M. Jean-Claude Lenoir. Je pense qu’un seul de nous deux a raison, monsieur le ministre !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Alors j’ai raison ! Au risque de vous contredire, la loi n’oblige certes pas à procéder à un vote officiel sur les projets de schéma,…
M. Jean-Claude Lenoir. Elle ne le permet pas !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. … mais les élus ont souhaité, dans un certain nombre de départements, qu’un vote solennel sur les nouveaux schémas soit organisé. Il y a donc bel et bien eu des votes ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.).
M. Mathieu Darnaud. Ce n’est pas ce que dit la loi !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est du bricolage !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Lorsque c’est la volonté des élus, ce n’est jamais du bricolage ! Ces votes ont eu lieu à leur demande, tout de même ! J’avais cru comprendre que, au Sénat, même sur vos travées, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, on respectait les élus ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Monsieur Favier, s’agissant de la demande de rattachement d’une commune nouvelle à une communauté d’agglomération que vous avez citée, elle sera de nouveau soumise par le préfet, comme le prévoit la loi, à la consultation des communes de l’ensemble du périmètre. Il n’y a aucune automaticité dans l’application du schéma !
J’ai par ailleurs entendu, monsieur Collombat, que certains EPCI, présentés comme des créatures quasi fantasmagoriques, regrouperaient plus de 200 communes.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est vrai !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je le dis très solennellement : aucun EPCI ne dépasse 200 communes ! (Exclamations sur les travées du RDSE.) Seuls deux EPCI, un dans le Pays basque et l’autre dans le Cotentin, compteront plus de 150 communes, et neuf EPCI auront plus de 100 communes.
Vous voyez que ce n’est tout de même pas la règle générale ! Et les cas concernés répondent chacun à des problématiques particulières.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, croyez bien que tous les membres de la Haute Assemblée ont un immense respect pour les élus municipaux. C’est précisément au nom de ce respect que la présente proposition de loi a été préparée par notre collègue Jacques Mézard.
Lors de l’examen de la nouvelle organisation territoriale de la République, nous avons approfondi le débat sur la nature même de l’intercommunalité. Il n’y avait pas, d’un côté, des parlementaires partisans de l’intercommunalité et, de l’autre, des opposants ! Nous sommes tous des acteurs du mouvement intercommunal. Seuls le rythme et le respect de la nature profonde de l’intercommunalité sont en discussion parmi nous.
Notre débat a principalement porté sur le seuil. Nous ne voulions pas que l’on impose un niveau de regroupement excessif aux communes. Nous voulions que l’intercommunalité soit naturelle. Nous voulions que les communautés de communes correspondent à des bassins de vie. En résumé, nous voulions qu’une affectio societatis soit à la base du succès de l’intercommunalité.
Créer des intercommunalités de grande dimension – cela peut être un choix ; je n’en conteste pas le principe –, c’est entrer dans un autre univers qui n’a pas fait l’objet de la discussion du Parlement.
Ce dont nous avons discuté, c’est des moyens pour les communes de mettre en œuvre une cogestion des affaires communales, dans un ensemble dont la dimension ne serait pas telle que les représentants des communes soient noyés dans de grandes assemblées ressemblant, en quelque sorte, à des chambres d’enregistrement !
Ce que nous avons voulu, c’est que la responsabilité des maires soit respectée, et non pas diluée. Ce que nous avons voulu, c’est que la démocratie locale puisse s’exprimer, avec, en retour, l’exigence de rendre compte à nos concitoyens.
Quand nous constituons de grandes intercommunalités, ce ne sont plus des intercommunalités. Ce sont des organismes territoriaux – je ne sais pas comment les qualifier – avec des assemblées composées de 100, 200 ou 300 élus, y compris si les regroupements comptent moins de 200 communes ; vous avez évoqué un certain nombre de cas, monsieur le président. Or, dans des assemblées si nombreuses, le pouvoir se concentre entre le président, les membres du bureau, le directeur général ou les directeurs généraux adjoints. L’on voit alors apparaître une sorte de centralisme intercommunal qui n’a strictement rien à envier au centralisme d’État que nous combattons depuis des générations !
Si, pour des raisons qui nous appartiennent, nous voulons créer des ensembles vastes, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République n’est tout simplement pas l’instrument approprié ! Sa mise en œuvre se heurtera à des difficultés pratiques très grandes, tant lors de l’installation de l’institution que pendant sa vie : ses organes dirigeants n’ont pas été conçus pour gérer ce type de structures.
Nous prenons évidemment acte du fait que la loi doit entrer en vigueur. Personne ici, à commencer par notre collègue Jacques Mézard, ne propose de donner un coup d’arrêt au processus de regroupement en cours.
Certes, nous sommes nombreux à penser que les choses vont trop vite. La plupart des intercommunalités de notre pays ont été mises en place le 1er janvier 2014. Nous sommes en 2016. Et les nouvelles habitudes de travail à peine prises, il faut déjà les remettre en cause pour rejoindre des groupes de communes plus importants !
Mais laissons cela de côté. Nous sommes réalistes et pragmatiques. Nous savons bien que ce processus amorcé ne peut pas être brutalement arrêté. D’ailleurs, nous ne le souhaitons pas.
Monsieur le ministre, compte tenu de ce que vous dites vous-même, notamment sur le consensus que vous avez relevé dans les départements, la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard ne nous paraît pas de nature – c’est peut-être là que réside le principal de nos désaccords – à entraîner des revendications si nombreuses qu’elles pourraient enrayer le processus.
En revanche, là où c’est utile, il faut prendre le temps de la réflexion, et attendre que les nouveaux instruments juridiques soient forgés. Je pense notamment à la dotation de centralité, à la dotation de solidarité rurale ou au mode d’emploi de la dotation d’équipement des territoires ruraux. Je pourrais aborder beaucoup d’autres questions financières. Il faudrait aussi évoquer l’organisation de proximité.
Que faire quand la nouvelle grande intercommunalité ne veut pas exercer les compétences que les communes avaient déléguées à des intercommunalités à taille humaine ? Quelles sont les structures qui pourront prendre en charge la piscine, la maison de l’enfance ou la maison de retraite médicalisée, autrefois sous la responsabilité de la petite communauté de communes, mais dont la grande ne veut pas s’occuper ?
Nous ne demandons qu’une chose, sans en faire une question dogmatique ou idéologique : laisser le temps, là où les problèmes sont les plus aigus, à l’État lui-même, mais aussi aux élus chargés de la mise en place de la nouvelle intercommunalité, de régler les problèmes pratiques. Ne les plaçons pas au pied du mur en agissant dans la précipitation !
Je gage d’ailleurs que, dans un certain nombre de cas, le délai laissé par la loi aux intercommunalités pour se constituer n’aura peut-être même pas besoin d’être entièrement employé. Si le Gouvernement y met du sien, il doit pouvoir faire l’inventaire des difficultés. Or elles sont assez nombreuses quand la loi est utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été votée !
La proposition de loi de notre collègue me semble donc raisonnable. Je remercie d’ailleurs les si nombreux collègues qui se sont relayés après notre rapporteur à la tribune pour dire tout le bien qu’ils en pensaient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Sans rouvrir le débat sur le fond, je rappelle qu’il reste encore neuf mois.
Certes, chacun est libre d’exiger un délai de vingt mois ou de réclamer le report à 2020 – pourquoi pas à 2030 ? –, comme cela est proposé dans l’amendement que le Sénat examinera dans quelques instants…
Mais neuf mois, cela laisse tout de même beaucoup temps !
Monsieur le président de la commission, encore une fois, il n’y aura aucun EPCI de plus de 200 communes.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela faisait partie des projets !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Précisément ! C’étaient des « projets ». Les projets sont une chose ; la réalité en est une autre. Il est important d’être précis, surtout dans l’hémicycle du Sénat !
M. Mathieu Darnaud. C’est justement pour cela qu’il ne faut pas raconter n’importe quoi !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Encore une fois, deux EPCI ont plus de 150 communes. Le premier se situe au Pays basque et le second dans le Cotentin, c'est-à-dire dans votre propre département, la Manche, monsieur le président de la commission !
Neuf EPCI auront plus de 100 communes.
Sur le fond, ma vision de l’intercommunalité n’est pas le « XXL » ! Mais vous ne pouvez pas affirmer, comme le font certains depuis le début de l’après-midi, qu’il appartient aux élus, et à eux seuls, de décider, le préfet devant suivre leur opinion, tout en vous opposant à leurs décisions lorsqu’ils optent pour les grandes intercommunalités !
M. Mathieu Darnaud. Mais ce n’est pas ce qu’il se passe en pratique !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. La loi que vous avez votée a fixé un plancher, mais elle n’a fixé aucun plafond. Nous sommes donc simplement dans le cadre de l’application de la loi.
Dans les faits – M. le président de la commission des lois connaît bien cette situation, puisque c’est le cas dans son département, ainsi que dans beaucoup d’autres –, les décideurs sont généralement de hauts responsables des associations de maires ou d’élus.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi modifiant la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la république pour permettre, à titre exceptionnel, de différer d’un an la création d’une nouvelle intercommunalité
Article unique
Après le septième alinéa du III de l’article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission départementale de la coopération intercommunale, saisie par le représentant de l’État dans le département ou à la demande de 20 % de ses membres, peut, à titre exceptionnel et avant le 31 juillet 2016, décider à la majorité de ses membres, du report de l’entrée en vigueur de l’arrêté prévu au septième alinéa du présent III. Dans ce cas, le représentant de l’État diffère au 1er janvier 2018 la date d’entrée en vigueur de celui-ci. »
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article unique.
M. Marc Laménie. Je salue notre collègue Jacques Mézard et les membres de son groupe, qui ont pris l’initiative de déposer la présente proposition de loi.
Beaucoup d’intervenants ont défendu avec passion nos territoires, notamment nos territoires ruraux.
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a été évoquée. Tout va beaucoup trop vite. Nous nous apercevons aujourd'hui des difficultés de mise en place des intercommunalités, dont on nous vantait les mérites voilà quelques années.
En tant que modeste membre de la commission départementale de la coopération intercommunale des Ardennes, qui se compose de 42 membres, je perçois les tiraillements. L’ambiance devient pesante. De nombreux problèmes surgissent, en particulier, mais pas seulement, en termes de pouvoir et de gouvernance.
Nous respectons évidemment les préfets et les services de l’État, qui ont beaucoup de mérite. Mais nous sommes confrontés à beaucoup d’incertitudes, notamment financières. M. le président de la commission des lois vient de faire référence aux dotations. Nous disposons des simulations ; je profite d’ailleurs de l’occasion pour féliciter les directions générales des finances publiques de leur travail.
Laissons du temps au temps ! Je pense qu’il ne faut rien accélérer.
Je voterai l’article unique de cette proposition de loi, qui a droit à toute notre reconnaissance, au nom du respect de la démocratie de proximité et de la défense des élus de base que nous sommes pour la plupart.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l'article unique.
M. Jacques Mézard. M. le ministre a déjà parlé trois plus que l’auteur de la proposition de loi. Mais c’est tout à fait normal.
Il a, me semble-t-il, répondu à côté. Notre propos n’est pas de remettre en cause la loi NOTRe ; il est de donner un minimum de temps aux intercommunalités qui en ont besoin pour leur permettre d’appliquer les schémas sur le terrain.
Monsieur le ministre, vous indiquez ne pas voir les avantages de la proposition de loi sous prétexte que les instruments existent déjà. Mais je n’ai pas encore entendu quel serait le véritable inconvénient à accorder ce délai supplémentaire et en quoi cela pourrait être problématique.
Nous tendons la main au Gouvernement, pour lui donner l’occasion de dire enfin aux collectivités territoriales que le seul système n’est pas le passage en force.
Ces derniers temps, dans notre République, quelles sont les seules institutions vis-à-vis desquelles le Gouvernement n’a fait usage que d’autorité, voire de brutalité ? Sur n’importe quel autre sujet, en cas de problème, il est facile de reculer ; c’est même devenu une habitude ! Montrer du doigt les collectivités territoriales, dire que les élus locaux ne font pas bien leur travail et coûtent trop cher : nous dénoncions déjà ce discours sous un autre quinquennat !
Je pense qu’il faut écouter les élus locaux. Le Gouvernement avait l’occasion de leur exprimer son intention de tenir compte des difficultés et d'essayer d’améliorer la situation, de faciliter leur travail.
Selon vous, vingt mois, c’est trop ? Mais des regroupements sont imposés par des préfets, pas par tous, certes ! Souvenez-vous du débat que nous avions eu, déjà, sur les intercommunalités lors de l’examen du texte instituant le conseiller territorial. À l’époque, nous trouvions excessif que le préfet puisse donner un avis. Aujourd'hui, il a la quasi-totalité du pouvoir !
Nous avons besoin d’un peu de temps. Encore une minute, monsieur le bourreau ! (Sourires et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article unique.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, que de chemin parcouru depuis la loi Joxe-Baylet de 1992 !
Selon un fameux article de ce texte, en l’occurrence l’article 66, l’intercommunalité devait relever de la « libre volonté des communes ». C’est d’ailleurs pour cela que, à l’époque, l’Association des maires ruraux de France était ravie.
Mais là, ce n’est plus du tout le cas ! Un ensemble de règles plus ou moins compliquées empêche de modifier quoi que ce soit, sauf dans quelques circonstances particulières, et à condition d’avoir une majorité qualifiée, ce qui est rarement le cas !
Le problème est simple. Il n’y a aucune raison de s’opposer à ce texte. La seule raison valable aurait été la remise en cause des périmètres. Mais, après en avoir discuté, je crois que notre rapporteur a eu raison de limiter la possibilité d’aménagement du calendrier aux situations de fusion. Certes, des problèmes se posent aussi ailleurs, mais là, au moins, on ne remet pas en cause les choix en matière de périmètre, qui sont tout de même les plus difficiles à faire.
On nous dit que l’adoption de la proposition de loi serait un très mauvais signe adressé aux autres. Mais les autres s’en moquent ! Ils ont déjà suffisamment de problèmes !
Et quand on nous dit qu’il faut « appliquer la loi », on se moque complètement de nous ! Pour le report de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, annoncé récemment après trois ou quatre mois de tergiversations, ça a été une autre paire de manches ! Et, trois mois à peine après l’adoption de loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui avait rétabli la compétence générale des départements et des régions, le Président de la République et le Premier ministre se sont remis à vouloir des compétences spécifiques ! Là, tout allait très bien…
Aujourd'hui, à propos d'une situation tout à fait particulière, le Gouvernement s’oppose à une proposition de loi qui n’a pas pour objet de remettre en cause les périmètres en nous expliquant qu’il faut appliquer la loi pour « sortir du tunnel ».
Mais « sortir du tunnel » pour aller où ? Il vaut toujours mieux faire du bon ouvrage plutôt que laisser les choses en l’état et être confronté à des problèmes latents pendant des années et des années !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, sur l'article unique.
M. Jean-François Husson. Honnêtement, je suis très surpris de la position du Gouvernement, qui vient d’adresser une fin de non-recevoir à la présente proposition de loi.
À mon sens, vous faites entrer les communes et les intercommunalités dans une ère de jamais-vu en matière d’instabilité fiscale et financière. Nos collectivités territoriales découvrent aujourd'hui que les dotations sont inférieures à ce qui leur avait été communiqué. Elles vont donc devoir travailler à des convergences, à des regroupements, à des fusions, en n’ayant aucune visibilité !
Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’elles puissent sereinement élaborer des budgets ou engager des projets au service des territoires et des habitants ? Et je n’oppose pas – ce n’est pas dans ma culture – les habitants des villes à ceux des villages ou des zones périurbaines. Je parle de la France, dans la diversité de toutes ses composantes, qui font sa richesse !
Une telle situation créera forcément de l’instabilité financière, car on n’arrivera pas à ajuster les besoins en temps réel.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser une question, même s’il me semble que la réponse n’est pas évidente. Prenons l’exemple de la fusion entre deux intercommunalités. Selon le Gouvernement, tout est prévu, les intercommunalités ont une année pour décider de tout. Tout va donc bien.
Pouvez-vous prendre, au nom du Gouvernement, un engagement en faveur des intercommunalités si d’aventure au 1er janvier 2018 certaines d’entre elles rencontraient des difficultés dans la mise en place de fusions de taxes – par exemple la taxe d’enlèvement des ordures ménagères – ou de redevances ? Ces territoires pourraient se retrouver, d’un point de vue pratique, dans l’illégalité…
Enfin, je souhaite vous faire une proposition que j’avais déjà eu l’occasion de formuler auprès de vos prédécesseurs. En cette période de baisse des dotations et des moyens, puisque l’on appelle à la convergence – tout un travail est à réaliser au niveau des bassins de vie –, les territoires attendent surtout de nous que nous mettions en place des outils incitatifs et des mécanismes permettant à plusieurs intercommunalités, sur des équipements structurants pour les territoires, au service des populations, de bénéficier de bonifications de concours et de dotations de l’État. Mettons autour de la table en fonction de leurs compétences, qui les départements, qui les régions. Ce sont de solutions de ce type que les Français ont aujourd’hui le plus besoin ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l'article unique.
M. Mathieu Darnaud. Je souhaite revenir sur l’intervention de Pierre-Yves Collombat, ainsi que sur celle de Jacques Mézard. Pourquoi serait-il inconcevable d’imaginer une telle solution pour des raisons essentiellement d’ordre technique ?
J’aimerais que nous ayons une réponse du Gouvernement à cette question. Est-il normal, alors même que l’esprit de la loi NOTRe est de repenser les périmètres et les contours de l’intercommunalité, c'est-à-dire de simplifier la carte électorale, que l’on tende à recréer des syndicats mixtes, notamment pour porter les compétences orphelines ?
La mission que nous conduisons sur les territoires nous conforte dans l’idée qu’il faudra à un moment donné recréer des structures intercommunales pour exercer certaines compétences. Nous savons tous que très peu de départements échapperont à cette règle. Si l’on me dit que c’est conforme à l’esprit de la loi…
J’insiste sur ce point, car c’est souvent l’État et les préfets qui proposent la création de tels syndicats, se trouvant totalement démunis. Il n’est en effet pas possible de créer une commune nouvelle à seule fin de porter une compétence orpheline ! J’avoue que mon incompréhension sur ce sujet est totale.
De plus, on nous répond que nous avons neuf mois pour mettre en œuvre les schémas. C’est inexact, car il y aura beaucoup de « passer outre » au sujet de l’arrêté de périmètre. La date avancée est celle du mois de juin. Mais certaines intercommunalités aujourd'hui ne sont pas encore connues…
Mme Delphine Bataille a d’ailleurs déploré un manque d’anticipation. Comment voulez-vous anticiper, ma chère collègue, alors que certains territoires ont mis en place les schémas et ne retrouvent pas l’œuvre qu’ils ont réalisée, les contours qu’ils ont souhaité tracer, parce que le préfet ou la commission départementale de la coopération intercommunale en ont décidé autrement ?
Dans de nombreux cas, il est donc totalement impossible d’anticiper ! Ajoutez à cela le fait que, malheureusement, les délais sont très courts. Notre collègue rapporteur, Patrick Masclet, a souligné à juste titre qu’ils se situaient aujourd'hui plutôt autour de quinze mois, à en croire les chiffres de l’Assemblée des communautés de France. Que sont quinze mois, au vu des difficultés financières auxquelles Jean-François Husson a fait référence tout à l’heure et qui ont trait à la prise ou non de certaines compétences, et à la capacité de les exercer ? Je pense à la compétence transport ou à la compétence voirie. Quid d’une intercommunalité rurale qui fusionnera avec une grande intercommunalité urbaine ?
Tous ces sujets pratiques nécessitent un peu de temps et de pédagogie. Il est surtout important que l’on entende les souhaits de nos collègues élus de terrain, car ils commencent à être exaspérés !
M. Michel Savin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article unique.
M. Jean-Pierre Bosino. Christian Favier a exprimé les raisons pour lesquelles nous nous abstiendrons.
Néanmoins, l’intervention de Jacques Mézard, qui réclame au bourreau encore une minute supplémentaire, nous conforte dans cette position : cela signifie que la tête va tomber quand même ! (Sourires.)
J’ai participé ce matin, avec certainement d’autres collègues présents dans cet hémicycle, au comité directeur de l’Association des maires de France. Le moment a été assez exceptionnel, car j’ai assisté à une prise de conscience de la part des élus, qui réalisent que la démarche engagée au travers des différentes lois qui se succèdent vise à mettre en cause les communes !
Un certain nombre de maires ont même souligné qu’au sein du comité directeur se trouvaient des parlementaires, des députés et des sénateurs, ayant voté les différentes lois tendant aujourd'hui à ce résultat, et ce par deux moyens : par l’asphyxie financière et par la ponction de DGF, qui existe toujours. Pourtant, l’actualité récente prouve que, de l’argent, il y en a et qu’il faut juste un peu de courage politique pour aller le chercher…
Par ailleurs, le changement des périmètres d’intercommunalité s’opère en dehors de nos concitoyens. Compte tenu des délais fixés par la loi NOTRe, comment est-il possible de les consulter ?
Ce matin, lors du comité directeur, il n’y avait aucune opposition communes-intercommunalités. Les maires sont conscients que l’intercommunalité peut effectivement être utile en ce qui concerne un certain nombre de services et aller dans le sens de l’intérêt de nos concitoyens – c’est la raison d’être de nos collectivités.
Je tenais à apporter ce témoignage relatif à la tenue du comité directeur de l’AMF, car le congrès qui aura lieu à la fin du mois de mai prochain reviendra certainement fortement sur la question de l’existence des communes et sur l’exigence qu’elles continuent à vivre. Or toutes les dispositions tendant vers plus d’intercommunalité vont exactement dans le sens inverse de cette demande ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l'article unique.
M. Jean-François Longeot. Je souhaite rappeler un point essentiel : il ne s’agit nullement de remettre en cause la proposition faite ni de repousser l’échéance à 2020. Nous souhaitons simplement desserrer un peu les délais. Bien sûr, le retour que nous avons des commissions départementales de la coopération intercommunale, c’est que les schémas sont adoptés. Oui, les schémas seront adoptés, mais dans la douleur !
Certes, le seuil est de 15 000 habitants minimum. Mais quand une communauté de communes de 4 000 habitants n’a pas trouvé les 1 000 habitants manquant pour respecter le seuil des 5 000 habitants pour être inscrite dans le périmètre « montagne », que fait-on ? On la place au milieu de 79 communes, avec 25 000 habitants. Elle se retrouve donc dans un secteur, sans trop savoir ce qu’elle y fait. C’est soit ça, soit une annonce sur le site Leboncoin !
Il est également important de tenir compte du souhait des communes. L’élection des conseillers régionaux a eu lieu avant la loi sur la fusion des régions. Pourquoi imposer à des maires élus en 2014 dans une intercommunalité de finir leur mandat dans une autre intercommunalité ?
Il est essentiel de laisser un peu de temps aux élus pour discuter. Ce n’est pas facile pour les élus, mais ce n’est pas simple non plus pour les préfets – vous le savez, monsieur le ministre –, qui se trouvent obligés d’organiser un schéma qui n’est pas toujours conforme à celui qu’ils souhaitent. Bref, c’est compliqué pour tout le monde. Laissez-nous donc un peu de temps pour discuter avec les services de l’État !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, sur l'article unique.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, la question doit être résumée à sa finalité. Il ne s’agit nullement ici de remettre en cause une loi qui s’appelle la loi NOTRe, mais dont nul ne sait plus très bien à qui elle appartient tant elle se trouve largement contestée… (Sourires.)
Indépendamment de cet état de fait, je suis sûre que nous partageons le même objectif et la même volonté, à savoir la réussite de nos territoires.
Il y a deux façons de procéder. Soit l’État administre les territoires, décide et gère ; et nous rendons les clés de nos mairies. Soit nous croyons vous et nous, et je sais que telle est votre conviction, que la vitalité des territoires et leur réussite viennent de la capacité des hommes et des femmes à travailler ensemble. La réussite des territoires, monsieur le ministre, c’est ce que nous recherchons. Nous voulons juste un assouplissement pour que cette loi qui a été votée, parce qu’il fallait en voter une et qu’il était important de trouver un compromis, soit réalisable.
In fine, de quoi s’agit-il sinon de réussir l’action publique territoriale dans l’intérêt de nos concitoyens ? Monsieur le ministre, il faut juste desserrer la corde, un moment, un instant, pour que, ensemble, nous réussissions nos territoires !