Mme la présidente. La parole est à M. Michel Delebarre, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Michel Delebarre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je pourrais presque me dispenser d’intervenir ! (Sourires.) Non que le destin de Saint-Barthélemy m’indiffère, mais parce que je suis fondamentalement d’accord sur le dispositif de cette proposition de loi organique et que j’approuve l’évolution du texte depuis la première lecture. Je centrerai donc mon propos sur quelques-uns de ses aspects.

Je me réjouis que, lors de sa visite sur l’île, le Président de la République, François Hollande, ait ouvert la perspective d’un déblocage en donnant son feu vert à certaines évolutions, notamment sur la sécurité sociale. Je remercie le Gouvernement d’avoir prêté beaucoup d’attention à ce texte. Enfin, je salue la volonté acharnée de notre collègue Michel Magras de faire bouger les choses ; j’imagine qu’il doit être ravi d’avoir atteint ses objectifs dans un tel consensus !

La création d’une caisse locale facilitera certaines conditions d’application du régime de sécurité sociale ; c’est, me semble-t-il, une bonne initiative. L’organisation spécifique prendra en compte les particularités géographiques et socio-économiques locales, conformément aux souhaits qui avaient été exprimés. Cela n’aura pas pour conséquence de modifier les compétences respectives de la collectivité et de l’État. Les droits, cotisations et contributions des assurés resteront identiques à ceux des départements et régions d’outre-mer. À cet égard, je souhaite que l’État soit particulièrement attentif dans son contrôle, et que le Gouvernement y veille. Bien entendu, l’article 6 de la proposition de loi organique, disposition ayant fait l’objet d’un vote conforme qui supprime la référence : « par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe », ne doit pas prêter à confusion.

L’Assemblée nationale n’a pas retenu la rédaction sénatoriale qui aurait permis au Parlement de ratifier directement une délibération intervenant dans le domaine législatif. Elle a jugé un tel dispositif impraticable et, de surcroît, peut-être contraire à la Constitution. Elle y a substitué une procédure de référé devant le Conseil d’État ; nous verrons ce que cela donnera en pratique.

À mes yeux, tout est mis en œuvre pour que les problèmes actuels puissent être résolus. Je rejoins M. Jean-Jacques Urvoas, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, lorsqu’il a déclaré : « La collectivité de Saint-Barthélemy subit depuis longtemps les conséquences de cette situation. La mesure que propose le rapporteur paraît aller dans le bon sens, car elle facilitera la gestion quotidienne de la collectivité. »

En tout état de cause, la proposition de loi organique ainsi modifiée permet de moderniser les dispositions en vigueur sur l’île. En effet, comme le disait justement et avec humour Marcel Pagnol : « Si l’on jugeait les choses sur les apparences, personne n’aurait jamais voulu manger un oursin. » (Sourires.) Adaptons donc cette réflexion de bon sens à ce qui se passait sur le territoire de Saint-Barthélemy. Sans nul doute, le vote conforme du Sénat sur ce texte permettra de se débarrasser des derniers oursins présents dans le droit applicable à Saint-Barthélemy. C’est, je le crois, ce que souhaitent nos concitoyens sur place.

C’est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi organique.

Je salue une nouvelle fois l’action de tous ceux qui ont permis d’aboutir à ce résultat. J’ajoute que, comme le soulignait Mme Assassi, notre collègue Michel Magras a la possibilité de renvoyer l’ascenseur au Sénat, en faisant en sorte que nous soyons plus nombreux à découvrir son île ! (Sourires et applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.

M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la grande spécificité de la vie à Saint-Barthélemy et les changements successifs de statut rendent nécessaires de nouveaux ajustements législatifs.

La présente proposition de loi organique aborde des sujets très divers. Les écologistes se réjouissent en particulier de la présence de deux dispositions.

D’abord, l’article 1er étend à l’ensemble des propriétés foncières le droit de préemption de la collectivité lorsqu’il s’agit de sauvegarde ou de mise en valeur d’espaces naturels. Jusqu’à présent, les cessions entre résidents de l’île échappaient à toute préemption. Avec cette mesure, la collectivité sera donc beaucoup mieux armée pour protéger les espaces naturels, qui contribuent à la biodiversité et participent à l’attrait touristique de Saint-Barthélemy.

Ensuite, l’article 4, qui transfère à la collectivité une partie de la réglementation relative aux véhicules, devrait permettre de mieux encadrer leur prolifération sur une île qui compterait déjà plus de voitures que de résidents permanents…

En revanche, la proposition de loi organique comporte une disposition qui nous pose un réel problème : l’article 4 quater. Cette disposition, que le Sénat avait retirée du texte en première lecture, a été réintroduite à l’Assemblée nationale, sous une forme légèrement différente. Il s’agit de la possibilité pour la collectivité d’adapter, sous certaines conditions, les modalités de gestion du régime général de la sécurité sociale. Derrière cette formulation, certains veulent voir la concrétisation de la création d’une caisse locale à Saint-Barthélemy, promise par le Président de la République lors de sa récente visite.

J’indique d’ailleurs au passage que, contrairement à certains de mes collègues, je n’ai pas besoin de demander à être invité sur l’île : pour avoir souvent l’occasion de m’y rendre, je la connais bien ! (Sourires.)

M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Bravo pour votre bilan carbone ! (Nouveaux sourires.)

M. André Gattolin. Quoi qu'il en soit, nous comprenons pleinement l’attente des résidents quant à cette caisse locale. Mais force est de constater qu’elle vient d’être satisfaite par la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

En réalité, les auteurs de l’amendement et du texte ont clairement et maintes fois exprimé leur intention : ils ambitionnent de faire baisser les taux de cotisation des résidents, afin, disent-ils, de tenir compte des réalités locales.

Il est vrai que le coût de la vie à Saint-Barthélemy est élevé et que l’accès aux services publics est parfois difficile ; j’ai déjà eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises. Mais nous ne pensons pas que s’abstraire du champ de la solidarité nationale constitue une réponse appropriée.

Les résidents sont déjà exonérés des impôts sur le revenu, sur la fortune, sur les successions et sur les sociétés. Or l’impôt et les cotisations sociales ne sont pas seulement une contribution : ils ont aussi une vocation de mutualisation et de redistribution.

Quelles que soient les difficultés, réelles, de la vie locale, l’absence de prélèvements obligatoires profitera toujours davantage aux grands entrepreneurs du tourisme haut de gamme et du BTP qu’à leurs employés.

Certes, l’article 4 quater prévoit que le Gouvernement conserve une sorte de droit de veto sur les décisions de la collectivité en la matière. Cela ne constitue toutefois qu’une garantie de courte durée – trois ans –, et l’on imagine déjà la nature des promesses qui seront faites lors de la prochaine campagne présidentielle !

Nous ne pouvons donc pas soutenir cette mesure qui, loin de répondre aux spécificités de l’insularité, rompt un peu plus le lien de solidarité entre Saint-Barthélemy et le reste de la communauté nationale.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste s’abstiendra sur cette proposition de loi organique.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour le groupe Les Républicains.

M. Michel Magras. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy dont j’ai l’honneur d’être l’auteur.

Avec ce texte, il est essentiellement question de procéder à des ajustements du statut de cette collectivité d’outre-mer, statut mis en œuvre en juillet 2007.

À titre liminaire, je souhaite saluer l’implication de tous les groupes politiques, car elle a permis un réel débat sur ce texte en première lecture, notamment sur ses dispositions les plus « sensibles ». Je pense, en particulier, aux mesures relatives à la protection sociale, à la procédure d’adoption des sanctions pénales ou encore à l’entrée et au séjour des étrangers. Nul doute que nos échanges ici, au Sénat, ont été pris en compte par l’Assemblée nationale et intégrés dans ses travaux.

Le texte qui est aujourd’hui soumis à notre approbation a en effet évolué au cours de la navette et constitue, à mes yeux, un juste compromis. Je vois, par ailleurs, dans son adoption à l’unanimité lors de son examen en commission, le signe que les intentions de la collectivité de Saint-Barthélemy, traduites dans la présente proposition de loi organique, ont été comprises ; naturellement, je m’en réjouis.

Ainsi, comme je l’ai rappelé devant la commission des lois, le travail effectué par l’Assemblée nationale fait suite au déplacement du Président de la République à Saint-Barthélemy, au cours duquel il a annoncé la création d’une caisse locale de sécurité sociale.

En première lecture, plusieurs de nos collègues s’étaient interrogés sur la forme et sur le fond de l’amendement présenté en ce sens. Sur ce point, l’Assemblée a introduit dans la proposition de loi organique un article 4 quater désormais complémentaire de l’article 4 de la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

C’est donc sur ce fondement que la population de Saint-Barthélemy pourra effectivement bénéficier d’une caisse locale de sécurité sociale, conformément à l’objectif qui était de disposer enfin d’une gestion de proximité de la protection sociale.

Telle était bien la finalité de cette démarche, qui ne visait en aucun cas – je tiens à le redire avec beaucoup d’insistance – à s’affranchir de la solidarité nationale.

Je regrette que l’interprétation dont s’est fait écho notre collègue André Gattolin persiste, car la caisse locale de prévoyance sociale demeure dans le droit commun. Les habitants de Saint-Barthélemy ont toujours participé à l’effort de solidarité et respecté cet engagement. Aujourd'hui, la caisse locale reste tout de même sous le contrôle indirect de l’État et direct de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Il est difficile d’apporter plus de garanties de notre volonté de respecter la solidarité nationale, à laquelle nous n’avons jamais eu l’intention de nous soustraire ! Tout ayant été dit sur ce sujet, je ne m’étendrai pas davantage.

En ce qui concerne la procédure d’adoption des sanctions pénales, c’est un dispositif qui vise à opérer un effet plus contraignant sur le Gouvernement pour l’adoption des décrets de contrôle des actes pris par le conseil territorial.

Sur ce point, il me semble que la réflexion qui a été suscitée vaut naturellement pour l’effectivité des sanctions prévues par les collectivités d’outre-mer, mais pourrait s’étendre plus largement à la participation aux compétences de l’État, sous le contrôle de celui-ci.

Eu égard au caractère novateur de l’article 4 ter, il va sans dire que je serai, à titre personnel, très attentif à la décision du Conseil constitutionnel et, naturellement, à la mise en œuvre du dispositif.

Avant de conclure, permettez-moi de relever que la présente proposition de loi organique peut être regardée comme une preuve de ce que les statuts des collectivités d’outre-mer sont évolutifs.

Ils incarnent, en outre, l’idée qui m’est chère de différenciation territoriale adaptée aux besoins locaux et compatible avec l’unité de la République.

C’est donc davantage en ma qualité de président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer que je réitère la proposition que j’ai faite à Mme la ministre des outre-mer d’un rendez-vous régulier d’actualisation et d’adaptation de la législation applicable aux outre-mer, y compris, pourquoi pas, en matière statutaire.

La récente loi d’actualisation a montré, par l’intérêt des débats, l’apport du travail parlementaire. Je ne doute pas que chacun en conviendra ici.

Mon approbation du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ne remet aucunement en cause la qualité du travail effectué par le Sénat. Je remercie donc l’ensemble de mes collègues, en particulier les membres de la commission des lois. Je salue notamment le rapporteur, Mathieu Darnaud.

Je me réjouis par ailleurs, chers collègues, de constater que vous êtes de plus en plus nombreux à vouloir visiter notre île, elle qui a toujours souhaité être ambassadrice des valeurs de la République française. (Sourires.) Soyez certains que nous serons heureux de vous y recevoir, et que nous vous réserverons un accueil à la fois transparent et chaleureux ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 26 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 332

Le Sénat a définitivement adopté. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy
 

9

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de l’Observatoire des espaces naturels agricoles et forestiers.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable propose la candidature de M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

La candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

10

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour le soutien au plan d'électrification du continent africain «  plan Électricité - Objectif 2025 »
Discussion générale (fin)

Soutien au plan d'électrification du continent africain

Adoption d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe UDI-UC, de la proposition de résolution pour le soutien au plan d’électrification du continent africain : « plan Électricité-Objectif 2025 », présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Jean-Marie Bockel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 540 [2014-2015]).

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution.

M. Jean-Marie Bockel, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de résolution qui tient à cœur à plusieurs d’entre nous, du fait de notre engagement de longue date sur tous les sujets qui touchent à la relation entre l’Afrique et la France.

Permettez-moi de saluer dès à présent, même s’il n’est pas encore là, Jean-Louis Borloo, qui sera dans les tribunes tout à l’heure et qui s’est beaucoup engagé pour l’électrification du continent africain. Il s’agit d’une démarche que nous sommes plusieurs à soutenir pleinement, comme M. le président vient de le rappeler en précisant que je n’étais pas le seul signataire de cette proposition de résolution. Je sais que d’autres sénateurs, qui ne l’ont pas cosignée, la soutiennent également.

Comme vous le savez, Jean-Louis Borloo a créé l’an dernier la fondation « Énergies pour l’Afrique », dont l’objectif est d’accélérer la construction d’infrastructures et de débloquer des financements grâce à une agence africaine d’électrification, organisme intergouvernemental géré par les Africains, pour les Africains.

Son initiative, appuyée en France tant par le Président de la République que par des responsables politiques de diverses sensibilités, a également d’ores et déjà reçu le soutien de nombreux dirigeants africains, de grandes entreprises, d’organisations internationales et, surtout, des États africains, via l’Union africaine. Cela s’est traduit, voilà deux semaines, par le vote à l’unanimité du Parlement panafricain d’une proposition commune posant un objectif simple : faire passer en dix ans l’électrification du continent subsaharien de 25 % à 80 %. Les États africains ont ainsi clairement affirmé leur volonté de pallier cette carence énergétique structurelle.

La fondation « Énergies pour l’Afrique » a, dans un premier temps, mis en lumière les enjeux actuels et à venir de cette question pour le continent. Aujourd’hui, c’est à nous d’agir et de nous engager, d’autant que l’intérêt de l’Afrique, c’est l’intérêt de l’Europe, donc l’intérêt de la France.

À l’heure actuelle, quelque 70 % de la population africaine n’ont toujours pas accès à l’énergie, tout particulièrement à l’électricité ; le manque est d’autant plus grave que cette population aura doublé en trente ans.

Ce constat est alarmant, dans la mesure où nous savons que l’électrification est une condition nécessaire aux autres enjeux de développement, notamment les accès à l’éducation et à la santé, qui sont fondamentaux, le développement économique et la réduction de la pauvreté.

Je tiens également à souligner l’impératif environnemental que représente l’électrification de l’Afrique. Cet enjeu nous concerne directement. L’Afrique émet très peu de CO2, et sa forêt est un véritable « puits de carbone », qu’il faut préserver, face à l’augmentation de 1 % à 2 % par an des émissions de C02. Or, chaque année, ce sont près de deux millions d’hectares de forêt qui disparaissent sur le continent africain. Si rien n’est fait rapidement, cette déforestation ne fera que croître sous l’effet de l’explosion démographique à venir.

Du fait de la faible densité de la plupart des pays africains, l’électrification de l’Afrique devra principalement se faire hors réseau, en privilégiant les énergies renouvelables – particulièrement, mais pas seulement, l’énergie solaire. Ce processus sera ainsi l’occasion pour l’Europe d’accompagner la transition énergétique de l’Afrique, tout en favorisant les énergies renouvelables.

La fondation « Énergies pour l’Afrique » repose au fond sur une idée simple et concrète : une subvention de cinq milliards de dollars par an sur dix ans, versée par les pays riches émetteurs de plus de huit tonnes de CO2 par habitant et par an, au prorata de leur population.

Ce mécanisme de contribution serait ensuite revu tous les trois ans, selon un principe de bonus-malus, bien connu des Français. Les « mauvais élèves » verraient alors leur contribution augmenter, ce qui serait pour eux une forme d’incitation, alors que les pays vertueux ayant réduit leurs émissions de carbone verraient leurs contributions diminuer. À cet égard, nous savons bien que, en Europe, nous sommes plus vertueux qu’ailleurs, même si nous avons encore des progrès à accomplir.

Concrètement, cela représenterait pour l’Europe quelque 1,2 milliard de dollars la première année, montant porté à 2 milliards de dollars la troisième année. Cet engagement de 5 milliards de dollars représente bien sûr beaucoup d’argent, mais il faut bien se rendre compte qu’il s’agit d’un très vaste programme, d’un chantier colossal et d’enjeux considérables.

En même temps, cet engagement est deux fois moins important que celui qui a été pris lors de la conférence de Copenhague de 2009, un engagement, qui, malheureusement, comme tant d’autres, est resté lettre morte, faute d’une agence dédiée et d’une affectation précise. Or tel ne sera pas le cas en l’espèce.

Ce programme s’inscrit également dans la dynamique enclenchée avec la COP 21. À un peu plus d’un mois de l’ouverture de cette conférence, la France a, en la matière, un rôle de premier ordre à jouer sur le plan international, ce qu’elle s’emploie d’ailleurs à faire. S’offre à elle une occasion unique d’œuvrer à un consensus au sein des Nations unies et de l’Union européenne, d’autant que cette dernière occupe une place importante dans ces négociations.

Je vous avais dit tout à l’heure, au début de mon intervention, que Jean-Louis Borloo nous rejoindrait dans la tribune d’honneur de notre assemblée. Il vient d’arriver, et j’ai véritablement plaisir à le saluer. (Applaudissements.)

Par sa présence, entre deux vols vers le continent africain ou vers d’autres pays européens, il marque l’intérêt qu’il porte à l’engagement de notre Haute Assemblée. Il participait d’ailleurs à la première réunion à l’origine de cette idée de résolution, lors de laquelle plusieurs d’entre nous, de toutes sensibilités politiques, étaient présents. Aujourd’hui, il confirme qu’il est vraiment à nos côtés, ce qui est très important.

Je reviens à mon propos après cette brève parenthèse. Pour la fondation, l’accès à l’énergie est un droit fondamental. La conférence de Paris sur le climat sera donc l’occasion de porter, de défendre et d’obtenir un accord historique pour l’Afrique et, plus largement, pour tous les pays pauvres ayant des besoins similaires. Cette démarche est donc susceptible de « faire des petits », si j’ose dire.

Au-delà de cet enjeu climatique, l’électrification du continent africain répond également, à terme, à un enjeu migratoire.

À première vue distincts, les enjeux climatiques et migratoires convergent, puisque les principaux émetteurs de C02, à savoir les Européens, les Américains, les Japonais, d’autres pays asiatiques et la péninsule arabique sont conscients de la vaste immigration africaine que susciterait l’explosion démographique dans les années à venir.

Or, pour soutenir une telle évolution, le rythme de croissance économique actuel du continent ne suffit pas. Il est donc nécessaire de trouver de nouveaux leviers de croissance pour assurer à la jeunesse africaine un avenir en Afrique. Il convient d’ajouter qu’il y a souvent un corollaire entre le développement et la régulation des naissances, gage d’une évolution démographique plus équilibrée. Tout se tient !

Ne pas agir conduirait nécessairement à des conséquences très dommageables à moyen terme non seulement en Afrique, mais aussi en Europe, tant les destinées de nos deux continents sont liées.

Parmi les leviers de croissance possibles, l’énergie occupe une place centrale. Un effort accru d’électrification permettrait en effet de porter la croissance, actuellement de l’ordre de 5 % ou 6 %, selon les pays et les années, à 15 % dans les années à venir, tout en assurant à l’Europe, grâce à ce partenariat, un regain de croissance de 2 % à 3 %.

Nous avons donc, d’un côté, la perspective d’une migration non régulée, non organisée, à l’image de ce que nous pouvons constater actuellement, et, de l’autre, un espoir de développement, qui permettrait enfin aux Africains, notamment les jeunes, d’être davantage maîtres de leur destin.

Le projet de la fondation représente donc une occasion de développement économique et social entre l’Europe et l’Afrique sans précédent. Certes, nous avons le sentiment d’une présence française en recul, mais nous avons avec l’Afrique une histoire partagée, qui nous offre la possibilité de développer nos échanges avec ce continent. Soutenir l’Afrique face à ces grands enjeux, c’est parier sur le formidable moteur de croissance que pourrait être, pour nous aussi, le continent africain.

J’en suis convaincu, l’Afrique est notre avenir et nos destins sont indissociablement liés. Mes chers collègues, je vous avais déjà fait part de cette conviction en 2013, à l’occasion d’un rapport d’information rédigé au nom de la commission des affaires étrangères, avec notre collègue M. Jeanny Lorgeoux, ici présent. Chaque jour, l’actualité nous rappelle combien tout ce qui se passe en Afrique nous concerne.

Enfin, j’estime que la France a une responsabilité particulière envers les peuples de ce continent, du fait de la relation historique, géographique, culturelle et politique particulière qu’elle entretient avec un certain nombre d’États et de peuples africains.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est temps d’agir ! Le Sénat joue un rôle particulier dans nos institutions et dans la réflexion prospective. Un vote positif aujourd’hui marquerait le premier pas vers une nouvelle approche du Parlement français, pour tisser de nouveaux rapports entre la France et l’Afrique.

Adopter cette résolution, c’est concrétiser l’engagement du Sénat à promouvoir l’action de la fondation de Jean-Louis Borloo « Énergies pour l’Afrique ». Climat, développement et migration sont intrinsèquement liés. S’engager aux côtés de la fondation, c’est aussi adhérer à un plan global.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de résolution défend un intérêt mutuel. Comme l’affirme si bien le texte de la résolution, « l’avenir de la France et de l’ensemble de l’Europe se joue autant au sud qu’au nord de la mer Méditerranée ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains, du RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de la dernière décennie, l’Afrique a enregistré une croissance économique moyenne d’un peu plus de 5 %, un taux parmi les plus élevés au monde.

Longtemps regardée comme un continent brisé, l’Afrique est désormais considérée comme une terre d’avenir. Ainsi, pour reprendre les termes de l’économiste ivoirien Tchétché N’Guessan, pouvons-nous dire que, désormais, « c’est le temps de l’Afrique ».

En effet, nous devons laisser derrière nous la vision afropessimiste, qui a dominé la fin des années quatre-vingt-dix, pour nous concentrer aujourd’hui sur le potentiel de développement du continent et sur les occasions que pourrait offrir une population estimée à près de deux milliards d’habitants d’ici à 2030.

Cependant, avant de devenir un espace de progrès pour l’ensemble de sa population, mais aussi un moteur de la croissance mondiale, le continent africain a encore de nombreux défis à relever.

Ces défis sont plus ou moins aigus selon les pays, car je rappellerai qu’il n’y a pas une, mais des Afriques. En effet, plusieurs régions sont encore trop handicapées par la pauvreté, des problèmes de subsistance agroalimentaire, une démographie trop structurée par une forte natalité, ou encore des risques sécuritaires, comme en particulier au Sahel.

Enfin, il y a le défi énergétique, celui qui fait l’objet de la présente proposition de résolution pour le soutien au plan d’électrification du continent africain, que nous examinons cet après-midi. Comme l’a rappelé l’auteur de cette proposition, environ 70 % de la population africaine ne disposent pas d’accès à l’énergie électrique. C’est une injustice énergétique, qui en draine beaucoup d’autres. Véritable handicap pour le développement économique, l’absence d’énergie contrarie l’accès à l’éducation et aux soins des populations rurales.

C’est pourquoi le plan Électricité-Objectif 2025 est clairement une bonne initiative. Ambitieux – d’aucuns diraient trop ambitieux –, il invite à soutenir la transition énergétique du continent africain, sans laquelle il n’y aura pas de développement harmonieux et équitablement réparti. Cependant, pour qu’il réussisse, ce que nous souhaitons, cet accompagnement doit réunir plusieurs conditions.

Tout d’abord, M. Bockel l’a souligné, la révolution énergétique en Afrique doit donner la priorité aux énergies renouvelables. C’est une exigence forte, incontournable, que nous rappelle sans cesse la proximité de de la prochaine COP 21.

Les pays du continent africain disposent des ressources nécessaires pour y parvenir. Le solaire est possible sur tout le continent et l’éolien sur les trois quarts des façades maritimes, tandis que l’hydraulique est exploitable dans les régions centrales et méridionales et que la vallée du Grand Rift peut recourir à la géothermie.

Pourtant, alors que vingt et un pays seraient en mesure d’exploiter de façon rentable l’énergie hydraulique, seulement 7 % de ce potentiel sont exploités. Il est aussi regrettable que le Sénégal, ce pays baigné par le soleil et balayé par le vent, se tourne vers le charbon parce que c’est moins cher !

La réussite du plan d’électrification dépend aussi de sa capacité à fédérer les initiatives déjà existantes et à promouvoir l’intégration régionale. Du Power Africa lancé par le président Obama au Global Energy Efficiency and Renewable Energy, le GEEREF, ce fonds innovant adossé à la Banque européenne d’investissement, en passant, bien sûr, par le Fonds vert pour le climat des Nations unies, les instruments œuvrant en faveur du développement énergétique de l’Afrique sont nombreux.

Je n’oublie pas le PIDA, le Programme de développement des infrastructures en Afrique, géré par la Banque africaine de développement. L’Union africaine dispose d’une commission de l’énergie chargée de coordonner les projets à l’échelon intercontinental. Elle est, à mon sens, incontournable pour que la population africaine s’approprie le défi énergétique, afin de mieux l’appréhender.

Enfin, la dernière condition concerne le financement de ce vaste chantier d’électrification, qui est estimé à 200 milliards d’euros. La mobilisation des bailleurs risque d’être compliquée : il suffit d’observer comment, à quelques semaines de la COP 21, les négociations butent sur le financement de la lutte contre le changement climatique.

Quant à l’Europe, qui est supposée fournir un effort annuel de 5 milliards d’euros sur 10, est-elle en mesure de soutenir un tel engagement ? Je rappellerai que, parmi les pays membres du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, plusieurs pays européens traversés par la crise ont fortement réduit leur aide publique au développement, au premier rang desquels la France. Nous avons eu l’occasion de déplorer hier en commission des finances que l’aide soit tombée à 0,36 % du revenu national brut en 2014, contre 0,5 % en 2010.

En tant que président d’un syndicat départemental d’énergie, j’ouvre une parenthèse sur la capacité de la France à financer son propre réseau électrique. Nous souhaitons en effet rappeler au Gouvernement qu’il existe encore, dans quelques zones rurales, des habitations et quelques hameaux qui ne sont pas raccordés au réseau national ! Même si la formule est facile et bien connue, je la reprendrai et la compléterai pour vous dire, madame la secrétaire d'État, « la Corrèze avant le Zambèze ! Le Transvaal après le Cantal ! Nouakchott, oui, mais sans oublier le département du Lot ! » (Sourires.)

Conscients des enjeux qui sous-tendent la proposition de résolution Borloo-Bockel visant à électrifier le continent africain, les membres du RDSE voteront ce texte. Le défi énergétique est la clef du développement économique de l’Afrique, comme le charbon fut en son temps le moteur de la révolution industrielle en Europe.

Les liens anciens entre l’Union européenne et le continent africain, tout comme ceux qui nous lieront à l’avenir, ne sont plus à démontrer. Reste maintenant à s’attaquer à ce grand et beau chantier !

Lénine, que l’on cite moins depuis quelque temps (Sourires.), disait : « Le communisme, c’est les soviets, plus l’électricité ». Eh bien, pour moi, l’Afrique, c’est le soleil, le vent, l’eau, plus l’électricité ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe UDI-UC.)