M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 327 rectifié est présenté par M. Courteau, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 710 est présenté par Mme Cukierman, M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 514-3-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« Un accord d’entreprise peut définir les conditions et les modalités de diffusion des informations syndicales au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise, notamment l’intranet et la messagerie électronique de l’entreprise.
« À défaut d’accord, les organisations syndicales satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre celui de l’entreprise ou de l’établissement peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe.
« L’utilisation par les organisations syndicales des outils numériques mis à leur disposition doit satisfaire l’ensemble des conditions suivantes :
« 1° Être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise ;
« 2° Ne pas entraver l’accomplissement normal du travail ;
« 3° Préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 327 rectifié.
M. Roland Courteau. Afin de permettre une meilleure information des salariés sur l’action des organisations syndicales dans leurs entreprises, le présent article prévoit la diffusion de l’information syndicale à travers les outils numériques dans un cadre compatible avec le bon fonctionnement des entreprises, même en l’absence d’un accord d’établissement.
Dans les chambres d’agriculture, il est possible de négocier un accord local sur la mise à disposition de publications syndicales par voie électronique. Toutefois, dans la réalité, peu d’établissements ont ouvert des négociations, bien que tous soient dotés d’intranet et de messageries électroniques.
Or, avec la régionalisation et la dispersion des salariés d’un même établissement sur plusieurs sites, ne pas avoir la possibilité d’utiliser les outils numériques pour communiquer avec les salariés serait préjudiciable pour la communication et la bonne information des salariés, donc, en définitive, pour la qualité du dialogue social.
Cet amendement a par conséquent pour objet d’offrir aux chambres d’agriculture les mêmes possibilités que celles qui sont données aux autres entreprises par le projet de loi.
M. le président. Le sous-amendement n° 1044, présenté par MM. Gabouty, Lemoyne et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 327 rectifié
Alinéa 5
Remplacer les mots :
satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre celui de l'entreprise ou de l'établissement
par les mots :
présentes dans la chambre d'agriculture et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Ce sous-amendement a pour objet de corriger une erreur matérielle et d’harmoniser la rédaction du dispositif avec le contenu de l'article 27.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 710.
M. Bernard Vera. Il s’agit, à travers cet amendement, de donner aux organisations syndicales des chambres d’agriculture les moyens matériels d’exercer leur rôle d’information des salariés. Comme cela a déjà été rappelé lors de la discussion des amendements précédents, les salariés des chambres d’agriculture, qui relèvent à plus de 70 % du droit privé, ne sont rattachés ni aux dispositions du code du travail ni aux dispositions applicables à la fonction publique.
Ces personnels relèvent en réalité d’un statut particulier, institué par la loi du 10 décembre 1952. Aujourd’hui, les dispositions prévues par le code du travail, qui devraient pourtant constituer la base minimale applicable à l’ensemble des salariés, ne s’appliquent pas systématiquement dans les chambres d’agriculture.
L’adoption de cet amendement permettrait l’application aux chambres d’agriculture des dispositions de l’article L. 2142–6 du code du travail, et ainsi la facilitation du dialogue social par la diffusion de l’information syndicale, à l’aide des outils numériques, auprès des salariés.
Il est bien entendu précisé que l’utilisation des outils informatiques afin de communiquer des informations syndicales devra satisfaire différentes conditions : elle devra être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique des chambres d’agriculture, ne pas entraver l’accomplissement normal du travail, et préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.
En cas d’accord négocié, celui-ci déterminera les conditions d’utilisation de ces outils. À défaut d’accord d’entreprise, un socle minimal, tel que celui qui est déjà défini dans le code du travail, sera prévu à l’intention des organisations syndicales.
Aujourd’hui, les chambres d’agriculture, comme une majorité de grandes entreprises, sont dotées d’un réseau intranet et de messageries électroniques. Avec la régionalisation et la dispersion des salariés sur plusieurs sites, le recours aux outils numériques permettra d’améliorer la communication et de garantir la bonne information des salariés.
En outre, et même si cette dimension n’est pas la plus essentielle, les nouvelles technologies de communication sont préférables, d’un point de vue écologique, à l’impression et à la diffusion des documents sous forme papier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1044, je ne vois pas d’inconvénient particulier à l’adoption des amendements nos 327 rectifié et 710 ; je souhaiterais néanmoins entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Avis favorable, monsieur le président, à la fois sur ces deux amendements identiques et sur le sous-amendement présenté par M. le rapporteur : il s’agit de permettre aux salariés et aux syndicats des chambres d’agriculture de bénéficier des avancées de ce projet de loi, notamment en termes d’usage des outils numériques.
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’amendement no 327 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 710, identique à l’amendement n° 327 rectifié, est considéré comme adopté, également modifié.
Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 27.
L'amendement n° 848 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les salariés qui le souhaitent disposent une fois par an d’un contingent de deux heures au moins pour participer à une réunion d’information sur le droit syndical, le mouvement syndical et la représentation des salariés.
Ce temps d’information est considéré comme temps de travail et payé à l’échéance.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La question traitée, par cet amendement, est celle de la syndicalisation des salariés et de l’appréhension du fait syndical.
Pour l’heure, comme chacun sait, il existe dans le secteur public un contingent mensuel d’heures d’information syndicale, qui n’a pas d’équivalent dans le secteur privé. Ce contingent permet aux salariés du secteur public d’interroger les représentants syndicaux sur les questions qui sont à l’ordre du jour, sur le fonctionnement des organismes paritaires et sur l’ensemble des sujets préoccupant les agents de l’administration ou du service concerné.
Notre amendement vise à transposer cette pratique dans le secteur privé ou concurrentiel marchand, afin que tous les salariés puissent disposer des éléments leur permettant de se déterminer sur les questions qui peuvent les préoccuper.
Le contingent que nous proposons est limité, réduit à deux heures par an ; mais il serait utile, à double titre. D’une part, il permettrait aux salariés de se faire une juste opinion sur l’action des organisations syndicales dans leur entreprise ; ces réunions annuelles, où les salariés pourraient définir ensemble et entre eux l’ordre des priorités à régler, deviendraient un élément du dialogue social.
D’autre part, il serait susceptible d’inciter les salariés à s’engager dans le mouvement syndical pour y apporter leur point de vue sur l’entreprise et leur vision du collectif de travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Nous venons d’approuver l’article 27 de ce projet de loi, qui élargit considérablement le droit de communication des organisations syndicales par l’utilisation des outils numériques. Nous sommes donc, sur le principe, totalement d’accord, malgré quelques différences d’appréciation s’agissant des modalités d’application.
En revanche, ce que vous proposez, madame Prunaud, représente une contrainte nouvelle pour les entreprises.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce projet de loi prévoit notamment l’augmentation de 20 % du volume d’heures accordé aux délégués syndicaux, ou encore l’élargissement de l’objet des négociations collectives aux questions de temps de travail, centrales dans le quotidien des salariés – cette mesure est essentielle, notamment, pour redonner davantage d’attractivité aux organisations syndicales. Toujours au chapitre du renforcement de cette attractivité, nous avons également soutenu, hier, un amendement sur le chèque syndical.
Nous avons, à travers de nombreuses lois, depuis le début du quinquennat, fait en sorte que les enjeux stratégiques soient traités avec moins de formalisme, par davantage de dialogue social. De nombreuses avancées sont faites en ce sens dans le cadre du présent projet de loi ; mais je ne suis pas persuadée que légiférer sur l’attribution aux salariés de toutes les entreprises, quelles que soient leur taille et leur volonté, d’un temps d’information syndicale minimal soit la meilleure manière de promouvoir le syndicalisme.
L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 848 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 27 bis
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 716 rectifié bis, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi modifié :
a) La première occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique » ;
2° Il est ajouté un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« TRAVAILLEURS UTILISANT UNE PLATEFORME DE MISE EN RELATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
« CHAPITRE IER
« Champ d’application
« Art. L. 7341-1. – Le présent titre est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts.
« Chapitre 1er bis
« Nature de la relation de travail
« Art. L. 7341-2. – Le travailleur mentionné à l’article L. 7341-1 peut être regardé comme ayant avec la plateforme un lien de subordination juridique ou de dépendance économique caractéristique du contrat de travail lorsque :
« 1° Il exerce une activité immatriculée au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux, à un registre des entreprises de transport ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales ;
« 2° Il définit librement ses horaires, ainsi que la durée et sa charge de travail ;
« 3° Il ne peut entrer en relation avec l’utilisateur final des services que par l’intermédiaire obligé d’un tiers ;
« 4° Il ne fixe pas par lui-même ou par entente avec ces clients le prix de ses prestations ;
« 5° Il ne possède pas la maîtrise des moyens matériels ou immatériels utilisés pour la production de biens ou services.
« CHAPITRE II
« Responsabilité sociale des plateformes
« Art. L. 7342-1. – Lorsque la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix, elle a, à l’égard des travailleurs concernés, une responsabilité sociale qui s’exerce dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Art. L. 7342-2. – Lorsque le travailleur souscrit à l’assurance volontaire en matière d’accidents du travail mentionnée à l’article L. 743-1 du code de la sécurité sociale, la cotisation est prise en charge par la plateforme.
« Art. L. 7342-3. – Le travailleur bénéficie du droit d’accès à la formation professionnelle continue prévu à l’article L. 6312-2. La contribution à la formation professionnelle mentionnée à l’article L. 6331-48 est prise en charge par la plateforme.
« Il bénéficie, à sa demande, de la validation des acquis de l’expérience mentionnée aux articles L. 6111-1 et L. 6411-1. La plateforme prend alors en charge les frais d’accompagnement et lui verse une indemnité dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 7342-3-1. – Les articles L. 7342-2 et L. 7342-3 ne sont pas applicables lorsque le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme est inférieur à un seuil fixé par décret.
« Pour le calcul de la cotisation afférente aux accidents du travail et de la contribution à la formation professionnelle, seul est pris en compte le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme.
« Art. L. 7342-4. – Les mouvements de refus concerté de fournir leurs services organisés par les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité.
« Art. L. 7342-5. – Les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 bénéficient du droit de constituer une organisation syndicale, d’y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs.
« Art. L. 7342-6. – Le respect des dispositions du présent titre n’est pas de nature à établir l’existence d’un lien de subordination entre la plateforme et le travailleur recourant à ses services. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Nous souhaitons, par cet amendement, revenir sur le statut des travailleurs des plateformes numériques, trop souvent qualifiés de « travailleurs indépendants », alors qu’il s’agit en fait de salariat déguisé – c’est ce que l’on appelle communément l’« ubérisation » du monde du travail.
La présomption de non-salariat, à travers l’inscription au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, ou même auprès des URSSAF, est un leurre qui ne résiste pas à l’analyse de la réalité : il existe aujourd’hui un véritable chantage des plateformes numériques. Tout est fait pour pousser des milliers de travailleurs dans des activités non salariées, au gré de la signature de contrats commerciaux. À l’image des chauffeurs de VTC aux prises avec Uber, qui se battent pour voir leur relation de travail requalifiée en contrat de travail, ces travailleurs pourraient être amenés à travailler 20 heures par jour, 120 heures par semaine, sans contrat de travail, et être remerciés sans aucune contrepartie : autant dire qu’il s’agit de travailleurs corvéables à merci.
Alors que, dans sa version initiale, le projet de loi prévoyait une présomption incontestable de non-salariat, nous vous proposons donc un amendement dont l’objet est au contraire de nous montrer plus attentifs à la situation réelle de nos travailleurs dits indépendants, et de leur permettre de faire requalifier plus facilement leur relation de travail en contrat de travail. Il est en effet impératif d’encadrer ce phénomène qui détruit beaucoup plus d’emplois qu’il n’en crée.
M. le président. L'amendement n° 964 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le livre III de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi modifié :
a) La première occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique » ;
2° Il est ajouté un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« TRAVAILLEURS UTILISANT UNE PLATEFORME DE MISE EN RELATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE
« CHAPITRE IER
« Champ d’application
« Art. L. 7341-1. – Le présent titre est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts.
« CHAPITRE II
« Responsabilité sociale des plateformes
« Art. L. 7342-1. – Lorsque la plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix, elle a, à l’égard des travailleurs concernés, une responsabilité sociale qui s’exerce dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Art. L. 7342-2. – Lorsque le travailleur souscrit à l’assurance volontaire en matière d’accidents du travail mentionnée à l’article L. 743-1 du code de la sécurité sociale, la cotisation est prise en charge par la plateforme.
« Art. L. 7342-3. – Le travailleur bénéficie du droit d’accès à la formation professionnelle continue prévu à l’article L. 6312-2 du présent code. La contribution à la formation professionnelle mentionnée à l’article L. 6331-48 du même code est prise en charge par la plateforme.
« Il bénéficie, à sa demande, de la validation des acquis de l’expérience mentionnée aux articles L. 6111-1 et L. 6411-1. La plateforme prend alors en charge les frais d’accompagnement et lui verse une indemnité dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 7342-4. – Les articles L. 7342-2 et L. 7342-3 ne sont pas applicables lorsque le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme est inférieur à un seuil fixé par décret.
« Pour le calcul de la cotisation afférente aux accidents du travail et de la contribution à la formation professionnelle, seul est pris en compte le chiffre d’affaires réalisé par le travailleur sur la plateforme.
« Art. L. 7342-5. – Les mouvements de refus concerté de fournir leurs services organisés par les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 en vue de défendre leurs revendications professionnelles ne peuvent, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier de mesures les pénalisant dans l’exercice de leur activité.
« Art. L. 7342-6. – Les travailleurs mentionnés à l’article L. 7341-1 bénéficient du droit de constituer une organisation syndicale, d’y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je voudrais dire quelques mots sur le sens de cet article 27 bis, qui représente, selon moi, une innovation très importante de la loi Travail, et que le Gouvernement propose de rétablir à travers cet amendement.
Nous faisons aujourd’hui face à un phénomène, qui connaît une importante progression, d’« ubérisation » ou de « freelancisation » : quoi qu’il en soit des termes retenus, ceux-ci désignent le développement de nouvelles formes d’activité professionnelle autour des plateformes numériques. À mon sens, ce phénomène est parti pour durer, et va prendre de l’ampleur.
Se pose partout, dès lors, la question de sa régulation. À chaque rencontre avec mes homologues étrangers, qu’il s’agisse du ministre américain, allemand, luxembourgeois ou belge, je constate que nous sommes tous confrontés à la même question : que faire face à ces nouvelles formes d’activité ?
Avec l’article 27 bis, nous posons un premier jalon de cette régulation, et nous le faisons en nous armant de plusieurs convictions.
Le développement des plateformes est créateur d’emplois, et constitue une voie d’intégration, notamment pour les jeunes qui peinent à accéder à l’emploi classique.
En ma qualité d’ancienne secrétaire d’État à la politique de la ville, je peux vous dire que cela saute aux yeux – nul, d’ailleurs, ne le contestera. Les chiffres sont d’ailleurs spectaculaires : près d’un quart des créations d’entreprises dans le secteur des VTC se font en Seine-Saint-Denis ; depuis le début de l’année, une entreprise sur huit créée dans ce département est une entreprise de VTC. Pourquoi ? Parce que les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville subissent bien souvent des discriminations à l’embauche (Mme Stéphanie Riocreux opine.), sur lesquelles, bien entendu, il nous faut agir, mais non sans tirer les conséquences de l’orientation privilégiée de ces jeunes vers cette forme d’activité.
L’objectif de cette régulation n’est pas de freiner l’essor de ces plateformes collaboratives ; cet essor est la conséquence du fait que nous avons nous-mêmes, en tant que consommateurs, modifié nos pratiques. Il s’agit d’ailleurs d’une leçon à portée générale : les mutations à l’œuvre dans le monde du travail sont toujours en partie le fruit des évolutions de nos pratiques de consommation.
L’objectif de cette régulation est bien plutôt de définir un cadre juridique adapté permettant le développement de ces activités, et en même temps de renforcer les droits sociaux des travailleurs concernés.
En la matière, aujourd’hui, les difficultés existent : lorsque, par exemple, une plateforme décide d’augmenter ses tarifs de 20 %, ou lorsqu’elle déconnecte un travailleur du jour au lendemain, on constate que les garanties sont insuffisantes ; lorsqu’un chauffeur ou un livreur subit un accident du travail, il n’est pas suffisamment couvert.
Pascal Terrasse, député, a été chargé d’un rapport sur le développement de l’économie collaborative ; il a proposé d’introduire la notion de « responsabilité sociale » des plateformes collaboratives. Le présent amendement, qui vise à rétablir l’article 27 bis, donne un contenu à cette notion. Il s’agit de commencer à enfoncer le coin du droit dans la relation de ces travailleurs avec les plateformes, concernant notamment l’accès à la formation, la validation des acquis de l’expérience et la couverture des accidents du travail, mais aussi le droit de s’organiser collectivement, en particulier par l’action syndicale, et le droit de cessation concertée de l’activité.
J’ai sollicité de nombreuses plateformes collaboratives, ainsi que l’Observatoire de l’auto-entrepreneur ; plusieurs organisations syndicales de salariés se sont exprimées. Personne ne considère cet article comme prématuré, et personne ne demande sa suppression !
Je voudrais, pour conclure, m’attarder sur un point, afin de dissiper de possibles malentendus : l’incidence de l’adoption de cet article 27 bis sur une éventuelle requalification…
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … de ces travailleurs indépendants en salariés, dans le cadre des contentieux en cours, tel que celui engagé par l’URSSAF contre Uber. (M. Jean Desessard s’exclame.) Cette incidence sera nulle ! Ces contentieux sont portés devant le juge, et c’est à lui de les trancher.
L’objectif du Gouvernement est de garantir clairement la neutralité du dispositif sur d’éventuels contentieux en requalification. La mise en œuvre de la responsabilité sociale des plateformes ne doit ni protéger les plateformes de la requalification ni, a contrario, accroître les risques de requalification. Nous imposons aux plateformes de nouvelles obligations, dans l’intérêt des travailleurs, mais ces obligations ne doivent pas se retourner contre les plateformes.
Afin de parvenir sans aucune ambiguïté à cet objectif, nous avons décidé de retirer provisoirement le dernier alinéa de l’article adopté par l’Assemblée nationale, qui portait sur ce sujet. Nous pourrons ainsi prendre le temps d’en retravailler la rédaction en approfondissant la concertation avec les professionnels du secteur.
Monsieur le président, j’ai été particulièrement longue,…
Mmes Nicole Bricq et Stéphanie Riocreux. C’est important !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … mais il s’agit d’un sujet essentiel et sensible que les différentes parties intéressées feignent parfois de comprendre de travers – et je ne parle pas des parlementaires !
De vraies questions se posent aujourd’hui sur le terrain. Il faut donc que nous avancions ; mais le chemin, en la matière, est étroit, et l’équilibre assez précaire, qui consiste à donner des droits aux travailleurs sans pour autant freiner l’activité !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?