M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Au risque de vous décevoir, monsieur le rapporteur pour avis, le Gouvernement maintient son avis défavorable. Mais peut-être les raisons ont-elles évolué… (Exclamations.)
À mes yeux, le principe ici retenu est plutôt bon. Il est en phase avec les explications que je viens de donner, notamment lorsque j’ai évoqué le seuil introduit par les Britanniques.
Cet amendement tend à créer un abattement forfaitaire minimal de 5 000 euros.
Les travaux menés par la commission des finances du Sénat sur l’économie collaborative ont réellement contribué à alimenter la réflexion des services de Bercy sur ce sujet. C’est notamment du fait des initiatives que vous avez prises, mesdames, messieurs les sénateurs, que la démarche d’identification sectorielle en vue d’établir un partage de la valeur des recettes fiscales secteur par secteur, sujet par sujet, a été entamée.
Cette démarche est en cours, les premières conclusions doivent être rendues cet été et c’est au moment du débat budgétaire que, d’après moi, vous serez en mesure d’obtenir des informations éclairées de la part du ministère.
C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement, même si j’en partage l’esprit.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. J’aimerais que M. le rapporteur pour avis me rassure… Bien entendu, j’ai toute confiance en l’administration fiscale, qui connaît bien le sujet. Mais n’aurait-on pas ici la tentation de confondre chiffres d’affaires et revenus ? Un propriétaire qui loue son appartement doit ensuite le nettoyer, l’entretenir, effectuer quelques travaux, et ce indépendamment de la qualité des locataires. Quand un particulier revend sa voiture d’occasion, on ne peut pas dire qu’il touche un revenu. Est-on sûr de ne pas entretenir une confusion ?
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. La franchise proposée dans cet amendement, auquel nous adhérons, doit permettre de laisser vivre l’économie du partage – j’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos de Mme la secrétaire d’État. En effet, le dispositif permet précisément d’imposer les utilisateurs qui en font une véritable activité commerciale, les faux particuliers. Mais les particuliers ayant recours à ces plateformes pour compléter leurs revenus, afin de partager les frais du logement ou du véhicule, pourront continuer à le faire sans être taxés.
Il s’agit là, d’après nous, d’une manière intelligente de s’adapter à cette nouvelle forme d’économie.
Ajoutons que la franchise de 5 000 euros est réservée aux seuls revenus faisant l’objet d’une déclaration automatique sécurisée par les plateformes. Elle est donc liée, non pas à la nature du revenu, mais aux modalités de sa déclaration, qui garantissent le recouvrement de l’impôt dû, alors que les revenus ne sont, bien souvent, ni déclarés, ni imposés.
Nous sommes donc très favorables à cette mesure, permettant de distinguer ce qui relève de l’économie collaborative et ce qui relève de l’économie au sens général.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il me semble, après la plaidoirie de Mme la secrétaire d’État en faveur de son amendement de suppression, compte tenu de l’ensemble des propos tenus et de ce que nous venons de voter s’agissant des déclarations automatiques des plateformes, qu’il est difficile, ensuite, de ne pas s’interroger sur la mise en place d’un seuil. Où se situe la limite entre l’économie collaborative et l’exercice d’une profession ?
Maintenant que nous avons voté le maintien du dispositif de transmission d’informations par les plateformes proposé par vos soins, monsieur le rapporteur pour avis, nous devons fixer une limite pour borner les pratiques relevant strictement de l’économie collaborative.
Il serait donc souhaitable que cet amendement, que vous avez déjà porté par le passé, puisse prospérer avec votre soutien.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Cet amendement apparaît comme un complément utile par rapport à celui que nous avons adopté tout à l’heure et visant à la transmission automatique.
Madame la secrétaire d’État, à partir du moment où un seuil de 5 000 euros est établi, la question de la poussette n’a plus d’objet. (Sourires.)
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cette question ne se pose plus !
M. François Marc. Oui, mais chacun est bien conscient que, avec un seuil de 5 000 euros, la transmission automatique permet une possibilité de contrôle de l’administration. Pour autant, la situation fiscale des particuliers effectuant par internet de petites transactions inférieures à 5 000 euros ne sera aucunement modifiée.
Cette mesure présenterait l’avantage de limiter la portée, si celle-ci vous paraît inquiétante, de la transmission des données concernant les particuliers et d’assurer la protection de la vie privée.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. François Marc. Une transaction supérieure à 5 000 euros sur internet peut être considérée comme une activité commerciale, un véritable business, pour utiliser le langage courant.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. François Marc. C’est dans cet esprit que nos collègues, particulièrement M. Lalande, avaient proposé cet amendement, qui nous paraît tout à fait légitime.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur Sido, soyez rassuré : si nous venons d’évoquer cette franchise, nous ne créons aucune nouvelle règle fiscale, aucun nouvel impôt. Les propriétaires qui déduisent des charges des revenus qu’ils tirent de la location d’un bien pourront toujours le faire.
L’amendement précédent donne à l’administration fiscale des moyens pour effectuer plus simplement son travail de contrôle. En l’espèce, la franchise de 5 000 euros est une incitation à la vertu.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pareil !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement, suivant en cela la commission des finances, qui l’avait unanimement adopté à l’automne dernier. Mme la secrétaire d’État n’a pas changé d’avis ; je le regrette, mais peut-être ferons-nous évoluer la position du Gouvernement très prochainement. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 quater.
L'amendement n° 203 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 135 B du livre des procédures fiscales est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements adressent aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale ayant institué la taxe de séjour ou la taxe de séjour forfaitaire, une déclaration mentionnant, pour chacun de leurs utilisateurs, les informations suivantes :
« 1° Pour une personne physique, le nom, le prénom et la date de naissance de l'utilisateur ;
« 2° Pour une personne morale, la dénomination, l'adresse et le numéro Siren de l'utilisateur ;
« 3° L'adresse électronique de l'utilisateur ;
« 4° Le statut de particulier ou de professionnel caractérisant l'utilisateur sur la plateforme ;
« 5° L’adresse du local loué.
« Cette déclaration est adressée annuellement par voie électronique, selon des modalités fixées par décret. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement est le premier d’une série de mesures qui visent à nous donner les outils pour concrétiser notre volonté.
Cet amendement tend à obliger les plateformes de locations saisonnières à transmettre la liste des biens loués par leur intermédiaire sur le territoire des collectivités ayant instauré la taxe de séjour. En conséquence, les mairies pourront avoir connaissance des biens mis en location dans la ville.
Cette disposition constitue bien entendu le socle sur lequel s’appuient les autres amendements que nous avons déposés. Sans possibilité d’obtenir la liste des biens loués en ligne, rien ne permet de savoir ce qui peut réellement être taxé ou non. Grâce à cette liste, les collectivités pourront désormais prévenir les propriétaires de leurs obligations, puis appliquer la taxe de séjour aux biens. Jusqu’à présent, aucune mairie ne pouvait connaître avec certitude l’état des locations sur son territoire. En outre, en dépit des estimations et des recoupements, il était impossible de réclamer les taxes de séjour, ce qui laissait de nombreux trous dans la raquette…
Cet amendement permet de remédier à l’injustice qui caractérise la situation actuelle. En effet, aujourd’hui, un même bien doit être déclaré s’il est loué par une agence traditionnelle et peut passer au travers de cette déclaration s’il est mis en location en ligne. Je dirai même, puisque Mme la secrétaire d’État y est sensible, qu’il s’agit d’une question de neutralité technologique, débat souvent à l’honneur en ce moment pour encourager le numérique et le défendre.
Depuis 2014, l’État collecte des informations issues des plateformes en ligne, comme le revenu des vendeurs en ligne. Les administrations locales doivent au moins bénéficier des mêmes possibilités pour remédier aux mêmes problèmes.
Cette liste n’a pas vocation à être diffusée. Elle restera couverte par la loi Informatique et libertés de 1978, à l’instar de toutes les informations fiscales que reçoivent les collectivités pour les impôts prélevés sur leur territoire.
Ce dispositif, parmi d’autres, visera à pallier les insuffisances que nous avons perçues notamment à Paris. Il reste encore des outils juridiques à acquérir pour limiter les trous dans la raquette. C’est sur cette base que chaque équipe municipale pourra poser, dans chaque collectivité locale, une appréciation générale des biens réellement loués dans sa ville.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Nous avons adopté l’amendement tendant à rendre obligatoire, si les communes le décident, la déclaration en mairie. En outre, nous avons maintenu en l’état le texte de la commission des finances qui rend automatique la transmission des données de la part des plateformes, tous business confondus, y compris les locations d’appartements ou de maisons.
Dans ce cas, cet amendement supplémentaire est-il bien nécessaire, dans la mesure où il oblige les plateformes à transmettre la liste des biens qui sont loués en ligne ? Ne trouvez-vous pas que cela fasse un peu beaucoup ?…
C’est pourquoi nous sommes plutôt enclins à demander le retrait de cet amendement. Mais nous souhaitons entendre les arguments de Mme la secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je vais planter le décor, pour expliquer la situation.
Il s’agit de résidences secondaires louées par l’intermédiaire de plateformes et qui font déjà l’objet, depuis la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, de l’obligation d’une déclaration en mairie lorsqu’il s’agit de meublés de tourisme.
Par cet amendement, vous proposez que les plateformes d’intermédiation se trouvent elles-mêmes dans l’obligation de transmettre à la mairie des informations sur chaque logement loué.
Quel est l’objectif politique ici ? Est-il de nature fiscale ? S’agit-il d’instaurer une politique publique en matière de logement afin de réguler l’occupation du parc immobilier ?
L’objectif me semble plutôt d’ordre fiscal, puisque l’enjeu est de savoir qui doit ou non être redevable de la taxe de séjour. En ce domaine, les particuliers qui utilisent une plateforme d’intermédiation pour des usages strictement personnels, et ne perçoivent aucun revenu professionnel, ne doivent pas payer la taxe de séjour. Il en va autrement pour les professionnels de l’immobilier.
Lors des discussions du projet de loi ALUR, la déclaration préalable de la résidence aux fins de location saisonnière a été exclue, dans un objectif de simplification administrative, justement pour favoriser l’essor de nouveaux usages vertueux.
En l’espèce, vous proposez d’alourdir les obligations, en exigeant une fiche détaillée sur chaque logement loué. Or nous ne sommes plus dans le cas où la plateforme transmet des informations aux utilisateurs, aux particuliers, ou à l’administration fiscale. Nous nous trouvons dans le cas de figure où la plateforme doit obligatoirement transmettre des informations aux mairies.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez souligné que la question du respect de la vie privée ne se pose pas dans la mesure où des transferts d’informations entre les plateformes et l’administration fiscale sont couverts par le secret fiscal. Mais, précisément, lorsque la transmission d’informations a lieu entre une plateforme et une mairie, le secret fiscal ne s’applique pas. Airbnb, ce n’est pas Big Brother !
Cet amendement soulève par ailleurs un problème juridique. Vous le fondez sur l’article L. 135 B du livre des procédures fiscales. Or cet article n’est pas, à mon sens, le fondement juridique adéquat, puisque l’échange visé serait directement réalisé entre les plateformes et les collectivités locales. Or le livre des procédures fiscales régit exclusivement les relations entre l’administration fiscale et ses interlocuteurs directs, c’est-à-dire les contribuables.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne partage pas les arguments de Mme la secrétaire d’État, qui, pour certains, recouvrent ceux qu’elle a développés lors de l’examen d’amendements précédents.
Je souscris davantage à l’argumentation de M. le rapporteur pour avis, qui me demande de retirer mon amendement, considérant qu’il est partiellement satisfait du fait de l’adoption de l’amendement de la commission.
Je vais répondre favorablement à cette demande, sachant que nous reviendrons sur ce sujet au moment de la discussion du projet de loi de finances. Néanmoins, pour continuer dans la voie que nous avons choisie, il faudra observer la pratique pour prévenir les trous dans la raquette, sans pour autant alourdir les procédures. J’en conviens, il ne faudrait pas que l’économie collaborative, permettant fluidité et souplesse, devienne si lourde en termes de normes et de règles qu’elle s’oppose à notre volonté commune de simplification.
Par conséquent, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 203 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 202 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 631-… ainsi rédigé :
« Art. L. 631-… – Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements doivent s’assurer que les transactions réalisées via leurs plateformes respectent les dispositions des articles L. 631-7 à L. 631-9 du présent code. Le cas échéant, ces plateformes sont tenues, après informations de l’utilisateur, de bloquer toute transaction ne respectant pas les dispositions susmentionnées et de transmettre chaque année aux communes mentionnées à l’article L. 631-7 du présent code la liste des transactions bloquées avec le nom des propriétaires et les adresses concernées. Les modalités de contrôle et les amendes encourues en cas de non-respect de cette obligation sont précisées par décret. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Le présent amendement a pour objet d’obliger les plateformes qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements de s’assurer du respect des dispositions de la réglementation en matière de déclaration de changement d’usage des locaux destinés à la location saisonnière.
Dans la continuité de l’amendement précédent, nous proposons que les locaux servant à la location soient déclarés comme tels en mairie, ce qui permettra le calcul des taxes de séjour ainsi que celui de la base imposable. Tout cela est nécessaire pour que les impositions soient dûment recouvrées, et les règles inhérentes à la location de courte durée appliquées.
Dans ce cadre, les locations ne pourront dépasser cent vingt jours par an : il s’agit d’éviter que le marché de la location ne soit saturé par les locations de courte durée, au détriment des locations à l’année. Nous avons déjà abordé ce sujet, s’agissant notamment des logements étudiants.
L’objectif principal est de lutter contre la location qui s’apparente à une véritable activité économique, c’est-à-dire la situation dans laquelle le particulier loue sa résidence principale plus de cent vingt jours par an et en fait donc un commerce.
Dans le même esprit, il est bon de rappeler que, dans certaines capitales, les habitants peuvent difficilement accéder à des locations – Lisbonne en est la meilleure illustration en Europe –, car le marché est entièrement dévolu aux locations touristiques. Ce phénomène renchérit les prix et prive de locations les populations les plus fragiles. Nous en avons parlé tout à l’heure.
Cet amendement ne distingue pas entre les résidences principales et les résidences secondaires. Il vise tous les biens.
D’aucuns pourront nous reprocher le champ trop large de cet amendement. Cependant, en ne visant que les résidences principales, on ne résout pas le problème entièrement. Mais un amendement de repli sera donc présenté ultérieurement.
Dans la logique des amendements que je défends au cours de cette séance, deux éléments forts, qui sont les deux piliers d’une régulation, se dégagent de l’expérience que nous avons notamment à Paris : je veux parler, d’une part, du numéro d’enregistrement, que nous avons voté précédemment, et, en l’espèce, du seuil de cent vingt jours à partir duquel l’activité devient commerciale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le présent amendement vise à obliger les opérateurs de plateforme de location immobilière à s’assurer du respect de leurs obligations par les loueurs, obligation que les opérateurs de plateforme ne pourront satisfaire : comment s’assurer, au-delà de l’engagement pris par l’intéressé, du respect par un bailleur de l’ensemble des obligations légales ? Se pose aussi la question de la conformité de cet amendement à la directive sur le commerce électronique.
Je vous invite, monsieur Assouline, à retirer votre amendement au profit du suivant, qui me semble beaucoup plus efficient. Je n’en dirai pas plus avant que Mme la secrétaire d’État se soit prononcée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement, qui a également trait à la location d’hébergements, vise à obliger les plateformes à s’assurer que les transactions réalisées par des intermédiaires respectent bien les règles de changements d’usage dans les communes où celles-ci existent. Le dévoiement de la loi est, dans certains cas, un problème bien réel que nous avons déjà évoqué.
À ce stade, monsieur le sénateur, le Gouvernement préférerait engager un travail de réflexion, en se donnant le temps de regarder de plus près votre amendement n° 204 rectifié bis.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 202 rectifié bis au profit du suivant.
M. le président. Monsieur Assouline, l'amendement n° 202 rectifié bis est-il maintenu ?
M. David Assouline. Non, je vais le retirer, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 204 rectifié bis, qui participe de cette construction progressive qui émerge du débat dont je parlais tout à l’heure.
Tout cela s’ordonne très bien et je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 202 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 204 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 631-… ainsi rédigé :
« Art. L.631-… – Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements doivent s’assurer que nulle résidence principale, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, n’est louée plus de 120 jours par an par leur intermédiaire dans les communes mentionnées à l’article L. 631-7 du présent code. À compter de cette période de location de 120 jours, les plateformes sont tenues, après information de l’utilisateur, de bloquer toute transaction relative à cette résidence principale pour une durée d’un an à compter du premier jour de location, et de transmettre chaque année aux communes mentionnées à l’article L. 631-7 du présent code la liste des transactions bloquées, comprenant le nom du loueur et l’adresse concernée. Les modalités de contrôle et les amendes encourues en cas de non-respect de cette obligation sont précisées par décret. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Toute l’argumentation que j’ai développée précédemment trouve ici son aboutissement.
Il faut un seuil de cent vingt jours. Le présent amendement a donc pour objet d’obliger les plateformes qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements de s’assurer du respect des dispositions de la réglementation en matière de location de résidences principales, à savoir qu’une résidence principale ne peut être louée plus de cent vingt jours par an. En effet, aujourd’hui, les plateformes ne concourent pas activement au respect de la réglementation en la matière.
Cet amendement répondra parfaitement aux critiques invoquées à l’encontre de l’amendement précédent. Son adoption constituerait un pas vraiment significatif dans notre démarche visant à encadrer, à réguler ce marché, tout en favorisant l’économie collaborative, notamment pour la location de vacances, qui plaît beaucoup aux jeunes, car c’est un moyen souple, rapide et peu onéreux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme je l’ai laissé entendre, parmi l’ensemble des amendements déposés sur le sujet, celui-ci me semble susceptible d’être le plus efficient, parce qu’il repose sur des prérequis atteignables.
Il suffira en effet, d’une part, que l’opérateur oblige le loueur à lui indiquer quel est le statut juridique de son logement, local à usage d’habitation ou pas, ce qui est du domaine du possible, et, d’autre part, que l’opérateur soit informé par les municipalités des délibérations des conseils municipaux tendant à l’instauration d’une autorisation préalable de changement d’affectation. Cela est aussi tout à fait envisageable.
Le troisième prérequis ne pose pas non plus de difficulté : l’opérateur n’aura aucun problème pour décompter le nombre de nuitées de location facturées, à charge pour lui, ensuite, d’interdire la location en qualité de local d’habitation aux annonceurs qui auront dépassé le quota de nuitées annuelles.
La seule question qui demeure est, certes, celle de la compatibilité avec le droit communautaire et la directive sur le commerce électronique. La question mérite d’être creusée d’ici à la commission mixte paritaire. À ce stade, il me semblerait utile d’adopter le dispositif proposé.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous proposez d’inscrire dans la loi, c’est-à-dire de graver dans le marbre, un seuil de cent vingt nuitées, soit quatre mois, au-delà duquel il n’est plus possible de louer un appartement sans que cela soit fait à usage professionnel en tant que meublé touristique. Pour ce faire, vous demandez aux plateformes de vérifier le nombre de nuitées qui sont louées et de bloquer les transactions en cas de dépassement du seuil.
Nous avons évoqué ce sujet, le modèle de l’économie collaborative des plateformes de location entre les particuliers est parfois dévoyé, notamment dans les zones très touristiques, par des professionnels qui mettent leurs appartements en location à l’année, et ce de manière industrielle, souvent dans l’illégalité.
Cet amendement est un premier pas pour lutter contre ce type de dévoiements qui entretiennent la spéculation immobilière, phénomène fortement lié à la montée des prix immobiliers dans certains quartiers, notamment à Paris, et causent, dans certaines zones, une très forte tension sur le parc locatif classique.
Parfois, ceux que l’on souhaiterait aider en recourant à l’économie collaborative se trouvent en réalité exclus de l’accès au parc immobilier par une utilisation contournée de ce type d’économie.
Les dispositions que vous proposez, je le dis d’emblée, méritent d’être affinées, notamment au regard des préventions que j’ai citées concernant le respect de la vie privée et le droit européen. Je suggère que le Gouvernement fournisse aux parlementaires des éléments complémentaires pour que nous poursuivions nos échanges autour de ce texte.
Dans l’immédiat, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23 quater.
L'amendement n° 200 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Lienemann et M. Sueur, est ainsi libellé :
Après l'article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 2333-34 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, après les mots : « les intermédiaires mentionnés à l'article L. 2333-33 », sont insérés les mots : « et les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements et qui sont intermédiaires de paiement pour le compte de loueurs non professionnels » ;
2° Au premier alinéa du II, les mots : « Les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d'hébergements pour le compte des logeurs, des hôteliers, des propriétaires ou des intermédiaires mentionnés à l'article L. 2333-33 » sont remplacés par les mots : « Les opérateurs de plateformes, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, qui assurent un service de mise en relation en vue de la location d’hébergements pour le compte de loueurs professionnels ».
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2017.
La parole est à M. David Assouline.