M. Vincent Capo-Canellas. Il faut regarder en face cette situation, que les élus vivent comme un harcèlement. Sur les territoires, ses conséquences sont substantielles.
J’en viens au deuxième point que je souhaite évoquer : la DGF. Je serai bref. La semaine dernière, sur l’initiative du groupe Les Républicains, nous avons débattu avec vous de la DGF, madame la ministre. Je le rappelle, nous sommes d’accord quant à la nécessité d’une réforme. En revanche, nous désapprouvons la méthode et le calendrier que vous avez choisis. Selon nous, ce sujet ne peut être traité comme un simple élément du projet de loi de finances, il mérite un débat et des conditions sereines qui sont d’autant moins remplies aujourd’hui qu’en parallèle la DGF baisse.
Vous nous dites qu’il faut assurer l’égalité. Or, dès lors que la « DSU cible » sert de couverture à beaucoup de communes qui disposent de peu de recettes, ces collectivités ne subissent que très peu les effets de la baisse des dotations. Vous affirmez qu’il faut mieux répartir parce qu’il y a moins à répartir, mais c’est déjà en partie le cas grâce à cette « DSU cible ».
Nous devons retrouver une vraie discussion, c’est-à-dire, comme cela a été parfaitement dit voilà quelques instants, une discussion qui porte sur des simulations, afin d’analyser ces questions dans un cadre différent, qui a été très bien défini par Charles Guené.
Nous nous accordons à considérer qu’à situations égales, la DGF doit être la même. De ce point de vue, votre projet est porteur d’éléments positifs. Il présente cependant deux risques. Le premier concerne les villes moyennes qui ne sont pas les villes-centres des nouvelles intercommunalités, soit qu’elles aient auparavant été ville-centre d’une intercommunalité absorbée dans une intercommunalité plus grande, soit qu’il s’agisse de villes moyennes dans une grande intercommunalité. La situation de ces communes, vous le savez, nécessite un travail de réglage.
Le second risque, plus lointain, est d’affaiblir les communes en conférant aux intercommunalités un rôle clé dans la répartition d’une DGF territorialisée. La volonté de favoriser l’intercommunalisation est constante, mais il faut être attentif à ne pas priver les élus municipaux du pouvoir financier.
Reste un problème à traiter, que Michel Bouvard a évoqué : la prise en compte des charges contraintes des collectivités. Notre collègue a cité les cas de communes devant faire face à des risques naturels, mais on pourrait évoquer les villes de départements confrontés à de graves problèmes d’insécurité. Il est dans ce cas nécessaire de disposer d’une police municipale, avec un agent pour 1 000 habitants, ce qui a un coût. Dans certains départements urbains, il n’est pas possible de faire autrement.
Je sais comment je pourrais réduire les dépenses dans ma commune : il suffirait de supprimer la police municipale et ses quatorze agents. Ce n’est pourtant pas du tout ce que me demande l’État, et encore moins les habitants ! Reste qu’il s’agit d’une charge induite. D’autres existent en secteur rural, qui doivent être également prises en compte.
Il est nécessaire de prévoir un dispositif amortisseur, en raison de l’histoire des collectivités. Certaines d’entre elles fournissant des services de longue date, il ne sera pas possible, demain matin, de leur demander de les réduire drastiquement. En l’état actuel du projet, l’absence d’un tel système pose problème.
Troisième et dernier point que je souhaite évoquer : la péréquation. Nous pouvons convenir qu’il sera très difficile d’harmoniser les positions sur ce sujet, y compris à l’intérieur de chaque groupe, car elles sont beaucoup affaire de circonstances locales et de situation de chacune des collectivités.
Nous ne pourrons pourtant pas faire l’économie d’une réflexion globale sur le sujet, notamment sur la question du FPIC. Comme Charles Guené le disait, la progression de ce fonds est moindre cette année, mais nous devons poser la question des charges à prendre en compte, en zone rurale comme en zone urbaine.
Vous l’avez compris, le groupe UDI-UC va soutenir les amendements tendant à consacrer à cette réforme de la DGF un projet de loi autonome, plutôt que le hasard de dispositions du projet de loi de finances.
Globalement, nous considérons qu’il est temps de traiter ensemble la DGF, la péréquation, les valeurs locatives – dont il sera bientôt question –, ainsi que la fiscalité locale, et ce au regard des missions des collectivités. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun en convient, les départements, tous les départements, se trouvent aujourd’hui dans une situation financière dramatique. Près d’une dizaine d’entre eux sont au bord du dépôt de bilan, et plusieurs dizaines le seront dès l’année prochaine.
La poursuite de la crise, l’insuffisante compensation des allocations individuelles de solidarité et la baisse des dotations d’État engendrent un redoutable effet de ciseaux.
Je rappelle que les dotations sont censées compenser des transferts de charges. Or l’État se débarrasse d’abord des charges, puis, progressivement, de leur compensation.
La perte cumulée s’élève par exemple pour mon département, le Val-de-Marne, à 38 millions d’euros en 2015, et elle devrait atteindre 93 millions en 2017.
Le prétexte, bien connu, est de faire contribuer les collectivités territoriales au « redressement des comptes publics ». Cette politique est dans les faits inefficace et absurde. Priver les collectivités de ressources les oblige à s’endetter.
Il est de plus contradictoire, quand on prétend lutter contre le chômage, d’ôter des moyens aux collectivités qui investissent et créent des emplois, pour les distribuer, souvent, d’ailleurs, sans contrôle, à de grandes entreprises qui licencient tout en faisant des profits. Cette politique va à l’encontre des besoins de la population et de la lutte contre le chômage.
Dans le même esprit, le remboursement par l’État des allocations individuelles de solidarité n’augmente pas quand la population, le nombre personnes âgées dépendantes ou d’allocataires du RSA progresse de manière très forte. Tout cela est absurde !
Le reste à charge pour mon département représente ainsi 93 millions d’euros en 2015, et 785 millions d’euros depuis 2002 et le transfert du RMI. Ce transfert tourne le dos à la solidarité nationale.
M. Éric Doligé. Cela n’a aucun sens !
M. Christian Favier. Or on ne construit pas la cohésion sociale en aggravant les injustices.
Le Gouvernement veut aller encore plus loin en 2017, avec le transfert de la moitié de la CVAE des départements pour la donner aux régions, sous le prétexte de transferts de charges, notamment en matière de transports. Or il y a une disproportion manifeste entre les ressources et les charges transférées. (M. Éric Doligé s’exclame.)
Cette situation est particulièrement caricaturale pour les départements d’Île-de-France, qui continueront à financer le Syndicat des transports d’Île-de-France. Pour le Val-de-Marne, par exemple, cela représente une contribution de 38 millions d’euros cette année. Et vous lui prendriez environ 90 millions d’euros de CVAE au profit de la région... Mais pour quels transferts de compétences ? Tout cela n’est pas très sérieux !
Il est donc nécessaire de remettre en cause la baisse des dotations de l’État et d’en finir avec les transferts non compensés. Afin d’équilibrer le budget, je vous propose plutôt de mettre fin au subventionnement de grandes entreprises sans contrepartie.
Madame la ministre, je vais vous remettre la liste des 16 612 premiers signataires de la pétition du Val-de-Marne sur les finances locales qui réclament la compensation des allocations individuelles de solidarité ou la reprise par l’État de la charge du RSA, comme le réclament d’ailleurs l’ensemble des départements de France, ainsi qu’un moratoire sur la réduction des dotations de l’État aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. René Vandierendonck applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Monsieur le Président, madame la ministre – je vous remercie de votre présence ce matin –, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, évitons de refaire les débats que nous avons déjà eus.
Dans un contexte financier contraint…
M. Roger Karoutchi. Ben oui !
M. René Vandierendonck. … et face à des comptes publics détériorés, on ne peut guère discuter la nécessité de l’effort de solidarité qui, à travers ce projet de loi de finances, est demandé aux collectivités territoriales…
M. François Grosdidier. C’est un peu court !
M. René Vandierendonck. J’y arrive !
… tout comme aux entreprises, aux ménages et, bien sûr, à l’État.
Néanmoins, le projet de loi de finances pour 2016 comporte une série de mesures afin d’accompagner les élus locaux.
Le président de notre groupe a d’ailleurs souligné que les élus locaux concernés, cher Vincent Capo-Canellas, étaient ou bien des élus urbains – le Gouvernement présentera tout à l’heure un amendement qui concerne précisément le problème que vous avez posé –, ou bien des élus ruraux. J’ai d’ailleurs assisté à la conclusion des assises de la ruralité qui leur étaient consacrées. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Delattre. Cela change tout ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René Vandierendonck. Le projet de loi de finances pour 2016 prolonge également le soutien des pratiques vertueuses des collectivités territoriales que le Sénat a défendues au-delà des clivages partisans.
Permettez-moi de souligner la loi facilitant la création des communes nouvelles. Je marque qu’il est important de faire un pas supplémentaire. D’ailleurs, aux yeux du rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, Jean-Jacques Hyest, il était clair qu’il serait nécessaire de procéder à quelques réglages à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.
Enfin – sans grande originalité, j’en conviens –, j’ai de nouveau déposé l’amendement sur les « départements nouveaux » qui, je ne l’ai pas oublié, avait été également soutenu par le groupe Les Républicains lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
M. Éric Doligé. Très bien !
M. René Vandierendonck. Voilà les quelques points sur lesquels je vais concentrer mes efforts. Cher collègue Raynal, comme vous, à titre personnel, j’espère notamment que nos débats aboutiront à ce que le financement des pratiques vertueuses que j’ai évoquées soit sorti de l’enveloppe fermée de la DGF. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit de réformer la dotation forfaitaire des communes fondée sur une nouvelle architecture et entérine la poursuite de la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales. En cumulé, en trois ans, ce sont donc 15,5 milliards d’euros en moins pour les budgets des collectivités.
Dans ce cadre budgétaire, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente à peine plus de 2 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Nous n’avons cessé de le rappeler sur ces travées, les collectivités locales ne sont nullement opposées à leur contribution au plan d’économies des dépenses publiques.
Leur engagement est tangible. Elles ont notamment entrepris d’importants efforts pour rationaliser, mutualiser et moderniser l’action publique locale. Leurs efforts représentent 22 % de l’effort total des acteurs publics en 2014.
Créée en 1979, la DGF joue un rôle central pour les collectivités. Cette dotation étant devenue illisible, une nouvelle réforme s’impose et, comme cela a déjà été dit, nous y sommes favorables.
Toutefois, comme le président Larcher et bon nombre de nos collègues, j’aurais souhaité que cette réforme fasse l’objet d’un texte spécifique, ce qui aurait permis un temps de réflexion, une étude d’impact plus efficiente et, surtout, des simulations fiables, d’autant que la carte intercommunale ne sera achevée qu’au 31 mars 2016.
Je précise que la réforme a été présentée comme bénéficiant à une grande majorité de communes. Or les simulations ne tenaient pas compte de la contribution au redressement des finances publiques, autrement dit n’intégraient pas la baisse de la DGF prévue en 2016.
Je soutiens bien sûr les propositions de sagesse adoptées à l’article 10, sur la minoration de la baisse de la DGF, la prise en compte du coût des normes transférées par l’État aux collectivités ainsi que le coût de la réforme des rythmes scolaires imposée aux communes.
J’espère qu’il en ira de même des propositions de la commission des finances et des rapporteurs spéciaux visant à tirer les conséquences du report de la réforme en 2017 et à apporter plus de lisibilité au projet de loi de finances pour 2016.
Je prends acte de la mise en place du fonds de soutien à l’investissement local, demandée par les associations d’élus, qui correspond en réalité à la stabilisation du niveau de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, et à la création de la dotation de soutien à l’investissement.
Ces crédits permettront de soutenir les communes et les EPCI, certes, mais ils ne donneront pas l’élan nécessaire à l’investissement local puisque le décaissement du milliard d’euros sera progressif.
De plus, le fonds de soutien à l’investissement local ne concerne que le bloc communal, alors que les investissements des départements, dans des situations budgétaires plus que délicates pour certains, sont en baisse de 5,5 %.
D’ici à 2017, l’effondrement de l’investissement public local, qui a baissé de 7 % en 2014 alors qu’on attend une baisse de 30 % pour 2015, pourrait entraîner la perte de plus de 600 000 emplois. Nous ne pouvons y souscrire.
Face à l’inflation législative et à l’instabilité fiscale, la perte de confiance des élus dans nos territoires est une réalité. Alors qu’ils ont des projets d’investissements ou de nouveaux services à la population, ils se demandent comment ils vont pouvoir les financer.
Les territoires pourront-ils financer ces investissements et ces services en activant le levier fiscal ? Quelque 30 % du bloc communal y a déjà eu recours. Le Gouvernement a ainsi trouvé une excellente parade, en faisant supporter son impéritie par les collectivités.
Les territoires devront-il financer ces investissements et ces services en empruntant, alors qu’on demande aux collectivités de réduire la dette publique ? Ou en reportant les investissements, report dont on connaît les conséquences désastreuses sur la croissance, l’économie locale et la dynamique de nos territoires ?
Quant aux intercommunalités, elles contribuent largement aux investissements, grâce notamment à la progression du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.
Avec le relèvement du seuil de l’effort fiscal à 1 en 2016 contre 0,5 en 2012, cent vingt-cinq intercommunalités seront exclues du bénéfice de ce fonds national de péréquation.
Madame la ministre, dans mon département, pour une intercommunalité de plus de 15 000 habitants, avec un seuil d’effort fiscal de 0,94, cela représenterait 400 000 euros en moins, ce qui est considérable !
Concernant l’information des élus, il serait bon que les collectivités disposent d’un calendrier de notifications des dotations, actualisé en fonction des évolutions législatives, et qu’elles puissent enfin connaître le montant des dotations attribuées, à une échéance compatible avec la date limite de vote de leur budget. Madame la ministre, j’aimerais vous entendre sur ce point essentiel.
Si nous voulons avoir la confiance des élus et de nos concitoyens, il faut avoir des textes clairs, compréhensibles et des données sûres.
Je voterai donc les crédits de cette mission si les amendements proposés par la majorité sénatoriale sont adoptés. J’en termine en saluant le travail de notre assemblée, qui contribue au sein de nos institutions à un bicamérisme fort ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, étant membre de la commission des lois, je me suis plus particulièrement attaché au rapport pour avis donné par Mme la rapporteur de la commission des lois.
Bien évidemment, deux observations s’imposent à moi. Premièrement, l’effort de redressement des comptes publics supposait aussi, cela a déjà été dit, une stratégie d’effort des contributions des collectivités locales. Ce budget marque la deuxième étape de cet effort important mais sans doute nécessaire.
Malgré les difficultés supplémentaires, je le concède volontiers en tant que maire, que constituent les obligations nouvelles qui s’imposent souvent à nous – le Sénat devrait d’ailleurs se pencher plus avant sur le travail intéressant effectué par la commission d’évaluation des normes – et des marges de manœuvre qui restent relativement faibles, cet effort doit entraîner une révision des dépenses locales en matière de fonctionnement, comme l’avait signalé la Cour des comptes. Le risque, pour nos concitoyens, est une tendance forte à l’augmentation des taux d’imposition, et donc de l’imposition locale.
À cet égard, se pose le problème de l’actualisation des bases – j’aurais aimé le dire au ministre du budget ! –, un sujet sur lequel il faut travailler. Dans les communes ou les intercommunalités ayant consenti d’importants efforts en matière de construction de logements, le retard considérable en matière d’actualisation des bases fait sans doute perdre des recettes que l’on devrait naturellement avoir et qui n’impliquent pas une augmentation des taux.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. Jacques Bigot. Un autre risque est bien entendu la baisse des investissements locaux, sauf à s’aventurer dans un autofinancement négatif, ce qui est impossible pour les budgets des communes.
À cet égard, il faut aussi noter ce qui s’est passé dans un certain nombre de départements – j’en connais ! –, qui ont largement participé aux investissements des communes, notamment des petites, et ont fait des promesses qu’ils ne respectent pas forcément ou dont ils reportent l’application dans le temps. Les recettes attendues au titre des subventions liées à certains investissements arrivent donc avec un certain retard.
Enfin, se pose bien évidemment la question de la réforme de la DGF. Tout le monde s’accorde à dire qu’elle est indispensable. Pourtant, je vous entends, les uns et les autres, réclamer du temps, du débat, y compris, comme l’a dit Mme la rapporteur pour avis, une loi spécifique, afin de disposer de plus de temps et d’avoir des débats plus sereins. Mais c’est oublier ce qui s’est passé avec la réforme de la taxe professionnelle, qui n’a été débattue que lors d’une émission télévisée et s’est imposée à nous de manière extrêmement dramatique. (Mme la rapporteur pour avis s’exclame.)
M. Philippe Dallier. Justement !
M. Jacques Bigot. Faut-il pour autant une loi spécifique ? Ou cela ne peut-il pas se faire dans le temps qui vient d’être proposé par le Gouvernement et repris par l'Assemblée nationale ?
Pour ma part, j’estime que, comme l’a souligné le rapporteur M. Raynal, la rédaction de l’article 58 est satisfaisante.
Enfin, madame la rapporteur pour avis de la commission des lois, vous avez exprimé, à titre plus personnel, vos inquiétudes quant à la question du financement des départements, et vous vous êtes interrogée sur la pertinence d’avoir trois niveaux de collectivités.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Jacques Bigot. Voilà une question qui revient, madame la ministre. Cela prouve que le débat n’est pas clos, mes chers collègues ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’image de beaucoup de nos concitoyens, les élus locaux, d’horizons politiques très divers, ont perdu confiance dans un État qui est devenu impécunieux et, plus encore, chaotique dans ses relations avec les collectivités locales. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. Oh là là !
M. François Bonhomme. Oui, c’est vrai ! Écoutez-les !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. En effet !
M. François Bonhomme. L’inquiétude des maires, des présidents d’intercommunalité, mais aussi des présidents de conseil départemental n’est pas feinte, selon un jeu de rôle mécanique ou faussement théâtral. Ils sont réellement inquiets.
Au vu de leur expérience, les exécutifs locaux qui ont eu à établir leur budget en 2015 le disent tous : boucler un budget local en maintenant un niveau d’investissement significatif sans recourir au levier fiscal ni détériorer le niveau d’endettement devient chose difficile, voire impossible. C’est bien sûr une question d’ordre financier, mais cela tient aussi au lien de confiance qui a été, pour le moins, fragilisé entre l’État et les collectivités locales.
Vous savez, madame la ministre, l’attachement que j’ai à la parole présidentielle, une parole d’or. Souvenons-nous de l’engagement écrit n° 54 du candidat François Hollande à l’élection présidentielle : « Un pacte de confiance et de solidarité sera conclu entre l’État et les collectivités locales, garantissant le niveau de dotations à leur niveau actuel. »
M. Éric Doligé. Il a dit cela ?
M. Philippe Dallier. C’était avant le changement !
M. François Marc. Vous nous avez laissé de tels déficits !
M. Jacques Chiron. Un déficit de 7 % !
M. François Bonhomme. C’était avant, comme on dit selon la formule consacrée ! Mais je puis vous dire que le maintien des dotations en 2016 au niveau qui était le sien en 2012 ferait aujourd’hui le bonheur des collectivités locales.
M. Didier Guillaume. Il ne fallait pas creuser le déficit de la sécurité sociale et le déficit du commerce extérieur !
M. François Bonhomme. Or ce projet de loi de finances contient des mesures nouvelles qui auront nécessairement des incidences importantes sur les collectivités locales.
Pour la troisième année consécutive, il prévoit une diminution de l’enveloppe normée via une baisse de la DGF de 3,6 milliards d’euros. Au total, c’est une baisse cumulée de près de 28 milliards d’euros pour les collectivités locales.
Dans la première partie du projet de loi de finances, nous avons amendé les dispositions proposées, en ayant une position qui me semblait équilibrée.
Oui, nous le rappelons, les collectivités locales doivent prendre toute leur part au redressement des comptes publics. Mais, outre la brutalité avec laquelle cette baisse intervient, cet effort doit tenir compte du poids financier des normes nouvelles qui leur sont imposées, ainsi que des charges nouvelles que l’État leur transfère.
D’abord, ce projet de budget témoigne d’une fragilisation accrue de la capacité d’investissement de nos territoires.
Déjà en 2014, la baisse des dotations s’était traduite par une diminution de l’investissement du bloc communal de 12 %, une baisse qui s’est poursuivie en 2015 à hauteur d’environ 10 % et qui sera sans doute confirmée en 2016.
Pourtant, personne n’ignore le levier que constituent les collectivités locales en faveur des dépenses d’investissements publics. Dans ces conditions, comment imaginer que de nouvelles restrictions ne constitueront pas une nouvelle contrainte, qui aura des conséquences négatives sur l’emploi local ? (M. Jacques Chiron s’exclame.)
L’équation que les collectivités locales doivent résoudre est intenable. En effet, comment peuvent-elles conserver à la fois un coefficient de mobilisation du potentiel fiscal modéré et maîtrisé, une capacité d’autofinancement net significative et un niveau d’endettement à l’abri des seuils d’alerte ?
Ces questions ont été largement débattues ici et ailleurs, notamment lors de la discussion de la partie relative aux recettes, et nous ne pouvons que valider la rédaction de l’article 58 bis que propose la commission des finances.
Pourtant, le dispositif prévu à l’article 59 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avec la création d’un fonds d’aide à l’investissement local, doté d’une enveloppe de près de 1 milliard d’euros, suscite l’étonnement.
Cette dotation budgétaire serait attribuée pour financer des investissements bien ciblés, notamment des projets liés à la transition énergétique ou à la construction de logements. Mais quelle est la logique ?
Le Gouvernement détricote une partie de la baisse de la DGF et fait mine de redonner – une petite part ! – d’une main ce qu’il a repris de l’autre.
M. François Bonhomme. Cet affichage relève du bonneteau fiscal : les crédits de paiement de ce fonds ne dépasseront pas 150 millions d’euros en 2016 ! D’un côté, 150 millions d’euros et, de l’autre, 3,6 milliards d’euros ! Cela ne mérite pas de plus amples commentaires.
Concernant la tentative de réforme de la DGF, nous en avons largement débattu ici même le 17 novembre dernier. Chacun fait évidemment valoir la nécessité de procéder à cette réforme en raison du caractère inéquitable et opaque de cette dotation.
Les montants de la DGF par habitant sont très hétérogènes. En outre, cette dotation n’a pas été mise en cohérence avec les dernières évolutions qu’ont connues nos territoires. La méthode retenue n’a donc pas permis de surmonter cette difficulté, nous en prenons acte.
Or, avec ce texte, le manque de visibilité sur les conséquences de cette réforme dans les années futures est bien réel. Comment évaluer véritablement les gagnants et les perdants, alors que le contexte de périmètre des intercommunalités est nécessairement amené à évoluer d’ici au printemps 2016 ?
L’annonce du report d’un an de l’application de la réforme dans l’attente d’un rapport sur les effets de la nouvelle DGF est certes un soulagement, mais nous regrettons que nos collègues députés ne soient pas revenus sur son contenu, notamment une éventuelle modification de la répartition des composantes de la nouvelle DGF.
Nous appelons donc de nos vœux le couplage de la refonte de la DGF avec une réforme de la péréquation horizontale. Pour ce faire, il nous paraît indispensable de suspendre la réforme prévue dans le cadre du présent projet de loi de finances et de la reporter au printemps prochain, par exemple, après l’achèvement de la carte intercommunale, à un texte spécifique, qui viserait à refonder l’ensemble des ressources des collectivités territoriales.
Tel est le sens des amendements que nous propose la commission des finances. (M. Roger Karoutchi marque son impatience.) À cet égard, nous souhaitons que le Gouvernement engage une réelle concertation avec le Parlement sur ces questions, sans passage en force cette fois-ci.
En définitive, tout cela s’inscrit pleinement, me semble-t-il, dans l’esprit de l’engagement n° 54 (M. Philippe Dallier s’esclaffe.) du candidat victorieux en 2012, qui ne doit pas devenir le Président de la République oublieux en 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
M. Francis Delattre. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai rejoints dès que cela m’a été possible après le conseil des ministres, dont le cadre est actuellement très particulier. La ministre de la fonction publique que je suis rend d’ailleurs hommage à l’ensemble des fonctionnaires qui mènent encore en ce moment même des opérations très délicates. Mais j’ai pu suivre – c’est un avantage ! – l’ensemble de vos interventions grâce aux nouvelles technologies.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Nous sommes rassurés !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Et je salue les interventions de chacun sur un débat intéressant, même s’il est difficile à conduire. D’ailleurs, nos concitoyens peinent parfois à comprendre les mots que nous utilisons, et je les crois volontiers…
M. Guené a rappelé un certain nombre d’éléments fondamentaux. Voilà quelques jours, nous avons déjà eu un débat sur la DGF, organisé sur l’initiative du groupe Les Républicains, durant lequel j’avais déjà apporté des précisions sur les propositions que nous avons tous – la direction générale des collectivités locales, le ministère du budget, le cabinet du ministre du budget et les ministres concernés – formulées en amont. De nombreuses concertations ont été engagées, nombre de travaux ont été conduits cette année.
Aussi, on ne peut parler d’« impréparation », même si l’on peut toujours faire mieux, chaque élu doit le reconnaître. Je le redis à l’intention de ceux qui n’étaient pas présents lorsque nous avons débattu de la réforme de la DGF le 17 novembre dernier au soir, l’absence de participation de la majorité du Sénat aux travaux de la mission parlementaire nous a coûté…
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Bien sûr !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … en clarté, en transparence, en informations échangées – tel était l’objectif de la mission, et elles étaient de qualité ! – et sans doute aussi en démocratie. D’ailleurs, je m’en souviens, M. Mézard avait affirmé, à juste raison, que certains groupes n’y avaient pas été associés.
Compte tenu des réponses que j’ai déjà apportées, mon intervention sera plus brève aujourd'hui.
Les interventions des orateurs qui se sont exprimés la semaine dernière et ce matin témoignent d’un constat partagé : la DGF est injuste et illisible. Elle prend insuffisamment en compte les charges de sous-densité, les charges de centralité, ou encore, monsieur Bouvard, les charges liées à la géographie. Aujourd'hui, l’efficacité de la péréquation est trop faible. Nous devons le redire ensemble à nos concitoyens, l’écart type de la DGF – le produit de cette dotation est en deuxième position derrière les ressources fiscales, intégralement réparties bien évidemment – est de 292 euros par habitant en 2015. Les écarts de ressources progressent en même temps que la fiscalité. Les collectivités qui ont le plus de fiscalité connaissent donc les plus fortes progressions. Cet écart constitue donc un problème majeur, et nous devons en tenir compte.
La DGF devrait être de nature à réduire ces écarts ; c’est l’objectif qui lui a été assigné. En effet, dans le passé et depuis 1979, vous avez tous voulu qu’elle soit péréquatrice, dans l’idée d’assurer une égalité non pas des chances, mais des possibles, en particulier d’accès au service public.
L’écart de 292 euros par habitant après fiscalité passe à 305 euros après versement de la DGF. Cette dotation amplifie les écarts. Ce n’est fondamentalement ni juste ni porteur d’avenir pour nos territoires.
M. François Marc. Cela ne peut pas durer !