notre communauté nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)