Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il n’est plus temps d’attendre. Il n’y a pas d’autre voie que celle d’engager toutes nos forces, tout de suite, dans une transition énergétique. Il y va de l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Le réchauffement climatique, la disponibilité des ressources, l’érosion de la biodiversité, l’impasse économique de notre modèle de développement nous poussent à agir vite, et à voir loin.
Désormais, la prise de conscience indispensable pour pouvoir agir est universelle. Les États-Unis et la Chine, les deux plus grands pollueurs du monde, viennent enfin de signer un accord dans ce domaine. Le vice-ministre chinois de l’environnement a confirmé, voilà quelques jours, ici même au Sénat, la volonté de son pays de s’engager résolument dans la lutte contre le changement climatique. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon, rappelle qu’il n’y a pas de planète B, et un autre leader mondial, le pape François, vient de publier une encyclique décapante, Laudato si, sur la sauvegarde de la « maison commune ». C’est dire si l’alerte est massive et générale !
La question qui nous est posée est simple : « Comment réduire notre dépendance aux énergies fossiles pour aller vers une économie décarbonée, et réussir ainsi la transition énergétique pour une croissance verte, qui est absolument indispensable ? »
Mes chers collègues, le texte adopté par le Sénat en mars dernier a considérablement enrichi et équilibré le projet initial. La Haute Assemblée avait fait preuve d’un état d’esprit particulièrement constructif. Je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir confirmé.
Détermination, responsabilité et pragmatisme ont été le fil conducteur de nos travaux. La conférence sur le climat, la COP 21, qui se déroulera en décembre prochain à Paris, ajoute un degré d’exigence supplémentaire. La France, honneur oblige, se doit de se distinguer pour sauver l’avenir de la planète.
C’est pourquoi, madame la ministre, comme mon collègue Ladislas Poniatowski, je regrette profondément l’échec de la commission mixte paritaire du 10 mars dernier, exclusivement dû – nous le savons tous – au refus du Président de la République et de la majorité de l’Assemblée nationale de tout compromis sur la seule question de l’échéance de la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique.
La plus grande partie du projet de loi faisait l’objet d’un large consensus. Le texte avait été enrichi par tous les groupes, sur toutes les travées de nos deux assemblées. C’est le seul article premier qui a fait échouer, pour des raisons idéologiques, la tentative de mettre en œuvre une transition énergétique unanime et consensuelle.
Le Sénat avait fait un pas significatif en acceptant l’objectif de réduction du nucléaire à 50 %. En revanche, l’Assemblée nationale n’a pas souhaité faire un pas vers nous, torpillant ainsi un consensus qui était à portée de main. Il y a là à mon avis un immense gâchis.
Malgré cela, je vous le redis, madame la ministre, les sénateurs sont attachés aux bienfaits de la co-construction législative. Ce texte, qui a été sensiblement amélioré, a confirmé la modernité démocratique que constitue le bicamérisme.
À l’issue de la nouvelle lecture du projet de loi par l’Assemblée nationale, sur les 111 articles sur lesquels la commission du développement durable était compétente, 67 articles restent en discussion. Je tiens à souligner que nombre de nos apports ont été conservés par l’Assemblée nationale, ce dont je me félicite.
J’en viens au détail des principales dispositions restant en discussion. Concernant le titre III relatif aux transports, un quart des articles sont encore en discussion. La commission du développement durable a apprécié favorablement la principale modification introduite à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, dans la mesure où elle constitue l’aboutissement de la réflexion sur la notion de « véhicule propre ». Nous avions en effet soulevé la limite intellectuelle qu’il y avait à appeler « propres » des véhicules qui ne peuvent l’être complètement si l’on tient compte de l’ensemble de leurs émissions au cours de leur cycle de vie, c’est-à-dire de leur empreinte écologique. L’Assemblée nationale a donc remplacé dans tout le projet de loi la notion de « véhicules propres » par une distinction entre « véhicules à faibles émissions » et « véhicules à très faibles émissions », qui seront définis par référence à des seuils fixés par décret. La commission du développement durable a choisi de conserver cet apport, qui combine exigence en matière de qualité de l’air et accompagnement gradué de la filière industrielle automobile, auquel je rends hommage : si le moteur diesel n’avait fait aucun progrès pendant près d’un demi-siècle, six normes européennes différentes – une tous les trois ans – sont intervenues en l’espace de dix-huit ans, nous permettant d’obtenir le meilleur dans ce domaine.
Quant à la nouvelle obligation introduite concernant les flottes de bus de transports urbains, la commission du développement durable a tenu à préciser que le décret devrait aussi tenir compte de leur date d’acquisition.
Enfin, la commission a choisi de revenir au texte du Sénat sur deux points durs : d’une part, la fixation par la programmation pluriannuelle de l’énergie d’objectifs de biocarburants conventionnels et, d’autre part, le caractère facultatif des plans de mobilité que les entreprises doivent mettre en œuvre.
Concernant le titre IV, relatif aux déchets et à l’économie circulaire, de nombreuses modifications ont été apportées par les députés. La commission du développement durable n’est pas revenue sur les améliorations techniques intégrées par l’Assemblée nationale. En revanche, nous avons souhaité, par cohérence, revenir à la position du Sénat sur plusieurs sujets.
Concernant les installations de tri mécano-biologique, ou TMB, nous avons voulu préciser au maximum la portée de l’objectif d’évitement de création de ces nouvelles installations. Un consensus s’est dégagé pour dire qu’il ne faut pas faire de TMB en première intention, à la place du tri à la source des biodéchets, mais que ces structures peuvent être pertinentes dans d’autres cas, notamment pour préparer des combustibles solides de récupération. Ce cadre étant posé, notre philosophie, au Sénat, est de faire confiance aux collectivités et aux élus locaux.
Quant aux déchets plastiques, la commission du développement durable est revenue à la position du Sénat qui nous a semblé constituer le bon équilibre entre ambition et réalisme. Nous avons supprimé l’interdiction de la vaisselle jetable en plastique et rétabli une obligation de tri à la source de ces déchets. Concernant les sacs en plastique, nous sommes revenus au texte, construit en séance publique lors de la première lecture avec vous, madame la ministre, qui autorise les sacs de caisse compostables, je le précise, en compostage domestique.
Enfin – et c’est probablement l’un des apports les plus significatifs dans ce titre IV –, nous avons sécurisé le dispositif de la responsabilité élargie du producteur concernant les bateaux, « la REP navires », introduit par le Sénat. Un prélèvement, déterminé chaque année en loi de finances, sera effectué sur le droit annuel de francisation et de navigation, afin de résoudre le problème du stock historique de bateaux hors d’usage. De cette manière on ne remet pas en cause le principe de la REP : le flux sera financé par les metteurs sur le marché. Mais on pourra ainsi traiter enfin le stock de près de 300 000 navires hors d’usage, sans mettre en danger les ressources du Conservatoire du littoral.
M. Ronan Dantec. C’est parfait !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. En ce qui concerne le titre VII relatif à la simplification des procédures, le principal sujet – il est d’ailleurs particulièrement suivi – reste celui des éoliennes et de leur distance par rapport aux habitations. Une dizaine d’amendements propose toutes les versions possibles,…
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. … du retour aux 500 mètres, sans le pouvoir d’adaptation du préfet introduit par les députés, aux solutions bavaroises de type « dix fois la hauteur », en passant par les 1000 mètres de notre regretté collègue Jean Germain. Pour ma part, je préconise, comme en première lecture, de s’en tenir au texte actuel, c’est-à-dire 500 mètres, mais modulables par le préfet, ce qui constitue à mon avis un élément très fort d’adaptation à la réalité des territoires, le tout, je le maintiens, en attendant l’avis à l’automne prochain de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. En revanche, je suis favorable à ce que l’avis du préfet soit également fondé sur le résultat de l’enquête publique, et non uniquement sur l’étude d’impact, qui peut se révéler incomplète.
Concernant le titre VIII, la commission du développement durable a rétabli, à chaque fois que cela avait été supprimé, la concertation avec les collectivités territoriales, pour permettre une transition efficace sur les territoires.
Madame la ministre, mes chers collègues, je forme le vœu que nous puissions aujourd’hui et les jours qui viennent continuer à travailler dans le même état d’esprit qu’il y a cinq mois : avec rigueur, passion parfois, mais surtout exigence et responsabilité. L’exemplarité est à notre portée et à celle de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis.
M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Cette nouvelle lecture intervient à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, en raison principalement du désaccord portant sur la part de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français. Là où la majorité sénatoriale défend une position ambitieuse, mais équilibrée, qui est un objectif de réduction de cette part à 50 % sans l’associer à une date butoir, la majorité gouvernementale s’obstine à vouloir inscrire dans le texte l’échéance de 2025.
Pourtant, la plupart des experts que nous avons entendus nous ont affirmé qu’une telle réduction dans un temps aussi court était irréaliste,…
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jean-François Husson, rapporteur pour avis de la commission des finances. … sauf à engager des investissements considérables, pour ne pas dire insoutenables ! (M. Ronan Dantec s’exclame.) Dès lors, pourquoi vouloir inscrire dans la loi un objectif que l’on sait ne pas pouvoir tenir ?
Le Gouvernement devrait à tout le moins nous expliquer comment il compte parvenir à une telle réduction et nous en indiquer le coût. Une baisse dans cette proportion de la production d’électricité d’origine nucléaire sera en effet nécessairement coûteuse, en raison des fermetures et du démantèlement de réacteurs et de l’indemnisation que l’État devra verser à EDF. Nous devons cette transparence et cette honnêteté à nos concitoyens. Nous leur devons la vérité.
Le manque de transparence du Gouvernement est également patent s’agissant du financement de la transition énergétique, qui aura, elle aussi, un coût certain. Comme je l’avais souligné lors de la première lecture, nous attendons toujours de la part du Gouvernement des informations relatives aux modalités de financement des mesures présentées dans ce texte. Or, à ce stade, nous sommes toujours dans le flou. À cet égard, le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture a accentué les incertitudes au lieu de les lever.
J’en veux pour preuve l’introduction, sur l’initiative du Gouvernement, d’une nouvelle disposition à l’article 5 quater visant à créer un fonds dénommé « Enveloppe spéciale transition énergétique » au sein du Fonds de financement de la transition énergétique, dont on peut s’étonner de l’apparition aussi tardive…
Nous ne connaissons pas exactement les ressources de l’enveloppe, qui doivent être définies en loi de finances. Nous n’en savons pas tellement plus sur son champ concret d’intervention ou ses modalités de gestion et de fonctionnement. Quels projets pourront être soutenus ? Pour quels montants ? Selon quels critères ?
En l’absence de telles précisions, il est demandé au Parlement de voter sur un dispositif obscur, dont on peut espérer qu’il ne constituera pas une nouvelle « coquille vide ». Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen de l’article ; j’espère que le Gouvernement pourra nous apporter les éléments d’information nécessaires.
Surtout, la commission des finances a souhaité se saisir sur ce texte en nouvelle lecture, parce qu’elle a jugé nécessaire de proposer le rétablissement de la refonte de la CSPE, que l’Assemblée nationale a malheureusement supprimée.
Nos collègues députés, tout en saluant le travail que nous avons accompli au Sénat, ont décidé de revenir à leur texte initial, estimant qu’il n’était pas « opportun d’engager à moitié ce chantier, alors que le Gouvernement a confié à plusieurs administrations une mission visant à identifier des pistes de réforme en vue du prochain projet de loi de finances ».
Je tiens à le rappeler, cette mission a été confiée aux inspections après notre proposition de réforme, et le rapport, qui était attendu pour la fin avril, n’a toujours pas été remis au Parlement. Je m’interroge donc : la demande de rapport constitue-t-elle réellement un progrès ou s’agit-il d’une manœuvre destinée à nous faire attendre six mois supplémentaires avant de procéder à la refonte de la CSPE ?
Il serait d’autant plus regrettable de ne pas agir tout de suite que la réforme de la CSPE intégrée au texte du Sénat en première lecture a fait l’objet d’un accord avec le Gouvernement – avec vous, madame la ministre – sur le taux de la contribution et le plafond des charges qu’elle compense !
D’ailleurs, madame la ministre, à l’issue du débat, vous-même vous étiez félicitée du travail accompli, en déclarant ceci : « Ainsi, me semble-t-il, nous sommes parvenus à un juste équilibre entre le pouvoir qui est celui du Parlement en matière de fixation des règles, en l’occurrence du plafond, et la nécessaire souplesse qui conduira ce même Parlement à redéfinir annuellement un seuil et, éventuellement, à le faire pour chacune des filières, sans que rien soit figé dans le présent projet de loi. »
De mon point de vue, une telle réforme est essentielle et urgente, au regard notamment de l’impératif démocratique et des enjeux juridiques et financiers qui s’attachent à la CSPE.
Je tiens à le souligner, la réforme a pour objet de permettre au Parlement de voter le taux d’un impôt qui rapporte 6 milliards d’euros par an, et bientôt le double, et qui représente déjà 15 % de la facture d’électricité des consommateurs. Actuellement, le taux de la CSPE est fixé par arrêté ministériel, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie. Cette situation n’est pas acceptable. Il est donc urgent d’agir sans attendre.
La commission des affaires économiques a ainsi fait œuvre utile en intégrant l’amendement de la commission des finances à son texte. Je tiens à l’en remercier vivement.
Mes chers collègues, j’espère vous avoir convaincus que nous ferions acte de courage et de responsabilité en adoptant cette réforme d’initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de citer les propos d’un autre : « Pour la première fois, l’humanité est en mesure d’anéantir sa propre espèce. » D’une manière moins pessimiste, on pourrait dire qu’il est bien moins coûteux d’agir dès maintenant que de ne rien faire, sur bien des plans et dans bien des domaines.
Madame la ministre, je vous remercie de la dynamique positive que vous impulsez, afin de nous doter d’une réelle capacité d’entraînement sur le plan mondial lors de la Conférence de Paris, au mois de décembre. En effet, comment serait-il possible d’entraîner d’autres nations si nous n’étions pas capables de nous fixer à nous-mêmes des objectifs à la hauteur des enjeux ?
Nous partageons avec vous l’ambition de faire de ce texte une grande loi, plus en avance que ce que prévoient les directives européennes et capable de favoriser l’avènement d’un nouveau modèle de développement porteur d’activités nouvelles et d’emplois durables.
Alors que les sirènes de l’urgence climatique se font de plus en plus stridentes, il faudrait être parfaitement irresponsable pour ne pas réagir et pour hésiter à impulser une nouvelle dynamique de transition.
Les événements climatiques et autres dérèglements nous imposent de bousculer les vieilles lunes pour gagner cette nouvelle bataille.
La planète Terre n’est pas menacée. Elle en a vu d’autres en 4,5 milliards d’années. Ce qui est menacé, c’est la biodiversité et, vraisemblablement, l’Humanité !
Ce texte tient le plus grand compte de l’urgence climatique. Il apporte la meilleure réponse qui soit, celle qui concilie écologie et économie en inventant un nouveau modèle, porteur de croissance et d’emplois.
Mes chers collègues, certains points d’achoppement que nous avons malheureusement rencontrés en première lecture nous ont amenés à nous abstenir…
M. Bruno Sido. C’est regrettable !
M. Roland Courteau. … sur un texte par ailleurs porteur de grandes avancées. Ils portaient sur des objectifs fondamentaux en première lecture. On peut craindre qu’ils ne soient autant de points durs pour cette nouvelle lecture.
Évoquons par exemple la question du nucléaire. Je constate que la majorité sénatoriale partage notre souci d’établir un meilleur équilibre au sein du bouquet énergétique, en acceptant de ramener la part du nucléaire à 50 %. Monsieur le rapporteur, vous êtes d'accord sur la pente, mais pas sur la date. Or il ne peut pas y avoir de feuille de route sans date ! Résultat : rien ne se passe !
Je le répète, au sein du groupe socialiste et républicain, nous ne sommes ni pour le « tout-nucléaire » ni pour la sortie du nucléaire. Nous recherchons un équilibre, une sorte de juste milieu qui garantisse les intérêts de la France en modifiant et en rééquilibrant progressivement notre modèle énergétique.
Une autre divergence est également apparue en première lecture sur les coupures d’eau pour non-paiement des factures. Nous restons cohérents avec notre position d’alors. À nos yeux, interrompre la fourniture d’eau, bien vital et de première nécessité, cela constitue non seulement une violence, mais également une humiliation. D’ailleurs, la récente décision du Conseil constitutionnel nous conforte sur ce point. Nous aurons l’occasion de revenir sur les réductions du débit de l’eau que proposent certains de nos collègues ; nous ne sommes pas d'accord.
Sur la distance d’éloignement des éoliennes par rapport aux zones d’habitation, nous recherchons, nous aussi, un équilibre entre certains problèmes sanitaires ou paysagers évoqués et le nécessaire développement de cette énergie. Je ne doute pas qu’il y aura un débat sur ce point. J’espère que nous saurons écarter toute disposition à caractère « éolicide » !
La réforme de la CSPE est un autre point dur entre nous. En l’occurrence, et après réflexion, nous préférons revenir sur notre position de première lecture : le Gouvernement devrait déposer en loi de finances pour 2016 un projet de réforme globale qui traitera aussi non seulement des énergies renouvelables, mais également des zones non interconnectées, des tarifs sociaux et du chèque énergie.
Certes, une réforme de la CSPE s’impose. Comme cela vient d’être souligné, cette contribution représente un montant de plus de 6 milliards d’euros et compte à hauteur de 15 % dans la facture d’un consommateur moyen. Si rien n’est fait, l’impact sera de 25 % en 2025.
Cela dit, je ne souhaite pas m’attarder uniquement sur les sujets qui fâchent.
Majorité et opposition se retrouvent sur un grand nombre d’objectifs volontaristes de ce texte que je ne rappellerai pas. Elles se retrouvent sur le tournant de l’économie circulaire et les mesures qui donnent à la France l’élan nécessaire vers cette économie différente où les déchets des uns peuvent constituer les ressources des autres. En effet, il est urgent de sortir du schéma linéaire : « produire, consommer, jeter ».
Madame la ministre, vous nous avez rassurés sur l’hydroélectricité et le renouvellement des concessions. Notre patrimoine ne sera pas sacrifié par une ouverture à la concurrence sèche, comme les gouvernements d’avant 2012 l’avaient envisagé. Les dispositifs que vous nous proposez sont autant de dispositions préservant les intérêts nationaux, tout en respectant le droit européen de la concurrence.
Par ailleurs, nous apprécions – et je reprends vos termes, madame la ministre – le socle « solide et irréversible » qui se met en place, notamment avec les territoires à énergie positive, ou TEPOS, véritables moteurs de la transition.
On évoque souvent la nécessaire instauration d’un prix du carbone sur les plans européen et mondial. C’est le signal attendu des acteurs économiques pour faire pencher la balance, dans les choix des investissements, du côté des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique et de la recherche.
Des signaux de prix clairs, sortes de boussoles, sont donc indispensables aux acteurs économiques pour définir leurs priorités en faveur de solutions bas carbone.
Madame la ministre, nous apprécions également que vous n’ayez point perdu de temps pour amorcer le mouvement de rénovation des 20 millions de logements, dont certains sont assurément des logements passoires.
Je pense au crédit d’impôt développement durable, ou CIDD, à 30 %, à l’écoprêt à taux zéro, au tiers financement ou encore aux certificats d’économie d’énergie en faveur des situations de précarité énergétique.
Vous avez raison d’affirmer que le « mur de l’argent » ne doit pas faire obstacle au lancement des travaux.
Faut-il également évoquer les mesures prises en direction des PME, avec les prêts verts de la Banque publique d’investissement, Bpifrance, ou des collectivités, avec le fonds de financement ? Faut-il mentionner le doublement du Fonds chaleur d’ici à 2017, donc la réduction de nos importations d’énergies fossiles ? Faut-il également insister sur la lutte contre les gaspillages alimentaires, avec les amendements de nos collègues députés Guillaume Garot et Marie-Hélène Fabre, la valorisation des déchets, les transports propres ou la mise en place d’un service civique ?
Oui, madame la ministre, le mouvement est lancé grâce à vous ! Ce texte d’avant-garde sonne le départ d’une révolution de la croissance verte et le début d’un basculement culturel de forte ampleur !
Par conséquent, et au nom du groupe socialiste et républicain, je salue l’esprit ambitieux et l’audace d’un texte qui nous donne rendez-vous avec l’Histoire, en espérant que le Sénat lui préservera toute sa force ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Excellente intervention !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est un texte important qui organise enfin en France une transition énergétique urgente, dans un pays qui a trop longtemps délégué ses stratégies énergétiques à quelques-uns, en dehors de tout débat collectif et démocratique. On oublie souvent que c’est pourtant un sujet qui agite notre pays depuis maintenant plusieurs années. C’est pourquoi le texte qui nous revient en nouvelle lecture est tout à fait historique : c’est la première fois que le Parlement passe autant de temps à discuter au fond des stratégies énergétiques. Pour ceux qui se rappellent l’histoire, même les promesses de François Mitterrand s’étaient soldées à l’époque par un faux débat d’une demi-journée au Parlement. Cette fois, nous avons eu un vrai débat !
Il ressort de nos discussions que le système énergétique français n’est pas durable. Nous devons faire face tout d’abord à un déficit très important de la balance extérieure en raison des importations d’énergies fossiles, notamment de produits pétroliers. Nous sommes ensuite confrontés à des émissions de C02 qui baissent assez lentement – nous avons été nombreux à évoquer les échéances sur le climat – à cause du développement particulièrement fort en France du transport routier. Le chapitre mobilité est un chapitre important de ce projet de loi. Par ailleurs, notre système électrique est dans l’impasse, avec une filière nucléaire en quasi-faillite et un grand opérateur historique qui a perdu cette année 4 milliards d’euros – c’est ce que nous a annoncé son président lors d’un petit-déjeuner avec le groupe énergie.
Il y avait donc urgence, et notre responsabilité de parlementaire était donc de nous lancer dans ce débat lucidement et sans tabou. Cela n’aura malheureusement pas été tout à fait le cas. Je reste, je vous l’avoue, toujours interrogatif sur les présupposés politiques qui empêchent un débat sérieux sur le nucléaire, une sorte de « nucléo-déisme », nourri d’intérêts immédiats ou d’une certaine idée d’une France aussi éternelle et irradiante qu’une barre de plutonium.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. On a le droit d’avoir des avis différents du vôtre !
M. Ronan Dantec. « Touche pas à ma centrale » reste donc le slogan du Sénat, et je m’en désole.
Une nouvelle fois, en commission, les rapporteurs l’ont rappelé, notre assemblée est revenue sur la date de 2025 pour la réduction à 50 % de la part du nucléaire et a tenté de retarder le débranchement de la première centrale en fin de vie, grand tabou du lobby qui craint plus que tout que, à partir du moment où l’on commence à éteindre les centrales, on y prenne goût. Je reconnais qu’ils n’ont pas tout à fait tort…
Tout cela est un peu de la posture sans grande conséquence puisque nous sommes en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire. Néanmoins, ce choix d’opposition systématique sur la question du nucléaire n’aura pas permis au Sénat d’avoir de l’influence sur l’ensemble du débat, ce que je regrette.
Quoi qu’il en soit, Mme la ministre l’a souligné, nous avons bien travaillé – je salue les deux rapporteurs et vos services, madame la ministre –, comme le prouve le maintien par l’Assemblée nationale de nombreux amendements qui ont été votés au Sénat. Je pense notamment aux chapitres liés à la rénovation et aux déchets où nous avons fait œuvre utile. Louis Nègre vient de le rappeler, nous avons créé une filière pour les bateaux de plaisance, qui n’était absolument pas envisagée au départ, et nous avons retravaillé positivement le texte sur ce point en nouvelle lecture. Je regrette simplement que la réhabilitation du parc privé, que nous avions votée ici, ait disparu en commission et que le Sénat ait un peu fait rimer immobilier et immobilisme.
Je serai plus prudent sur le développement du renouvelable, notamment de l’éolien terrestre, où une certaine hostilité s’exprime régulièrement dans cet hémicycle et a laissé quelques traces au cours de la navette.