M. Michel Savin. Très bien !
Mme Sophie Primas. … sans préjudice pour la protection des plantes. (MM. René-Paul Savary et Gérard Bailly applaudissent.)
Dès lors que cette logique sera suivie, il me semble d’ailleurs que les industriels accéléreront leurs recherches pour proposer de nouvelles solutions et, surtout, pour être, d’un point de vue commercial, les premiers et les plus novateurs.
Je sais que nos débats seront parfois passionnés. Mais je souhaite que notre sens des responsabilités l’emporte sur les considérations dogmatiques, ou « politiques », comme il a été dit, quelles qu’elles soient, et surtout sur le désir de communiquer à tout prix.
Je veux vous rappeler qu’en tant que présidente de la mission d’information sur les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires, nous avons, avec Nicole Bonnefoy, rapporteur, mené neuf mois d’auditions, entendu tous les acteurs, dans leur diversité, et établi des recommandations, à l’unanimité. Ces recommandations se fondaient avant tout sur l’expertise scientifique. En la matière, je pense qu’il est absolument indispensable de s’appuyer sur la qualité internationalement enviée des travaux de l’ANSES et sur la qualité de ses scientifiques.
Si nous travaillons dans cet esprit, je suis certaine, madame la secrétaire d’État, que nous trouverons le juste équilibre entre, d’une part, les intérêts sanitaires et environnementaux et, d’autre part, la raison. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Dubois applaudit également.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en décembre dernier, les représentants de 195 pays étaient réunis à Paris autour du Président de la République, François Hollande, et de notre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, pour faire de la COP 21 un immense succès.
Quelques semaines avant la première lecture au Sénat du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, ils nous avaient lancé un signal extrêmement fort en reconnaissant enfin, collectivement, la réalité du réchauffement climatique et des dérèglements liés à l’activité humaine, et en se fixant par accord un objectif de limitation du réchauffement mondial entre 1,5 et 2 degrés d’ici à 2100.
Cette deuxième lecture a quant à elle été précédée par la signature, le 22 avril dernier, au siège de l’ONU, de l’ « accord de Paris » par 175 pays, soit le plus grand nombre de pays jamais réunis pour la signature d’un accord international, ces pays représentant plus de 93 % des émissions de gaz à effet de serre.
Ils nous montrent la voie. Comme le Président de la République l’a en effet rappelé à la tribune de New York, il est temps désormais de traduire en actes cet engagement, de faire face à l’urgence climatique et à la perte de biodiversité, sachant que les mois qui viennent de s’écouler ont été les plus chauds de ces cent dernières années sur le globe, et que, depuis seulement quelques décennies, nous poursuivons avec vigueur la destruction avancée d’une biodiversité terrestre et marine qui s’est constituée en plusieurs millions d’années.
Notre première responsabilité est de prendre la pleine mesure des coûts occasionnés pour la collectivité par la dégradation de notre environnement.
Notre modèle de développement économique et industriel détruit chaque jour davantage notre planète, et ce de manière irréversible. Cela nous coûte très cher. Lorsqu’une activité est envisagée d’un point de vue économique, la norme est de ne considérer que les coûts directs supportés par les entrepreneurs privés, en comparaison avec les revenus qu’ils en tirent. Les externalités négatives sont quant à elles systématiquement écartées. (Mme Corinne Bouchoux opine.)
M. Ronan Dantec. Tout à fait !
Mme Nicole Bonnefoy. C’est pourtant la société qui supporte les coûts induits de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, des émissions de gaz à effet de serre et des atteintes multiples à la biodiversité, occasionnées par l’agriculture intensive, la surexploitation des ressources halieutiques ou forestières, la production d’énergie carbonée.
Ces coûts induits vont des travaux de dépollution aux dépenses de santé, en passant par la dégradation de l’attractivité de nos territoires.
L’accumulation corollaire des normes environnementales, dont se plaignent notamment bon nombre de nos agriculteurs, constitue un vrai problème. Je pense en particulier aux réglementations anti-nitrates ou aux conditions d’utilisation et d’épandage de pesticides, de plus en plus strictes.
Nous devons entendre la détresse de ceux qui doivent composer avec des contraintes toujours plus dures à assumer, malgré un travail très difficile, et dont la rémunération ne reflète pas toujours le haut degré d’investissement.
Pour autant, devant ce constat, notre responsabilité est précisément d’accepter de prendre conscience que l’accumulation des contraintes est d’abord la conséquence de pratiques parfois déraisonnables, que nous pourrions corriger si nous acceptions de nous y confronter réellement.
L’environnement et la biodiversité ne sont pas des notions à la mode Ce sont des réalités que nous devons prendre en compte, pour nous, pour notre présent, pour notre avenir, pour nos enfants et pour les générations futures. Un cours d’eau pollué l’est souvent, en effet, de manière irréversible ; une espèce disparue ne réapparaît plus.
Sur le sujet des néonicotinoïdes, le Sénat avait soutenu, en première lecture, la proposition que j’avais formulée par voie d’amendement, visant à assurer la prise en compte du dernier avis de l’ANSES, dès la promulgation de la loi, dans les normes d’utilisation des produits néonicotinoïdes édictées par l’autorité administrative.
Dans son avis de janvier 2016, l’Agence sanitaire constate qu’en l’absence de mesures de gestion adaptées, l’utilisation des insecticides néonicotinoïdes a de « sévères effets négatifs » pour les abeilles et les autres pollinisateurs, y compris à des doses d’exposition faibles.
M. Joël Labbé. Eh oui !
Mme Nicole Bonnefoy. Considérant qu’il existe, même lorsque les agriculteurs respectent à la lettre les préconisations d’utilisation, des impondérables, tels que les variations météorologiques, qui continuent de faire peser des risques élevés sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement, l’Agence appelle à ce que plusieurs usages actuellement autorisés et pratiqués fassent l’objet de mesures de gestion renforcées. Il s’agit en particulier des usages en traitement de semences pour les céréales d’hiver et des usages en pulvérisation après la floraison sur vergers et vignes.
Au terme d’un compromis passé avec la majorité sénatoriale, il avait été précisé qu’outre les questions sanitaire et environnementale, il convenait de prendre en considération la dimension économique d’une telle interdiction, au regard des alternatives disponibles.
La navette parlementaire s’est poursuivie, et l’Assemblée nationale a décidé de voter pour une disposition plus maximaliste, en prévoyant l’interdiction générale des produits néonicotinoïdes au 1er septembre 2018, sans prévoir de dérogation explicite visant à tenir compte de l’existence ou de l’absence d’alternatives présentant un moindre risque sanitaire et environnemental.
À l’occasion de cet examen en deuxième lecture, le groupe socialiste et républicain entend tenir compte de la position des députés sans omettre la question de la disponibilité d’alternatives pertinentes.
Aussi la disposition que nous proposons vise-t-elle à apporter une réponse équilibrée à ce problème, permettant de satisfaire une exigence sanitaire aussi élevée que celle demandée par l’ANSES, dans l’état actuel de ses connaissances, tout en tenant compte des alternatives disponibles et en se conformant au travail mené par la France en vue d’obtenir une réponse harmonisée au niveau communautaire.
Nous voulons encourager l’émergence de solutions ayant un bilan risques/bénéfices positif au regard des conséquences pour la santé humaine, animale, l’environnement et des incidences économiques pour les exploitants agricoles.
Le dispositif envisagé dans notre amendement s’appliquerait en deux temps. Dans un premier temps, interdiction, au plus tard au 1er juillet 2018, des produits néonicotinoïdes dont le bilan est négatif par rapport aux autres options existantes, en nous fondant sur l’expertise scientifique de l’ANSES. Dans un deuxième temps, interdiction générale de l’utilisation des néonicotinoïdes en 2020, cette échéance garantissant le développement réel d’autres solutions par les fabricants.
Notre débat sera sans doute riche. J’espère que nous pourrons trouver un compromis intelligent, comme nous avions su le faire en première lecture.
J’en viens à un autre sujet qui me tient à cœur. Au nom du groupe socialiste et républicain, j’ai redéposé l’amendement visant à instaurer une action de groupe en matière environnementale. Il s’agit de mettre en place un dispositif juridique majeur pour défendre les citoyens ayant subi de manière sérielle et analogue un préjudice individuel suite à une atteinte causée à l’environnement. Nous nous fondons sur le dispositif « socle » de l’action de groupe proposé dans le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle.
Notre amendement, qui avait été adopté par le Sénat en première lecture, a été rejeté par l’Assemblée nationale. Aussi, à défaut d’une confirmation par le Sénat de sa position de première lecture, j’espère au moins un engagement ferme de la part du Gouvernement pour faire aboutir cette disposition majeure, soit dans le présent projet de loi, soit dans un autre texte, comme celui sur la justice du XXIe siècle.
En première lecture, le groupe socialiste et républicain avait voté en faveur du projet de loi issu des travaux du Sénat, au regard de la démarche ambitieuse et constructive que nous avions collectivement défendue.
J’espère que nous saurons poursuivre dans cette voie en deuxième lecture, afin d’aborder la commission mixte paritaire avec le meilleur texte possible comme base de discussion ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Daniel Dubois et Michel Mercier applaudissent également.)
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord saluer le travail de M. le rapporteur, Jérôme Bignon, et la passion qu’il a mise dans ce texte.
Je le prie donc de me pardonner des propos que je m’apprête à tenir. Je ne remets pas en cause les objectifs ; j’évoque des moyens de les atteindre.
Comme cela a été rappelé, lors de la première lecture au Sénat, nous avions pu enrichir et préciser le projet de loi, mais aussi trouver des points d’équilibre. À ce titre, le texte adopté contenait des avancées. Je pense notamment aux mesures en faveur du renforcement de la brevetabilité du vivant que nous avons introduites.
Néanmoins, c’est avec une certaine gravité que je souhaiterais m’exprimer devant vous aujourd’hui.
Gravité d’abord, car les enjeux liés à la préservation de la biodiversité sont considérables, alors que la France possède le deuxième domaine maritime le plus vaste du monde, avec 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive.
Gravité ensuite, car la biodiversité, au-delà de son apport fondamental à l’environnement, est un formidable levier de développement économique et de création d’emplois ancrés sur les territoires.
Gravité enfin, car les enjeux environnementaux, mais également humains n’ont jamais été aussi importants.
À l’aune de cette réflexion, et à la lecture du présent projet de loi, je voudrais vous faire part de mon inquiétude, en particulier sur deux points.
Premièrement, je déplore l’amoncellement de nouvelles contraintes administratives pour les acteurs économiques et les collectivités territoriales. C’est en totale contradiction avec les engagements qui avaient été pris pour rendre l’action publique plus lisible !
Certes, l’exigence de simplification du droit et d’allégement des contraintes pour les acteurs avait marqué les travaux du Sénat. Mais, avec ses 102 articles actuels, le projet de loi devrait aboutir à quelque 500 créations de dispositions nouvelles ou modifications de dispositions existantes. Et ce n’est qu’une approximation ! Au demeurant, la pertinence de certaines mesures est toute subjective, quand leur contenu ne relève pas purement et simplement d’un simple verbiage intellectuel.
Je suis au contraire convaincu de la nécessité de ne pas adopter de posture prescriptive au regard de l’objectif de préservation de la biodiversité. Plaçons notre confiance dans l’innovation et le génie humain !
Pourquoi faire des lois alors que nous avons été capables hier de perfectionner nos techniques pour appréhender la nature, bien souvent hostile au développement humain, et d’en tirer le meilleur ? (M. Ronan Dantec s’exclame.) C’est le propre de l’histoire de l’humanité. L’amélioration des techniques de production s’est toujours opérée de manière continue, au fil des connaissances scientifiques.
Deuxièmement, et cela me paraît encore plus préoccupant, je regrette le manque de considération pour le monde scientifique et les chercheurs.
M. Ronan Dantec. Absolument ! Il y a un refus d’écouter ce que disent les scientifiques !
M. Daniel Gremillet. Le contenu du texte et les débats qui ont pu déchirer les députés mais aussi les nôtres en témoignent.
Le fait de ne pas laisser une place de choix dans le projet de loi à nos scientifiques constitue une faute grave ! Historiquement, la France a été à la pointe de la recherche sur le potentiel infini de la biodiversité.
Je pense aux travaux de chercheurs français réalisés sur les ferments laitiers, qui ont permis de révéler l’existence d’un mécanisme naturel de défense par suppression et insertion de gènes. Aujourd’hui, les discussions portent sur des applications dans le domaine de la thérapie génique.
Autre exemple, une start-up française, Algo, pour ne pas la citer, vient de recevoir un prix d’innovation pour le projet de fabrication d’une peinture bio-sourcée à base d’algues. Pourra-t-elle toujours se fournir auprès de producteurs bretons avec une telle loi ? L’entreprise et le monde économique ont besoin de stabilité.
Les travaux de nos scientifiques sont malmenés à plusieurs reprises dans le projet de loi. Cela ne devrait pas être le rôle du législateur !
De telles mesures, qui ne sont pas fondées sur les données scientifiques, créent des précédents et seront des freins à la recherche française.
Notre rôle d’élus nous impose de ne pas nous aligner sur les lobbies. Je rejoins ma collègue Sophie Primas, il y en a des deux côtés !
M. Joël Labbé. Pas avec les mêmes moyens !
M. Ronan Dantec. Il faudrait mieux définir ce qu’est un lobby !
M. Daniel Gremillet. Les postures des lobbies court-circuitent toute rationalité, au profit des émotions.
Construisons nos politiques publiques sur la base des avis scientifiques, en particulier dans le domaine que nous abordons aujourd’hui.
J’aurais également pu formuler une troisième critique, en déplorant les contraintes nouvelles imposées aux acteurs économiques, notamment les agriculteurs. Là encore, ne nous méprenons pas.
De tout temps, les agriculteurs et les forestiers ont été les façonneurs de nos paysages et du développement de la biodiversité.
M. Charles Revet. Eh oui ! Il faut le rappeler !
M. Daniel Gremillet. Et c’est de l’agriculture qu’est née notre extraordinaire diversité raciale de bovins !
Madame la secrétaire d’État, la France est le pays du monde qui a su garder la plus grande biodiversité raciale, naturellement, sans contrainte, grâce à ses paysans !
Je tenais à le mentionner, car on oublie trop souvent cette richesse, qui est née naturellement du travail des femmes et des hommes sur nos territoires.
Pour moi et mon collègue Jackie Pierre, qui venons du département des Vosges, troisième département le plus boisé de France, l’obligation de boisement compensateur quand on touche à un hectare de forêt est une absurdité. Nous le savons, pour reconquérir de la biodiversité, il faudrait même parfois une certaine déforestation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Ronan Dantec s’exclame également.)
M. René-Paul Savary. Bien sûr !
M. Daniel Gremillet. D’ailleurs, c’est financé par les collectivités locales. Une telle mesure n’a donc ni sens ni cohérence.
L’équilibre est plus subtil. Je ne pense pas qu’on puisse le trouver dans un texte législatif.
À la lumière de ces inquiétudes, je constate que le projet de loi fait, à bien des égards, la démonstration de son insuffisance.
Insuffisance d’abord, car une politique de protection de la biodiversité doit avoir une base scientifique forte. Or ce n’est pas le cas dans ce texte.
Insuffisance également, car une politique en faveur du développement de la biodiversité doit pouvoir s’articuler avec notre volonté en matière économique, notre conception du rôle de la France au sein de l’Union européenne et dans le monde et, bien entendu, notre ambition sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion générale a été très riche. Elle nous a permis d’aborder le cœur des débats.
Monsieur le rapporteur, j’ai pu constater combien votre travail était apprécié. J’ai hâte de me rendre compte par moi-même de votre pragmatisme et de votre sens de la synthèse, si souvent salués.
Vous avez souligné l’intérêt de la procédure parlementaire normale. Certes, il est vrai qu’elle peut parfois sembler un peu longue. Mais, en l’occurrence, elle a clairement permis d’enrichir le texte. La version à laquelle nous sommes parvenus répond, je le crois, à un niveau d’exigences tout à fait respectable.
J’apprécie également l’hommage que vous avez rendu au travail, en effet très constructif, des députés. Vous l’avez souligné, l’Assemblée nationale a fait des pas en direction du Sénat. Je souhaite qu’il y ait une certaine réciprocité, afin que nous puissions trouver des compromis et que la commission mixte paritaire soit conclusive.
Monsieur Pillet, vous avez eu raison de rappeler la qualité des travaux et le sérieux dans l’analyse juridique des textes de la commission des lois.
Chacun le reconnaît, votre travail sur le préjudice écologique nous permettra d’avancer. Il constitue, me semble-t-il, une base intéressante. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Certes, quelques petits ajustements sont sans doute nécessaires. Mais, grâce au travail du Sénat et de l’Assemblée nationale – il y a eu une vraie concertation –, nous sommes aujourd'hui près du but !
Monsieur le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, vous avez salué le travail commun des différentes commissions, ainsi que les changements très substantiels par rapport au texte initial du Gouvernement.
Je ne puis que saluer l’action du Parlement. C’est en cela que la démocratie parlementaire est riche. Elle permet d’améliorer un texte par le contradictoire. Le projet de loi a été largement enrichi et complété par de nouvelles mesures, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir.
Je partage votre souci de prise en compte des réalités économiques et de simplification. D’ailleurs, il n’est pas toujours facile de mettre tout le monde d'accord tout en tenant compte des réalités du terrain ! Mais un texte ne peut réellement s’appliquer que s’il en tient compte.
Je l’ai indiqué, je souhaite, tout comme vous, que la commission mixte paritaire aboutisse.
Monsieur Requier, j’ai aimé votre référence à la nécessité de préserver l’existant en préparant l’avenir. À mes yeux, c’est effectivement très important. Mais, ainsi que d’autres orateurs l’ont rappelé, préserver ne signifie évidemment pas mettre sous cloche. L’approche dynamique de la biodiversité est absolument essentielle.
Vous avez salué des avancées, notamment sur l’accès aux ressources génétiques, et évoqué le chemin qu’il reste encore à parcourir pour l’adaptation au droit européen, par exemple sur les brevets.
Il me paraît effectivement essentiel de faire preuve de pragmatisme. Évitons les faux débats et les postures !
Vous dites qu’il faut faire confiance à la science. Je suis totalement d'accord avec vous ! La science peut apporter des progrès extraordinaires dans de nombreux domaines, en particulier ceux qui sont liés à la biodiversité. Elle peut aussi favoriser le développement des activités économiques, notamment agricoles. L’écologie n’a jamais consisté à prôner un retour en arrière ! Nous pouvons être fiers du génie humain ! N’ayons donc pas peur du progrès ; n’ayons pas peur du progrès pour construire l’avenir de l’humanité !
Madame Didier, vous nous avez fait part de vos inquiétudes quant à la manière dont le débat pourrait se tenir au regard de futures échéances électorales. Vous avez obtenu des réponses ; je les ai également entendues. J’espère tout comme vous que vos craintes sont infondées et que la discussion sera la plus constructive possible.
M. Rémy Pointereau. Bien sûr !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je crois que nous voulons tous faire de ce texte une grande loi pour l’avenir de notre pays et de nos enfants. J’ai bon espoir que nous pourrons travailler en ce sens.
L’Agence française pour la biodiversité, que vous avez évoquée, est au cœur du projet de loi. Je vous remercie d’avoir insisté sur la reconnaissance du travail de ses futurs agents. On ne le souligne pas suffisamment, l’Agence ne pourrait pas se faire sans les très grandes compétences et la passion de ces hommes et ces femmes !
Vous avez soulevé des questions sur l’évolution du statut de ces personnels et sur les moyens qui seront transférés à l’Agence.
Une des premières choses que j’ai faites à la suite de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, c’était évidemment d’aller à la rencontre, sur le terrain, des agents des quatre organismes qui constitueront l’AFB. Cette initiative m’a permis de mieux connaître leurs métiers et de discuter avec eux des légitimes interrogations qu’ils pouvaient avoir sur la manière dont allait s’organiser la fusion.
La question du quasi-statut, par exemple, leur importe beaucoup, d’autant qu’elle traîne depuis assez longtemps. C’est un point sur lequel nous sommes en train d’aboutir. Les organisations syndicales ont été associées aux discussions et ont eu connaissance des premiers éléments du décret. Nous continuons à essayer d’avancer, mais d’autres questions se posent, notamment celle du passage de la catégorie C à la catégorie B ou celle des plafonds d’emplois, qui est absolument essentielle. Sur ce point, je vous rappelle que le Président de la République a fait des annonces. Je compte bien les lui rappeler si jamais il le fallait,…
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. … mais je ne doute pas qu’elles seront suivies d’effet !
Quoi qu’il en soit, je suis très attentive à toutes ces questions. Ces personnels méritent que l’on s’occupe d’eux : ils construiront cette agence avec nous.
Jean-Jacques Filleul a évoqué Montlouis-sur-Loire, où il a œuvré en faveur de la biodiversité. J’ai été intéressée dans son propos par l’idée de faire connaître ces enjeux, que ce soit auprès des populations, mais aussi auprès des élus et des associations. On le constate encore aujourd'hui, les enjeux autour de la nature, qu’il s’agisse de la préservation de la faune ou de la flore, sont moins bien compris que ceux sur le changement climatique. À l’heure actuelle, ces derniers font à peu près consensus et chacun a bien assimilé l’urgence qu’il y a à agir. En revanche, en ce qui concerne la biodiversité, tout le travail de pédagogie reste encore à approfondir. Je m’y emploierai au cours de l’année à venir. Néanmoins, toutes les initiatives locales sont essentielles. Vous avez bien fait, monsieur le sénateur, de citer Montlouis-sur-Loire et de décrire le travail accompli autour de la Loire, qui est un fleuve magnifique.
Nous reparlerons ultérieurement de la reconnaissance de la permaculture. Je suis très favorable pour ma part à son développement. C’est une forme d’agriculture très intéressante. Cela étant, ce texte est-il le bon véhicule ? En tout état de cause, vous pouvez compter sur moi pour promouvoir ce type d’agriculture.
J’ai entendu les remarques de Ronan Dantec au sujet des personnes pouvant douter de la nécessité de reconquérir la biodiversité. Il a cité la population des passereaux, qui a diminué de 30 % en treize ans en Île-de-France. Le défi est donc toujours à relever. L’artificialisation des sols, notamment, crée de graves problèmes en termes de biodiversité, ce qui ne signifie pas que rien n’a été réalisé et qu’il n’y a pas eu de prise de conscience sur un certain nombre de points. Cependant, ce travail de reconquête est un impératif réel. C’est la raison pour laquelle je serai très attentive à ce que le projet de loi conserve son intitulé initial.
Vous avez relevé à juste titre, monsieur le sénateur, en évoquant notamment les néonicotinoïdes, le fait que nous soyons très prompts à demander aux pays lointains de préserver des populations d’orangs-outans ou de lions alors que la protection des espèces sensibles nous semble un point plus délicat lorsqu’il s’agit de nos propres espèces. Je pense à l’ours par exemple. Nous est-il possible de donner des leçons à l’extérieur si nous ne sommes pas capables de nous les appliquer à nous-mêmes ? C’est un vrai débat ! Nous devons donc faire preuve d’un peu d’humilité et cesser de vouloir donner des leçons au reste du monde.
Vous avez évoqué également la question de l’huile de palme. Au lieu de la surtaxer, comme vous l’aviez proposé, ce qui finalement ne fournit pas d’issue aux pays producteurs, notamment la Malaisie et l’Indonésie, nous avons trouvé une solution à l’Assemblée nationale. Je souhaite véritablement que nous puissions aboutir sur ce point dans les jours qui viennent, car elle nous permettra de travailler avec ces pays pour qu’ils développent des filières prenant en compte la question environnementale et mettant un terme à la déforestation. Il ne s’agit pas de dire à ces pays : votre production repose sur la déforestation, donc nous n’en voulons pas. Mais il s’agit de leur dire : nous allons travailler avec vous pour que vos petits producteurs notamment puissent développer des filières leur permettant de vivre. Nombre de ces producteurs sont sortis de la misère grâce à l’huile de palme.
C’est un sujet complexe à propos duquel il convient d’éviter les postures. Nous avons avancé à l’Assemblée nationale. J’espère que nous avancerons également ici au Sénat.
Je veux rassurer Rémy Pointereau (Ah ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) : il est absolument hors de question que la préservation et la reconquête signifient la mise sous cloche de la nature. J’aimerais que l’on sorte enfin de ce faux débat, nous n’en sommes plus là, et depuis bien longtemps !
Même dans les réserves, des activités économiques sont possibles. Du développement économique se fait même grâce aux réserves, qui sont pourtant les endroits les plus protégés. Sortons donc de ces postures qui nous empêchent d’avancer.
Je suis néanmoins contente, monsieur Pointereau, que vous ayez reconnu ne pas éprouver personnellement une telle crainte.