Mme Hermeline Malherbe. Cet amendement porte également sur la problématique de la santé au travail, que viennent d’évoquer nos collègues Jean Desessard et Dominique Watrin. Il vise à rétablir la consultation des instances représentatives du personnel, quelles qu’elles soient, en particulier lorsque la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, a délivré une autorisation en cas de dépassement de la durée maximale hebdomadaire du travail et du fait de circonstances exceptionnelles.
Mme la présidente. L’amendement n° 914 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Bertrand et Guérini, Mme Jouve et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 87
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tout nouveau dépassement de la durée maximale définie à l’article L. 3121-19 ne peut être autorisé qu’après respect d’une période de carence de trois mois.
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Si vous me le permettez, madame la président, je présenterai également l’amendement n° 915 rectifié.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 915 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall, et ainsi libellé :
Alinéa 87
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tout nouveau dépassement de la durée maximale définie à l’article L. 3121-19 ne peut être autorisé qu’après respect d’une période de carence de deux mois.
Veuillez poursuivre, madame Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Ces deux amendements portent sur le même sujet.
L’article 2 ouvre la possibilité d’augmenter momentanément la durée de travail en cas de circonstances exceptionnelles. Une telle mesure peut être utile, notamment pour les entreprises alternant des périodes d’activité d’intensité différente ou faisant face à des difficultés particulières.
Un compromis a été trouvé sur la base d’un maximum de 44 heures hebdomadaires sur une période de 12 semaines. Mon collègue Dominique Watrin a rappelé que la commission propose d’aller bien au-delà, à savoir 48 heures sur 16 semaines.
Pour ma part, il me semble important de prévoir un délai de carence entre les périodes de douze semaines, ce que le texte actuel ne prévoit pas expressément, afin que les salariés n’enchaînent pas deux périodes de douze semaines de 44 heures.
L’amendement n° 914 rectifié vise à prévoir un délai de carence de trois mois. L’amendement n° 915 rectifié, qui est un amendement de repli, tend à prévoir un délai de carence de deux mois.
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mme Joissains, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 492, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 90
Remplacer les mots :
Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche
par les mots :
Un accord de branche ou, à défaut, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à réaffirmer notre volonté de voir l’accord de branche primer sur l’accord d’entreprise. De nombreux accords d’entreprise sont déjà signés aujourd’hui et peuvent avoir des conséquences gravissimes pour les salariés.
Ainsi, en 2006, à Montataire, dans l’Oise, l’entreprise Still, qui appartient en partie à la banque Goldman Sachs, a signé un accord d’entreprise en contrepartie de la pérennité du site industriel. Cet accord prévoyait de porter le temps de travail à 38,5 heures non compensées, c’est-à-dire que les salariés ont accepté de travailler 38,5 heures tout en étant payés 35 heures.
En 2009, au regard des résultats très positifs réalisés par la société et le groupe, les syndicats CGT et FO ont dénoncé une partie de l’accord, notamment le non-paiement des 3 heures 30 travaillées par les salariés entre 35 heures et 38 heures 30. La direction de l’entreprise en a alors profité pour dénoncer complètement l’accord et donc remettre en cause la pérennité du site.
En 2010, en contrepartie du paiement de la moitié des 3 heures 30 dont je viens de parler, la direction a proposé un nouvel accord en matière d’aménagement du temps de travail, qui prévoyait d’imposer aux salariés des périodes hautes de 42 heures et des périodes basses de 34 heures, pour une durée hebdomadaire de travail de 38 heures en moyenne.
En réalité, cet accord n’a jamais été mis en œuvre. Il s’agissait d’un leurre, puisque la direction organisait dans le même temps la fermeture de l’entreprise, qui est finalement intervenue le 5 juillet 2011.
On le voit au travers de cet exemple : des accords régressifs sont d’ores et déjà en vigueur. Ce que vous nous proposez avec l’inversion de la hiérarchie des normes, madame la ministre, c’est d’inscrire la possibilité de tels accords régressifs dans la loi.
De notre côté, nous souhaitons que les accords de branche priment sur les accords d’entreprise : c’est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 493, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 96 à 131
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Pour ceux qui doutent encore de la nocivité de l’article 2, lequel consacre l’inversion de la hiérarchie des normes, la lecture attentive des alinéas 96 à 131, tels que la majorité sénatoriale de droite les a modifiés en commission, est éclairante. En effet, la nouvelle version de la section du texte consacrée à la durée du travail débute tout bonnement par la suppression pure et simple de la notion de durée légale du travail !
Nos collègues du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC se sont engouffrés dans la porte ouverte en grand par l’article 2 en allant finalement au bout de la logique mise en œuvre par le Gouvernement dans ce projet de loi : définir un temps de travail à la carte, entreprise par entreprise. Exit la notion de durée légale de travail ! Exit la semaine de 35 heures ! Désormais, « la durée de référence du travail effectif des salariés à temps complet est fixée par un accord collectif ». En l’absence d’accord d’entreprise, la durée supplétive de référence est même fixée à 39 heures par semaine !
Les vœux de la droite sont ainsi exaucés, elle qui promet la fin des 35 heures depuis des années à longueur de meeting, d’autant plus que la suppression de la durée légale du travail permet, en parfaite harmonie avec la philosophie de ce projet de loi, de renier l’ensemble des garanties qui découlent actuellement de la durée légale du travail, dont le paiement des heures supplémentaires !
On voit bien combien la logique du texte poussée à l’extrême, et plus précisément celle de son article 2, revient à priver les salariés de garanties collectives en matière de temps de travail. Au nom d’une course au dumping social, ce texte conduira à un moins-disant social et salarial et ne contribuera en rien à la création d’emplois. Encore une fois, la preuve est faite des incohérences de ce projet de loi censé « favoriser l’emploi » !
En outre, il est en complète contradiction avec le développement d’une législation sur la santé au travail qui impose une obligation de résultat aux employeurs, comme l’obligation de préserver la santé physique et mentale des salariés ou celle de les protéger contre le harcèlement sexuel et moral. La droite l’a bien compris, puisqu’elle profite de l’article 21 pour réduire à la portion congrue le compte personnel de prévention de la pénibilité.
Mme la présidente. L’amendement n° 496 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 100
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3121-26. – La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-deux heures par semaine.
II. – Alinéa 112, seconde phrase
Remplacer le taux :
10 %
par le taux :
50 %
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. De 7 à 8 millions de personnes privées en tout ou partie d’emploi en France, au moins 50 millions de personnes dans la même situation dans l’Union européenne, le chômage de masse s’étend partout, telle une gangrène pourrissant tout, que ce soit les conditions de vie, l’économie, les rapports humains ou même la politique !
Or il n’existe que deux leviers pour combattre le chômage : l’augmentation du volume des biens et des services à produire et le partage du travail nécessaire à cette production.
La croissance est en berne et ne reviendra jamais à un niveau permettant à lui seul d’éradiquer le chômage. Dès lors, la réduction de la durée du temps de travail ne constitue plus seulement une option permettant aux salariés de bénéficier de plus de temps libre, mais un impératif, sauf si l’on ne veut pas vraiment supprimer le chômage !
Avec cet amendement, nous proposons de faire passer la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet à 32 heures par semaine.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Champagne !
Mme Annie David. Je pensais faire hurler davantage de monde dans cet hémicycle ! (Sourires.) J’ai le sentiment que vous vous êtes tous un peu assoupis, mes chers collègues ! (Protestations amusées.)
M. Rémy Pointereau. Nous vous écoutons pourtant avec attention !
Mme Annie David. Pardonnez-moi, madame la présidente, de titiller quelque peu certains de mes collègues ! (Nouveaux sourires.)
Nous proposons également d’augmenter le taux de majoration des heures supplémentaires de 10 % à 50 %. Cela sera beaucoup plus intéressant pour les salariés contraints de faire des heures supplémentaires et cela incitera peut-être les employeurs à embaucher davantage de salariés en cas de surcroît d’activité, même si l’embauche se fait en contrat à durée déterminée.
Le partage du temps de travail et la majoration des heures supplémentaires à 50 % nous semblent être un levier, si ce n’est le levier, pour lutter efficacement contre le chômage et éviter de laisser celles et ceux qui n’ont pas de travail pointer à Pôle emploi !
Mme la présidente. L’amendement n° 916 rectifié, présenté par Mme Malherbe, MM. Amiel, Bertrand et Guérini, Mme Jouve et M. Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 100
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3121-26. – La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
II. – Alinéa 125
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Hermeline Malherbe.
Mme Hermeline Malherbe. Cet amendement vise à réaffirmer la nécessité de fixer les 35 heures comme durée hebdomadaire de référence. Il fait écho à l’amendement de mon collègue Pierre-Yves Collombat, ainsi qu’à celui du Gouvernement, tous deux précédemment défendus et probablement mieux rédigés que le mien.
J’en profite pour dire que nous sommes là face à un débat où les différences sont notoires entre la droite et la gauche. Il est de plus en plus fréquent d’entendre des discours mettant l’accent sur l’absence de différences entre les deux. Pourtant, des différences très concrètes existent bel et bien au sujet du temps de travail !
Je ne critique d’ailleurs pas le fait que ces différences soient perceptibles. Au contraire, je trouve plutôt positif et intéressant que l’on puisse nettement distinguer un projet de loi de gauche et un projet de la majorité sénatoriale de droite. Cela permet en effet de clarifier la situation pour les uns comme pour les autres.
Pour faire référence à l’action de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée de la lutte contre l’exclusion, je rappellerai simplement qu’il est certes important de lutter contre le chômage – nous sommes après tout élus dans ce but –, mais que le niveau de pauvreté en France s’est tout de même stabilisé avant de décroître depuis 2012, alors que la pauvreté augmentait de manière très significative partout ailleurs en Europe, et ce plus rapidement encore depuis 2013 !
M. Marc Daunis. C’est cela la différence entre la gauche et la droite !
Mme Hermeline Malherbe. Tout à fait, mon cher collègue, et il est parfois important de le rappeler ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Marc Daunis. Bravo !
Mme la présidente. L’amendement n° 495 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 100
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 3121-26. – La durée légale du travail des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile ou pour toute autre période de sept jours consécutifs. Cette durée est fixée à trente-deux heures sans réduction des salaires d’ici le 1er janvier 2021.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Cet amendement vise à réduire la durée légale du travail à 32 heures par semaine.
Alors que le Gouvernement souhaite multiplier les dérogations aux 35 heures hebdomadaires et que la majorité sénatoriale de droite cherche à revenir aux 39 heures – il est d’ailleurs bien dommage qu’elle puisse s’appuyer sur ce projet de loi pour le faire ! –, nous proposons, pour notre part, de réduire la durée légale du travail en France de 35 à 32 heures.
La réduction du temps de travail a toujours correspondu à une revendication des salariés. Ce sont les salariés eux-mêmes qui ont conquis ce droit au fil du temps. La réduction du temps de travail exprime l’aspiration des salariés à disposer de davantage de temps libre hors du temps contraint par leur travail. Elle contribue également à limiter l’usure du travail au quotidien et à éradiquer le chômage.
Aujourd’hui, contrairement à ce que l’on nous raconte, la durée hebdomadaire de travail des salariés est de 39,5 heures en moyenne et de 37,5 heures si l’on tient compte du travail à temps partiel.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ah ! Vous voyez !
M. Jean-Pierre Bosino. Ce n’est pas une raison pour demander l’augmentation de la durée légale du travail à 39 heures !
Contrairement à une légende, on travaille davantage en France que chez nos voisins, quand on compte le travail à temps partiel : la durée hebdomadaire de travail s’élève à 35,3 heures en Allemagne, à 36,5 heures en Grande-Bretagne, à 36,9 heures en Italie et à 37,2 heures en moyenne dans l’Union européenne.
Alors que près de 8 millions de personnes sont touchées à des degrés divers par le chômage dans notre pays, la réduction du temps de travail reste incontournable pour permettre au plus grand nombre de bénéficier d’une activité.
Dans un premier temps, il faudrait faire en sorte que les 35 heures soient une réalité pour tous les salariés à temps complet. La réduction du temps de travail va dans le sens du progrès social pour une société qui accorde le temps aux salariés de s’épanouir, de profiter de leur vie de famille, de leurs amis, des loisirs, de la culture et du sport.
Avec cet amendement, nous défendons un véritable projet de société. Cet amendement vise en effet l’émancipation des travailleuses et des travailleurs et s’inscrit dans le prolongement des mesures de progrès social !
Mme la présidente. L’amendement n° 845, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 101
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises de plus de vingt salariés, les heures supplémentaires accomplies à l’intérieur du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l’article L. 3121-11 du même code dans la rédaction issue de la loi n° … du … visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, donnent droit à un repos compensatoire dont la durée est égale à 50 % de chaque heure accomplie au-delà de la quarante-et-unième heure .
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous nous trouvons au cœur du débat sur l’article 2 puisque, en plus de l’inversion de la hiérarchie des normes et de l’abandon du principe de faveur, la commission a remis en cause les 35 heures. En ce qui nous concerne, nous sommes évidemment farouchement opposés à cette orientation, d’autant plus que nous prétendons faire baisser le temps de travail à 32 heures par semaine.
Il est précisé à l’alinéa 103 de l’article 2 que « des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel » et que « les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos ». Cependant, il nous semble essentiel qu’un repos compensateur soit également prévu pour les heures supplémentaires effectuées dans la limite du contingent annuel. Nous proposons donc de réintroduire les dispositions qui ont été supprimées par la droite en 2008.
Préciser que le repos compensateur ne concerne que les heures supplémentaires au-delà du contingent sous-entend que les heures travaillées dans la limite de ce contingent sont rémunérées, mais n’ouvrent pas droit à ce repos compensateur.
Réaliser des heures supplémentaires n’a pourtant aucun effet sur le chômage et peut de surcroît s’avérer nuisible à la santé et au bien-être des salariés. Il nous paraît donc cohérent, sans attendre de dépasser le contingent annuel, de prévoir un repos dont la durée serait égale à 50 % de chaque heure accomplie au-delà de la quarante et unième heure de travail.
Selon nous, la majoration salariale des heures supplémentaires ne peut pas constituer la seule contrepartie. Nous refusons la monétisation des repos compensateurs. Le repos et le temps libre sont un facteur d’épanouissement personnel. Les salariés ne sont pas demandeurs d’heures supplémentaires. En réalité, leur seule motivation tient à des raisons financières et aux trop faibles salaires qui leur sont versés.
En tout état de cause, il nous paraît indispensable que le projet de loi intègre la possibilité pour les salariés d’obtenir un repos compensateur dès qu’ils effectuent des heures supplémentaires.
Mme la présidente. L’amendement n° 851, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 104
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La contrepartie obligatoire en repos peut être prise par journée entière ou par demi-journée, à la convenance du salarié. Ce repos est assimilé à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié. Il donne lieu à indemnisation qui n’entraîne aucune diminution de rémunération.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement, comme le précédent, vise à réintroduire l’une des dispositions supprimées par la droite en 2008 dans le cadre de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
Avant 2008, il existait dans le code du travail un article L. 3121-8 qui prévoyait que le repos compensateur obligatoire pouvait être pris par journée entière ou par demi-journée à la convenance du salarié. L’article précisait également que le repos était assimilé à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié et donnait lieu à une indemnisation qui n’entraînait aucune diminution de rémunération.
Notre amendement reprend les dispositions de cet article, car ce dernier contribuait à encadrer le repos compensateur et à rappeler qu’il représentait bien un droit pour les salariés.
Je me permets d’ailleurs de vous rappeler, mes chers collègues, que la gauche parlementaire dans son ensemble s’était opposée au contenu de la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est vrai !
Mme Laurence Cohen. … estimant que les dispositions qu’elle contenait ou, au contraire, les suppressions qu’elle prévoyait conduiraient à un véritable recul social ! Parfois, il est utile de faire quelques rappels !
Toutes et tous dans cet hémicycle, nous avons l’occasion de revenir sur ce recul en comblant la lacune législative créée par la droite concernant la liberté laissée aux salariés d’organiser leur repos compensateur comme ils le souhaitent. Ne pas introduire ces dispositions dans votre projet de loi, madame la ministre, serait une erreur, voire une incohérence !
Bien entendu, nous souhaitons que les précisions figurant dans l’amendement entrent dans le champ de l’ordre public social. En cela, nous continuons de défendre notre logique, en refusant qu’une règle individuelle puisse primer sur une règle collective, en l’occurrence de façon plus défavorable.
Ces dispositions ne sont pas anodines – loin de là ! –pour l’ensemble des salariés. Il serait donc très regrettable de ne pas revenir sur les décisions négatives prises par la droite en 2008 !
Mme la présidente. L’amendement n° 843, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 105
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La contrepartie obligatoire en repos peut être prise par journée entière ou par demi-journée, à la convenance du salarié. Ce repos est assimilé à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié. Il donne lieu à une indemnisation qui n’entraîne aucune diminution de rémunération par rapport à celle que le salarié aurait perçue s’il avait accompli son travail.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à faire entrer dans le champ de l’ordre public un certain nombre de dispositions concernant les modalités d’application du repos compensateur obligatoire.
En effet, ces dernières – telles que le droit actuel les établit et telles que le texte propose de le faire – sont laissées à la libre appréciation des accords et conventions collectives. Or cela ne peut qu’aboutir à des inégalités entre salariés dans un domaine pourtant primordial, celui de leur santé.
Cette problématique est d’autant plus prégnante que de plus en plus d’entreprises font le choix de travailler à flux tendu, quitte à multiplier les heures supplémentaires en cas d’accroissement temporaire d’activité ou en cas d’absences occasionnelles de leurs salariés.
Dans ce contexte, il n’est pas rare que certains salariés multiplient les heures de travail, prenant à leur tour des risques pour leur santé, sans qu’ils puissent bénéficier de repos compensateurs, sans cesse différés.
Aujourd’hui, cette situation a par ailleurs été intégrée par les branches et les entreprises. À titre d’exemple, l’article 5.9 de la convention collective nationale de la grande distribution précise que « les entreprises s’efforceront d’organiser la prise des repos compensateurs équivalents de manière à concilier la bonne organisation des services, les attentes des salariés et la consolidation des emplois existants ».
Dans les cas où les effectifs travaillent à flux tendu ou dans les situations de sous-effectifs, vous comprenez bien qu’il est finalement impossible pour les entreprises de garantir la conciliation de tous les éléments cités dans l’article de la convention. Très concrètement, les salariés seront obligés de ne prendre que des demi-journées de repos ce qui, de fait, les empêchera de se reposer et d’éviter de prendre des risques pour leur santé.
Mme la présidente. L’amendement n° 844 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 105
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d’utilisation et de l’éventuel dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires sont soumises à approbation du comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. La définition du contingent annuel d’heures supplémentaires a déjà subi le sort de l’inversion de la hiérarchie des normes en 2008, et ce malgré l’opposition de députés aujourd’hui membres du Gouvernement…
En effet, c’est l’accord d’entreprise qui détermine le niveau où se situe ce contingent. Quel constat pouvons-nous dresser aujourd’hui ? Une dérégulation totale et un affaiblissement des droits des salariés !
Pour ne prendre que l’exemple de la grande distribution, on notera que l’inversion de la hiérarchie des normes a conduit à une grande diversité de situations. Bien que la loi fixe le contingent de référence à 220 heures, on peut observer que la convention collective de branche appliquée par le groupe Casino l’a fixé à 130 heures, celle de Monoprix à 90 heures, ou encore que le groupe Carrefour a opté pour une dérégulation totale, en appliquant un contingent d’heures supplémentaires variable, calculé chaque année en fonction du calendrier. De fait, cela a des effets in fine sur les conditions de travail et de vie des salariés.
Comme vous avez pu le constater, mes chers collègues, le groupe CRC a recueilli de nombreux témoignages de salariés sur ces conditions de travail.
Je vais pour ma part vous livrer le témoignage d’une salariée qui travaillait dans un supermarché Casino se situant dans un quartier vivant, à côté d’un Leader Price, d’un Monoprix et d’un Carrefour, tous dans la même rue.
Cela a débuté par l’ouverture du supermarché lors de certains jours fériés : auparavant, le supermarché où travaillait cette salariée était fermé, par exemple, le 1er novembre. Mais comme Leader Price ne l’était pas, la règle a changé !
Puis, notre témoin nous indique que les choses ont également changé au sujet des repos accordés à la suite d’heures supplémentaires pendant les fêtes : aucun congé n’était plus accordé aux salariés du magasin du 15 décembre au 15 janvier, y compris pour les étudiants qui devaient passer leurs partiels. Dans ces cas-là, tout le monde doit s’aligner sur le moins-disant !
Pour finir, ce sont les conditions de travail le dimanche qui ont évolué : tout comme Leader Price, le magasin Casino où travaillait la salariée était ouvert le dimanche de neuf heures à douze heures. Or Monoprix ouvrait, lui, de huit heures trente à treize heures. Les trois magasins avaient les mêmes salariés, c’est-à-dire exclusivement des étudiants, et la même clientèle : les directeurs des magasins n’avaient évidemment d’autre choix que de s’aligner sur les horaires les plus étendus. Notre témoin ajoute que le verrou ne pouvait que sauter et qu’il était facile pour un directeur de négocier quand les deux syndicalistes lui faisant face se savaient sur la sellette depuis six mois et avaient besoin de leur job !
Madame la ministre, vous savez bien que c’est comme cela que ça se passe ! La situation décrite ici montre clairement l’impossibilité d’aboutir à un accord équilibré au sein des entreprises, en tout cas dans la plupart d’entre elles, en raison du lien de subordination entre les salariés et leurs employeurs.
Par conséquent, il convient de donner force à la loi. C’est la seule façon de protéger les salariés des dérives du dumping social !