M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Le premier argument qui m’est venu à l’esprit, c’est que nous sommes en train de créer de nouveau – je l’entends régulièrement dire sur les différentes travées de cet hémicycle – un système administratif avec des examens, des formations, des registres, des recours, des inspecteurs…
Le dispositif global que nous mettons en place est intelligent, mais il doit s’appliquer de façon fluide. Or, dans un réflexe très français, que je ne reproche à personne puisque, sur toutes les travées, nous avons pu avoir de telles intentions à un moment ou à un autre, nous trouvons immédiatement une idée qui entraîne de la complexité.
Essayons de nous retenir de mettre en place un système tordu et lourd ! Certes, il y aura peut-être des emplois à la clé, mais compte tenu des difficultés pour créer des postes dans les différents établissements publics, il serait préférable de les consacrer à la biodiversité, plutôt qu’à la délivrance d’agréments !
Cela étant, l’aménageur reste seul responsable des obligations de compensation et, s’il ne réalise pas correctement son opération de compensation, il sera rattrapé par la patrouille, si vous me permettez cette expression… Ce n’est donc pas la peine de créer un agrément.
Je suis par conséquent très défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Ce sujet a fait l’objet de nombreux débats ! Le Gouvernement a d’ailleurs pris le temps de réfléchir à cette question. Nous devons disposer d’un système opérationnel et efficace, qui doit dans le même temps être correctement contrôlé. Les questions de compensation nécessitent effectivement un contrôle sérieux.
Pour autant, la création d’un agrément permettra-t-elle de satisfaire cet objectif ?
Après réflexion approfondie, nous pensons que, finalement, cela risquerait plutôt d’alourdir le processus, sans donner les garanties attendues et légitimes.
Pour les opérateurs de compensation, le Gouvernement recherche un dispositif qui ne desserve pas les petits opérateurs au profit des plus grosses structures et qui concoure à une mise en œuvre de la compensation écologique plus efficace pour la biodiversité.
Véritablement, je crois davantage à la nécessité d’élever le niveau général de compétences des opérateurs de compensation, par exemple en organisant des formations ou en publiant des guides pratiques auxquels ils pourront se référer.
Le contrôle de la mise en œuvre effective de la compensation écologique et de l’atteinte des obligations des maîtres d’ouvrage est, je le répète, primordial. C’est le point essentiel, qui nous permettra de savoir si la compensation est efficace ou pas.
En outre, ce sont les maîtres d’ouvrage qui sont responsables, en dernier ressort, de la mise en œuvre des mesures de compensation. C’est à ce stade que les choses doivent se jouer.
Aussi, le rétablissement de l’agrément ne me semble finalement pas nécessaire. Je demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président. Madame Bonnefoy, l’amendement n° 93 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bonnefoy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 93 est retiré.
Monsieur Dantec, l’amendement n° 238 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire également.
M. le président. L’amendement n° 238 est retiré.
8
Nomination d’un secrétaire du sénat
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe écologiste a présenté la candidature de Mme Corinne Bouchoux pour remplacer, en qualité de secrétaire du Sénat, M. Jean Desessard.
Le délai prévu par l’article 3 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Corinne Bouchoux, secrétaire du Sénat.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
9
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat. J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.
Pour des raisons d’ordre pratique que chacun peut comprendre et conformément à la décision de la conférence des présidents, les auteurs de question pourront utiliser leur droit de réplique s’il leur reste plus de cinq secondes de temps de parole. (Exclamations.)
Pour des raisons d’équité, j’appelle aussi chacun à respecter son temps de parole.
programme législatif du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe UDI-UC.
M. Vincent Capo-Canellas. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes à quelques minutes du débat sur la motion de censure déposée à l’Assemblée nationale par l’opposition à la suite de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi relatif au travail.
La discussion de ce texte place votre gouvernement dans une situation relativement inédite.
Vous avez choisi de recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, article que le Président de la République lui-même a qualifié de « violation des droits du Parlement ». Reconnaissons-le toutefois, c’était l’une de vos prérogatives constitutionnelles, mais vous l’utilisez dans un débat qui vous oppose à votre propre majorité – je devrais dire : dans le procès qu’une partie de votre propre majorité instruit à l’encontre du Gouvernement.
Hier, il s’en est fallu de très peu que cette arme de l’article 49, alinéa 3, ne se retourne contre vous, comme un boomerang, avec l’éventualité d’une motion de censure provenant des rangs de votre majorité, ce qui aurait été assez singulier !
Nous nous souvenons que, lors du précédent quinquennat, le Gouvernement n’avait pas fait usage de cet article. Nous nous souvenons également que vous avez utilisé celui-ci à répétition lors de l’examen du projet de loi Macron. Cette procédure est donc devenue un mode de gestion quelque peu singulier d’une majorité qui n’est pas moins singulière – je devrais peut-être dire : de votre absence de majorité.
En effet, il est évident que le Gouvernement n’a plus de majorité, du moins pour réformer ; la démonstration semble en être faite. Ce constat, monsieur le Premier ministre, nous aurions pu l’établir ensemble dès l’origine.
Je voudrais donc vous poser deux questions…
M. Jean-Louis Carrère. Non, une !
M. Vincent Capo-Canellas. Premièrement, lorsque le projet de loi relatif au travail sera examiné au Sénat, serez-vous ouvert aux initiatives visant à l’enrichir et, surtout, à revenir à ce qu’il devait être à l’origine, c’est-à-dire un texte ambitieux pour l’emploi ?
Deuxièmement, comment voyez-vous la fin de ce quinquennat ? Aurez-vous les moyens de votre politique ou êtes-vous condamné à l’immobilisme ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, j’apprécie vos commentaires sur la situation politique et sur la Constitution. Je suis très respectueux de la Constitution, comme du rôle et des prérogatives du Parlement.
L’article 49, alinéa 3, de la Constitution a dû être utilisé près de quatre-vingt-dix fois depuis 1958.
M. Jean-Pierre Sueur. Quatre-vingt-quatre fois !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il l’a été vingt-huit fois par Michel Rocard, homme respectueux du Parlement, dont j’étais à l’époque l’attaché parlementaire – il m’en est sans doute resté quelque chose… (Exclamations amusées sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Voilà !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Dire que le recours à cette procédure est devenu une façon ordinaire de gouverner est exagéré : la plupart des textes de loi ont été adoptés selon la procédure ordinaire, sauf les deux que vous avez mentionnés, c’est-à-dire la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, défendu par Myriam El Khomri.
J’ai décidé d’engager la responsabilité du Gouvernement, et le conseil des ministres m’y a autorisé, parce que toute une série de votes contraires s’additionnent pour empêcher l’adoption de cette réforme, que la ministre du travail et moi-même, comme l’ensemble des membres du Gouvernement et une grande majorité des parlementaires socialistes, estimons utile pour les entreprises et pour les salariés. Surtout, cette réforme répond à la nécessité de renforcer le dialogue social dans l’entreprise, parce que nous voulons faire confiance aux entrepreneurs comme aux salariés. J’espère d’ailleurs que le Sénat nous rejoindra sur ce point. Pour nous, ce texte est une vraie révolution, car il crée de nouveaux droits pour les salariés, notamment avec le compte personnel d’activité, et s’attaque aussi à la fraude au détachement, parmi d’autres sujets.
Vous aurez bien sûr l’occasion de débattre de toutes ces questions au Sénat et la ministre sera ouverte aux propositions de la Haute Assemblée sur tous les points,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous en prenons note !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … à condition que soit respecté l’équilibre que j’ai évoqué, favorable aux entreprises comme aux salariés.
M. François Grosdidier. On en reparlera !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut continuer à réformer jusqu’au bout, surtout au moment où nous constatons les premiers effets d’un retour de la croissance – nous la souhaiterions certes plus élevée –, soutenue par la consommation de nos concitoyens et la reprise des investissements, avec des créations d’emploi, une baisse du chômage, même si je reste très prudent sur les chiffres.
Je vous réaffirme donc ma volonté de continuer à réformer et ma très grande sérénité. Les débats en cours sont intéressants et permettent toutes les clarifications, à gauche, mais aussi à droite, au moment où les différents candidats aux primaires présentent leurs propositions. Tous ces éléments méritent d’être portés devant les Français.
Le projet que je défends, fait de progrès, de volonté de compromis et de rassemblement autour des valeurs de la République, est aussi celui du Gouvernement et du Président de la République. Ce projet, nous le mènerons jusqu’au bout ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
accord entre l’union européenne et la turquie sur l’accueil des réfugiés
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Républicains.
M. Claude Malhuret. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le secrétaire d’État, un prochain Conseil européen doit décider de valider ou non l’accord avec la Turquie portant, notamment, sur la libéralisation des visas pour les citoyens turcs venant en Europe.
Parmi les critères fixés par l’Union européenne, un certain nombre concernent les droits de l’homme. Or, aujourd’hui, les droits correspondants ne sont pas respectés par la Turquie et il n’y a aucune chance qu’ils le soient d’ici à la réunion du prochain Conseil européen.
Dans ces conditions, il paraît évident que cet accord ne peut être signé. Pouvez-vous nous confirmer que telle est bien la position de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, comme vous venez de le rappeler, dans le cadre de l’accord passé entre l’Union européenne et la Turquie tendant à lutter contre le trafic des êtres humains en mer Égée qui a provoqué des centaines de morts au bénéfice des seuls trafiquants, un certain nombre de mesures ont été prises pour permettre la réadmission en Turquie des personnes arrivées irrégulièrement en Europe et pour s’assurer que la Turquie leur accordera une protection temporaire ; ce pays a d’ailleurs modifié sa législation en ce sens. C’est le cas, en particulier, pour les Syriens : de nombreux réfugiés syriens sont présents en Turquie, mais il fallait s’assurer que ceux qui seraient réadmis ne soient pas renvoyés en Syrie. Une protection a également été prévue pour les Pakistanais et les Afghans.
L’Europe s’est aussi engagée à admettre un certain nombre de réfugiés syriens provenant de Turquie sur son territoire. Il existe ainsi une voie légale d’accueil des réfugiés, qui sont répartis de façon solidaire dans l’ensemble de l’Union européenne. Cette voie doit se substituer à la voie illégale qui a provoqué les drames que j’évoquais et pose toujours des problèmes en Grèce. En effet, la route des Balkans ayant été fermée, la Grèce connaît un véritable engorgement, avec plus de 50 000 réfugiés présents sur son territoire.
Nous venons d’ailleurs en aide à la Grèce, à la fois en fournissant des personnels à l’agence FRONTEX et au Bureau européen d’appui en matière d’asile et en apportant de l’aide humanitaire.
Dans le cadre de l’accord susvisé, il a été décidé d’accélérer une négociation déjà engagée depuis plusieurs années avec la Turquie en vue de la libéralisation des visas.
Vous l’avez dit, des critères sont exigés, pour la Turquie comme pour d’autres pays ; ces critères, qui sont au nombre de soixante-douze et qui portent notamment sur des mesures de sécurité, sur les passeports biométriques, sur la propre politique de visas de la Turquie, ou encore sur le respect des droits de l’homme, devront être remplis pour que cette libéralisation des visas puisse être mise en œuvre.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Par ailleurs, nous avons demandé qu’une clause de sauvegarde puisse également être incluse dans l’accord. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour la réplique.
M. Claude Malhuret. Monsieur le secrétaire d’État, chacun peut comprendre qu’il faille discuter avec la Turquie, mais personne ne peut admettre que l’on s’assoie sur nos principes.
Soyons clairs : nous savons déjà que ces critères ne seront pas respectés. Par conséquent, il faut bien donner une réponse sur ce point.
La situation des droits de l’homme en Turquie s’aggrave de jour en jour. La liberté d’expression est à l’agonie : deux journalistes de Cumhuriyet viennent d’être condamnés à cinq ans de prison ferme ; le quotidien Zaman a été investi par la police, et ses journalistes ont été licenciés et remplacés par des pisse-copies à la botte ; le groupe de presse Koza Ipek a été forcé de fermer ses deux chaînes de télévision, ses deux journaux et sa radio ; dans son classement mondial de la liberté de la presse, Reporters sans Frontières place la Turquie au 151e rang, entre le Tadjikistan et le Congo.
M. Roger Karoutchi. Et voilà !
M. Claude Malhuret. La magistrature a été mise au pas.
Les universitaires qui ont signé une pétition pour la paix au Kurdistan sont harcelés et chassés de leurs postes.
Depuis la réélection, en 2014, d’Erdogan, 2 000 citoyens turcs ont été poursuivis pour outrage au chef de l’État.
Je pourrais continuer longtemps cette citation d’exemples.
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont des postures !
M. Claude Malhuret. Négocier un accord avec les Turcs est une chose, mais donner un brevet de démocratie en le signant dans les conditions actuelles serait très grave. En effet, le pouvoir turc s’en servira aussitôt pour discréditer l’opposition démocratique en affirmant, avec une presse aux ordres, que l’Union européenne estime que les libertés sont respectées en Turquie.
Monsieur le secrétaire d’État, si, demain, notre pays signe cet accord, alors que des critères essentiels ne sont pas remplis, nous montrerions que nous sommes prêts à renier nos valeurs sous le prétexte de l’urgence, de la panique, ou, pis encore, du chantage. La France ne peut laisser faire cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
agriculture
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour le groupe du RDSE.
M. Gilbert Barbier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, le 27 juillet prochain, le mandat de quatre ans du président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, arrive à son terme.
Selon une procédure établie par la loi « Fioraso » en 2013, procédure qui vise à accroître la transparence du processus de nomination des dirigeants des organismes de recherche et à le rendre plus indépendant du pouvoir politique, l’avis de vacance aurait déjà dû paraître depuis quelques semaines.
Or des rumeurs, certainement infondées, laissent entendre que le ministre de l’agriculture verrait bien son directeur de cabinet être propulsé à ce poste (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), poste ô combien important pour l’avenir de la recherche agronomique française.
Sans mettre en cause la personne, il est capital que cette fonction soit, comme par le passé, occupée par un chercheur, ou tout du moins par le titulaire d’un doctorat disposant d’une renommée et d’une reconnaissance internationales,…
M. Jean Bizet. Bien sûr !
M. Gilbert Barbier. … pour, d’une part, pouvoir asseoir son autorité sur la communauté scientifique de l’INRA et, d’autre part, assurer le rayonnement international de celui-ci à une période où la recherche agronomique est primordiale, compte tenu des besoins alimentaires de l’humanité.
Alors, monsieur le ministre, quand envisagez-vous de publier cette vacance de poste ? Entendez-vous respecter la transparence du processus de nomination, notamment en prenant en compte le rôle du Parlement, tel qu’il est prévu par la loi ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est de haut niveau !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vais être le plus clair possible. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Premièrement, les procédures de la loi qui a été votée seront parfaitement respectées et la transparence de toutes les désignations sera assurée.
Deuxièmement, si la procédure n’a pas été enclenchée, c’est par respect pour le président-directeur général de l’INRA, qui a été nommé, je vous le rappelle, par votre serviteur.
Nous avons fait des propositions, pour lesquelles il a demandé un délai de réponse. Tout semble indiquer, d’ailleurs, qu’il ne souhaite pas y répondre. Voilà pourquoi la procédure a pris du retard.
Pour ma part, j’ai respecté et la personne et l’ensemble des procédures. Vous pourrez demander à un certain nombre d’anciens présidents de l’INRA – ils étaient d’ailleurs plutôt de sensibilité progressiste – comment leur succession a été organisée, sans même un coup de téléphone… (Protestations sur les mêmes travées.)
À chacun, et à vous en particulier, monsieur le sénateur, je veux rappeler ces règles. Soyez rassuré, puisque vous êtes, comme moi, attaché à la transparence : lesdites règles seront parfaitement respectées.
Cela dit, l’INRA est un grand institut, mais je veux aussi vous rappeler qu’il y a eu par le passé des présidents de l’INRA qui n’étaient pas forcément des docteurs. Il ne faut pas non plus oublier les grands engagements pris sur l’agroécologie, sur le 4 pour 1 000 et les sols que nous avons remis à l’ordre du jour.
Le ministre qui exerce la tutelle sur cet organisme a été à l’origine, avec le grand projet sur l’innovation 2025, de ces grandes impulsions pour la recherche française, qui est parfaitement reconnue à l’échelle internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour la réplique.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, j’ai bien écouté votre réponse, mais chacun peut s’apercevoir que la période de « recasage » a quand même commencé dans le pays. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est notamment le cas avec un certain nombre de personnalités politiques qui ont été battues lors des dernières élections départementales ou régionales, et dont on apprend, ici ou là, qu’elles sont pressenties pour être nommées à la tête d’autorités administratives indépendantes. Cela pose problème !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. La liste !
M. Gilbert Barbier. Je n’ai pas assez de temps pour vous citer tous les noms, mes chers collègues… (Sourires.)
Ce problème est éternel, me direz-vous, mais je m’étonne de vous voir revenir à la politique des copains…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et des coquins !
M. Gilbert Barbier. … que vous n’avez eu de cesse de dénoncer par le passé. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
ré-autorisation de mise sur le marché du glyphosate
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour le groupe écologiste.
Mme Aline Archimbaud. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Monsieur le ministre, le 18 mai prochain, un comité d’experts représentant les États membres de l’Union européenne – donc, parmi eux, la France – se réunira afin de décider d’une éventuelle prolongation, pour neuf ans et sans restriction, de l’autorisation de commercialisation du glyphosate, un herbicide inventé par Monsanto, et qui est une substance active du Roundup.
Il est impossible de savoir qui sont ces experts ni d’avoir un compte rendu de leurs discussions. Les décisions porteront pourtant sur un produit chimique qui suscite beaucoup d’inquiétudes. De très nombreuses études indépendantes montrent que le glyphosate a des effets néfastes sur la santé humaine. Il a été classé comme cancérigène probable pour l’homme par l’OMS en 2015. L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a également relevé de nombreux risques.
Or, vous le savez, ce produit est pour l’instant en vente libre. Il est même l’herbicide le plus vendu en France et dans le monde. On en trouve partout : dans notre pays, un champ de blé sur trois est traité au glyphosate.
Certes, les études de l’EFSA, l’agence européenne, n’aboutissent pas aux mêmes résultats que celles de l’OMS ou de l’ANSES, puisqu’elles affirment qu’il n’y aurait pas de danger. Mais ces études sont mises en doute. On oublie notamment de nous préciser que les membres des équipes qui ont évalué les études pour l’EFSA ont, pour un tiers d’entre eux, un lien avec les industriels des pesticides, BASF et Bayer par exemple. C’est l’opacité totale sur un sujet qui nous concerne tous, et, au vu de la grande quantité d’études alarmantes, le principe de précaution doit être appliqué sans attendre
Alors, monsieur le ministre, je vous pose deux questions précises.
Pouvez-vous nous dire clairement si oui ou non le gouvernement français va s’opposer à la prolongation de l’autorisation du glyphosate le 18 mai prochain ?
Si, malheureusement, au cours de cette réunion européenne, une majorité de pays votait cette prolongation, la France s’engage-t-elle à interdire les produits en contenant, comme le permet le règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, aux termes duquel « les États membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques » ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, sur ce sujet, comme sur d’autres, je voudrais rappeler ce qui a été fait.
Je commencerai par évoquer le projet sur l’agroécologie qui vise à dépasser la simple question posée par les pesticides, les herbicides ou d’autres produits, pour aborder le sujet sous un angle global, celui des modèles de production agricole. Ce projet tend à limiter l’utilisation de l’ensemble des produits phytosanitaires.
Je regrette que, dans de tels débats, on prenne, à chaque fois, les sujets les uns après les autres. Vous avez rappelé l’historique, citant Monsanto. Vous avez fait allusion aux grands groupes industriels producteurs des produits phytosanitaires. C’est tout à fait légitime, ces produits sont de provenance industrielle.
Au-delà de l’interdiction en tant que telle, la démarche qu’il nous faut avoir, c’est nous employer à créer les conditions des changements. Puisque tous les modèles agricoles actuels ont été conçus pour utiliser ces produits, nous devons changer les modèles. Sinon, nous mettrons les agriculteurs en difficulté.
D'ailleurs, vous l’avez dit vous-même : le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le monde, en Europe et en France. Il y a donc là un sujet de réflexion.
Les alternatives, ce sont les autres herbicides. Si on veut réduire la question à ces termes, elle peut être très vite réglée, je vous l’accorde. Pour ma part, je préfère un processus peut-être long, mais qui est efficace en termes environnementaux.
Par comparaison, j’ai été le premier à interdire les néonicotinoïdes sur les plantes en contact direct avec les abeilles.
Parallèlement, je l’ai toujours indiqué, des alternatives doivent être offertes. Et je ne peux pas, en tant que ministre de l’agriculture, retenir votre souhait et édicter en France un système d’interdiction quand d’autres pays voisins pourraient utiliser ces produits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Cela nous permettrait de dire que de tels comportements ont lieu à côté, mais pas chez nous.
La procédure est forcément européenne et la position de la France est très claire : nous serons sur la ligne de l’interdiction du glyphosate, notamment parce qu’il est aujourd'hui utilisé avec des coformulants. Je n’entrerai pas dans les détails techniques, parce que les scientifiques ont eux-mêmes des divergences, ce qui fait débat. Un jour, on se félicite de ce que fait l’ANSES, et, le lendemain, on dit que les scientifiques qui y travaillent sont sous la coupe des industriels… Il faut simplement que nous soyons cohérents, et nous le serons !
Sur le glyphosate, la position de la France est claire : en l’état, il n’est pas question de renouveler l’autorisation de son utilisation, mais dans le cadre européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)