PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Débat sur le bilan annuel de l'application des lois
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan annuel de l’application des lois (rapport d’information n° 650).
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président Claude Bérit-Débat, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous voici réunis pour notre rendez-vous annuel sur le bilan de l’application des lois, auquel le Sénat attache une importance toute particulière et qui me paraît constituer une spécificité de notre assemblée.
La fonction de contrôle que le Parlement exerce en application de l’article 24 de la Constitution doit être à nos yeux une priorité de même rang que la fonction législative.
Éloignés sans doute des confrontations politiques traditionnelles, qui ont leur valeur, nous avons une grande légitimité pour assurer ce contrôle, que nous avons institutionnalisé ici depuis au moins quatre décennies.
Au cours de l’année parlementaire 2015-2016, le Parlement a voté 41 textes de loi. C’est plutôt moins que les années précédentes, mais leur volume s’est accru.
Or, faute de texte d’application, certaines lois votées par le Parlement restent partiellement ou même totalement lettre morte.
Nous devons également porter une attention spécifique au respect par l’exécutif de la volonté du législateur. Il y va de la crédibilité de notre travail, quelles que soient les majorités en place.
Sans plus attendre, je donne la parole à M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études, que je remercie tout particulièrement non seulement de la qualité de son rapport d’information, dont il a évoqué les grandes lignes devant la conférence des présidents, mais aussi de l’ensemble de l’action qui est la sienne.
La parole est à M. le président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études.
M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études. Monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, rendez-vous désormais annuel, la séance publique de cet après-midi va nous permettre de faire le point sur l’application des lois, en présence de M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Réitérant l’expérience de l’an dernier, nous avons choisi de siéger en salle Clemenceau, plus appropriée que l’hémicycle à un débat de contrôle de ce type.
Tous les chiffres de la dernière session, en l’occurrence l’année parlementaire 2014-2015, figurent dans mon rapport écrit. Aussi me contenterai-je d’en récapituler les points essentiels, dont j’ai donné un premier aperçu lors de la conférence des présidents du 11 mai dernier.
Ces données ont été établies à partir des bilans détaillés des commissions permanentes, dont je salue la qualité, et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres concordants du secrétariat général du Gouvernement.
Comme en 2015, nous avons également eu l’honneur, et le plaisir, d’entendre en audition le secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume. Nous avons aussi évoqué avec lui quelques questions connexes, mais importantes, comme la mise en œuvre des lois d’habilitation ou le taux de réponse aux questions écrites des sénateurs.
Au vu de toutes ces informations, je retiendrai cette année cinq grandes tendances.
Tout d’abord, la production législative est apparemment en baisse, avec 43 lois votées contre 66 l’an dernier, hors conventions internationales.
Mais il s’agit bien d’une baisse apparente, puisque, en réalité, certaines des lois de l’an dernier ont été de véritables « lois-fleuves », comportant plusieurs centaines d’articles. Je pense à loi Macron et à ses 308 articles, ou encore à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et à ses 213 articles… En aval, cela signifie que plusieurs dizaines de décrets d’application devront être pris. Espérons que cela ne viendra pas grever le bilan des prochaines années !
Presque 30 % des lois de la précédente session ont résulté d’une initiative parlementaire. Comme l’an dernier, le Sénat, avec 6 propositions de loi, a été à l’origine d’environ une loi sur 7.
Ensuite, sur la législature, c'est-à-dire depuis le 20 juin 2012, le secrétaire général du Gouvernement a annoncé un taux d’application de 80 %, qui recoupe nos propres calculs et marque une progression significative par rapport au précédent exercice.
Le taux communiqué lors du conseil des ministres du 11 mai 2016 est même passé à 82 % au 30 avril 2016. Je le signale pour mémoire, nous clôturons nos statistiques au 31 mars de chaque année, conformément à la méthode arrêtée de concert avec le Gouvernement.
Pour la seule année parlementaire 2014-2015, le pourcentage de parution des textes est mécaniquement moindre : il s’élève à ce jour à 62 %, en hausse de 7 points par rapport à celui de la précédente session.
Ces pourcentages appellent deux commentaires. Premièrement, le taux d’application des lois augmente d’année en année, même s’il reste perfectible. Deuxièmement, ces statistiques récapitulatives gomment des écarts parfois sensibles entre les différentes commissions, entre les ministères et même d’une loi à l’autre.
Autre tendance dans la durée, je signale la résorption progressive du stock de lois inappliquées, au point que sur les 120 lois votées depuis le début de la XIVe législature, quasiment toutes ont reçu au moins un début de mise en application.
Concernant les délais de publication, on sait qu’une circulaire de février 2008 laisse aux ministères six mois à compter de la promulgation de la loi pour faire paraître leurs textes.
L’an dernier, les délais moyens se sont rapprochés de cet objectif, la moyenne appréciée sur l’ensemble de la législature tournant aux alentours de 9 mois et 12 jours. C’est plus que prévu, certes, mais, au vu de la complexité du processus réglementaire et de la durée incompressible de certaines consultations – je pense au Conseil d’État –, j’estime que les dépassements restent dans la limite du raisonnable.
En revanche, j’aurais aimé vous dire que le taux de présentation des rapports demandés par le Parlement s’est amélioré l’an dernier. Hélas, tel n’est pas le cas ! En effet, comme les années précédentes, ce taux, calculé sur la moyenne des dix dernières sessions, n’atteint même pas 60 %
Faut-il, une fois de plus, monter à la tribune sur un sujet qui, d’année en année, prend un tour de plus en plus incantatoire ? Je dirai simplement que c’est une atteinte manifeste au pouvoir de contrôle du Parlement, et nous ne pouvons nous en satisfaire.
Comme je l’ai dit au début de mon propos, outre l’application des lois proprement dite, nous avons évoqué plusieurs questions connexes, comme la prise en compte des positions du Sénat en matière européenne, sur lesquelles le président Jean Bizet a publié un remarquable rapport en mars 2016, ou, dans un tout autre domaine, l’utilisation des lois d’habilitation votées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.
Sur ce chapitre, et sans réitérer les développements de mon rapport écrit, je veux appeler une nouvelle fois votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les nombreux retards constatés s’agissant des réponses à nos questions écrites, mais vous n’en serez pas étonné, je pense…
Lequel d’entre nous ne s’est pas vu obligé, un jour ou l’autre, de transformer une question écrite en question orale, au risque d’encombrer la séance publique, pour obtenir la réponse attendue en vain au Journal officiel ?
Nous avions déjà évoqué ce problème l’an dernier, et je sais que le Président du Sénat en a saisi le Premier ministre après la conférence des présidents du 6 avril dernier.
Lors de son audition, le secrétaire général du Gouvernement nous a dit sa détermination à résorber rapidement le stock des questions écrites en souffrance : ce sera, n’en doutez pas, un sujet sur lequel je reviendrai le moment venu !
En conclusion, je crois légitime de dire que, cette année, le bilan de l’application des lois, sans être exceptionnel, va dans le bon sens. Nous devons en donner acte au Gouvernement.
Surtout, la précédente session confirme la tendance positive observée depuis trois ou quatre ans : elle relègue peu à peu au rayon des idées fausses l’affirmation selon laquelle les lois seraient dans leur ensemble insuffisamment appliquées.
C’est un constat irréfutable, dont le Sénat peut se féliciter. En effet, par une action inlassable, il a largement contribué à faire de cette question une priorité politique désormais partagée par tous les gouvernements.
Toutefois, c’est un constat précaire. Ne baissons pas la garde, car l’application des lois reste un combat de tous les instants, dans lequel doivent se mobiliser aussi bien les ministères que les commissions permanentes du Sénat.
C’est aussi une attente forte exprimée par nos concitoyens et un gage de crédibilité de l’action du Parlement. En effet, à quoi bon voter des lois si elles doivent rester lettre morte ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a eu l’occasion de m’entendre voilà peu sur l’application des lois figurant dans son portefeuille d’activités. Sur les 30 lois concernées, 11 sont totalement applicables.
Je serai bref et précis, et n’évoquerai que deux lois majeures, à savoir la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la loi d’avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui comportait 215 articles à l’issue de son examen parlementaire, renvoyait à 180 mesures réglementaires. Lors des débats parlementaires, la ministre chargée de l’énergie s’était engagée à ce que tous les textes réglementaires soient pris avant la fin de l’année 2015.
Or, au 31 mars 2016, soit à la fin de la période de référence et un peu plus de sept mois après la promulgation de la loi, seules 54 dispositions, c’est-à-dire 30 % des textes réglementaires attendus, étaient devenues applicables.
À ce jour, le taux d’application de la loi s’élève à 48 %, 94 mesures et 23 rapports étant encore attendus. Nous aurons tout à l’heure un débat en séance publique sur l’application de la loi relative à la transition énergétique. Mme la ministre nous a fait savoir qu’un certain nombre de textes ont été produits par son administration et sont désormais dans les tuyaux qui les mèneront au Conseil d’État, avant leur signature par les ministres compétents. Nous prenons acte de ces précisions.
Il convient malgré tout de le souligner, des dispositions majeures n’ont pas trouvé leur traduction réglementaire. Je pense notamment à la programmation pluriannuelle de l’énergie, censée décliner l’évolution du mix énergétique. Sa présentation, désormais promise pour le 1er juillet, n’a cessé d’être repoussée. Seul le volet relatif aux énergies renouvelables a été publié.
Ces reports successifs témoignent manifestement de la difficulté de la tâche, des concessions devant être faites et des compromis adoptés, comme nous l’avions signalé. Ces incertitudes n’étant pas levées, de tels retards pèsent directement sur les entreprises de la filière.
À l’opposé, on signalera, parmi les motifs de satisfaction, la publication rapide des textes d’application des mesures en faveur des industries électro-intensives, ainsi que la parution des budgets carbone et de la stratégie bas-carbone, qui étaient attendus par un certain nombre d’acteurs, notamment du secteur agricole.
Parmi les textes les plus importants publiés depuis le 1er avril, on trouve le décret relatif aux « travaux embarqués », les textes d’application du complément de rémunération, le nouveau cadre réglementaire des concessions hydroélectriques et la définition des conditions de mise en œuvre du chèque énergie.
Je tiens cependant à attirer votre attention sur une disposition réglementaire que le Gouvernement n’entend pas prendre, mais qui nous paraît nécessaire. Il s’agit de l’installation d’équipements de contrôle et de gestion active de l’énergie. Le Gouvernement et le Sénat sont en désaccord et portent des appréciations différentes sur ce sujet, dont nous parlerons ultérieurement.
La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est applicable à 70 %. Un certain nombre de dispositions ont été prises. Néanmoins, les mesures relatives à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et au renouvellement des générations en agriculture ont fait l’objet d’une mise en application assez incomplète : les dispositions sur le registre agricole ne sont toujours pas applicables, de même qu’un certain nombre d’autres dispositions, dont il sera fait mention dans un rapport ultérieur.
Je voudrais réserver quelques instants, monsieur le président, à un sujet périphérique mais important, à savoir l’usage des circulaires.
Sur le terrain, dans nos territoires, les agents des services déconcentrés n’appliquent ni les lois, ni les décrets, ni les arrêtés : ils appliquent les circulaires. Nous devons donc vérifier que celles-ci sont conformes non seulement à l’esprit mais aussi à la lettre des lois que nous votons et des décrets que prend le Gouvernement. Pour illustrer ce propos, les exemples ne manquent pas, mais le temps me fait défaut pour les énumérer. Il y a là un phénomène auquel le Sénat doit être extrêmement attentif, s’il veut contrôler totalement l’application des lois.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, l’essentiel de l’activité législative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées consiste en l’examen de projets de loi autorisant la ratification des traités internationaux, qui ne demandent pas de mesures d’application.
Même si ces projets de loi ne sont pas pris en compte dans le contrôle de la mise en application des lois, je vous informe toutefois qu’au cours de la session parlementaire 2014-2015, le Sénat a adopté 38 conventions et accords internationaux relevant de la compétence de la commission, contre 22 au cours de la session précédente, soit une augmentation de 72 %.
Cette nette augmentation est le fruit d’une politique volontariste, menée en concertation avec le Gouvernement, dans la lignée du rapport Plagnol, de résorption de la fameuse « bosse » des conventions internationales en souffrance d’examen parlementaire, parfois depuis de longues années, qui discrédite la signature de la France en tant que partenaire international.
La commission a en effet mis en œuvre une nouvelle méthode d’examen dite « synthétique », lorsque le Sénat est saisi après l’Assemblée nationale d’un traité. Cette méthode porte ses fruits, et je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier nos collègues rapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de s’être prêtés à cette expérimentation, laquelle sera pérennisée.
Les deux lois promulguées en 2014-2015 dans le secteur de compétence de la commission résultent de l’accroissement de la menace sur le territoire national et hors de nos frontières : c’est la loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires et la loi actualisant la programmation militaire, deux textes importants, à l’évidence.
Notre commission s’est également saisie pour avis de la loi de juillet 2015 relative au renseignement, son président, Jean-Pierre Raffarin, ayant également présidé la délégation au renseignement en 2015.
Fort logiquement, et fort heureusement, à la date du 31 mars 2016, ces lois sont presque totalement applicables.
C’est en particulier le cas pour la loi sur les installations civiles nucléaires, qui a été rendue applicable en moins de six mois, avec la publication de l’unique décret attendu. De même, les deux lois de programmation militaire de 2013 et 2015 sont quasiment totalement applicables : sur 20 mesures réglementaires, il ne manque actuellement qu’un seul arrêté pour celle de 2013 ; pour celle de 2015, c’est un peu moins bien, puisqu’il manque encore 3 mesures d’application sur 5.
La commission en conclut qu’en présence d’une volonté politique forte, le travail réglementaire se fait. Sur ces sujets, le Sénat a soutenu le Gouvernement en votant largement ces textes, et ce dans des délais d’examen brefs. Nous nous félicitons donc que l’impulsion ne se soit pas arrêtée à la porte du Parlement et qu’elle se soit diffusée au sein des services de l’administration.
Quand on veut, on peut, même s’il reste encore un petit effort à faire.
En effet, parmi les lois adoptées au cours des sessions antérieures, la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure est enfin devenue totalement applicable, avec la publication, très attendue, du décret en Conseil d’État du 7 mai 2015, qui a précisé les modalités d’utilisation des réserves civiles et militaires dans le cadre du dispositif de réserve de sécurité nationale.
Pour autant, ce sujet connaît une nouvelle actualité, depuis les déclarations du Président de la République sur la « Garde nationale » au Congrès, le 16 novembre 2015. Nous risquons donc de voir ce chantier rouvert, alors que nous venons à peine de le clore.
S’agissant du dépôt des rapports demandés par le Parlement, notre commission n’est pas totalement satisfaite. Comme le fait remarquer Claude Bérit-Débat dans son rapport, nos remarques sur les transmissions tardives ou lacunaires de rapports sont toujours un peu incantatoires. Aussi, je me contenterai de vous faire part du principal regret de notre commission, qui est de ne pas avoir encore reçu le bilan annuel politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours, prévu à l’article 4 de la loi de programmation militaire.
Sur les 4 rapports prévus par ce texte, c’est le seul qui n’ait pas encore été déposé, or c’est l’un de ceux qui revêtent le plus grand intérêt. La commission a donc décidé de faire elle-même son propre bilan des OPEX ; c’est l’objet d’une mission qu’elle a confiée à nos collègues Jacques Gautier et Daniel Reiner.
À l’inverse, nous souhaitons souligner que le Gouvernement a déposé – avec quand même deux mois de retard ! – le rapport sur les missions des forces armées sur le territoire national en protection des populations. Ce rapport a été jugé insuffisant par notre commission sur le plan de la doctrine d’emploi des forces, mais il a toutefois permis un échange fructueux avec le Gouvernement à l’occasion d’une déclaration suivie d’un débat en séance publique.
La commission s’était auparavant rendue sur le terrain, auprès des soldats de l’opération Sentinelle, pour préparer ce débat. Notre critique constructive, notamment sur le caractère trop statique des gardes ou l’insuffisante autonomie par rapport aux forces de sécurité intérieure, a conduit à des modifications du dispositif. C’est encore insuffisant, certes, mais nous considérons qu’il s’agit d’un bon début. Il y a donc bien des rapports utiles, qui sont lus, débattus, et qui sont même suivis d’effets…
En conclusion, monsieur le président, sous les réserves évoquées, notre commission dresse un bilan globalement positif de l’application des lois relevant de son secteur de compétence pour la session 2014-2015.
M. le président. Je vous remercie, monsieur Cambon. Votre « même » est révélateur, … mais de bonheur ! (Sourires.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la commission des affaires sociales, le bilan de l’application des lois porte cette année sur un nombre de textes assez réduit. En effet, plusieurs lois examinées par la commission en 2014-2015 étaient d’application directe, tandis que d’autres ont vu leur discussion se poursuivre sur la session suivante.
Pour les lois entrant dans le périmètre de ce bilan annuel, 144 mesures d’application étaient attendues. Au 31 mars 2016, 97 étaient intervenues, soit un taux de 67 %. C’est moins satisfaisant que l’an dernier, où nous avions atteint un taux de 78 % sur un nombre beaucoup plus important de 265 mesures attendues.
Je voudrais tout de suite tempérer cette appréciation, car, depuis le 31 mars, plusieurs textes attendus ont été publiés et le taux de mise en application a donc sensiblement progressé.
S’agissant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le décret instaurant, pour les hôpitaux de proximité, un financement mixte combinant la tarification à l’activité et une dotation forfaitaire, a paru voilà quinze jours. Nous nous en félicitons, car il s’agissait d’une proposition de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, formulée dans son rapport sur la T2A… en 2012 !
En revanche, nous regrettons que plusieurs dispositions censées renforcer l’efficience des prises en charge par l’assurance maladie demeurent non appliquées. C’est le cas, par exemple, des dotations pour l’amélioration de la qualité des soins dans les établissements de santé ou de la régulation de l’offre de taxis conventionnés pour le transport des patients.
De même, le Sénat avait prévu une procédure d’achat groupé de vaccins au profit des établissements de santé et des centres de vaccination relevant des collectivités locales. Nous regrettons, là aussi, l’absence de décret d’application.
S’agissant de la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi Rebsamen, 52 % seulement des mesures attendues étaient prises au 31 mars. Le retard a en partie été comblé ces derniers mois avec la parution de plusieurs textes, qui porte désormais à 75 % le taux de mise en application.
Parmi les mesures en attente figurent celles qui permettent la conclusion d’accords collectifs dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale, prévue à l’article 21, et le décret d’application de l’article 26 sur les services de santé au travail. Il est vrai que, sur ces deux sujets, le droit n’est pas stabilisé, puisque nous en discutons de nouveau dans le cadre du projet de loi « Travail ».
De manière générale, l’intervention en fin de législature d’un texte touchant à de multiples aspects du droit du travail conduit à revenir sur des mesures de lois antérieures avant même qu’elles aient pu pleinement entrer en application. Cela ne peut qu’alimenter une critique régulièrement formulée, en droit du travail notamment, sur l’instabilité de la législation française.
Notre commission a par ailleurs été chargée du suivi de la mise en œuvre du volet social de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, soit près de 80 articles sur les 308 que contient cette loi. Dans le champ des affaires sociales, 77 % des mesures attendues étaient intervenues fin mars. Ce taux s’est lui aussi amélioré depuis, avec la parution de nouveaux textes.
Nous constatons que ce texte, promulgué voilà dix mois, a fait l’objet d’un effort tout particulier pour permettre une mise en œuvre effective dans des délais plus rapides que ceux auxquels nous sommes habitués. Peut-être faudrait-il s’inspirer du dispositif mis en place pour que ce qui nous paraît aujourd’hui exceptionnel devienne, demain, habituel.
J’en viens aux lois antérieures à octobre 2014.
Le décret permettant l’application de la loi du 6 décembre 2013 autorisant l’expérimentation des maisons de naissance, issue de la proposition de loi déposée au Sénat par Muguette Dini, est enfin intervenu. L’arrêté fixant la liste des neuf maisons de naissance autorisées à fonctionner de manière expérimentale a été publié moins de deux semaines avant le terme fixé par la loi pour lancer l’expérimentation.
De même a été publié au Journal officiel, il y a quinze jours, l’arrêté imposant une teneur maximale en sucres ajoutés aux produits exclusivement distribués outre-mer, texte prévu par la loi du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer. Notre collègue Michel Vergoz, rapporteur du texte, était vivement intervenu à ce sujet en commission le mois dernier. La question est désormais réglée, mais nous comprenons mal ce qui justifie un tel retard.
Pour conclure, il me paraît utile de souligner le réel effort réalisé sur une grande majorité de lois pour publier les textes d’application dans des délais relativement raisonnables, mais il y en a encore à faire pour permettre l’application rapide des décisions politiques.
Songez, monsieur le secrétaire, mes chers collègues, que trois mois seulement se sont écoulés entre le dépôt du projet de loi Rebsamen sur le dialogue social et son adoption définitive par le Parlement, mais que la moitié seulement des décrets d’application avaient été pris huit mois plus tard : ce n’est donc pas toujours la procédure parlementaire qui s’avère la plus longue et la plus problématique !
Il y a donc encore des efforts collectifs à consentir pour permettre l’application rapide des décisions politiques !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de cette session, 4 lois ont été promulguées dans les secteurs de compétence de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Il s’agit de la loi n° 2014-1663 du 30 décembre 2014 habilitant le Gouvernement à prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour assurer dans le droit interne le respect des principes du code mondial antidopage ; de la loi n° 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel, dite loi DDADUE ; de la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse ; enfin, de la loi n° 2015-737 du 25 juin 2015 portant transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles, ratifiant diverses ordonnances relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche et portant diverses dispositions relatives à l’enseignement supérieur.
Sur un plan strictement quantitatif, on notera que la liste des lois promulguées dans les secteurs de compétence de la commission de la culture traduit une stabilité de son activité législative.
Sur ces quatre lois promulguées, une est issue d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues : la loi relative à la modernisation du secteur de la presse.
Par ailleurs, deux de ces lois sont d’application directe : il s’agit de la loi sur le code mondial antidopage et de celle sur l’université des Antilles et de la Guyane.
En revanche, les deux autres nécessitaient des décrets d’application. Aujourd’hui, la loi relative à la modernisation du secteur de la presse est partiellement applicable, 2 décrets sur 3 ayant été pris, tandis que la loi DDADUE est devenue totalement applicable, le seul décret nécessaire pour mettre en application 3 dispositions ayant été publié.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de ces observations ?
Le constat effectué les années précédentes se confirme : le choix de la procédure accélérée est sans incidence sur le rythme de parution des mesures d’application de la loi. J’insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, tout en vous faisant remarquer que, sur cette session, toutes les lois promulguées ont fait l’objet d’une procédure accélérée…
Le contrôle de la parution des textes d’application renvoie évidemment à la question des délais, qui a déjà été évoquée par les précédents orateurs.
À cet égard, nous notons également que des efforts ont été accomplis par les gouvernements successifs. Le délai de parution des décrets d’application pris au cours de la période s’étendant du 1er octobre 2014 au 31 mars 2016, pour les lois promulguées au cours de l’année parlementaire, était inférieur à trois mois dans la moitié des cas. Par ailleurs, je vous rappelle qu’un projet de loi s’accompagne désormais d’un calendrier de parution des mesures d’application, ce qui nous satisfait tout particulièrement.
Pour terminer ce panorama du contrôle, je ferai quelques remarques sur les rapports demandés au Gouvernement dans les lois. Leur dépôt s’effectue le plus souvent en retard, et les gouvernements successifs ne manifestent que peu de volonté ou de motivation à leur égard. En outre, si 14 rapports sont parus au cours de la session 2014-2015, le nombre de rapports en attente de parution demeure particulièrement élevé : 36 rapports manquent depuis 2000.
Enfin, la plupart des textes attendus pour l’application des grandes lois votées depuis le début de la législature dans le domaine de compétence de notre commission sont désormais parus, et nous pouvons en être satisfaits.
Deux lois promulguées au cours de précédentes sessions sont entrées totalement en application au cours de l’année parlementaire 2014-2015 : il s’agit de la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, dont le dernier décret d’application est paru en avril 2015, et de la loi relative à la refondation de l’école, dont les deux derniers textes d’application attendus sont parus au cours de la session – l’arrêté du 3 novembre 2015 sur la périodicité et le contenu des visites médicales et de dépistage obligatoires et le décret du 31 décembre 2015 relatif à l’évaluation des acquis scolaires des élèves et au livret scolaire, à l’école et au collège.
En revanche, le bilan d’application des lois anciennes reste très mitigé : les décrets parus pour la période de référence ne concernent jamais, ou à de rares exceptions près, les lois promulguées lors des législatures antérieures.
Tel est, mes chers collègues, le bilan que fait notre commission de l’application des lois sur la session 2014-2015.