Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord la commission des lois, qui a adopté la semaine dernière la proposition de loi et la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française. Je me réjouis qu’un large consensus ait prévalu lors des débats sur ces textes, qui représentent une avancée importante pour l’amélioration de l’accès aux droits et de la qualité du service public.
La commission des lois a adopté un amendement qui prévoit que « sur demande faite par un administré, l’administration communique sur papier l’extrait concerné du Journal officiel de la République française ».
Je n’étais pas favorable à un tel amendement, car il me semble que le dispositif que nous mettons en place améliorera significativement les conditions d’accès au Journal officiel, d’abord en raison de sa gratuité, ensuite parce qu’internet a permis, nous le constatons chaque jour, de réduire la fracture numérique et de faciliter l’accès aux lois.
J’avais enfin quelques réserves, sur lesquelles je reviendrai, concernant le dispositif proposé.
Le nouveau texte issu des travaux de la commission m’inspire deux réflexions.
Tout d’abord, l’exposé des motifs de l’amendement adopté par la commission précise que celui-ci « vise à prendre acte de la dématérialisation du Journal officiel, tout en aménageant la possibilité pour un citoyen-administré, qui ne bénéficie pas d’un accès aisé à internet, de demander que lui soit envoyé un extrait du Journal officiel ».
Ainsi, même si le texte issu des travaux de la commission n’est pas celui de la proposition de loi ou de la proposition de loi organique, nous voyons bien que, sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le principe de la dématérialisation du Journal officiel au 1er janvier 2016, nous sommes tous d’accord. Cette avancée va dans le bon sens.
Je suis aussi très sensible à la volonté des auteurs de cet amendement de préserver et d’améliorer l’accès aux documents administratifs. Le Sénat tient ici parfaitement son rôle. De mon côté, je suis toujours extrêmement attentive, à l’instar de mes collègues du Gouvernement, à ce que la transformation numérique de l’État ne laisse personne sur le bord du chemin. C’est aussi la préoccupation qui sous-tend l’adoption de cet amendement.
Certes, en l’état, le texte pose quelques problèmes qui ont été relevés en commission. Comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, le terme d’« administration » figurant dans l’amendement est très général et mérite d’être précisé.
Je veux surtout rappeler les arguments importants qui ont été développés par les sénateurs Alain Marc et Alain Richard quant au risque d’abus de cette prérogative. Il faut effectivement prendre en compte le risque de voir se développer sur la toile, à l’occasion de débats sensibles, une campagne tendant à demander la reproduction d’une page du Journal officiel à des milliers d’exemplaires.
Mon cabinet, les équipes du secrétariat général du Gouvernement et celles de la DILA évaluent actuellement les options les plus pertinentes en droit et les actions à mener pour répondre aux préoccupations exprimées par la commission des lois au travers de l’adoption de cet amendement.
Compte tenu de notre accord sur l’essentiel du texte et des motivations des sénateurs ayant voté l’amendement, qui rejoignent complètement celles du Gouvernement, je ne doute pas que les prochaines étapes de nos débats permettront d’élaborer un dispositif satisfaisant pour tout le monde. En tout état de cause, le Gouvernement tiendra la commission des lois et son président informés des conclusions auxquelles nous aboutirons.
Pour l’heure, au regard de l’état actuel du texte, je m’en remets à la sagesse du Sénat. (M. Vincent Eblé et Mme Françoise Férat applaudissent. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il ne doit rester qu’un seul parlementaire irrémédiablement fâché avec le numérique, ce sera moi ! (Sourires.) Heureusement, je suis entouré de « petites mains » expertes en l’utilisation de l’outil informatique…
Le Journal officiel constitue le bréviaire quotidien de tout un chacun dans les administrations françaises, centrales et territoriales. La vie parlementaire, nourrie de nos tergiversations, de nos débats et parfois de nos divergences quotidiens, joue évidemment un rôle très important.
Depuis la Révolution française, la loi promulguée est portée à la connaissance des citoyens par sa publication. Cela tendait alors à rompre avec les pratiques arbitraires de l’Ancien Régime, marquées par l’absence d’unité, dans le fond comme la forme, de l’élaboration des normes.
Héritier de la Gazette nationale ou du Moniteur universel, puis publication officielle de la République, dont il résume la vie juridique, le Journal officiel de la République française a pris, depuis 1881, la suite du Journal officiel de l’Empire français, en même temps qu’était consacrée la liberté de la presse en France. Beau symbole de la vie démocratique, l’austérité du Journal officiel constitue la garantie par excellence du respect du principe d’accès au droit, permettant de donner une portée concrète au vieil adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » !
Si, pendant la Commune de Paris, ont coexisté deux éditions, publiées l’une à Paris, l’autre à Versailles, ce sont aujourd’hui deux versions bien différentes du Journal officiel qui se côtoient et se complètent depuis 2004 : la version sur papier et celle sous forme électronique. Cette dernière, en allégeant le contenu de la version papier et en offrant un accès plus simple et plus direct, a permis d’élargir le public du Journal officiel.
L’évolution rapide des technologies et de l’accès à l’information rend aujourd’hui inéluctable la dématérialisation du Journal officiel. Aussi le groupe du RDSE approuve-t-il le principe des présentes propositions de loi, qui permettent un énième petit pas sur le grand chemin de la simplification numérique.
La baisse régulière du nombre d’abonnés à la version papier, lequel s’établit en 2015 à 2 260 et correspond, à hauteur de 90 %, à des administrations, est significative à cet égard. Avec l’administration numérique, les citoyens ont vu leur vie quotidienne amplement simplifiée, puisque nombre de démarches se font désormais en ligne : impôts, carte grise, permis de conduire, etc.
Toutefois, parce que nul n’est censé ignorer la loi et que cette dernière doit être en tout état de cause accessible à tous, nous avons proposé de conserver la possibilité, pour tout administré, de demander à l’administration communication sur papier de l’extrait concerné du Journal officiel de la République française. Cette disposition, approuvée à une large majorité en commission, est de bon sens et de facture modeste. Elle constitue une transition équilibrée vers la dématérialisation complète, dont elle ne remet pas en cause le principe. Elle doit garantir l’accès au Journal officiel, notamment pour les personnes physiques privées d’accès à internet en raison de l’existence de zones blanches ou grises en matière de couverture numérique. Rappelons que, selon les chiffres cités par M. le rapporteur, que je trouve d’ailleurs optimistes, seulement 83 % des ménages avaient, en 2014, accès à internet. Ce taux est important, mais une minorité, qui a cependant tout autant droit que le reste de la population à accéder au droit, se trouve laissée de côté.
La dématérialisation pose des difficultés nouvelles, en même temps qu’elle résout des problèmes anciens. La protection de la vie privée des individus en est une. Plusieurs dispositifs techniques ont été annoncés par le Gouvernement, dans le respect des préconisations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, ce que nous approuvons.
Le coût écologique est une autre difficulté, même s’il s’agit selon moi d’une tarte à la crème. En effet, si la dématérialisation permet de réduire la déforestation, elle est fortement consommatrice d’énergie, pas forcément « propre ». Le papier a un coût, celui de la déforestation, mais il faudra également s’interroger un jour sur la dépense énergétique liée à l’utilisation d’internet : internet n’est virtuel qu’en apparence, puisque sa fréquentation requiert des équipements très concrets qui consomment beaucoup d’énergie, à commencer par les serveurs et les centres de stockage des données. Pour une année, la dépense énergétique nécessitée par l’expédition du courrier électronique d’une entreprise de cent personnes équivaut à quatorze aller-retour Paris-New York. Les data centers, qui regroupent les serveurs indispensables à la circulation des 300 milliards de courriels envoyés quotidiennement, peuvent consommer autant d’énergie qu’une ville de 200 000 habitants.
Par ailleurs, nous le savons, la dématérialisation complète peut poser des problèmes en matière d’archives historiques. Quelle postérité pour ces centaines de milliers de données virtuelles ?
Le début de la navette parlementaire a ainsi permis d’engager un débat sur l’ère numérique et ses conséquences sur la vie de nos concitoyens. Le groupe du RDSE apportera son soutien à ces textes, dont la version adoptée en commission par la Haute Assemblée préserve le droit au droit pour l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils disposent ou pas d’un accès à internet.
À cet égard, je salue l’approche très mesurée de la commission des lois et de son rapporteur. La dématérialisation présente d’énormes avantages, mais il convient de ne pas en nier les écueils. Je félicite donc M. le rapporteur et M. le président de la commission du travail de précision accompli. Malgré mon sentiment personnel, je suivrai la position de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est tout à votre honneur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il que les citoyens y aient accès. Le choix d’un mode de publication unique sous forme imprimée pour tout l’Hexagone ne s’est imposé que progressivement. Il a été perçu comme une conquête, révolutionnaire allais-je dire, tant pour les administrations et services publics que pour les citoyens.
C’est l’Assemblée constituante qui a introduit un seul mode de publication des lois et règlements pour l’ensemble de la République. La publication par lecture publique, réimpression ou affiche ainsi qu’à son de trompe ou bruit de tambour n’a été supprimée, en principe, qu’en 1795. Le code civil de 1803 a consolidé ces règles. Quant au Bulletin des lois, créé en 1790, il subsista jusqu’en 1931, simultanément avec le Journal officiel, créé, lui, en 1870.
La dématérialisation du Journal officiel n’a commencé qu’avec l’ordonnance du 20 février 2004. Elle a d’abord unifié et simplifié les règles de publication des lois et règlements : un délai unique a été retenu sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des collectivités ultramarines situées dans le Pacifique Sud ; est ainsi assurée la diffusion quasiment instantanée de la règle de droit en tout point du territoire.
L’ordonnance a édicté des règles communes pour les lois et autres actes normatifs publiés au Journal officiel. Le principe est celui d’une double forme de publication, sous forme électronique et sur papier, assorti de deux exceptions. La première exception, motivée par le souci de ne pas porter atteinte à la vie privée des personnes, est la publication exclusive sur papier des actes individuels, notamment ceux qui sont relatifs à l’état et à la nationalité. À l’inverse, l’ordonnance du 20 février 2004 permet au pouvoir réglementaire de définir les catégories d’actes administratifs faisant l’objet uniquement d’une publication sous forme électronique. Le décret en Conseil d’État du 29 juin 2004 en a fixé la liste.
Les deux propositions de loi, organique et ordinaire, dont nous sommes saisis aujourd’hui marquent une nouvelle étape de cette longue histoire. Le but est une dématérialisation aussi complète que possible du Journal officiel.
On constate en effet, depuis plusieurs années, une baisse continue du nombre d’abonnements à la version papier. Les chiffres cités en commission sont particulièrement éloquents : entre 2004 et 2015, le nombre d’abonnés à la version papier a chuté de 33 500 à 2 261, dont 90 % sont des administrations et 10 % des particuliers, soit environ 200 personnes. L’impression du Journal officiel pour ses quelque 2 000 abonnés actuels représente une demi-heure d’activité pour les rotatives. Quant aux abonnements à l’édition papier outre-mer, la situation est encore plus éloquente : on en dénombre seulement douze pour les collectivités d’outre-mer. À l’inverse, au 31 décembre 2014, on comptait 65 932 abonnés au sommaire de la version électronique du Journal officiel, tandis que 1,6 million de visites de la version électronique authentique du Journal officiel étaient recensées.
Certes, une partie de la population ne dispose pas encore d’internet ou ne peut y recourir en raison de l’âge ou de l’absence de couverture suffisante du territoire. Mais, en une décennie, l’internet s’est considérablement démocratisé : selon l’INSEE, 83 % des ménages avaient, en 2014, accès à internet, une proportion en progrès constant puisqu’un peu plus de 64 % des ménages déclaraient disposer d’un accès à internet à leur domicile en 2010, 56 % en 2008 et seulement 12 % en 2000.
En outre, comme l’ont remarqué les différents orateurs en commission, la version électronique offre des fonctionnalités supplémentaires, appelées à croître, par rapport au support papier : une navigation plus fluide, des recherches par mot clé ou encore un accès plus simple au droit à partir du site Légifrance. Autre avantage de l’édition électronique, elle est immédiatement disponible en permanence, alors que la consultation du format papier dans les préfectures et les communes nécessite un déplacement aux heures d’ouverture des services.
Sur le plan des coûts, la dématérialisation devrait procurer une économie d’environ 400 000 euros, donnée d’importance dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.
S’agissant du personnel de la société anonyme de composition et d’impression des journaux officiels, la SACIJO, dont les droits doivent être préservés, un protocole social a été signé entre les organisations syndicales et l’État le 29 juin dernier. Comme l’a fait remarquer notre rapporteur, la baisse du nombre d’emplois, de 211 à 150, n’est pas une conséquence directe de la dématérialisation du Journal officiel, mais celle d’un phénomène plus général de numérisation. Enfin, personne n’est affecté spécifiquement à la version papier plutôt qu’à la version électronique.
Dans un souci de prise en compte des exclus de l’internet, la commission des lois a prévu que tout usager pourrait obtenir communication d’un extrait papier du Journal officiel. Sans doute serait-il nécessaire d’affiner ce dispositif pour éviter les demandes répétitives ou abusives, en s’inspirant de ce qui est prévu pour la communication des documents administratifs.
Notre groupe approuve entièrement cette réforme, qui procurera des économies opportunes, tout en confortant le droit à l’information des citoyens. (Applaudissements au banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes tous attachés, dans cet hémicycle, à la qualité de la loi. Pourtant, sans un mode de diffusion adapté, cette qualité ne peut que rester lettre morte. À ce titre, le Journal officiel est à la fois un outil indispensable de sécurité juridique et un souvenir de la conquête de l’égalité de chacun devant la loi.
Il ne s’agit donc en aucune mesure, dans le cadre de l’élaboration de ces deux textes, ordinaire et organique, de remettre en cause l’existence du Journal officiel. Bien au contraire, il s’agit d’adapter celui-ci aux nouveaux modes de diffusion numérique de l’information, afin de le rendre plus facilement accessible à tous.
En effet, la version papier a été largement délaissée au profit de la version dématérialisée disponible sur internet. On comptait en 2004 près de 33 500 abonnés au Journal officiel en version papier. En 2014, ils n’étaient plus que 2 700, dont 90 % sont des personnes publiques. Cette chute brutale des abonnements à la version papier a été largement compensée par le succès de la version internet : 1,7 million de visites en 2013, pour 4,3 millions de pages vues.
Nous sommes donc face à un phénomène manifestement irréversible, qui touche progressivement toutes les formes de publications officielles de l’État, comme cela a été rappelé dans le rapport établi par notre collègue Alain Anziani.
Parallèlement à l’évolution des modes de consultation des actes officiels, le Gouvernement a annoncé dès 2013 vouloir simplifier le fonctionnement administratif des pouvoirs publics tout en améliorant les relations avec les administrés.
La dématérialisation du Journal officiel s’inscrit manifestement dans le prolongement de cette démarche, également préconisée par la commission des finances et la Cour des comptes en 2014.
Enfin, de façon plus anecdotique, la suppression de la version imprimée du Journal officiel permettra une économie nette de 400 000 euros pour l’État, ce qui est notable sans être déterminant. Cette suppression permettra également d’économiser le papier, ce qui est tout aussi important.
Il me semble possible d’affirmer qu’il existe un consensus sur la dématérialisation du Journal officiel. Conserver la version papier n’aura bientôt plus grand sens, tant la disparition naturelle de ce format semble inéluctable.
Ce consensus n’efface pourtant pas certaines remarques, qui ont d’ores et déjà permis d’enrichir le texte.
La première concerne l’accès effectif et réel au Journal officiel par le biais d’internet. D’après le rapport, près de 83 % des ménages sont connectés et cette part continue de progresser chaque année. Nous ne parviendrons toutefois jamais, à l’évidence, à une connexion généralisée sur l’ensemble du territoire.
Bien que l’actuelle édition papier du Journal officiel ne soit pas disponible en kiosque, il fallait s’assurer, au moins sur le plan du principe, que chaque personne puisse s’informer. C’est tout le sens de l’amendement adopté sur l’initiative de Jacques Mézard, tendant à permettre à chaque citoyen de demander la copie d’un acte à l’administration. Cette disposition permet de sécuriser le dispositif de ces deux propositions de loi, dans la perspective du contrôle qu’exercera le Conseil constitutionnel sur le texte organique.
La seconde remarque, qui pourra peut-être inspirer nos collègues députés, concerne la sécurité de nos publications. Nous savons tous à quel point les systèmes techniques sont fragiles au regard des risques liés aux attaques informatiques.
C’est pourquoi notre collègue Sophie Joissains avait estimé, lors de l’examen en commission des présentes propositions de loi, que l’administration serait bien inspirée de conserver des archives sur papier pour les textes qui seront, dorénavant, publiés exclusivement par voie électronique. Cette remarque, dictée par la prudence, n’appelle pas nécessairement l’intervention du législateur.
Vous l’aurez constaté, ces remarques ne constituent en rien des réserves et les textes tels qu’issus des travaux de la commission des lois y répondent déjà en grande partie.
J’ajouterai, à ce titre, une dernière observation : les deux présentes propositions de loi ont permis au Sénat d’inaugurer la nouvelle procédure d’examen en commission qui permet de fluidifier le rythme d’adoption de textes ne présentant pas de difficultés manifestes.
Le groupe UDI-UC souhaite féliciter tous les services du Sénat qui ont contribué au succès de la mise en œuvre de cette nouvelle procédure, en espérant qu’elle ne tombe pas en désuétude à l’avenir.
Les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de l’adoption des deux présentes propositions de loi. (Applaudissements au banc de la commission.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de ces deux textes selon la nouvelle formule définie par un règlement que notre groupe n’a pas approuvé ne constitue, sous bien des aspects, qu’un épisode de la vie et du devenir de l’impression légale et administrative.
Ces deux propositions de loi visent, en quelque sorte par la force des choses, à mettre un terme à la publication sur papier du Journal officiel, comme cela a déjà été le cas pour les éditions rendant compte des débats parlementaires.
La proposition qui nous est soumise aujourd’hui est justifiée, pour l’essentiel, par la chute à quelque 2 500 exemplaires de la diffusion de la version papier du Journal officiel, à mettre en regard du succès relatif de la version électronique, rendue attractive par la gratuité : celle-ci compte plus de 65 000 abonnés.
Ces dernières années, l’impression publique, avec ses différentes entités, a été directement affectée par l’évolution des techniques d’impression, la montée en puissance de l’internet et la modernisation progressive des outils de travail.
L’impression des Journaux officiels a ainsi fait l’objet de lourds investissements en matériels modernes de tirage, noir et blanc comme couleur, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont encore loin d’être pleinement utilisés.
En effet, nonobstant la part mineure que représente la vente au numéro ou par abonnement du Journal officiel dans les comptes de la DILA, il faut bien constater que le regroupement opéré entre l’ancienne direction de la Documentation française et la direction des Journaux officiels ne s’est pas traduit par un développement spectaculaire de l’activité.
Ainsi, dans la loi de finances initiale de 2011, les recettes de fonctionnement inscrites au budget annexe s’établissaient à un peu plus de 203 millions d’euros, quand le projet de loi de finances pour 2016 prévoit un budget annexe s’équilibrant, a priori, avec 197 millions d’euros de recettes de fonctionnement. Cela signifie que, depuis la naissance de la DILA, au début de 2010, l’ensemble ainsi constitué « fait du surplace » et que la charge de travail des compositeurs et des imprimeurs du Journal officiel ne semble pas avoir fondamentalement varié, du moins en termes de valeur commerciale.
Une telle situation pose question, d’autant que l’effectif des personnels en activité de la DILA a connu, ces dernières années, une réduction sensible. L’effectif de la SACIJO a diminué de moitié au fil de restructurations recourant largement à des mesures d’âge, afin qu’elles n’apparaissent pas trop douloureuses, au moins du point de vue de la tutelle.
Un nouveau protocole d’accord, qui ne constitue pas une fin en soi, mais une sorte de modus vivendi, de viatique pour chacune des parties en présence, a été signé en juin dernier. Il fixe comme objectif la mise en œuvre d’une nouvelle réduction des effectifs de la SACIJO, quand bien même les suppressions d’emplois ne pourront, pour l’essentiel, être opérées que sous la forme de départs volontaires, avec des incitations financières à la clé.
Je suis bien sûr conscient de m’être quelque peu éloigné, disant cela, de l’enjeu représenté par l’économie de quelques centaines de milliers d’euros grâce à la suppression de la version papier du Journal officiel, mais la question du développement et du devenir du pôle d’impression publique que constitue la DILA doit être clairement posée.
Financer un certain nombre de départs volontaires dans les quatre ou cinq années à venir se révélera-t-il à terme moins coûteux que rechercher de nouvelles activités pour la SACIJO, comme le prévoit également le protocole d’accord ?
La qualité de la formation et l’expérience des salariés de cette entreprise, qui effectue depuis très longtemps le travail d’impression pour le compte de l’État, sont des raisons suffisantes pour que soit étudiée, avec plus de sérieux que cela n’a été le cas jusqu’à maintenant, la possibilité de lui confier l’exécution d’un certain nombre de travaux d’impression publics, aujourd’hui réalisés par des établissements privés pour le compte de ministères ou d’administrations.
En tout état de cause, il est grand temps que la recherche d’économies en matière d’impression publique passe par l’attribution du plus grand volume d’activité possible à l’imprimerie des Journaux officiels.
Sans nous prononcer positivement ou négativement sur les deux propositions de loi discutées ce jour, nous tenions à souligner la nécessité, voire, sous certains aspects, l’urgence de débattre de la politique de production d’information par l’État, ses ministères et ses administrations, afin de tirer parti du gisement d’économies budgétaires qu’elle représente et de répondre aux préoccupations des salariés concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en cet après-midi du 12 octobre, le Sénat, grâce à l’initiative de notre collègue Vincent Eblé, va vraisemblablement être à l’origine d’une révolution administrative avec la suppression de la version papier du Journal officiel.
J’emploie le terme de « révolution » en pensant à Albert Camus, qui écrivait, en août 1944, qu’« un journal, c’est la conscience d’une nation ». Sans doute aurait-il qualifié le Journal officiel de mémoire vive de la République…
En effet, la publication au Journal officiel conditionne l’application de la loi. Par conséquent, transformer ce dernier comme nous nous apprêtons à le faire aujourd’hui, c’est modifier l’un des éléments constitutifs du fonctionnement de notre République, ce qui ne saurait se faire à la légère. Une telle transformation doit s’opérer avec une certaine solennité, celle qui prévaut dans cet hémicycle ; cela m’amène à remercier notre collègue Eblé d’avoir déposé cette proposition de loi.
« Révolution » est un terme fort, mais, pour des amoureux du papier comme nous le sommes pour la majorité d’entre nous, une bibliothèque sans livres ne saurait être pleinement une bibliothèque. La consultation des débats de nos prédécesseurs, ou même celle des nôtres, via une version électronique du Journal officiel n’aura pas la même saveur que leur lecture sur un support physique : il manquera la texture du papier, l’odeur de l’encre, un « quelque chose » indéfinissable !