M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Sur les amendements identiques nos 17 rectifié bis, 70 rectifié et 118, je partage l’analyse de Mme la rapporteur sur les délégations de compétence qui ont été consenties à l’EPCI. Si la consultation des communes concernées est légitime, le fait d’imposer leur accord viendrait, je crois, remettre en cause la délégation de compétence à l’EPCI, ce qui ne peut pas être accepté. C’est pourquoi je partage son avis et demande le retrait de ces amendements.
L’amendement n° 23, en revanche, a pour objet de rendre obligatoire, et non plus seulement facultative, l’attribution de moyens humains et financiers à la commune dans le cas où l’EPCI lui délègue l’élaboration, la révision ou la modification du plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine. Je ne doute pas que cette question des moyens sera abordée dans la délibération de la commune, puisque c’est elle qui fera la demande de délégation, et dans celle de l’EPCI, puisque ce sera lui qui décidera de cette délégation de compétence.
Il me semble donc que l’obligation que vous souhaitez introduire devrait de toute façon, dans les faits, se trouver matérialisée. Mais s’il vous paraît préférable de l’inscrire, je n’y vois aucun inconvénient et je suis donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote sur l’amendement n° 200.
Mme Marie-Pierre Monier. Nous avons déjà débattu de la nécessité des commissions locales. Actuellement, cela ne vaut que pour les ZPPAUP-AVAP, mais je crois qu’il est important d’obliger les personnes de la société civile à s’impliquer dans ces commissions. Cela permet en effet à la population de prendre la mesure de l’importance qu’il y a à protéger le patrimoine. Les discussions et les débats au sein de ces instances vont permettre de renforcer la protection du patrimoine et de mieux faire comprendre les raisons de sa protection. Cela nous semble important : nous sommes donc désolés, mais, de notre côté, nous serons contre votre amendement, madame la ministre.
M. Gilbert Barbier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je comprends votre argumentation, madame Monier.
Le fait de constituer systématiquement une commission au niveau local permettra peut-être d’avoir cette mobilisation citoyenne autour des enjeux de patrimoine. Le Gouvernement craint toutefois que ce ne soit parfois une obligation lourde pour les communes qui ne souhaiteraient pas mettre en place une telle commission.
Je retire mon amendement (M. Gilbert Barbier marque sa satisfaction.) et m’en remets au texte tel qu’il est rédigé à ce stade. Ces commissions seront obligatoires, nous ferons ensuite un bilan et si la logique que vous présentez se met en place, je crois que nous aurons tout à y gagner. (Mme Mireille Jouve applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 200 est retiré.
M. Alain Vasselle. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 200 rectifié, présenté par M. Vasselle, et ainsi libellé :
Alinéa 100
Remplacer le mot :
est
par les mots :
peut être
Vous avez la parole pour le défendre, mon cher collègue.
M. Alain Vasselle. Cet amendement se justifie par sa rédaction même.
Mme la ministre a exposé des arguments très pertinents pour le défendre. Je considère qu’il faut laisser de la souplesse au dispositif et ne pas rendre systématique la constitution de ces commissions. Il appartiendra aux élus d’apprécier s’il y a lieu de les mettre en place ou pas, mais n’allons pas créer des contraintes nouvelles.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Pour une fois qu’un gouvernement accepte de laisser un peu de souplesse et de ne pas imposer un cadre rigide, sorte de jardin à la française applicable partout, nous devons saisir l’occasion ! Nous pouvons effectivement considérer que l’on crée une obligation ou une sensibilisation de la population. Mais soyons clairs : soit il y a de vrais enjeux patrimoniaux, et la population est sensibilisée, soit les enjeux sont mineurs, et il n’est pas forcément nécessaire d’imposer le débat et de créer une structure supplémentaire.
L’intérêt de l’amendement du Gouvernement réside dans sa souplesse, qui permet de prendre en compte les différences de situation. Si des associations ont sensibilisé la population, elles obtiendront la mise en place d’une commission locale, mais il n’est pas nécessaire de vouloir constituer de force ces commissions.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Je ne soutiendrai pas cet amendement du Gouvernement, repris par M. Vasselle.
Nous sommes en train de légiférer et, dès lors que l’on utilise le verbe « pouvoir », la loi ne sert à rien ! Pourquoi s’embêter à légiférer si l’on a la possibilité de ne pas faire quelque chose ?
Maintenons cette obligation de créer une commission, ce ne sera pas catastrophique et cela permettra, me semble-t-il, de mieux impliquer la population. Ce n’est jamais un mal, dans une cité, de prendre l’avis des citoyens.
Quoi qu’il en soit, il faudrait selon moi bannir le verbe « pouvoir » de l’arsenal législatif !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Je voudrais d’abord remercier Mme la ministre d’avoir retiré son amendement. Comme beaucoup d’entre nous dans cet hémicycle, j’ai été maire durant de nombreuses années et, comme certains d’entre nous également, coprésident, avec l’État, d’une commission locale du secteur sauvegardé. Je voudrais témoigner ici de l’importance du formalisme dans lesdites commissions locales.
Tous ceux qui ont été maires savent ce que sont les commissions extramunicipales. Je ne détaillerai pas le déroulement de ces commissions, mais je voudrais distinguer deux choses : d’un côté, l’accompagnement de la procédure d’un PVAP ou d’un PSMV ; de l’autre, la médiation démocratique qui doit être lancée dans la commune pour sensibiliser la population à l’intérêt patrimonial de certains lieux.
La commission locale est selon moi particulièrement utile – je peux en témoigner pour en avoir piloté une et pour avoir pu inscrire un plan de sauvegarde et de mise en valeur dans ma commune. Sa mise en place sensibilise non pas forcément toute la population – même si la presse se fait souvent l’écho de ses travaux et que ce n’est pas inutile –, mais l’ensemble des acteurs importants du territoire, qu’il s’agisse des représentants de l’État ou de la commune. Dieu sait s’il faut les sensibiliser et si, parfois, ces sujets sont compliqués à expliquer et à faire partager.
Mme Maryvonne Blondin. Eh oui !
M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur. Il faut vraiment qu’une volonté politique s’exprime sur le plan local. De surcroît, comme l’a souligné Mme la rapporteur, la commission régionale va être assez loin de la commune, et ses membres n’émaneront pas nécessairement de cette commune ou de l’intercommunalité sur laquelle se situe ce territoire restreint. Personnellement, comme j’avais eu l’occasion de le dire en d’autres circonstances, je tiens beaucoup au maintien d’une commission locale formelle obligatoire.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Après les propos très éloquents de M. rapporteur, je n’ai pas grand-chose à ajouter. Je voudrais toutefois, mes chers collègues, que vous gardiez bien à l’esprit ce qui se passe en milieu rural. On ne mettra pas le couteau sous la gorge à ceux qui ne veulent pas faire partie dans cette commission, mais sachez que, dans chaque département, il y a des présidents d’associations, des personnes motivées et des citoyens qui ont envie d’avancer dans certains domaines.
Les grandes régions qui ont été dessinées risquent de bloquer ces volontés. Ainsi, dans ma région, la commission régionale siégera sans doute à Strasbourg, c'est-à-dire à quatre cents kilomètres de ma commune. Sera-t-il aussi facile d’appréhender les situations et de confronter les idées aussi loin du territoire concerné ?
Ces instances permettent aussi, en favorisant le débat, de faire émerger une majorité ou une opposition sur tel ou tel sujet. C’est bien là aussi que se régleront plus facilement les problèmes, s’il doit y en avoir.
Alors, de grâce, laissons faire les choses. Il y a toujours, ici ou là, des personnes motivées. En revanche, dès lors que l’on emploie le verbe « pouvoir » dans un document, on sait ce qu’il advient…
M. Alain Vasselle. Sommes-nous, oui ou non, dans un pays de liberté ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. La liberté existera, monsieur Vasselle. Il n’y aura pas d’obligation de faire partie de cette commission,…
M. Alain Vasselle. Mais si !
Mme Françoise Férat, rapporteur. … et elle sera animée par des personnes volontaires qui sauront fédérer autour d’elles.
Nous avons toujours tendance à oublier les territoires ruraux et cette commission locale me semble indispensable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 200 rectifié.
M. Alain Vasselle. On soutient le Gouvernement !
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 17 rectifié bis, 70 rectifié et 118.
Mme Caroline Cayeux. Madame la rapporteur, je m’étonne quelque peu de votre analyse concernant l’obligation ou pas pour les communes de pouvoir donner leur avis. La compétence d’urbanisme ayant été transférée aux intercommunalités ou aux communautés d’agglomération, les communes vont finalement subir une double peine : elles ne pourront pas donner leur avis mais devront quand même payer.
Je ne souscris donc absolument pas à votre analyse sur la libre administration des collectivités, car les communes sont en réalité privées de leur droit de décision et de consultation.
Il me paraît donc surprenant que l’on puisse s’opposer à cet amendement, qui tend à conférer aux communes la liberté de statuer ou non sur les travaux proposés.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je soutiens avec enthousiasme l’amendement défendu par ma collègue Caroline Cayeux. Après avoir entendu l’argumentation développée par les rapporteurs sur l’amendement précédent, je leur fais remarquer qu’ils ont voulu créer une contrainte pour les collectivités, avec la création de cette commission locale.
En l’occurrence, et c’est le moins que nous puissions exiger, nous demandons qu’il y ait un accord formel de la collectivité concernée pour les éléments de son patrimoine qui se situeraient dans cette zone de protection, ce d’autant que la collectivité reste propriétaire de ces biens. C’est elle qui en assurera le financement, et il serait quand même un peu fort de café que ce soit le niveau supérieur qui impose des décisions à la collectivité sans que l’on ait pris formellement en considération son avis. C’est la raison pour laquelle cet amendement, qui va plutôt dans le sens de l’argumentation que vous développiez voilà quelques instants, madame, monsieur les rapporteurs, devrait selon moi être adopté par les membres de la Haute Assemblée.
M. Michel Bouvard. C’est un amendement de cohérence !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je vous l’avoue, mes chers collègues, je suis un peu ennuyée, et je vais sans doute adopter une position très centriste (Sourires.) – mais c’est peut-être aussi celle de la raison !
J’entends très bien l’argument de mes collègues : quand on est maire et que l’on a sur le territoire de sa commune un patrimoine, on sait que l’on devra mettre en œuvre et financer les plans de restauration. On peut de surcroît appartenir à des intercommunalités dans lesquelles la sensibilité au patrimoine est plus ou moins forte. C’est donc une vraie question.
Mais j’entends aussi l’argument juridique, très bien exposé par Mme la rapporteur : quand on a transféré une compétence, on ne peut plus agir dans ce champ.
Même si elle ne l’est pas dans cette loi, cette question doit être traitée.
La validation des décisions prises par les intercommunalités est soumise à des conditions de majorité variables selon les champs de compétence concernés. Pour les décisions prises par une intercommunalité dans le cadre d’un plan local d’urbanisme intercommunal, un PLUI, et ayant trait au patrimoine, nous devrons donc définir des conditions de majorité qualifiée dans lesquelles un vote favorable du conseil municipal de la commune concernée sera inclus.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Je ne voudrais pas qu’il y ait de confusion sémantique.
L’article 24 dispose que « le projet de plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine est arrêté par l’organe délibérant de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale et, le cas échéant, après consultation de l’organe délibérant de la ou des communes concernées ».
Vous souhaitez inscrire dans la loi la nécessité de recueillir l’« accord » de la commune. Ne pensez-vous pas qu’il s’agisse d’une sorte d’ingérence dans la direction des collectivités ? Ce mot me semble particulièrement fort !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Il faut aussi comprendre une chose : c’est le maire de la commune, même si la compétence a été déléguée, qui va in fine devoir répondre devant ses concitoyens des contraintes et du mode de gestion du patrimoine. Ainsi, certaines personnes ne m’adressent plus la parole depuis vingt-cinq ans car, un jour, nous avons élaboré un plan de sauvegarde et nous sommes allés leur dire qu’elles ne respectaient pas les contraintes dudit plan, ou que nous avons décidé de cureter un certain nombre d’îlots qui avaient été construits au fil des siècles et qui ne permettaient pas la mise en valeur du patrimoine. Le maire de la commune, qui, avec son équipe municipale, va se trouver confronté en première ligne à ses administrés, doit tout de même pouvoir donner son accord sur l’orientation qui est prise et le document global. C’est lui qui va devoir justifier la décision devant ses concitoyens, pas le président de l’intercommunalité.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Nous aurons un peu de mal à trouver une solution ce soir. Alors, mes chers collègues, j’ai envie de vous dire : Banco ! Engageons-nous dans cette expérimentation et retrouvons-nous dans quelque temps pour vérifier lequel d’entre nous proposait la bonne solution ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. Je vais me ranger à l’avis de Mme la rapporteur. J’entends bien l’argument sur les transferts, mais, très franchement, on ne peut pas réussir un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine si un accord n’est pas trouvé entre l’EPCI compétent et la commune concernée. (Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains opinent.) Cet accord reste la condition de la réussite du plan et de sa mise en œuvre. Je suis donc favorable à cette expérimentation. (M. Jackie Pierre applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié bis, 70 rectifié et 118.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Avant de poursuivre nos travaux, je voulais vous dire que nous sommes accompagnés, pour une partie de la soirée, par des élèves du lycée professionnel Odilon Redon de Pauillac. Ils sont à Paris pour quarante-huit heures, parce qu’ils participent au prix Jean Renoir, qui va élire le film lycéen de l’année. Ils ont contribué à des courts-métrages sur « le métier qui me plaît » et le jury est présidé par Serge Moati. Par conséquent, je crois que nous aurons, avec nous, des jeunes, qui vont suivre nos débats de façon attentive.
Nous poursuivons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
Madame la ministre, mes chers collègues, il nous reste 68 amendements à examiner. Je vous propose que nous essayions de terminer l’examen de ce texte ce soir, quitte à aller au-delà de zéro heure trente. Cela suppose que chacun fasse preuve de concision dans ses interventions.
En revanche, la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias ne sera examinée que demain.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 24.
L’amendement n° 102, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Remplacer les mots :
soit par l'autorité administrative, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, lorsque le périmètre ne dépasse pas la distance de cinq cents mètres à partir d'un monument historique, soit par décret en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, lorsque le périmètre dépasse la distance de cinq cents mètres à partir d'un monument historique
par les mots :
par décret en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture et de la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 102 est retiré.
L'amendement n° 126, présenté par M. Bouvard, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 103, présenté par M. Abate, Mme Gonthier-Maurin, M. P. Laurent, Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Remplacer les mots :
peut mettre en demeure
par les mots :
met en demeure
La parole est à M. Patrick Abate.
M. Patrick Abate. Cet amendement vise à automatiser la mise en demeure par l’autorité administrative de remettre en l’état un bien mobilier détaché ou un immeuble morcelé en violation des dispositions du code du patrimoine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Je comprends le souci, exprimé par les auteurs de cet amendement, de garantir l’efficacité du dispositif de lutte contre le morcellement des immeubles protégés.
Cela dit, je m’interroge sur l’opportunité de ce changement sémantique. En obligeant l’autorité administrative à mettre en demeure l’auteur du morcellement, on introduit un risque juridique dans le cas où cette autorité n’aurait pas procédé à la mise en demeure. Elle pourrait, dès lors, être sanctionnée pour avoir manqué à son obligation, alors même qu’elle n’aurait pas forcément connaissance dudit morcellement.
C’est pourquoi la commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement au sujet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement a pour objet de contraindre l’État à mettre en demeure l’auteur des faits de remettre en place les éléments détachés d’un immeuble classé ou inscrit en violation du code du patrimoine.
L’article L. 621–33 du code du patrimoine reprend les dispositions de l’article additionnel de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.
Depuis l’origine, cet article a toujours considéré la mise en demeure comme une faculté dont dispose l’État, et non comme une obligation qui s’impose à lui.
Pour quelle raison ? Parce qu’il arrive que ces démembrements soient irréversibles, soit lorsque l’opération se solde par une quasi-disparition du monument protégé, soit du fait que le détachement non autorisé peut être validé, par exemple lorsqu’il constitue le seul moyen d’assurer la conservation d’un élément de décor.
Pour ces cas-là, il nous semble préférable de considérer la mise en demeure comme une faculté, non comme une obligation.
En tout état de cause, l’auteur des infractions demeurera exposé, dans chacune de ces situations, aux sanctions pénales qui punissent des travaux réalisés sans autorisation sur un monument historique, ainsi que la dégradation du patrimoine culturel.
C’est pourquoi je préférerais m’en tenir à une faculté, plutôt que de prévoir une obligation. Je demande, par conséquent, le retrait de cet amendement. À défaut, je devrai y être défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Abate, l’amendement n° 103 est-il maintenu ?
M. Patrick Abate. Non, il est retiré, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 103 est retiré.
L'amendement n° 211, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 60
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa n’est pas requise lorsque l’image est utilisée dans le cadre de l'exercice de missions de service public ou à des fins culturelles, artistiques, pédagogiques, d'enseignement, de recherche, d’information et d'illustration de l'actualité.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement vise à articuler plus clairement l’alinéa concerné avec le premier alinéa du même article. Il vise à préciser que l’autorisation n’est pas requise, lorsque l’image des domaines nationaux est utilisée à des fins d’information.
Dans une société où les citoyens ont de plus en plus recours aux outils numériques et dans le cadre d’activités participatives, l’image a vocation à circuler assez largement, notamment par les réseaux sociaux ou internet.
La protection de l’image des domaines nationaux ne doit pas avoir pour effet d’interdire de tels usages, qui n’entrent pas dans le champ commercial.
C’est pourquoi je vous propose d’apporter une telle précision, afin de permettre la circulation de ces images dans un cadre non commercial.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous approuvons la rédaction actuelle du projet de loi, en particulier l’alinéa 58 de cet article, qui prévoit une autorisation en cas d’utilisation à des fins commerciales.
Nous comprenons et approuvons l’ajout, maintenant proposé par le Gouvernement, qui précise que cette autorisation n’est pas requise lorsque l’image est utilisée à des fins pédagogiques, artistiques, d’enseignement et de recherche.
Mais nous nous interrogeons sur l’ambiguïté des expressions « à des fins culturelles » et « à des fins d’illustration de l’actualité ».
En effet, seront « culturels » les cartes postales, les livres sur le patrimoine ou des tas d’autres choses qui ne sont pas dénuées de visées commerciales.
Seront également « culturels » les minibus qui véhiculeront les guides-conférenciers ou encore les tee-shirts qui permettront de vendre des tours opérateurs…
Je me demande donc s’il n’existe pas une certaine contradiction, induite par cette proposition. Ou alors, votre alinéa 58 l’emporte sur toutes les occurrences qui sont écrites dans l’alinéa 60 ?
Avec l’alinéa 60 tel que rédigé aujourd’hui, Paris-Match peut photographier tranquillement tout ce qu’il veut…
Je souligne, en outre, que la rédaction contient un « ou », non un « et » : l’autorisation n’est pas requise lorsque l’image est utilisée dans le cadre de l’exercice de missions de service public « ou » à des fins culturelles et d’illustration de l’actualité.
Toute la presse magazine pourra donc, désormais, diffuser à des fins commerciales des photos, grâce à la dérogation que vous inscrivez ici.
Je sais que ce ne sont pas vos intentions, mais je souhaite cependant attirer votre attention.
Pour notre part, cela ne nous gêne pas du tout que ces photos de patrimoine commun soient prises et diffusées.
Ce qui nous gênerait plus, c’est de voir des pépites de notre patrimoine se retrouver flanquées d’une bouteille de boisson marron ou d’un sandwich circulaire fait de deux demi-sphères…
Mme la présidente. L’amendement n° 127, présenté par M. Bouvard, n'est pas soutenu.
L’amendement n° 157 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Mézard, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Amiel et Collombat, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 86
Après le mot :
quartiers
insérer les mots :
, espaces ruraux et paysages
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement vise à inclure les espaces ruraux et les paysages dans les sites pouvant être protégés au titre des sites patrimoniaux remarquables.
Dans la rédaction actuelle du texte de la commission, ces espaces ruraux et paysages peuvent seulement être classés, lorsqu’ils forment avec les villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou susceptible de contribuer à leur conservation.
Cet amendement permet de préciser que les espaces ruraux et les paysages peuvent être protégés en tant que tel et de manière indépendante, c’est-à-dire même lorsqu’ils ne forment pas avec les villes, villages ou quartier un ensemble cohérent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement avait déjà été présenté en première lecture et rejeté par notre assemblée.
Jusqu’à présent, le texte du projet de loi n’accorde une protection aux espaces ruraux et aux paysages, au titre du nouveau régime, qu’en tant qu’ils forment un tout cohérent avec les villes, villages et quartiers dont le patrimoine culturel est protégé.
Ouvrir aux espaces ruraux et aux paysages la possibilité du classement au titre des sites patrimoniaux remarquables de manière indépendante aurait pour effet de brouiller le message du texte, qui met en place un nouvel outil de protection du patrimoine, en particulier des immeubles, qu’il soit bâti ou non.
Les paysages sont tout à fait légitimes à bénéficier d’une inscription ou d’un classement en tant que site au titre du code de l’environnement dès qu’ils revêtent un intérêt général du point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, ou à faire l’objet de directives de l’État en matière de protection et de mise en valeur des paysages.
Pour ces raisons, la commission reste défavorable à cet amendement.