M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Les quatre amendements tendent à prévoir l’inscription sur les étiquettes de toute une série d’informations que souhaiterait avoir le consommateur. Je suis sûr que si l’on continuait à débattre on trouverait encore d’autres éléments à faire figurer sur ces étiquettes !
Mme Sophie Primas. C'est vrai !
M. Stéphane Le Foll, ministre. On a déjà évoqué les questions sanitaires, notamment l’utilisation des antibiotiques…
M. Bruno Sido. L’état de santé du producteur…
M. Stéphane Le Foll, ministre. On n’ira peut-être pas jusque-là…
Je vous le dis, trop d’informations sur les étiquettes finissent par tuer l’information du consommateur ! Si on n’y prend garde, à force de multiplier les informations, on finira par s’y perdre ! Cela a été rappelé : en ce qui concerne les productions de qualité bénéficiant d’un label, comme les poulets en plein air, de nombreuses informations sont données sur les conditions de l’élevage.
Je le redis, cette logique d’information sur l’origine des produits suppose qu’on soit à la fois extrêmement structuré, avec des cahiers des charges qui s’appliquent et qui sont respectés par tout le monde, et simple, pour que le message passe auprès du consommateur.
Je prendrai l’exemple des rillettes. Aujourd’hui, l’étiquette « Viandes de France » signifie qu’elles sont fabriquées avec des cochons d’origine française. Je le précise, parce que nous avons justement eu, dans la Sarthe, un problème sur l’origine des cochons utilisés pour faire les rillettes. Ainsi, les choses sont simples et claires, et le consommateur sait ce qu’il achète. En revanche, si l’on multiplie les informations dans tous les sens, il ne saura pas et fera de mauvais choix.
Je ne suis donc pas favorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote sur l’amendement n° 15.
M. Bruno Sido. Cet amendement est particulièrement caricatural.
Monsieur Labbé, vous êtes bien gentil, mais soit vous faites de l’idéologie, soit vous êtes démagogue !
M. Joël Labbé. Oh !
M. Bruno Sido. Pourquoi évoquer, dans l’objet de votre amendement, les élevages industriels ? Ceux-ci fabriqueraient des produits de moins bonne qualité que les petits élevages ? Mais êtes-vous allé voir ces petits élevages ?
M. Joël Labbé. Je connais mon sujet !
M. Bruno Sido. Je ferai une comparaison, qui vaut ce qu’elle vaut : avec votre raisonnement, cela signifierait qu’on est moins bien soigné dans les petits hôpitaux que dans les grands.
M. Joël Labbé. Qui est dans la caricature, là ?
M. Bruno Sido. À vrai dire, on peut être bien ou mal soigné, dans les petits hôpitaux comme dans les grands. De même, les produits peuvent être de très bonne qualité dans les petites exploitations comme dans les grandes. Je le répète, votre amendement est tout à fait caricatural.
Soyons clairs, car vous êtes en train de jouer au billard à trois bandes. On a parfaitement le droit d’être opposé aux grandes exploitations ou aux grands élevages pour des raisons sociales ou pour des raisons de structures agricoles – nous pouvons débattre de ces questions –, mais attaquer les grandes exploitations agricoles, ou les petites d’ailleurs, par le biais de la qualité des produits qu’elles fabriquent, c’est déloyal !
M. Jean Bizet. C'est indigne !
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je ne mets pas en doute la sincérité de M. Labbé,…
M. Joël Labbé. Ah ! Merci !
M. Michel Raison. … mais je voudrais le mettre en garde. Il est extrêmement compliqué de savoir quel animal a mangé des produits à base d’OGM, à quel moment et en quelle quantité.
Par ailleurs, je voudrais lui donner une information. Certains fromages d’appellation d’origine contrôlée sont soumis à un cahier des charges dans lequel figure l’obligation de non-consommation d’OGM et, pourtant, ces mêmes fromages sont fabriqués avec des présures à base de bactéries transgéniques.
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Michel Raison. Si on suit son raisonnement, il faudra donc indiquer sur l’étiquette que ces fromages contiennent des produits transgéniques.
Enfin, je partage les propos de M. Sido : il faut faire très attention aux propos que vous colportez, monsieur Labbé. Je ne vous en veux pas, mais sachez que, dans une exploitation – on pourrait vous emmener en visiter un certain nombre –, les vaches, qu’elles soient cinquante, cent, trois cents ou plus,…
M. Jean Bizet. Mille vaches !
M. Michel Raison. … ont exactement la même alimentation et vivent dans les mêmes conditions. Et le lait qu’elles produisent peut parfois être de meilleure qualité s’il vient d’une grande exploitation que d’une plus petite ! Il n’y a pas forcément de différence.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. J’irai dans le sens de M. le ministre.
Un consommateur passe entre trois et sept secondes à choisir un produit. L’information inscrite sur le produit doit donc être pertinente et lisible extrêmement rapidement. On peut faire figurer l’origine, l’origine contrôlée, les appellations, l’utilisation d’OGM… Bref, un certain nombre de choses qui vont finalement faire perdre de vue l’information la plus essentielle. En termes d’étiquetage, nous devons donc être raisonnables.
Ces quatre amendements partent vraiment d’un bon sentiment, mais ils nous obligent à créer, comme souvent dans cet hémicycle et à l'Assemblée nationale, des normes excessives. Je le redis, je comprends l’intention, qui est louable, mais, concrètement, le mieux est parfois l’ennemi du bien.
M. Jean-François Husson. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Mes chers collègues, vous êtes au moins deux sur trois à ne pas m’avoir qualifié de démagogue ou d’idéologue…
Chère Sophie Primas, l’amendement n° 15 porte non pas sur l’étiquetage, mais sur l’information donnée a posteriori au consommateur qui la demande. Il ne faut pas faire de confusion ! Si le consommateur demande à connaître l’origine du produit, le distributeur doit être à même de la lui indiquer.
Pour ce qui est de la qualité, je ne parlais même pas d’améliorer la qualité des produits, qu’ils viennent d’un élevage industriel ou non, mais simplement d’informer le consommateur, afin qu’il puisse faire un choix et, par conséquent, privilégier un mode de production.
Je veux revenir sur la question des OGM. Nous sommes dans le dur : notre pays, avec le soutien fort du Gouvernement, a refusé l’introduction des cultures OGM sur le territoire français.
M. Jean Bizet. C'est une erreur !
M. Joël Labbé. C'est le résultat du vote démocratique du Parlement !
Mme Sophie Primas. C’est une erreur quand même !
M. Joël Labbé. Il n’est donc pas acceptable de faire venir des produits transgéniques d’Amérique du Sud pour nourrir nos élevages.
Le consommateur doit savoir si l’animal dont il mange la viande a été nourri ou non avec des aliments OGM. C’est une question de transparence ! Il doit aussi choisir le mode de production – c'est essentiel pour l’avenir.
Notre excellent rapporteur a évoqué la COP 21. Je veux, moi aussi, en parler de nouveau. Nous sommes ici complètement dans l’esprit de cette conférence : le soja transgénique sud-américain est complètement hors-jeu pour les années qui viennent !
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. D. Dubois et Lasserre, Mme N. Goulet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La liste des distributeurs et des fabricants de produits alimentaires qui ne respectent pas cette obligation est tenue publique par le ministère en charge de l’alimentation.
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. Cet amendement, qui est dans le même esprit que ceux que nous avons défendus précédemment, a pour objet de contraindre les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires à respecter l’obligation d’information du consommateur. À cette fin, nous demandons que la liste des distributeurs et des fabricants de produits alimentaires qui ne respectent pas cette obligation soit publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement établit un bon principe : rendre publique l’information sur les acteurs faisant de la rétention d’information. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. D’après ce que je comprends, le ministère de l’agriculture devrait publier la liste de toutes les entreprises qui refusent de répondre aux consommateurs… Voilà qui ne va pas simplifier l’action de l’État ni contribuer à la rendre plus efficace ! S’il vous plaît, n’en rajoutons pas !
Le jour où vous viendrez me voir pour me demander une baisse des coûts de fonctionnement, plus d’efficacité et de simplification, je vous rappellerai le débat de ce soir. Si j’appliquais toutes les mesures prévues par ces amendements, je ne ferais pas de la simplification mais de la complexification !
M. André Trillard. Ce serait la famine ! Il faudrait attendre six mois pour pouvoir manger !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Et demain, monsieur le sénateur, vous serez parmi d’autres dans l’hémicycle à me demander ce qu’on a fait !
M. André Trillard. Exact !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Comment voulez-vous obliger l’industriel à répondre à toute demande d’un consommateur sur la composition de son produit sans prévoir de contrôle ? Si l’on décide d’offrir un droit au consommateur, il faut instaurer un contrôle de l’entreprise ! Ou alors, pour être cohérent, il faut revenir sur l’amendement adopté en commission !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Loisier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 112-14. – L’étiquetage des produits agricoles carnés et des produits laitiers doit mentionner le mode de production : plein air, en bâtiment, en cage.
« Les caractéristiques de cet étiquetage sont définies par décret. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Après discussion avec Mme Anne-Catherine Loisier, nous avons décidé, en toute sagesse, de retirer cet amendement.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
L’amendement n° 16, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 112-… – L’indication du mode d’élevage est rendue obligatoire pour l’ensemble des produits carnés et laitiers destinés à la consommation humaine, à l’état brut ou transformé, sur le modèle de celui existant pour les œufs, selon les termes 0 = biologique, 1 = en plein air, 2 = extensif en bâtiment, 3 = système intensif.
« La liste des produits concernés, les caractéristiques de l’étiquetage et les modalités d’application sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Joël Labbé.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il est retiré !
M. Joël Labbé. Non, je ne retire pas cet amendement, mais, puisqu’il s’appuie sur la même motivation que l’un de mes amendements précédents, je considère qu’il est défendu. Je garde de l’énergie pour tout à l’heure… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je serai bref puisque j’ai déjà développé mon argumentation lors de mes avis sur les amendements précédents.
Restons simples, n’alourdissons pas les contraintes des entreprises, contentons-nous de prévoir la réponse au consommateur. Pour le reste, il y a les cahiers des charges spécifiques.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié quinquies, présenté par MM. Canevet, Luche, Médevielle, Cadic et Détraigne, Mme Loisier, MM. Kern, Bonnecarrère, Guerriau, Laurey et Roche, Mmes Férat et N. Goulet, MM. Bockel et Gabouty, Mmes Billon, Jouanno, Gatel et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 112-14. – Les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires indiquent, sous forme d’étiquetage, l’origine de leurs produits carnés et laitiers.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Avant de présenter l’amendement, je veux simplement rappeler le sujet qui nous occupe ce soir : la performance de notre agriculture. Cela permettra de mieux comprendre l’objet de notre amendement.
Cet amendement vise à prévoir un étiquetage pour les produits carnés et laitiers contenus dans les plats cuisinés. Les auteurs de la proposition de loi n’ont pas voulu imposer l’étiquetage en amont au motif, semble-t-il, que l’information sur l’origine des produits risquerait de se heurter à la réglementation européenne. Cette lecture ne nous paraît pas fondée.
Tout d’abord, l’affirmation par la Commission européenne d’un surcoût de 30 % lié à l’obligation d’indiquer l’origine des produits semble un peu fantaisiste.
Ensuite, cette interprétation nous paraît incohérente au regard de l’affaire récente de l’étiquetage des produits originaires des colonies israéliennes situées dans les territoires palestiniens. L’étiquetage de ces produits est encouragé, alors que celui des produits carnés ou laitiers vendus en France serait interdit !
Par ailleurs, l’étiquetage en amont est plébiscité par de nombreuses entreprises, qui craignent que l’étiquetage ou la réponse a posteriori ne crée une usine à gaz.
Enfin, le Parlement européen a adopté le 11 février 2015 une proposition de résolution appelant la Commission à présenter un texte législatif visant à rendre obligatoire l’information des consommateurs sur l’origine des viandes entrant dans la composition des plats transformés. La France demande avec constance une telle évolution du droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Malheureusement, votre amendement, ma chère collègue, est contraire au droit communautaire, d’où notre rédaction de l’article 3, qui permet de contourner la difficulté.
Vous prenez l’exemple de l’étiquetage des produits originaires des colonies israéliennes, mais cette décision est européenne, pas franco-française.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je vous demande également de retirer votre amendement : introduire ce genre de mesure dans la législation nationale, c’est pile ce qu’interdit le droit européen de l’étiquetage. Oui, il faut changer ce droit, et, comme je vous l’ai expliqué, c’est ce que nous essayons de faire !
M. le président. Madame Gatel, l’amendement n° 30 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Mme Françoise Gatel. Non, je le retire, mais je maintiens mes encouragements à M. le ministre pour qu’il fasse bouger la législation européenne.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié quinquies est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Chapitre II
Faciliter l’investissement et mieux gérer les risques financiers en agriculture
Article 4
(Non modifié)
Par exception à l’article 1244 du code civil, tout exploitant agricole ayant souscrit un emprunt affecté exclusivement au financement de l’acquisition de matériel d’exploitation ou de cheptel, dont la moitié au moins du chiffre d’affaires est réalisé dans un secteur déclaré en crise par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et des finances, peut reporter le paiement de sa dette pour une durée maximale qui ne peut excéder un cinquième de la durée du prêt restant à courir à la date de la demande. Le paiement des intérêts reste dû durant l’ensemble de la période d’exécution du prêt.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.
M. Bruno Sido. L’article 4, au chapitre II de la proposition de loi, qui évoque la nécessité de « mieux gérer les risques financiers en agriculture », prend une signification particulière au regard de l’application du plan Écophyto 2. En effet, cette diminution du recours aux intrants affectera la rentabilité des exploitations, et je crains que la compétitivité de notre agriculture à l’échelle européenne n’en souffre.
Un principe simple pourrait guider la démarche : tout le droit européen, rien que le droit européen. En d’autres termes, il faut que les agriculteurs français puissent compter sur leur Parlement pour éviter toute surtransposition de la directive de 2009, synonyme de distorsion intra-européenne de concurrence.
Au-delà de ce texte, le Sénat pourrait prendre l’initiative d’un vaste toilettage normatif ; ce serait une aide très précieuse à la compétitivité de l’agriculture. Il s’agirait de distinguer, norme par norme, ce qui est imposé par le cadre européen et ce qui relève de notre responsabilité. Comme le proposent les représentants du monde agricole, tenons à jour un benchmark – pardonnez cet anglicisme – des normes et des charges en Europe pour corriger, puis renforcer notre compétitivité.
Sur le plan de la recherche et de l’innovation, je souhaiterais que, à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, le Sénat veille à assurer un meilleur accompagnement des agriculteurs par les organismes publics de recherche. La diffusion des bonnes pratiques et de toute solution permettant de mieux concilier réduction de l’usage des pesticides et maintien des rendements doit devenir absolument prioritaire.
Bien sûr, d’aucuns me feront remarquer que cela relève sans doute du règlement et non de la loi. Collectivement, nous pouvons néanmoins inciter le Gouvernement à tout mettre en œuvre pour renforcer la performance économique de l’agriculture. Si la France est le premier pays d’Europe du point de vue de la surface agricole utile, avec 29 millions d’hectares, elle n’est que le neuvième pour l’utilisation des pesticides, avec 2,3 kilos par hectare, grâce aux efforts considérables déjà accomplis par le monde agricole.
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Première phrase
Après les mots :
ou de cheptel
insérer les mots :
ou de l’acquisition ou la rénovation de bâtiments d’élevage
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. L’article 4 instaure, pour les agriculteurs qui ont emprunté pour investir et qui connaissent une situation de crise importante, la possibilité de reporter le paiement du capital emprunté dans la limite de 20 % de la période restante. Ce dispositif a vocation à donner une véritable bouffée d’oxygène aux agriculteurs sans qu’ils aient à négocier avec leurs créanciers – cela rejoint les propos antérieurs de M. le ministre.
Le présent amendement a pour objet de rendre éligibles les emprunts souscrits pour construire ou rénover les bâtiments d’élevage et non seulement les investissements en matériel. N’oublions pas que nous parlons aussi de la compétitivité de l’élevage et que les bâtiments agricoles sont un facteur de compétitivité, de qualité de vie et de bien-être des animaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je comprends tout à fait ce souci du Sénat dans la phase de crise que nous vivons et dans laquelle on discute, par exemple, de l’« année blanche ». Lorsqu’un agriculteur souscrit un emprunt, les annuités – paiement des intérêts et remboursement du capital – pèsent lourd. Quand on est en difficulté, on cherche bien sûr à reporter une partie des annuités, que ce soit en totalité, sur tous les emprunts réalisés, ou en partie – c’est tout le débat que nous avons à propos de l’année blanche – pour soulager la trésorerie.
Cela étant, inscrire dans la loi des modalités de report de remboursement – alors que, je l’espère, on sortira bien un jour de la crise – conduira à ce qu’un agriculteur ayant emprunté pourra, sur le fondement de la loi, reporter automatiquement 20 % de son remboursement alors que cela ne se justifiera plus. La loi n’est pas faite pour traiter la conjoncture – cela relève plutôt du plan de soutien, de l’année blanche –, mais pour instaurer des éléments structurants, qui passent de la crise aux périodes favorables.
M. Bruno Sido. Exactement !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Là, vous inscrivez dans la loi un traitement spécifique conjoncturel. Pour ma part, je n’y suis pas favorable. Pour traiter la crise, je suis favorable à l’année blanche mais pas à l’inscription dans la loi des processus automatiques. Quand on sortira de la crise, ce que nous espérons tous, cette disposition sera décalée par rapport à la réalité économique.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Pardon de vous le dire, monsieur le ministre, mais ce système existe dans bien d’autres domaines.
Quand on fait un emprunt immobilier de longue durée, la plupart des banques autorisent les reports de remboursement en capital en fonction des problèmes que l’on peut rencontrer dans sa vie, comme la perte de son emploi. Cela existe ! Par conséquent, permettre que cela soit possible de façon automatique pour l’agriculture n’est pas incohérent.
On peut, par exemple, se trouver dans une région qui connaît de vraies difficultés, en raison d’un événement climatique localisé, alors que les rendements dans le reste de la France sont normaux. Le fait d’inscrire ce dispositif dans la loi offre à tous les agriculteurs une liberté, une facilité. Certains l’utiliseront, d’autres non.
De toute manière, cela aura un coût, le banquier ne proposera pas cette possibilité gratuitement. Mais son inscription dans la loi créera une possibilité réelle, une souplesse pour le monde agricole. La production agricole, animale et surtout végétale, subit en effet les aléas climatiques de façon différenciée sur le territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Prenez garde à ce que l’automaticité qui assortirait la possibilité de report, quelle que soit la capacité de remboursement de l’emprunteur, ne conduise les banques, au bout du compte, à renchérir les prêts et à les rendre plus difficiles d’accès. Nous n’avons surtout pas besoin de cela aujourd'hui !
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce dont nous avons besoin, c’est de fluidité et de confiance, pour que les banques prêtent à ceux qui ont besoin d’emprunter.
Je reconnais que cet amendement part d’un bon sentiment : il s’agit d’aider les agriculteurs à faire face à la crise. Toutefois, la crise ne durera pas éternellement, et on ne fait pas la loi pour gérer une crise : on fait la loi pour qu’elle dure.
Quand vous pensiez leur rendre service, vous risquez d’alourdir le coût du prêt et de renchérir encore l’accès au crédit pour tous les agriculteurs.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je veux insister sur ce point.
Par conséquent, je ne suis pas favorable à l’amendement, qui, comme l’article, du reste, ne constitue pas une bonne réponse.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je veux saluer l’initiative qu’a prise le rapporteur en déposant cet amendement, au nom de la commission des affaires économiques.
Comme cela a été largement rappelé, certains agriculteurs sont, hélas ! très sinistrés. L’enjeu financier est fondamental, en particulier pour les petites exploitations.
Dans le rapport, il est bien indiqué que l’encours de la dette se chiffre en milliards d’euros.
On voit bien également qu’il est de plus en plus difficile, pour les agriculteurs, de négocier avec les banques, quelles qu’elles soient. Pour eux, accéder au crédit est devenu un véritable parcours du combattant.
Dans ce contexte, la proposition du rapporteur est de nature à les soutenir financièrement. C’est un signal fort qu’on pourrait leur donner.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je veux formuler une remarque à l’intention de M. le rapporteur et deux à l’intention de M. le ministre.
Monsieur le rapporteur, il n’y a pas lieu de limiter cette possibilité aux seuls éleveurs. En effet, nous savons tous aujourd'hui que l’agriculture est soumise à la fois à des aléas climatiques, qui, malheureusement, se vérifient de plus en plus souvent, et aux aléas des cours, qui fluctuent de manière très importante. Quand l’effet des aléas climatiques et celui des aléas des cours se conjuguent, on se retrouve dans une situation de crise. Il n'y a pas qu’une filière de l’agriculture qui soit susceptible d'être concernée par cette situation !
La possibilité qu’ouvre votre amendement en matière de construction ou de rénovation de bâtiments devrait également être offerte aux autres productions. Vous devriez peut-être mettre la navette à profit pour y réfléchir.
Monsieur le ministre, notre collègue Daniel Dubois a fait des remarques tout à fait pertinentes, même si l’on pourrait en partie vous donner raison, dans la mesure où l’échéance reportée à plus tard pèsera toujours sur le résultat de l’exploitation.
Cela étant, monsieur le ministre – si vous voulez bien m’écouter au lieu de discuter avec votre collaborateur… –, je vous invite à relire le texte de l’article : le dispositif ne se déclenchera qu’en cas de crise. Il n'y aura pas d’automatisme. Daniel Dubois a bien précisé, dans son argumentation, que ce dispositif était bien lié à des phénomènes d’aléas climatiques ou aux cours.
Je comprends d’autant moins vos appréhensions que, lorsque la profession se trouve en situation de crise, ce sont, en général, des mesures de cette nature que vous prenez. Vous demandez souvent aux organismes bancaires d’aménager les prêts.