M. Ronan Dantec. Nous en discutons !
M. Jean-Claude Lenoir. Aujourd'hui, nous ne sommes sans doute pas les meilleurs élèves au monde, mais nous faisons malgré tout partie, grâce au nucléaire, des pays qui sont les plus protecteurs de l’environnement.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Notre débat nous permettra d’approfondir ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’importance du texte n’est plus à démontrer au regard des enjeux qu’il pose et de la richesse des débats dans nos deux hémicycles.
Quel est le bilan de ces débats ? Sur l’ensemble du texte, ce sont 82 articles qui ont été adoptés conformes par l’Assemblée nationale et une trentaine d’entre eux qui ont été modifiés à la marge. Seule une soixantaine d’articles a fait l’objet d’une modification sensible à la suite de l’examen par les députés.
Permettez-moi d’orienter mon intervention sur le titre IV, qui vise à lutter contre le gaspillage et à promouvoir l’économie circulaire, de la conception des produits à leur recyclage.
Sur les 36 articles que comporte ce titre, 16 ont été adoptés conformes. Nous pouvons nous féliciter tant du travail accompli par le Parlement que de la qualité de nos débats. Cette coconstruction a permis d’enrichir le projet de loi initial dans le respect des positions de chacune des deux assemblées. Au Sénat, nous pouvons être fiers de l’adoption de nombreux amendements qui renforcent les dispositifs initiaux. Cela démontre une volonté forte des sénateurs de participer à l’écriture d’une nouvelle page, celle de la transition écologique de la France, comme vous nous y invitez, madame la ministre.
Je souhaite rappeler ici ces quelques mesures adoptées par notre assemblée : la réduction de 50 % des quantités de produits manufacturés non recyclables mis sur le marché ; la généralisation à l’échéance de 2022 de l’extension des consignes de tri à l’ensemble des emballages en plastique, ce qui obligera les collectivités territoriales à se soumettre à un seuil minimal de 25 % de papier recyclé à compter de 2017 et de 40 % en 2020 ; l’ouverture de la possibilité de mettre en place une tarification incitative de deuxième niveau pour récompenser les collectivités volontaires en matière de déchets.
Nos collègues de l’Assemblée nationale se sont, eux aussi, inscrits dans cette perspective lorsqu’ils ont examiné le projet de loi en nouvelle lecture. Des mesures nouvelles ont ainsi été intégrées, parmi lesquelles on peut citer : l’introduction d’une expérimentation d’affichage de la durée de vie pour certains produits définis par décret ; l’intégration de l’« écologie industrielle et territoriale » au sein des concepts généraux dont le développement doit être assuré par les politiques publiques ; celle de commande publique durable dans les objectifs de l’économie circulaire ; enfin, l’inclusion de la lutte contre le gaspillage dans les nouvelles missions confiées à l’ADEME.
En matière de réduction de la consommation de matières premières, les députés ont défini un objectif chiffré de découplage entre croissance économique et consommation de matières premières, à hauteur de 30 % entre 2010 et 2030. Ils ont également prévu l’interdiction de l’utilisation des emballages en plastique non biodégradables et non compostables en compostage domestique pour l’envoi de la presse et de la publicité.
Des amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont venus préciser le dispositif visant à obliger les opérateurs de gestion de déchets à passer un contrat avec les éco-organismes pour pouvoir traiter les DEEE.
Les députés ont aussi décidé de réduire la consommation de papier de l’État et des collectivités, avec un objectif affiché de 30 %, de déléguer les missions de l’ADEME à une personne morale indépendante, impartiale et objective, et de mettre en place une contribution annuelle à la filière REP des navires de plaisance, laquelle serait fixée chaque année dans la loi de finances.
Madame la ministre, vous avez porté les REP sur les fonts baptismaux avec la loi de 1992. Aujourd'hui, il en existe de nombreuses qui font l’originalité du système français et sa performance. Les REP doivent nous permettre d’aller encore plus loin. En effet, sur les 34 millions de tonnes de déchets collectés, seuls 10 millions contribuent aux divers éco-organismes : 5 millions de tonnes d’emballages, 2 millions de tonnes de papier, 1 million de tonnes de textile et 2 millions de tonnes de DEEE. C'est la raison pour laquelle je préconise souvent d’élargir le champ des REP aux assimilés.
Pouvons-nous encore enrichir ce texte ? Je le crois. En effet, si certains articles doivent faire l’objet de précisions rédactionnelles, d’autres peuvent nous permettre d’éclaircir certaines incompréhensions ou interprétations. Je limiterai, là aussi, mon propos au titre IV.
Concernant l’interdiction des ustensiles en plastique jetables, les députés veulent maintenir l’interdiction des gobelets, verres et assiettes jetables, alors que, au Sénat, nous avions souhaité la mise en place obligatoire en 2018 d’un tri à la source, qui nous paraissait beaucoup plus efficace.
S’agissant de l’interdiction des sacs en plastique de caisse, nous sommes favorables à la possibilité de continuer à autoriser ces sacs compostables en matières biosourcées, à la différence des députés qui y sont opposés.
Sur l’épineux sujet de la limitation des installations de tri mécano-biologique, devons-nous condamner toutes les initiatives locales ou pouvons-nous encourager certains dispositifs perfectibles ? Le traitement de la part résiduelle appelle des réponses différentes en fonction des zones géographiques et de la densité de la population. Il ne faut pas opposer un système à un autre. Au contraire, ils sont souvent complémentaires. Ne nous débarrassons pas du tri mécano-biologique quand nous avons la preuve, sur certains territoires, de son efficacité.
Mme Évelyne Didier et M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Gérard Miquel. De plus, il permet de récupérer les plastiques et les métaux. À terme, ces installations devront évoluer, comme beaucoup d’autres, pour traiter une part d’OMR et les résidus de tri et pour préparer les combustibles solides de récupération. Tous les systèmes de méthanisation avec récupération de l’énergie peuvent être, dans certains cas, intéressants.
Concernant l’obsolescence programmée, quelle définition devons-nous retenir pour enclencher une prise de conscience collective ? Méfions-nous des solutions qui, sous prétexte de rentabilité, « cassent » l’emploi et qui, à terme, se révéleront plus coûteuses, présenteront un bilan carbone bien moins avantageux et sont contraires à la notion d’économie circulaire. Tenons compte des installations existantes en les faisant évoluer. Simplifions et harmonisons les messages pour donner plus de lisibilité à nos concitoyens. Organisons-nous à l’échelle pertinente, laquelle peut varier en fonction des territoires.
Pour réussir la mise en œuvre de cette loi ambitieuse, il faut une volonté politique. Les résultats obtenus dans certaines grandes villes du monde en ont fait l’éclatante démonstration. Madame la ministre, vous incarnez cette volonté politique. Les sénateurs sauront, j’en suis sûr, la déployer dans tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous apprêtons à relever un défi de taille, celui de la transition énergétique, qui pourrait bien être l’une des étapes marquantes de notre histoire. La France a les cartes en main pour le relever : de formidables richesses renouvelables, un capital humain hautement qualifié et des entreprises innovantes. Toutefois, la transition énergétique sera synonyme de croissance uniquement si nous avons la sagesse de la rendre supportable pour les familles, les entreprises, la société tout entière et si nous faisons le pari de la réussir sans nous retrancher derrière des objectifs chiffrés et des injonctions inopérantes sur le plan économique, social et environnemental.
Dans cette perspective, je suis convaincu de la nécessité de ne pas adopter une posture prescriptive et de ne pas imposer des changements brutaux à nos modes de production et de consommation. Le propre de l’histoire de l’humanité est que l’amélioration des techniques de production s’est toujours opérée de manière continue, au fil des connaissances scientifiques.
J’axerai de nouveau mon propos sur la nécessité de croiser l’ambition environnementale à la préservation de la compétitivité de nos entreprises, à la nécessaire reconquête industrielle, à la préservation de notre modèle social, à la richesse et la diversité territoriale de notre pays.
À la lecture de votre projet de loi, madame la ministre, je m’interroge sur au moins quatre points.
En premier lieu, je veux à nouveau mettre en garde contre les objectifs chiffrés, assignés à l’article 1er, de notre politique énergétique, à savoir notamment « poursuivre un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012 ». Cette disposition poursuit un objectif de décroissance qui place notre économie et nos entreprises dans une situation dangereuse de distorsion de concurrence. Je rappelle que, en trente ans, le PIB provenant de l’activité industrielle est passé de 30 % à 19 %. Nous ne retrouverons le plein-emploi que si l’activité industrielle redémarre en France, ce qui implique que la consommation énergétique reparte à la hausse.
En deuxième lieu, je déplore l’amoncellement de nouvelles contraintes administratives que recouvre ce texte pour les entreprises et les ménages, à l’inverse des engagements pris pour les diminuer et rendre plus lisible l’action publique. Ainsi, le projet de loi appelle une traduction dans près de 100 mesures réglementaires, dont près de 50 sont des décrets en Conseil d’État. Il prévoit par ailleurs une demi-douzaine d’instances nouvelles. On ne peut pas continuer à négliger la simplification administrative de la France !
Le projet de loi n’apporte pas non plus de réponses satisfaisantes en matière de logement et de transport, deux postes qui grèvent encore trop souvent le budget des ménages.
En ce qui concerne le logement – c’est mon troisième point –, le fait de rendre les rénovations énergétiques obligatoires en cas de travaux risquerait dans un premier temps d’alourdir la facture pour les ménages et non de la faire baisser. L’article 3 C introduisait cette disposition en prévoyant que « les bâtiments privés résidentiels doivent faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation ». Je me réjouis donc de la position de notre rapporteur et de son travail, qui a permis de supprimer cet article en commission des affaires économiques.
De même, je me félicite de l’adoption de l’amendement de M. le rapporteur à l’article 4, qui a rétabli la possibilité pour les personnes morales de droit public de faire construire des bâtiments à énergie positive ou à haute performance environnementale, alors que l’Assemblée nationale voulait cumuler les deux obligations.
Le texte multiplie par ailleurs les dispositifs visant à faciliter les rénovations énergétiques via un fonds de garantie de la rénovation énergétique mais n’assure aucune cohérence ni aucune visibilité par rapport aux dispositifs existants. Sur ce point, les amendements proposés par la commission des affaires économiques me semblent pertinents, puisqu’ils instaurent plus de liberté dans le choix du type d’isolation lors de travaux de rénovation sur des bâtiments.
J’en arrive à mon quatrième point : même constat à propos des transports, peu de mesures concrètes !
On a trop facilement tendance à rejeter la voiture. Faisons confiance aux constructeurs, faisons confiance à l’innovation, et je suis persuadé que nous aurons, demain, des véhicules propres qui permettront à la population de se déplacer ! En effet, n’oubliez pas, madame la ministre, que, pour une grande partie de nos concitoyens, il n’existe pas de transports en commun pour aller travailler, étudier, se soigner ou pour tout autre déplacement. La voiture est donc absolument indispensable ; aussi, faisons confiance au progrès et donnons à la recherche les moyens nécessaires !
À la lecture de ces quatre points, un constat ressort : les mesures proposées pour amorcer la transition énergétique risquent de s’appliquer trop souvent au détriment de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des ménages. Or notre ambition en matière de transition énergétique doit s’articuler avec notre volonté en matière économique, notre conception du rôle de la France au sein de l’Union européenne et dans le monde et notre ambition sociale. Je ne pourrai donc voter le projet de loi que si nous avons la sagesse de rendre supportable cette transition énergétique pour notre économie, notre société et les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi.
M. René Danesi. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi relatif à la transition énergétique que nous examinons souffre des deux faiblesses qui caractérisent une bonne partie de la production législative depuis trois ans. D’une part, l’idéologie occupe une place prépondérante au détriment des faits ; or chacun sait que les faits sont têtus :…
M. Ronan Dantec. Eh oui !
M. René Danesi. … le sort réservé à l’énergie nucléaire dans le projet de loi en est une parfaite illustration. D’autre part, le texte se perd dans mille et un détails, qui se traduiront par autant de tracas pour nos concitoyens, au moment où il faudrait obtenir leur adhésion et mobiliser leur énergie pour faire face à la dette, au chômage et à l’insécurité.
Première faiblesse : l’idéologie et même le calcul politique. En effet, le projet de loi vise à plafonner puis à diminuer rapidement la part du nucléaire dans la production d’électricité. Il s’agit ainsi de tenir une promesse de la campagne présidentielle de 2012 et de ne pas donner prétexte à une candidature écologiste à la présidentielle de 2017.
M. Didier Guillaume. Ça suffit, les caricatures !
M. René Danesi. Or diminuer la production nucléaire n’est pas conforme à l’intérêt de la France. En effet, cette production électrique est la moins chère d’Europe, à raison de 54,40 euros par mégawatts, selon la Cour des comptes. Cela donne donc un avantage compétitif aux entreprises établies en France, et c’est bien le seul que l’État leur donne actuellement.
Ainsi, plafonner puis diminuer la part du nucléaire dans la production électrique supprimerait des milliers d’emplois dans chaque territoire concerné par l’arrêt des réacteurs. Ce serait le cas en premier lieu en Alsace, avec la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Rien ne justifiant, du point de vue de la sûreté, cette fermeture, l’Alsace n’acceptera pas que sa centrale nucléaire soit sacrifiée sur l’autel de l’élection présidentielle de 2017 !
Seconde faiblesse : le projet de loi se perd dans les détails et prétend modifier les modes de vie de nos concitoyens. Ce n’est pas la première fois qu’il en est ainsi, mais, cette fois, on va plus loin dans la vie quotidienne des Français en mettant leur patrimoine dans le viseur. On rappelle que le logement a déjà été mis à mal par la loi Duflot, au point que le Gouvernement a neutralisé ses dispositions les plus négatives avec la loi Macron.
C’est donc avec la foi du charbonnier que le projet de loi prévoit, après son examen par l’Assemblée nationale, trois dispositions nouvelles.
Premièrement, son article 5 dispose que, avec effet quasiment immédiat, tous les travaux de rénovation, tels que ravalement de façade ou réfection de la toiture, devront être l’occasion de travaux d’efficacité énergétique pour atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale.
Deuxièmement, son article 3 B précise que tous les bâtiments privés résidentiels ayant une consommation en énergie primaire supérieure à 330 kilowattheures par mètre carré et par an doivent subir une rénovation énergétique avant 2025, c’est-à-dire dans les dix ans.
Troisièmement, son article 3 C prévoit que, à partir de 2030, les bâtiments privés résidentiels devront faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation.
Il est vrai que les bâtiments privés et publics occupent une part prépondérante dans la consommation nationale d’énergie. C’est d’ailleurs pourquoi les économies d’énergie sont fiscalement encouragées depuis des années et la réglementation thermique 2012, la norme RT 2012, s’applique à toutes les constructions nouvelles.
On peut évidemment considérer que l’effort doit être amplifié, mais encore faut-il raison garder : les dispositions mentionnées ci-dessus concernent des millions de logements. En conséquence, aucune des dates butoir qui seront votées ne pourra être tenue. Aucune ! Il faudrait abandonner la mauvaise habitude de fixer des dates dans la loi en sachant qu’on ne pourra pas les respecter. Cela a ainsi été le cas pour la suppression des décharges publiques, pour l’assainissement de nos villes et villages ou encore pour l’accessibilité des bâtiments. Cette façon de faire affaiblit la loi dès son adoption.
De plus, les finances de l’État étant ce qu’elles sont, les incitations à atteindre les objectifs légalement fixés iront en diminuant, de sorte que l’effort d’investissement demandé aux propriétaires et, par ricochet, aux locataires sera nettement au-dessus des capacités de la majorité d’entre eux. Toutes ces obligations seront approuvées par les bobos, mais elles angoisseront les petits propriétaires qui seront souvent acculés à la vente.
Le projet de loi s’immisce par ailleurs trop dans la vie quotidienne des Français. J’en veux pour preuve l’article 19 bis, tel que voté par l’Assemblée nationale, qui prévoit l’interdiction pure et simple de tous les sacs de caisse, même biodégradables. J’en veux encore pour preuve la valse-hésitation entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur les couverts en plastique, si pratiques pour nos milliers d’associations de bénévoles qui organisent des manifestations festives.
Ainsi, avant de multiplier les interdits en tout genre au nom des bonnes causes successives du Gouvernement, il serait judicieux de méditer les résultats d’un récent sondage de l’Institut Viavoice en partenariat avec La Revue Civique. Ce sondage indique clairement qu’un point de rupture a été atteint en matière d’interdits en tout genre et que les Français sont exaspérés par les restrictions de leurs libertés. Cette exaspération se trouve en particulier chez les plus modestes, face à des messages à sens unique de la France d’en haut vers celle d’en bas.
Face à un projet de loi qui présente les faiblesses que je viens d’énoncer, le travail de nos commissions et de nos rapporteurs pour son amélioration est méritoire, et je le salue. Espérons que ce travail permettra d’aboutir in fine à un texte plus équilibré et plus réaliste, c'est-à-dire entraînant l’adhésion des Français, indispensable pour la réussite de la transition énergétique de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Je tiens à tous vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs. Vos interventions ont soit témoigné d’un soutien sans faille – notamment de la part du groupe socialiste et républicain –, soit porté un discours constructif, ce qui reflète bien l’état d’esprit du Gouvernement et le mien dans le cadre de ce dialogue avec le Sénat. Votre contribution, votre créativité et votre imagination nous permettront de concevoir ensemble le futur énergétique de notre pays.
J’entends également les divergences de vues qui demeurent, principalement à propos de la place de l’énergie nucléaire, mais c’est le propre du débat démocratique. Sachez que ce sujet n’est pas tabou. Je souligne d’ailleurs que c’est la première fois que la représentation nationale s’en saisit pour l’étudier en profondeur et qu’elle met sur la table les différences de points de vue, qui sont tout à fait légitimes.
Il s’agit évidemment d’une question très importante pour notre filière industrielle ; vous savez d’ailleurs à quel point je suis attachée au maintien et à la continuité de cette filière, ainsi qu’à l’investissement et à l’innovation, sources de performance. Pourtant, pour nos concitoyens, ce n’est pas le principal sujet. Il ne faudrait donc pas que cette divergence occulte le reste de l’œuvre de la transition énergétique. Je pense ainsi aux mesures attendues par les familles – les économies d’énergie ou la performance énergétique des logements –, par les entreprises – les investissements dans le secteur de la croissance verte et dans toutes les filières industrielles du futur – ou par les territoires, qui s’engagent dans la transition énergétique, comme je le rappelais précédemment. Je pense également à l’économie circulaire et au traitement des déchets, à propos desquels Gérard Miquel a fait des propositions tout à fait offensives et innovantes.
Roland Courteau l’a souligné, sur tous ces sujets, nous avons collectivement fait œuvre d’imagination, mais nous devons garder à l’esprit leur poids relatif, même s’il est vrai que la question nucléaire occupe beaucoup l’espace public. Il faut dire qu’il s’agit d’un sujet majeur entraînant des choix parfois idéologiques. Or ce que j’ai justement voulu éviter dans ce texte, ce sont les choix idéologiques.
Je l’ai souvent dit : nous ne devons pas opposer les énergies les unes aux autres. Nous allons d’abord fixer notre mix énergétique, faire la programmation pluriannuelle de l’énergie et étudier les moyens de monter en puissance à la fois en termes de performance énergétique et d’énergies renouvelables, pour qu’il y ait un maximum d’emplois dans ces secteurs. Nous verrons ensuite, en fonction de ces efforts, quelle sera la part de l’énergie nucléaire. Par conséquent, la promulgation de la loi ne marquera pas la fin du débat. Celui-ci se poursuivra par la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui fera l’objet, pour la première fois dans notre pays et en toute transparence, de consultations, de décisions, d’actualisations et d’adaptations. Cela nous permettra ainsi d’atteindre nos objectifs : la baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, l’augmentation de la part des énergies renouvelables jusqu’à 32 %, la contribution de la France au maintien du réchauffement climatique sous les deux degrés et la réduction de la part de l’énergie nucléaire.
Il me semble donc que cet esprit constructif dont vous venez une nouvelle fois de témoigner prouve bien que le Sénat est au service de l’intérêt général, qu’il s’efforce d’avoir une vision, de fixer un cap et des objectifs de nature à engager la France vers la transition énergétique, tout en sécurisant les investissements, ce qui est essentiel.
Il y a finalement peu de domaines où les responsables politiques peuvent échapper aux échéances électorales et projeter un pays à l’horizon de 2025, de 2030 ou de 2050. Nous projetons donc le pays vers le futur. On dit souvent que les Français sont en panne d’espérance, mais la meilleure façon de renouer avec celle-ci consiste à pouvoir fixer un horizon…
M. Ronan Dantec. Oui !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Ségolène Royal, ministre. … et savoir ainsi quelle est notre communauté de destin, tant sur le plan national que mondial. Je veux donc de nouveau vous remercier d’avoir contribué, par vos interventions, à la recherche de cette vérité commune et d’avoir participé à la construction de notre communauté de destin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement a déposé ce matin des amendements et en déposera d’autres cet après-midi. Dans d’autres circonstances, un président de commission aurait protesté contre ce dépôt tardif. Cependant, comme nous examinons le projet de loi en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale ne pourra, en lecture définitive, retenir que des amendements votés par le Sénat.
Je ne préjuge pas le fond de ces amendements, dont je ne connais pas encore le contenu ; mais je suppose qu’ils présentent un caractère technique et viennent conforter un certain nombre de dispositions. En les adoptant, nous permettrons à l’Assemblée nationale de les adopter définitivement. Je le dis à l’attention de nos collègues qui estimeraient que nous travaillons dans de mauvaises conditions.
Je réunirai donc la commission des affaires économiques à dix-sept heures.
M. Franck Montaugé. Ne serait-il pas possible de la réunir à quatorze heures ?
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. À cette heure-là, je dois présider une réunion dans le cadre des travaux du groupe de suivi des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. De toute façon, compte tenu de l’ordre du jour de cet après-midi, nous ne devrions pas reprendre l’examen du projet de loi avant dix-huit heures ou dix-huit heures trente.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Titre Ier
DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE ET LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE, PRÉSERVER LA SANTÉ HUMAINE ET L’ENVIRONNEMENT ET LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
Article 1er
I. – L’article L. 100-1 du code de l’énergie est ainsi rédigé :
« Art. L. 100-1. – La politique énergétique :
« 1° A (Supprimé)
« 1° Favorise l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois grâce à la mobilisation de toutes les filières industrielles, notamment celles de la croissance verte qui se définit comme un mode de développement économique respectueux de l’environnement, à la fois sobre et efficace en énergie et en consommation de ressources et de carbone, socialement inclusif, soutenant le potentiel d’innovation et garant de la compétitivité des entreprises ;
« 2° Assure la sécurité d’approvisionnement et réduit la dépendance aux importations ;
« 3° Maintient un prix de l’énergie compétitif et attractif au plan international et permet de maîtriser les dépenses en énergie des consommateurs ;
« 4° Préserve la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre et contre les risques industriels majeurs, en réduisant l’exposition des citoyens à la pollution de l’air et en garantissant la sûreté nucléaire ;
« 5° Garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources ;
« 6° Lutte contre la précarité énergétique ;
« 7° Contribue à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie, qui vise à garantir la sécurité d’approvisionnement et à construire une économie décarbonée et compétitive, au moyen du développement des énergies renouvelables, des interconnexions physiques, du soutien à l’amélioration de l’efficacité énergétique, de la mise en place d’instruments de coordination des politiques nationales et de l’achèvement du marché intérieur de l’énergie. »
II. – L’article L. 100-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 100-2. – Pour atteindre les objectifs définis à l’article L. 100-1, l’État, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à :
« 1° Maîtriser la demande d’énergie et favoriser l’efficacité et la sobriété énergétiques ;
« 2° Garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ;
« 3° Diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles, diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ;
« 3° bis Procéder à un élargissement progressif de la part carbone, assise sur le contenu en carbone fossile, dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, dans la perspective d’une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus ;
« 3° ter Participer à la structuration des filières industrielles de la croissance verte ;
« 4° Assurer l’information de tous et la transparence, notamment sur les coûts et les prix des énergies ainsi que sur l’ensemble de leurs impacts sanitaires, sociaux et environnementaux ;
« 5° Développer la recherche et favoriser l’innovation dans les domaines de l’énergie et du bâtiment ;
« 5° bis Renforcer la formation initiale et continue aux problématiques et aux technologies de l’énergie, notamment par l’apprentissage, des professionnels impliqués dans les actions d’économies d’énergie ;
« 6° Assurer des moyens de transport et de stockage de l’énergie adaptés aux besoins.
« Pour concourir à la réalisation de ces objectifs, l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive. Est dénommé “territoire à énergie positive” un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale en réduisant autant que possible les besoins énergétiques et dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux. Un territoire à énergie positive doit favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement. »
III. – L’article L. 100-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 100-4. – I. – La politique énergétique nationale a pour objectifs :
« 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’Union européenne, et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. La trajectoire est précisée dans les budgets carbone mentionnés à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement ;
« 2° Porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 20 % en 2030 et de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012. Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel ;
« 3° De réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012, en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune ;
« 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030 ; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la consommation d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ;
« 5° Réduire, à terme, la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % en accompagnement de la montée en puissance des énergies renouvelables et sous réserve de préserver l’indépendance énergétique de la France, de maintenir un prix de l’électricité compétitif et de ne pas conduire à une hausse des émissions de gaz à effet de serre. Cette réduction intervient à mesure des décisions de mise à l’arrêt définitif des installations prises en application de l’article L. 593-23 du code de l’environnement ou à la demande de l’exploitant ;
« 5° bis De contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction de la pollution atmosphérique prévus par le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques défini à l’article L. 222-9 du code de l’environnement ;
« 6° De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilées, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes ;
« 7° De parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer à l’horizon 2030, avec, comme objectif intermédiaire, 50 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2020 ;
« 8° De multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid à l’horizon 2030.
« II. – L’atteinte des objectifs définis au I du présent article fait l’objet d’un rapport au Parlement déposé dans les six mois précédant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3. Le rapport et l’évaluation des politiques publiques engagées en application du présent titre peuvent conduire à la révision des objectifs de long terme définis au I du présent article. »
IV. – (Non modifié)
V. – (Non modifié) Le I de l’article L. 222-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° À la première phrase du 1°, la référence : « l’article 2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique » est remplacée par la référence : « l’article L. 100-4 du code de l’énergie » ;
2° La deuxième phrase du 3° est supprimée.
VI et VII. – (Non modifiés)
VIII (nouveau). – Le Gouvernement se fixe pour objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques inscrites au tableau B du 1. de l’article 265 du code des douanes, d’atteindre une valeur de la tonne carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030.