M. Jacques Legendre. En entendant parler d’histoire, l’historien que je suis est nécessairement interpellé. Il me semble tout de même que l’on ne peut pas, au nom des désordres passés…
M. Gérard Longuet. Et présents !
M. Jacques Legendre. … de cette partie du monde, refuser à un État de devenir une nation européenne parmi les autres. L’Ukraine a tenté d’exister de manière indépendante de la Russie à plusieurs reprises. Ce fut notamment le cas en 1918, mais l’Armée rouge s’est assez vite chargée de calmer son désir d’indépendance. Elle s’est parfois trouvée compromise avec Hitler, parce que Staline l’avait tellement brimée qu’elle avait cru à tort que l’arrivée de l’Allemagne pourrait la libérer. Elle a ensuite combattu aux côtés de l’Armée rouge pour chasser les nazis.
Maintenant, elle a obtenu de devenir un État indépendant et elle veut prendre toute sa place dans le concert des nations européennes. Je crois que nous devons aider les Ukrainiens dans cette voie, et ne pas être tributaires des tourments qui peuvent parfois se manifester dans ce pays. Ne nous y trompons pas, mes chers collègues, je me suis rendu, moi aussi, place Maïdan, lors de ces événements qui nous ont tous un peu surpris, et j’ai vu que la jeunesse ukrainienne aspirait à avoir une place en Europe et à ressembler aux nations voisines comme la Pologne.
Personne n’ira reprocher à la Pologne d’être devenue une nation indépendante, fière de l’être et membre de l’Union européenne. L’Ukraine n’a sûrement pas atteint le même degré d’évolution, mais nous avons tout de même le devoir de manifester un peu de sympathie envers ce pays et sa volonté de devenir pleinement indépendant, ce qui n’exclut pas de veiller aussi à ce que l’Ukraine ne soit pas utilisée contre la Russie. C’est pourquoi nous devons aussi leur dire clairement qu’ils n’ont actuellement pas leur place dans l’OTAN.
M. Jean-Yves Leconte. Je retire mon amendement n° 7, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est presque vingt heures, et il reste neuf amendements à examiner. Je veux bien prolonger de quelques minutes encore nos travaux pour que nous puissions terminer la discussion de cette importante proposition de résolution, mais je suis tenue par les dispositions du règlement. Un autre texte est inscrit à l’ordre du jour après le dîner, sa discussion ne peut commencer à vingt-trois heures et je suis tenue de suspendre la séance pendant au moins une heure trente. Je vous invite donc, mes chers collègues, à faire preuve de concision. Sinon, nous devrons reprendre la suite de cette discussion après le dîner.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Je ne m’étendrai pas sur cet amendement, très proche du précédent. Puisque nous restons peu ou prou dans le cadre de la même discussion, je voulais dire à Harlem Désir que sa réponse m’avait quelque peu déçu.
En début de séance, j’avais cru comprendre qu’il s’agissait d’appliquer tous les accords de Minsk, et rien que les accords de Minsk, qui prévoyaient une levée des sanctions lorsque toutes les conditions posées par ces accords seraient satisfaites. Or la position que vous exprimez à présent est plutôt celle d’une modulation progressive – vous avez d’ailleurs parlé de « mise en route » des accords, et non de « mise en œuvre ». Je perçois un certain infléchissement de la ligne du Gouvernement et je crains qu’elle ne soit pas identique à celle de nos partenaires européens. Mais il se peut aussi que je me trompe.
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après le mot :
politiques
insérer les mots :
au regard des signes clairs et non équivoques de respect de ses engagements par la Russie
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Le présent amendement prévoit de lier la réévaluation des sanctions à la manifestation de signes clairs et non équivoques par la Russie de son intention de respecter ses engagements, en particulier qu’elle mette un terme à l’instabilité qu’elle entretient dans l’est de l’Ukraine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Josette Durrieu, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 21. Incontestablement, il est important de renouer le dialogue – on tourne en permanence autour de ce mot.
Il est tout de même nécessaire de pouvoir apprécier politiquement la situation, d’essayer d’anticiper et peut-être aussi de mieux apprécier les intentions de M. Poutine. Chaque fois que l’on prononce son nom, on se demande ce qui va arriver de nouveau. Il n’est pas imprévisible, il a une stratégie et il suit son chemin. Il nous revient de mieux analyser cette situation politique et de renouer le dialogue avec les responsables politiques et nos collègues parlementaires.
Il apparaît également pertinent à la commission d’entretenir les relations bilatérales. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait avec les rapporteurs et le président de la commission lorsque nous avons accepté de recevoir une délégation russe du Conseil de la Fédération conduite par M. Kossatchev, responsable du comité des affaires internationales. Ensemble, nous avons débattu de façon approfondie du rapport de la commission des affaires étrangères du Sénat, qu’ils avaient fait traduire en russe. Ils nous ont proposé de venir débattre de leur contre-rapport à l’automne, en vue d’établir une éventuelle synthèse. Nous verrons jusqu’où la démarche nous conduit, mais il ne faut désespérer de rien. Peut-être est-ce la bonne voie.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 17.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
Je redis aussi à Claude Malhuret que la position du Gouvernement n’a pas changé : les sanctions seront maintenues tant que les accords de Minsk ne seront pas complètement mis en œuvre. Cela n’empêche pas que nous sommes prêts à prendre en compte tous les pas qui seront faits dans cette direction. Mais la condition de la levée complète des sanctions, c’est la mise en œuvre complète des accords.
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Invite le Gouvernement à préconiser une réouverture des discussions Union européenne-Russie sur la libéralisation des visas pour les ressortissants russes dans l’espace Schengen, et sa réciproque ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Les sanctions ont été justifiées par la politique de l’État russe, mais nous devons maintenir et développer tous les échanges avec la société. C’est important pour la bonne compréhension des choses et l’évolution de la situation.
L’Union européenne a émis un avis favorable sur la levée des visas pour la Géorgie, l’Ukraine, le Kosovo et la Turquie, mais a gelé les négociations avec la Russie depuis 2014, comme conséquence des sanctions visant l’action de la Russie en Ukraine.
Il me semble que les ressortissants russes doivent aussi pouvoir circuler dans l’espace Schengen, et qu’il n’est pas opportun de sanctionner ainsi les citoyens. Il convient donc selon moi d’ouvrir le plus rapidement possible des négociations avec la Russie afin de lever à terme les visas pour les ressortissants russes dans l’espace Schengen. Nous espérons que l’Union européenne y sera favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Robert del Picchia, rapporteur. Cet amendement est hors sujet. La libéralisation des visas sera étudiée ultérieurement.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. L’avis est également défavorable. La suspension des discussions entre l’Union européenne et la Russie sur la libéralisation des visas fait partie des mesures restrictives dites « de phase 1 ». Si nous sommes favorables à l’utilisation des sanctions, nous ne devons pas renoncer à celle-là. Le Gouvernement estime que les conditions ne sont pas réunies pour la levée de ces mesures.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 22, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, je ne vais pas vous obéir, mais ce sera la dernière fois ! (Sourires.) J’ai en effet trois choses essentielles à dire sur cet alinéa 19, qui me semble être celui qui pose le plus de problèmes. Ne pouvant les exprimer en deux minutes trente, je vais donc non seulement utiliser tout mon temps de parole pour présenter mon premier point, mais je reprendrai aussi la parole lors des explications de vote pour exposer les deux suivants.
Cet alinéa joue sur la corde sensible des parlementaires que nous sommes pour tenter d’aller beaucoup plus loin que précédemment, en appelant à la levée immédiate, sans délai et sans condition des sanctions à l’égard des parlementaires russes. C’est exactement le contraire de la philosophie des accords de Minsk.
Je voudrais en premier lieu me tourner vers mes collègues des différents groupes politiques composant cette assemblée : aujourd’hui, de la même façon que les parlementaires russes sont interdits de séjour en Europe, 89 personnalités européennes sont interdites de séjour en Russie. Parmi elles, on compte notamment, mesdames, messieurs du groupe socialiste et républicain, Bruno Le Roux, à la suite du scandale pour lequel Claude Bartolone a été obligé de se fâcher – d’autres socialistes européens sont aussi interdits de séjour –, mais aussi, mesdames, messieurs les membres du groupe écologiste, Daniel Cohn-Bendit, ancien parlementaire européen. Mesdames, messieurs des groupes UDI-UC et Les Républicains, sachez également que Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge libéral, Karl-Georg Wellmann, député allemand, et Nick Clegg, ancien vice-premier ministre libéral du Royaume-Uni – excusez du peu ! –, sont également interdits de séjour en Russie.
Allez-vous, mes chers collègues, voter sans amender ce texte qui prévoit la levée inconditionnelle et sans délai des sanctions pour les parlementaires russes, sans exiger dans le même temps que les parlementaires français et européens soient admis en Russie ?
Puisqu’on joue sur la corde sensible des parlementaires, allons jusqu’au bout et exigeons au minimum que nous soyons traités de la même manière. Je dirai tout à l’heure de quelle façon nous devons, me semble-t-il, respecter les parlementaires russes, qui ne sont pas les mêmes que les nôtres.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Roger, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
Invite le Gouvernement à appeler ses partenaires européens à reprendre le dialogue avec les parlementaires russes, tout en réaffirmant son ferme soutien au gouvernement et au peuple de l’Ukraine dans leur combat pour l’indépendance et l’intégrité territoriale ;
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Cet amendement me paraît plus précis et moins ambigu que l’amendement n° 11. Si je suis favorable au dialogue parlementaire, je n’apprécie guère la rédaction de ce dernier amendement, qui prévoit de « travailler à la levée des sanctions individuelles », des termes qui établissent un parallèle avec les sanctions économiques, évoquées plus loin dans le texte, en même temps que l’embargo phytosanitaire, dont je ne comprends d’ailleurs pas vraiment la mention dans cette proposition de résolution.
Selon moi, cet amendement serait utile si l’application progressive des accords de Minsk pouvait conditionner la levée progressive des sanctions politiques à l’égard des parlementaires.
Comme notre collègue Claude Malhuret, j’ai aussi observé que la Russie n’assure aucune réciprocité en la matière et que des personnalités européennes sont interdites de séjour en Russie, en particulier certains parlementaires français, dont mon ami Bruno Le Roux.
C’est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui invite à reprendre le dialogue avec les parlementaires russes, sans toutefois que les sanctions soient levées, et en réaffirmant notre ferme soutien au gouvernement et au peuple de l’Ukraine dans leur combat pour l’indépendance et l’intégrité territoriale.
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
Invite le Gouvernement à appeler ses partenaires européens à lever progressivement les sanctions individuelles visant les parlementaires russes, à mesure des progrès constatés dans l’application des accords de Minsk, et à réaffirmer leur soutien à l’Ukraine dans la restauration de son intégrité territoriale ;
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à la reprise du dialogue, mais en fonction des progrès constatés dans la mise en place des accords de Minsk.
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
Invite le Gouvernement à appeler ses partenaires européens à lever sans délai les sanctions individuelles visant les parlementaires russes, qui constituent un obstacle au dialogue parlementaire et politique, à convaincre l’Ukraine et la Russie de devenir membres de la Cour pénale internationale et à s’engager à coopérer avec elle pour que tout crime commis au cours de ce conflit puisse y être déféré ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Je suis favorable à ce que les parlementaires puissent librement circuler et, sur ce point, la proposition de résolution me semble correctement rédigée. Nous devons défendre la liberté des parlementaires, même si nous avons aussi le droit de critiquer parfois telle action ou tel déplacement. En revanche, il n’est pas acceptable qu’une personne présumée coupable de crimes de guerre en Ukraine puisse librement passer ses vacances à Courchevel.
C’est pourquoi je souhaite qu’on maintienne les choses telles qu’elles sont aujourd’hui. Et si l’on souhaite les faire évoluer en les durcissant un peu, pourquoi pas ?
Mais en tout état de cause, il me semble important d’inciter à la fois l’Ukraine et la Russie à devenir membres de la Cour pénale internationale pour faire en sorte que ces deux pays n’acceptent pas de laisser impunis des crimes de guerre, y compris ceux commis sur leur territoire.
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par MM. Reiner et Sutour, Mme Durrieu et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
Invite le Gouvernement à appeler ses partenaires européens à travailler à la levée des sanctions individuelles visant les parlementaires russes, qui constituent un obstacle au nécessaire et utile dialogue parlementaire et politique ;
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement, déposé par le groupe socialiste et républicain, vise à appeler les partenaires européens à travailler à la levée des sanctions individuelles visant les parlementaires russes.
Il n’est évidemment pas possible que de telles sanctions soient levées de façon inconditionnelle et sans délai.
Il est nécessaire que cela s’accompagne d’avancées réelles et sérieuses de la part de la Russie et que les parlementaires en question prennent position en faveur de telles avancées.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons modifier la rédaction originelle de l’alinéa 19.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Josette Durrieu, rapporteur. L’avis est défavorable sur les amendements nos 22, 1, 18 rectifié et 9.
En ce qui concerne l’amendement n° 22 de M. Malhuret, nous n’allons pas nous répéter éternellement… Selon nous, il faut promouvoir le dialogue et, pour cela, il faut lever les sanctions contre les parlementaires et rétablir un échange à ce niveau.
Pour l’amendement n° 1, il a semblé à notre commission que l’avancée proposée par Gilbert Roger était peu significative, car le dialogue parlementaire est déjà une réalité. Néanmoins, ce dialogue reste entravé par les sanctions individuelles ; par conséquent, il est nécessaire de les lever pour le réactiver.
L’amendement n° 18 rectifié de M. Maurey va dans le bon sens, mais il est concurrent de l’amendement n° 11, présenté notamment par MM. Reiner et Sutour et par moi-même, sur lequel, comme Robert Del Picchia va vous l’indiquer dans quelques instants, l’avis de la commission est favorable.
Enfin, l’amendement n° 9 de M. Leconte affiche comme objectif d’inciter l’Ukraine et la Russie à devenir membres de la Cour pénale internationale, ce qui est légitime et louable. Mais il n’a pas sa place dans le texte dont nous débattons précisément aujourd’hui et qui concerne principalement les sanctions. La commission considère cette question comme hors sujet. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 11 ?
M. Robert del Picchia, rapporteur. Il s’agit d’une rédaction de compromis, à laquelle nous sommes favorables.
Comme nous l’avons vu lors des débats en commission, la formulation de l’alinéa 19 soulève, il est vrai, des questions, notamment au regard de la situation de certains parlementaires placés sous mandat d’arrêt international.
Cet amendement conserve l’objectif de lever les sanctions individuelles à l’encontre des parlementaires, tout en permettant de le faire avec discernement.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Sur les amendements nos 22, 1 et 18 rectifié, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
En ce qui concerne l’amendement n° 9 de M. Leconte, la mention de la Cour pénale internationale n’est pas cohérente avec le reste de la proposition de résolution. Ce sont deux sujets différents. Nous y sommes donc défavorables.
Enfin, le Gouvernement s’en remet également à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 11 de MM. Reiner et Sutour et Mme Durrieu. La présentation qui vient d’en être faite par M. Del Picchia est excellente.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. Comme je vous l’ai dit, madame la présidente, il s’agit de ma dernière intervention sur les amendements et je souhaite compléter mon propos précédent.
De quels parlementaires s’agit-il ?
On nous dit qu’il faut renouer le dialogue parlementaire et politique, mais on se moque du monde !
Un parlementaire français et un à la Douma, ça n’a rien à voir !
A-t-on oublié les gigantesques manifestations de Moscou, à la suite des dernières élections législatives, totalement trafiquées ? Ce sont d’ailleurs les dernières qui ont eu lieu, parce qu’après, la répression policière les a empêchées…
Des candidats interdits de se présenter !
Un bourrage des urnes systématique avec une majorité absolue pour le parti de Poutine… Je vous en donne les résultats : en Mordovie, 92 % ; en Ingouchie, 91 % ; en Tcherkessie, 90 % ; en Tchétchénie, 99,5 % avec une participation de 99 % !
Vous appelez ça des parlementaires ? Vous voulez dialoguer avec eux ?
Continuez, mais je pense qu’on aurait plus intérêt à le faire directement avec Lavrov qu’avec ces marionnettes !
Et parmi les parlementaires avec lesquels vous voulez dialoguer, il va falloir vous boucher un peu le nez, parce qu’ils n’ont pas été sanctionnés au hasard.
Dix d’entre eux l’ont été, parce qu’ils ont appelé au déploiement officiel de troupes russes en Ukraine.
Parmi eux, Sergueï Jelezniak a organisé et conduit la manifestation pour l’envoi de l’armée russe en Ukraine.
Une autre « colombe », Sergueï Mironov, est l’auteur d’une proposition de loi « autorisant la Russie à admettre en son sein, dans le cadre de la protection des citoyens russes, des territoires d’un pays étranger sans l’accord de ce dernier ou sans un traité international ».
En allemand, ça a un nom : l’Anschluss !
Ce brave député, comme quelques autres, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international de l’Ukraine.
Dès qu’on aura levé les sanctions, il se précipitera à Paris pour plastronner, peut-être invité – pour le remercier – par les parlementaires français qui sont allés nous faire honte en se rendant, dans les fourgons de l’armée russe, en Crimée occupée. Et lorsque son avion se posera à Roissy, le gouvernement ukrainien demandera immédiatement son arrestation. Bonjour les complications diplomatiques !
Je dirai une dernière chose : en proposant de lever les sanctions contre les parlementaires et en les gardant à l’encontre des autres personnalités, vous épargnez les cerveaux et tapez sur les bras !
Ceux qui ont exécuté les ordres restent sanctionnés, mais vous épargnez les sanctions à ceux qui sont parlementaires – donc des collègues…
Qui a pris les décisions, si ce n’est le gouvernement russe ? Qui a voté les crédits ? Qui a approuvé les moyens de l’intervention ? Ce sont bien les parlementaires !
On laisse donc frapper les bras et on épargne les cerveaux ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui n’a plus de sens à ce stade. Par conséquent, je vais le retirer.
Néanmoins, je voudrais vous rappeler que nous venons de voter la levée de sanctions contre les parlementaires russes, sans réciprocité de la part de la Russie.
M. Simon Sutour. Mais non, c’était le texte initial de la proposition !
M. Claude Malhuret. Pas du tout, la réciprocité n’est pas dans le texte, même modifié !
Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de résolution européenne relative au régime des sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Fédération de Russie, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite simplement dire que je voterai cette proposition de résolution, parce qu’elle me semble refléter la complexité de la situation.
L’opposition entre un ogre russe tyrannique et un Petit Poucet démocratique ukrainien ne me paraît pas conforme à la réalité, comme le montre d’ailleurs le spectacle donné actuellement par le gouvernement de ce pays.
Je m’étonne d’ailleurs qu’en matière financière, on ait été plus raide avec la Grèce que nous ne le sommes avec l’Ukraine…
Je voterai également ce texte, parce que les sanctions contre la Russie sont aussi des sanctions contre nous-mêmes.
En l’état actuel de l’Europe, invoquer la solidarité, comme on nous le dit en matière de réfugiés, me paraît un peu excessif. Je cherche où est actuellement la solidarité entre Européens !
En tout état de cause, je pense que la politique extérieure de la France, comme celle de l’Europe d’ailleurs, gagnerait à être réellement indépendante.
Je suis tout de même un peu stupéfait que les entreprises européennes soient sanctionnées par les États-Unis, qui, dans le même temps, augmentent leurs échanges avec la Russie. C’est quand même quelque peu paradoxal…
Affirmer que nous voulons que les choses évoluent ne me paraît pas une mauvaise chose… (MM. Yvon Collin et Jacques Mézard approuvent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. La plupart des collègues avec lesquels j’ai discuté en dehors de cet hémicycle depuis que nous avons commencé d’étudier ce texte – qu’ils s’apprêtent ou non à le voter – m’ont dit à peu près la même chose : avait-on vraiment besoin de se mettre dans cette galère ?
Le Gouvernement n’est absolument pas demandeur. Il a d’ailleurs donné un avis de sagesse sur quasiment tous les amendements pour bien montrer qu’il n’est pas concerné et qu’il n’est pas lié…
Les deux principaux groupes du Sénat vont donner une consigne de vote favorable, sous un prétexte bizarre, rappelé par notre collègue Daniel Reiner et par le président de la commission des affaires étrangères et de la défense : il faudrait voter une résolution moins ridicule que celle de l’Assemblée nationale pour montrer que le Parlement français n’a pas totalement disjoncté…
Les sénateurs membres de ces groupes vont voter par discipline, en se demandant pourquoi on leur propose cette gymnastique inutile, qui, de toute façon, ne liera pas le Gouvernement.
Pour moi, c’est une drôle d’idée de penser qu’on peut atténuer un mauvais coup par une erreur !
Si nous pensons que la résolution votée à l’Assemblée nationale la nuit, à la sauvette, par un genre d’entourloupe que nous connaissons tous est une aberration – je pense que nous sommes une majorité ici à le penser –, il vaudrait beaucoup mieux laisser l’Assemblée nationale à ses errements.
L’extravagance même du texte l’a spontanément discrédité, sans qu’il obtienne la notoriété souhaitée par ses auteurs.
Au lieu de cela, le Sénat, même si la rédaction proposée est beaucoup moins choquante en apparence, va nous associer à cette démarche et contribuer à lui assurer une publicité qu’elle ne méritait pas.
Surtout, même s’il est plus modéré – et je salue évidemment cette modération –, notre texte, qui prévoit, d’une part, une levée conditionnelle de certaines sanctions, d’autre part, une levée – je le répète – inconditionnelle des autres aura un effet évident : demain, les journaux européens titreront que le Parlement français demande la levée des sanctions.
C’est sans doute ce que veulent certains ; je ne pense pas que ce soit le cas de la plupart de ceux qui vont, quand même, tout à l’heure, voter ce texte.