MM. Jacques-Bernard Magner et François Marc. Très bien !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. … et la réindustrialisation ne sera possible que si nous parions sur la compétitivité par l’innovation !
En définitive, le numérique représente-t-il une menace ou une opportunité ? Devons-nous construire une résistance au changement ou accompagner celui-ci ? Faut-il rejouer la guerre des Anciens et des Modernes ?
Notre ligne est claire : pas de technophilie béate, mais la conscience éclairée que le monde bouge plus vite que jamais, que ce mouvement est inéluctable et qu’il faut en tirer le meilleur parti possible, car il ouvre des horizons nouveaux, des horizons excitants.
Il serait plus facile de céder à la tentation de l’immobilisme ou de la protection des intérêts corporatistes. Au reste, tous les corps de métier, toutes les professions, toutes les entreprises, toutes les institutions défilent quotidiennement ou presque dans mon bureau pour s’inquiéter du devenir de leur modèle : l’artisan, confronté à l’imprimante en trois dimensions ; le commerçant, qui se sent impuissant face à la force de frappe du commerce électronique ; le libraire, qui se sent délaissé par ses lecteurs ; l’agriculteur, qui doit racheter les données que produisent ses terres ; les journalistes, qui découvrent les outils de coproduction en direct ; les médias, qui s’interrogent sur leur modèle économique – marqué, d’ailleurs, par une concentration qui interpelle, car il y va de la liberté d’information ; la vieille industrie, qui réalise qu’elle doit muter ou mourir ; le tourisme des capitales et des stations balnéaires, concurrencé par des particuliers ; les acteurs de la mobilité urbaine, qui font face à des exigences nouvelles ; les travailleurs déqualifiés par une innovation plus fulgurante que jamais ; des jeunes, qui trouvent les plus vieux plus vieux encore, car les pratiques et les usages d’internet ont tout bouleversé ; les consommateurs, qui recherchent toujours plus de simplicité, d’immédiateté, de désintermédiation, face à l’étendue sans limite des choix.
On peut, certes, opter pour la protection, regarder en arrière ; mais on peut aussi prendre le parti de regarder en avant. Le projet de loi repose sur le choix de l’avenir, du long terme. Il s’agit d’accompagner la transition du sommeil vers la conscience, pour prévenir un réveil trop brutal. Dans ces conditions, autant embrasser le mouvement !
Telle sera l’orientation de la future loi, surtout si vous acceptez, entre autres mesures, de reconnaître la compétition des jeux vidéo comme une pratique digne de figurer dans notre droit ; il y aurait là un clin d’œil aux millions de Français, souvent des jeunes, qui s’y adonnent, ainsi qu’aux entreprises qui aimeraient que notre pays se positionne sur les blocs de départ d’un secteur en croissance exponentielle.
Une autre question se pose : faut-il réguler ou laisser faire ? Le plus souvent, j’entends : « Surtout, ne rien faire ! » Le lobby de l’impuissance publique s’affirme d’autant plus que certains acteurs économiques disposent d’une force de frappe sans doute inégalée dans l’histoire de nos institutions. (Mme Corinne Bouchoux opine.) Il faudrait laisser faire, nous dit-on, parce que l’Europe fera, parce que nous imposerions des freins aux entreprises, parce qu’internet, c’est la liberté. Mais cela, c’est le degré zéro de la politique !
Je refuse de faire de notre pays un acteur de second rang de la révolution numérique, et de nos concitoyens des consommateurs passifs de contenus produits par d’autres.
À la vérité, tout est question d’équilibre. Si le projet de loi penche plutôt du côté de l’intervention publique, c’est sur le fondement d’un constat : nous avons été trop impuissants à agir pour donner aux États et à leurs citoyens le contrôle de leur propre destin.
Nous faisons le choix de réguler de manière moderne, afin d’établir un environnement concurrentiel équilibré, qui favorise les nouvelles entreprises et protège les utilisateurs contre certaines pratiques constatées de la part d’acteurs du numérique finalement peu soucieux de respecter la loi, sinon celle qu’ils ont eux-mêmes édictée. Pour autant, nous n’avons pas opté pour une régulation excessive, car une intervention trop lourde se heurterait aux limites mêmes de l’exercice.
J’entends aussi que nous avancerions à contresens de l’Europe. C’est tout l’inverse ! Nous avons fait le choix d’un dialogue constructif, vigilant, actif avec Bruxelles, qui a permis une bonne coordination entre l’élaboration de ce projet de loi et les initiatives prises au niveau européen. Ainsi, les dispositions du projet de loi relatives aux données personnelles s’insèrent désormais parfaitement dans l’architecture fixée par le règlement européen qui vient d’être adopté sur le sujet. Quant à celles qui touchent à la loyauté des plateformes, elles sont conformes au droit de l’Union européenne en matière de pratiques commerciales et de droits des consommateurs.
On soutient également que le numérique et les avancées technologiques ne profiteraient qu’à une poignée. Là-dessus, on a raison. Ainsi, dans la « French Tech », cette formidable dynamique enclenchée sur tous les territoires, que chacun d’entre vous constate sur le sien, je vois beaucoup d’entrepreneurs hommes, jeunes, blancs et très éduqués. Or la vision du numérique que je défends est plus inclusive : le numérique est une chance pour l’intégration, pour l’insertion, pour l’égalité ! C’est pourquoi j’espère que la grande école du numérique fera son entrée dans le projet de loi au Sénat, et que vous permettrez l’octroi de bourses aux apprenants, afin que la formation aux futurs métiers du numérique ne rencontre pas d’obstacles financiers.
Les obligations relatives à l’accès au numérique pour les personnes en situation de handicap seront renforcées, sur le modèle des dispositions en vigueur dans les pays les plus progressistes en la matière, en particulier les pays nordiques. Dans ce domaine, nous avons le devoir collectif de placer la barre haut. La grande loi de 2005 sur le handicap a fixé en matière d’accessibilité des bâtiments des exigences qui n’ont pas été correctement appliquées. Nous devons apprendre de nos erreurs pour ne pas les reproduire et utiliser les technologies comme un formidable outil d’inclusion au service de tous.
Face aux situations d’impayés, qui se multiplient et constituent un nouveau problème social auquel nous devons répondre, le maintien de la connexion à internet permettra de lutter contre la précarité numérique des ménages les plus vulnérables. Nous lancerons une expérimentation locale avec les départements de Paris et de la Seine-Saint-Denis pour préfigurer le nouveau dispositif de maintien de la connexion.
Que l’on ne prétende donc pas que le Gouvernement ne fait rien !
À la vérité, la loi à laquelle ce projet de loi donnera naissance marquera une petite révolution : une petite révolution tranquille, comme j’aime à le dire.
Cette loi donnera à la France une longueur d’avance. De fait, le Royaume-Uni prépare pour l’été sa propre loi numérique, qui sera directement inspirée de la loi pour une République numérique. L’Union européenne a lancé voilà quelques jours une initiative pour favoriser l’essor de l’économie de la donnée. L’Italie vient d’annoncer un plan sur le très haut débit, trois ans après nous. Quant aux États-Unis, ils lancent tout juste une consultation pour garantir l’accès à internet aux publics fragiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à relever ce défi, y compris sur le plan linguistique : efforçons-nous de ne pas utiliser un seul anglicisme, au nom de notre belle langue française, mais aussi en signe de reconquête !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La reconquête, nous y pensons tous les jours ! (Sourires.)
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. En effet, l’entrée dans une langue, c’est l’entrée dans un monde, et la primauté de telle langue sur telle autre est le reflet d’un rapport de force que nous n’acceptons pas.
Pour conclure, je citerai Francis Blanche, que vous connaissez peut-être (Marques d’approbation amusée.) : « Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ! »(Sourires.)
Fermons donc les portes du Palais du Luxembourg – provisoirement – pour ne pas laisser entrer le bruit de fond, celui des travaux et des klaxons, mais aussi des contestations, des colères et des lobbys, et écoutons ensemble la musique de la jeunesse qui nous demande de lui faire confiance et de nos concitoyens qui nous demandent de donner l’exemple en débattant dans un esprit de responsabilité et de bonne entente. Ne restons pas passifs face à l’avènement de l’ère numérique, mais imaginons ensemble le pays que nous voulons pour demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe UDI-UC.)
(M. Thierry Foucaud remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Roger Karoutchi. Si vous citez Bourvil, mon cher collègue, nous quittons cette séance ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, notre assemblée est appelée aujourd’hui à examiner le projet de loi pour une République numérique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.
Derrière un titre très ambitieux, ce projet de loi aborde des sujets dont la variété a conduit quatre autres commissions à se saisir pour avis de certaines de ses dispositions. La commission des lois, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, a conservé l’examen au fond de soixante-seize articles sur quatre-vingt-dix-neuf, qui relèvent de sa compétence au titre des libertés publiques, du droit administratif, du droit pénal, du droit de la consommation, du statut de la copropriété ou encore du droit des collectivités territoriales.
Je vous exposerai brièvement la position de la commission des lois sur ces nombreux thèmes. Cette position s’articule sur un axe central : approuver les orientations du texte, tout en l’encadrant davantage.
Votre commission a marqué son accord avec ce projet de loi. Sans constituer la révolution qu’annonce son intitulé – vous me permettrez, madame la secrétaire d’État, ce petit désaccord avec vous –, il comporte un certain nombre de dispositions utiles pour assurer une meilleure régulation de la société numérique et pour améliorer la protection des droits des individus.
Les cent soixante-douze amendements que votre commission a adoptés témoignent de sa volonté de renforcer l’adaptation de notre cadre juridique au monde numérique en respectant nos engagements européens et en veillant à ne pas créer plus de risques pour les droits de nos concitoyens que de bénéfices pour la société tout entière.
En premier lieu, votre commission s’est attachée à dissiper les inquiétudes des acteurs économiques suscitées par les nouvelles obligations en matière d’ouverture des données publiques.
Consciente du bouleversement que ces dernières représentent, en particulier pour les services publics industriels et commerciaux, votre commission a souhaité prolonger l’effort initié à l’Assemblée nationale pour renforcer les garanties apportées par la loi portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA ». Elle a ainsi introduit dans le code des relations entre le public et l’administration la notion de secret des affaires, déjà connue en droit de la concurrence. Elle a également prévu, à l’article 4 du projet de loi, une analyse des risques préalable à la diffusion des données, de façon à prévenir les violations de secrets protégés par la loi et la réidentification des personnes.
Par ailleurs, la commission des lois a souhaité rééquilibrer le dispositif d’envoi dématérialisé de données à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, en prévoyant notamment que la concertation prévue avec les entreprises soit organisée avant la décision du ministre chargé de l’économie d’exiger ce type d’envoi.
Certains acteurs économiques craignent que l’anticipation de la réglementation européenne ou la création de nouvelles obligations ne désavantagent nos entreprises par rapport à leurs concurrents européens. Votre rapporteur a été particulièrement attentif à cette inquiétude. C’est ainsi que, sur mon initiative, la commission a prévu que les dispositions relatives à la portabilité des données personnelles entreraient en vigueur en même temps que règlement européen, afin que nos entreprises ne soient pas soumises à une contrainte que ne subiraient pas encore leurs concurrents européens.
Votre commission a aussi supprimé plusieurs contraintes excessives pesant sur les plateformes, comme l’obligation de désigner une personne physique comme représentant légal dans notre pays, et en a remplacé certaines autres par des dispositifs plus adaptés. Ainsi, sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Philippe Dallier, dont je tiens à saluer le travail, la commission des lois a prévu de soumettre les plateformes collaboratives à une obligation de déclaration à l’administration fiscale des revenus perçus par les intéressés.
Votre commission a également refusé que la succession numérique soit traitée différemment de la mort numérique : après que son rapporteur eut souligné les multiples contradictions auxquelles conduisait le texte adopté par les députés, elle est revenue à la rédaction initiale du projet de loi, plus conforme aux principes qui régissent notre droit de la protection de la vie privée.
En deuxième lieu, nous nous sommes attachés à assurer la convergence entre le projet de loi et le futur règlement général européen sur la protection des données personnelles. À plusieurs reprises, votre commission a adopté des amendements visant à anticiper correctement la prochaine entrée en vigueur de ce règlement. Ainsi, elle a étendu les garanties offertes pour l’exercice du droit à l’oubli sur les données collectées auprès d’un mineur : le responsable de traitement devra lui-même contacter ceux auxquels il aurait transmis les données en cause.
En revanche, si votre commission a estimé nécessaire d’accroître le montant des sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, elle a jugé qu’il était prématuré de s’aligner sur les montants du règlement européen.
En troisième lieu, votre commission a souhaité promouvoir des dispositifs plus lisibles et mieux articulés les uns avec les autres.
Tout d’abord, elle a déploré la très grande complexité des dispositifs d’ouverture des données publiques prévus par le projet de loi, qui s’ajoutent à d’autres dispositifs issus d’autres textes. Par exemple, une même information relative à une délégation de service public pourrait faire l’objet de six flux de données différents, sous le régime de droit commun issu de la loi CADA, celui de l’ordonnance « concessions » et les différents régimes sectoriels. Cet empilement de dispositifs nuit à leur lisibilité et peut paraître contradictoire avec l’ambition initiale du projet de loi, qui consiste à faciliter l’accès des citoyens à l’information publique. Des amendements ont ainsi été adoptés pour simplifier les dispositifs applicables aux délégations de service public, ainsi qu’aux subventions.
De même, votre commission a veillé à rationaliser le régime applicable aux lettres recommandées électroniques, afin de permettre aux citoyens de s’approprier cet outil créé dans les années 2000, mais peu utilisé depuis lors.
Elle a également intégré la stratégie des usages et services dans un schéma territorial existant pour ne pas multiplier les documents de planification et rejeté la création de syndicats mixtes ouverts de syndicats mixtes ouverts, les SMO de SMO, pour privilégier les outils qui existent.
En quatrième lieu, votre commission a veillé à mieux encadrer certaines activités et pratiques, en vue de prévenir les dérives.
Ainsi, elle a adopté un dispositif permettant aux personnes découvrant des failles informatiques de les signaler, sans pour autant inciter à la cyberdélinquance.
Elle a également modifié la rédaction des dispositions relatives au délit réprimant les atteintes à la vie privée, afin que la présomption de consentement ne pèse que sur la captation de contenus privés, et non sur leur diffusion.
En outre, elle a proposé un cadre légal permettant le développement des pratiques compétitives de jeux vidéo, tout en encadrant ces manifestations.
Mes chers collègues, la commission des lois vous invite à adopter le projet de loi dans le texte qu’elle a établi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur pour avis.
M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que débute aujourd’hui l’examen d’un projet de loi que l’on nous promettait depuis longtemps et qui était très attendu. En effet, il n’y a guère eu de texte d’importance sur le thème du numérique depuis la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dont je fus le rapporteur pour la commission des affaires économiques.
Dans un domaine où tout évolue si rapidement, il est bon d’actualiser des dispositions dont certaines ont déjà une douzaine d’années, mais aussi de traiter de nouvelles questions, qui ne se posaient pas voilà quelques années, mais qui sont devenues tout à fait fondamentales ; je pense en particulier à la notion de neutralité du net et à la régulation des plateformes.
Il est bon aussi, de mon point de vue, d’avoir ouvert l’élaboration du texte à la concertation, dans l’esprit de l’économie collaborative qu’il promeut. Je voudrais souligner l’aspect novateur de cette démarche, mise en œuvre à travers une consultation en ligne, et dont on peut penser qu’elle sera rééditée à l’avenir pour d’autres textes, sans bien entendu devenir systématique.
Il reste toutefois certaines interrogations sur l’économie générale du projet de loi.
Ainsi, nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de certaines mesures, notamment celles figurant aux articles 21 à 24, relatifs à la régulation des plateformes, qui anticipent le règlement européen relatif à la protection des données personnelles. Dans la mesure où ce règlement doit être adopté définitivement dans peu de temps et entrera en vigueur d’ici à deux ans, fallait-il prendre dès à présent des mesures en droit interne, au risque que certaines ne soient pas entièrement compatibles avec les futures règles européennes et que celles-ci nous obligent à modifier notre droit dans quelques mois ?
Madame la secrétaire d’État, nous comprenons bien votre souci d’être pionnière dans ce domaine et de pousser les institutions européennes dans la bonne direction en allant plus loin qu’elles ; mais il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment de la sécurité juridique de nos entreprises. De ce point de vue, n’y a-t-il pas un risque de segmentation nationale du droit européen du numérique, nos entreprises étant soumises à un cadre plus contraignant que celui applicable à leurs concurrents dans d’autres États membres de l’Union européenne ? Cette inquiétude est revenue fréquemment dans nos auditions et je me dois de la relayer.
La commission des affaires économiques a supprimé des articles nouveaux introduits par l’Assemblée nationale, qui n’avaient pas vocation à figurer dans ce projet de loi ou étaient incompatibles avec le droit européen, comme, entre autres, les articles 20 bis A, 20 sexies, 22 bis et 23 ter, et à en préciser ou clarifier d’autres, comme les articles 20 bis, 21, 22 et 23, parmi d’autres.
En particulier, nous avons modifié l’article 39, relatif à l’entretien des abords du réseau téléphonique. Nous aurons une discussion à ce sujet, d’autant que mon collègue Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et moi-même avons une vision différente de la chaîne de responsabilités entre l’opérateur du service universel et les propriétaires privés. Nous vous présenterons deux amendements identiques visant à maintenir le caractère incitatif du dispositif que nous avons adopté en commission et à le clarifier lorsqu’une collectivité utilise ce réseau téléphonique dans le cadre d’un réseau d’initiative publique, pour déployer la fibre optique.
Sous cette réserve, je pense, madame la secrétaire d’État, que nous pourrons trouver des consensus, du moins pour les articles dont la commission des affaires économiques a été saisie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis.
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est vu déléguer au fond le chapitre II du titre Ier du projet de loi pour une République numérique, consacré à l’économie du savoir, à l’exception de l’article 18.
Nos débats se sont concentrés, pour l’essentiel, sur les articles 17, 18 bis et 18 ter, qui soulèvent la délicate question du juste équilibre qu’il convient de maintenir entre le respect de la propriété intellectuelle et le développement de la recherche publique, dans un contexte où le numérique modifie les pratiques en profondeur. Cet équilibre, résultat d’un compromis malaisé entre les intérêts des parties, ne fut pas facile à trouver, la liberté des uns ne devant pas entraîner de trop lourds désavantages pour les autres.
Internet et le développement de réseaux sociaux scientifiques ont des conséquences considérables sur la science, en permettant une diffusion très rapide des connaissances dans tous les pays et en facilitant grandement les recherches bibliographiques.
Pourtant, la forte augmentation du nombre de revues créées et d’articles publiés chaque année s’accompagne paradoxalement d’un accès plus limité des chercheurs aux publications et d’un renchérissement global des dépenses d’acquisition. Deux facteurs sont en cause : l’augmentation spectaculaire des coûts des abonnements par certains éditeurs et la cession des droits d’auteur du chercheur au profit de l’éditeur, de plus en plus souvent perçue comme une véritable confiscation, dans la mesure où elle est généralement réalisée à titre exclusif et gracieux.
Consciente de la nécessité de faciliter l’accès aux travaux financés par des fonds publics, la commission de la culture soutient le dispositif prévu à l’article 17, fondé sur l’instauration d’un droit secondaire d’exploitation par l’auteur de la publication à l’issue d’une période d’embargo de six mois dans le domaine des sciences et de la technique et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales. Toutefois, elle reste soucieuse de ne pas mettre en péril le modèle économique des éditeurs. C’est la raison pour laquelle nous écouterons avec attention vos propos, madame la secrétaire d’État, au sujet du plan d’accompagnement des revues en sciences humaines et sociales.
Par ailleurs, je souhaite préciser que le développement du libre accès ne dispense pas le Gouvernement de stabiliser les budgets affectés à l’acquisition de ressources documentaires par les organismes de recherche et les universités, qui risquent, sinon, de devoir réduire le nombre de leurs abonnements.
En outre, il me paraît important d’étendre le système de licences nationales négociées au niveau centralisé à des consortiums de revues n’appartenant pas aux grands éditeurs, sans quoi une rente de situation serait assurée à ces derniers au détriment de revues plus fragiles.
Au-delà des bouleversements introduits par l’article 17 en matière d’open access des publications scientifiques, le droit de la propriété intellectuelle a été affaibli par l’introduction dans le projet de loi, à l’Assemblée nationale, des articles 18 bis, relatif à la fouille de corpus scientifiques, dite « text and data mining », ou TDM, et 18 ter, ouvrant droit à la liberté de panorama. Tout en étant soucieuse de la préservation du droit d’auteur, j’ai jugé que ces deux nouvelles exceptions étaient justifiées. Le TDM constitue en effet une technique de recherche numérique dont la France, soumise à la concurrence internationale de pays où elle est autorisée, ne saurait raisonnablement se priver.
Toutefois, la forme choisie par l’Assemblée nationale – une exception au droit d’auteur que la directive européenne du 22 mai 2001 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information n’autorise pas aujourd’hui – ne nous a pas paru appropriée ; nous lui avons préféré une limitation de la liberté contractuelle, en imposant aux éditeurs d’autoriser le TDM sans obstacle technique ni rémunération supplémentaire.
En ce qui concerne l’article 18 ter, nous avons choisi d’ouvrir son champ aux associations constituées sous le régime de la loi de 1901.
Sur tous ces sujets, nous sommes convaincus de l’intérêt des équilibres ainsi établis et nous appelons à leur maintien.
Pour conclure, je souhaite évoquer l’article 17 bis, qui assouplit les conditions d’enseignement à distance.
Ce type d’enseignement offre une opportunité majeure pour démocratiser la formation, lutter contre les inégalités et renforcer la visibilité et l’attractivité de l’enseignement supérieur français. Toutefois, son développement se heurte actuellement à deux obstacles : l’obligation d’un volume d’enseignement minimum en établissement et des conditions restrictives de délivrance d’un diplôme.
La voie réglementaire étant plus adaptée pour lever ces difficultés, même si la loi peut poser certains grands principes, je serai particulièrement attentive aux mesures que prendra le ministère de l’éducation nationale pour faire rapidement sauter ces deux verrous qui bloquent le développement de l’enseignement supérieur à distance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l’UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la société de l’information, l’utilisation du numérique est devenue une composante essentielle de la vie individuelle et collective. En abolissant les distances géographiques, les technologies numériques créent de formidables opportunités de développement pour nos territoires et ouvrent la voie à un renouvellement profond des politiques publiques locales et nationales.
Toutefois, pour bénéficier des avantages offerts par les technologies numériques, il faut disposer d’un accès de qualité aux réseaux de communications électroniques. Faute d’un tel accès, le numérique ne constitue pas une chance, mais devient un problème supplémentaire pour les habitants, en particulier dans les zones rurales.
La raison d’être de l’aménagement numérique du territoire est précisément de faire du numérique un outil au service de l’égalité des territoires, et non la source de nouvelles fractures, qu’il s’agisse des réseaux fixes ou mobiles. L’intervention publique doit compenser, compléter ou corriger l’initiative privée, afin d’assurer une couverture homogène de tous les territoires, malgré les différences de densité.
Dans cette perspective, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie de quatorze articles du projet de loi pour une République numérique. Nos propositions s’inscrivent dans la continuité directe du rapport d’information sur la couverture numérique des territoires, adopté par notre commission en novembre dernier. Du reste, certaines préconisations de ce rapport avaient déjà trouvé une traduction dans le projet de loi transmis au Sénat, ce dont nous nous réjouissons.
Deux priorités ont guidé le travail de notre commission : l’accélération du déploiement des réseaux fixes à très haut débit et le renforcement de la couverture mobile. Ces deux axes de l’aménagement numérique, essentiels pour nos territoires, correspondent également à des préoccupations très vives de leurs habitants et des élus locaux.
Pour accélérer le déploiement des réseaux fixes à très haut débit, notre commission propose de simplifier la création d’un syndicat de syndicats pour améliorer la commercialisation des réseaux d’initiative publique, de renforcer le rôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, dans la mise en œuvre du statut de zone fibrée, qui vise à accélérer la transition du cuivre vers la fibre optique, et de créer une contribution de solidarité numérique pour pérenniser le financement des réseaux publics et pour renforcer la péréquation entre zones urbaines et rurales. Selon nous, il convient également de réduire les coûts des réseaux en facilitant l’accès aux infrastructures existantes et de renforcer la responsabilité des opérateurs en matière de réseaux et de services pour garantir que l’initiative privée prenne sa juste part dans le déploiement du très haut débit.
En vue d’améliorer la couverture de nos territoires par les réseaux mobiles, notre commission suggère de sécuriser le pouvoir de sanction de l’ARCEP au titre des obligations de couverture du territoire, de faciliter l’identification des communes du programme « zones blanches » pour garantir qu’aucune commune ne soit oubliée, d’élargir la faculté donnée à l’ARCEP de mener des enquêtes afin de vérifier le respect des obligations de couverture par les opérateurs et d’insérer dans les licences mobiles des obligations relatives à la couverture des communes.
La grande majorité de ces propositions ont d’ores et déjà été intégrées au texte établi par la commission des lois. Certaines sont structurantes, d’autres plus techniques, mais elles constituent un ensemble cohérent au service d’un seul et même but : fournir les réseaux de communications électroniques les plus modernes à nos concitoyens, le plus vite possible et quels que soient leurs lieux de vie. Je ne doute pas que le projet de loi qui résultera de nos débats aura été notablement enrichi dans cette perspective ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et sur plusieurs travées du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)