M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Allizard, Baroin, Bas, Béchu, Bignon, Bizet et Bonhomme, Mme Bouchart, MM. Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Carle, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Danesi, Darnaud, Dassault et Delattre, Mmes Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et di Folco, M. P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa, J. Gautier, Genest et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Duvernois, Grand, Gremillet, Grosdidier, Grosperrin, Houel et Guené, Mme Hummel, MM. Huré, Husson et Hyest, Mme Imbert, MM. Joyandet, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lemoyne, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot et Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Pellevat, Pierre, Pillet, Pintat, Pinton, Pointereau, Poniatowski et Portelli, Mme Primas, MM. de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, D. Robert, Saugey, Savary, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vendegou, Vogel et Doligé, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Les sections 3 et 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier sont ainsi rédigées :
« Section 3
« De l’instauration d’un délai permettant aux salariés de présenter une offre en cas de cessation d’activité dans les entreprises de moins de cinquante salariés
« Art. L. 141–23. - Dans les entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322–1 du code du travail, la réalisation des formalités de radiation du registre du commerce et des sociétés ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification par l’employeur de son intention de mettre un terme à l’activité de l’entreprise ou de la société, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre pour la reprise de l’entreprise.
« La réalisation des formalités de radiation peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que les salariés ont informé le cédant de leur décision unanime de ne pas présenter d’offre.
« Art. L. 141–24. - L’employeur porte sans délai à la connaissance des salariés la notification prévue au premier alinéa de l’article L. 141–23, en les informant qu’ils peuvent présenter une offre de reprise de l’entreprise.
« L’information des salariés peut être effectuée selon tout moyen, notamment par voie d’affichage sur le lieu de travail.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations communiquées en application des dispositions qui précèdent.
« Art. L. 141–25. - La cessation d’activité est de nouveau soumise aux dispositions des articles L. 141–23 et L. 141–24 lorsqu’elle intervient plus de deux ans après l’expiration du délai prévu à l’article L. 141–24.
« Art. L. 141–26. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régie par les dispositions du livre VI.
« Section 4
« De l’information anticipée des salariés leur permettant de présenter une offre de reprise en cas de cessation d’activité dans les entreprises employant de cinquante à deux cent quarante-neuf salariés
« Art. L. 141–27. - En cas de cessation d’activité, il est instauré une obligation d’information anticipée permettant à un ou plusieurs salariés de l’entreprise ou de la société de présenter une offre de reprise.
« En même temps qu’il procède, en application des dispositions de l’article L. 2323–19 du code du travail, à l’information et à la consultation du comité d’entreprise, l’employeur porte à la connaissance des salariés son intention de mettre un terme à l’activité de l’entreprise ou de la société et leur indique qu’ils peuvent présenter au cédant une offre de reprise.
« Art. L. 141–28. - L’information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers.
« Les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s’agissant des informations reçues en application de la présente section, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les membres des comités d’entreprise par l’article L. 2325–5 du code du travail, sauf à l’égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre de rachat.
« Art. L. 141–29. - La cessation d’activité est de nouveau soumise aux dispositions des articles L. 141–27 et L. 141–28 lorsqu’elle intervient plus de deux ans après l’expiration du délai prévu à l’article L. 141–27.
« Si pendant cette période de deux ans le comité d’entreprise est consulté, en application de l’article L. 2323–19 du code du travail, sur un projet de cessation faisant l’objet de la notification prévue à l’article L. 141–27, le cours du délai est suspendu entre la date de saisine du comité et la date où il rend son avis, et à défaut jusqu’à la date où expire le délai imparti pour rendre cet avis.
« Art. L. 141–30. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables :
« - aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régie par les dispositions du livre VI ;
« - aux sociétés qui dépassent, à la clôture d’un exercice social, les seuils définissant les petites et moyennes entreprises prévus à l’article 2 de l’annexe à la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises. » ;
2° Le chapitre X du titre III du livre II est abrogé.
II. – L’article 18 de la loi n° 2014–856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est abrogé.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Afin de régler le problème du délai d’information préalable des salariés introduit par la loi relative à l’économie sociale et solidaire, dite « loi Hamon », et de sécuriser juridiquement, en urgence, les opérations de cession d’entreprise, le présent amendement vise à rétablir l’article 55 bis A dans la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture pour limiter le délai d’information préalable des salariés aux seuls cas de cessation d’activité du fait de l’absence de repreneur, ce qui est entièrement conforme à l’intention initiale du législateur, contenue dans l’exposé des motifs de la loi Hamon.
Dans beaucoup d’entreprises dont les dirigeants partent en retraite se posent des difficultés de transmission. Il est juste d’informer les salariés au cours du processus, mais pas à son démarrage. Cette phase appelle en effet beaucoup de négociations, qui requièrent de la confidentialité.
Pour cette raison, nous vous proposons de limiter cette disposition aux cas de cessation d’activité en l’absence de repreneur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. En première lecture, le Sénat avait créé à l’initiative du président Retailleau un article 55 bis A allégeant l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise. Nous nous accordions alors à considérer qu’en l’état, ce dispositif constituait un frein à la transmission d’entreprises, à rebours de l’objectif affiché initialement. Il introduisait en effet un risque pratique d’atteinte à la confidentialité des négociations de reprise, ce qui fragilisait considérablement la démarche, ainsi, surtout, qu’un risque contentieux d’annulation de la cession elle-même. Ce dernier paramètre, très important, avait conduit au dépôt de cet amendement.
Sur cette base, sans contrevenir à la règle de l’entonnoir, le Gouvernement a proposé devant l’Assemblée nationale d’adapter ce dispositif en reprenant les propositions formulées par notre collègue députée Fanny Dombre Coste à l’issue de la mission qu’il lui avait confiée.
Sans doute ces adaptations sont-elles insuffisantes, s’agissant d’un dispositif qui paraît intrinsèquement inadapté à la vie des affaires.
La commission spéciale s’est donc interrogée : était-il préférable d’engranger des évolutions allant, tout de même, dans le sens de nos vœux, en particulier concernant la suppression du risque de nullité de la cession, remplacée par une amende ? Au demeurant, l’opportunité des poursuites est laissée à l’appréciation du procureur de la République et le montant de l’amende, confié à la décision du juge.
Par l’amendement à l’origine de la création de cet article, nous avions supprimé toute sanction au défaut d’information des salariés.
Ce n’est pas totalement exact en droit ordinaire. En effet, les salariés auraient conservé la possibilité de solliciter l’indemnisation de la perte de chance dont ils auraient été victimes parce qu’ils n’auraient pas pu proposer une reprise. Notre texte ne prévoyait donc pas la suppression totale des sanctions.
Deux solutions s’offraient par conséquent à la commission. D’une part, nous pouvions engranger les modifications apportées au texte par l’Assemblée nationale, sous réserve de l’adoption de quelques amendements, rédactionnels ou autres, déposés en particulier par le groupe UDI-UC. D’autre part, nous pouvions considérer que le texte qui nous revient aujourd’hui ne saurait améliorer la compétitivité de nos entreprises.
Entre ces deux possibilités, la commission a choisi celle qui lui a paru la plus pragmatique : elle a accepté le texte de l’Assemblée nationale, puisqu’il comportait tout de même un certain nombre d’avancées. Nous prévoyons en outre l’adoption de quelques amendements de précision : or si vous votez l’amendement n° 43 rectifié, ils n’auront plus d’objet.
En conclusion, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, madame Gruny, et vous demande de bien vouloir le retirer. Je pense toutefois avoir expliqué très objectivement le dilemme qui peut se poser à la lecture de cet amendement et de ses motivations.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais d’abord revenir sur la motivation de votre amendement, puis expliquer, de manière synthétique, ce que le Gouvernement a cherché à faire lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, au travers de votre amendement, vous proposez de limiter le droit d’information des salariés aux seuls cas de cessation d’activité de l’entreprise. Cependant, vous définissez cette cessation d’activité par la radiation du registre du commerce et des sociétés, le RCS. Cela soulève une difficulté technique : la confusion entre radiation du RCS et cessation d’activité rend la procédure d’information des salariés quasi inopérante ou, du moins, inadaptée à tout besoin.
Je m’en explique. La cessation d’activité elle-même n’entraîne pas automatiquement la radiation du RCS : au contraire, elle est l’occasion d’une inscription spéciale à ce registre. En l’occurrence, la radiation du RCS constitue l’acte ultime avant la disparition de la personnalité juridique de l’entreprise. Aussi, vous proposez dans votre amendement d’informer les salariés deux mois avant cet ultime acte de décès de l’entreprise, si je puis m’exprimer ainsi.
De surcroît, dans le fil chronologique de la cessation d’activité, la radiation du RCS a lieu alors que l’entreprise, le plus souvent, a déjà licencié la plupart de ses salariés, n’a déjà presque plus de clients et de fournisseurs et n’est donc, de toute façon, plus en situation d’être reprise. L’approche adoptée dans votre amendement relève donc, à mon sens, d’une espèce de contournement. Allez donc plutôt au bout de votre logique, et supprimez toute forme d’information des salariés, quelle qu’elle soit ! En considérant que le droit d’information des salariés est couvert par un délai de deux mois avant la radiation du RCS, vous ne donnez la possibilité aux salariés, dont la majorité aura d’ailleurs déjà été licenciée, que de reprendre une entreprise qui aura cessé d’être viable.
Vous voyez bien qu’un problème technique se pose, à moins que cette mesure ne procède d’une démarche cynique, ce que je ne saurais supposer.
Dans ces circonstances, je vous recommanderai vivement de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable. Outre les raisons que je viens de rappeler, j’inscris cet avis dans la continuité des propos tenus à l’instant par M. le rapporteur.
Je voudrais à présent vous expliquer en quoi nous avons, dans cet article, amélioré le dispositif issu de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Celui-ci, considéré comme trop lourd, pouvait faire réagir certaines organisations patronales.
Tout d’abord, à la lumière des travaux rendus par Mme la députée Fanny Dombre-Coste, nous avons limité le droit d’information des salariés aux seuls cas de vente. Cela représente déjà, à mes yeux, une clarification importante : les cessions intragroupe et les cessions familiales ne sont plus couvertes par le droit d’information des salariés, ce qui constitue une correction de bon sens.
Ensuite, nous avons remplacé la sanction de nullité par un mécanisme d’amende civile plafonnée à 2 %, ce que les organisations patronales jugent raisonnable. Cela ne risque pas de menacer la viabilité de l’entreprise, alors que la nullité pouvait, quant à elle, condamner le repreneur à péricliter et était donc attentatoire à la soutenabilité de l’entreprise.
Enfin, nous avons rendu plus opérant le mécanisme même du droit d’information préalable. Il est certes toujours possible, et même nécessaire, d’informer les salariés par lettre recommandée deux mois avant la cessation d’activité. À ce dispositif s’ajoute désormais, dans la continuité de l’article 18 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, la possibilité de procéder à une réunion annuelle d’information des salariés, qui dispense l’entreprise de l’obligation formelle de la lettre recommandée.
Ce mécanisme exprime l’esprit suivant, que je pense nous partageons : il faut que, de manière régulière, se tienne dans une entreprise une discussion autour du projet entrepreneurial. (Mme Nicole Bricq opine.) À l’occasion de cette discussion, le chef d’entreprise informe les salariés de son souhait de cesser l’activité ou de céder l’entreprise. On peut alors constater l’existence, ou non, d’une volonté des salariés de reprendre l’entreprise. Cette manière de faire est la meilleure.
Ainsi, par les modifications apportées lors de la nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, nous avons largement allégé le formalisme initial qui était, je le reconnais, sans doute un peu excessif. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.)
Mme Nicole Bricq. C’est très bien !
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous sommes allés, par ces changements, dans le sens que souhaitaient certains sénateurs. Je pense à M. Daunis, qui avait d’ailleurs demandé que les rendez-vous triennaux alors prévus incluent une vraie formation continue des salariés. Nous ne sommes pas allés jusque-là ; cependant, en offrant aux chefs d’entreprise cette réunion annuelle, on leur donne la possibilité d’aller vers un vrai modèle de codétermination. (Mme Nicole Bricq marque sa satisfaction.)
On ne peut pas en effet citer chaque jour l’Allemagne comme exemple – votre majorité le fait, je le fais moi-même souvent, et le groupe socialiste peut le faire aussi – et considérer qu’on ne devrait prendre qu’une partie de ce modèle et pas le reste.
La codétermination est une coresponsabilité. Certains chefs d’entreprise l’expriment bien, et sans formalisme excessif. En effet, la dignité de leurs salariés passe à leurs yeux, entre autres choses, par un échange annuel au sujet des orientations à suivre, ce qui peut permettre à ces entrepreneurs de juger si les salariés ont la volonté de reprendre l’entreprise.
Tel est l’équilibre que l’Assemblée nationale a su trouver dans l’article 55 bis A, et je crois que c’est un bon équilibre. Il répond aux préoccupations exprimées par les plus petites entreprises : les discussions que le Gouvernement a eues avec le MEDEF et la CGPME l’ont montré.
On trouvera toujours des représentants d’un modèle français passé, que je n’ai jamais défendu. Pourtant, on ne peut pas, d’un côté, vouloir plus de flexibilité et, de l’autre, considérer que cela n’implique pas plus de responsabilité. Voyez-vous, c’est ainsi que l’on trouve de bons équilibres : on offre plus de flexibilité en échange de plus de responsabilité patronale. La CGPME l’a d’ailleurs reconnu dans les échanges que nous avons eus, parce qu’elle est porteuse de cet esprit.
Je crois donc qu’il ne faut pas revenir, à travers l’amendement que vous proposez, à un dispositif qui serait inopérant sur le plan technique et qui, surtout, dénaturerait à mon sens une véritable avancée qui, si on la fait vivre de manière simple et pragmatique, peut permettre de changer quelque peu notre fonctionnement productif.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. J’ai entendu Pascale Gruny indiquer, à raison, qu’elle maintenait son amendement. Notre groupe y tient beaucoup. Je voudrais faire quelques remarques très simples, pour que les choses soient claires.
Nous sommes un peu irrités de voir dit, à travers la presse, que le temps législatif est trop long. Regardez simplement cet exemple : on ne cesse de détricoter des textes qui ont été votés il y a moins de deux ou trois ans. Ainsi de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi Duflot », qui avait pourtant été votée avec un bel enthousiasme dans cet hémicycle : on en est sans doute au deuxième texte que le Gouvernement nous propose d’adopter pour la détricoter. Ainsi de la loi Hamon, dont nous avions dénoncé un dispositif : vous-même savez bien, désormais, qu’il faut revoir ce dispositif, monsieur le ministre, et vous avez reconnu que la nullité emportait une insécurité juridique qui était flagrante.
M. Bruno Retailleau. Il ne faut donc pas s’étonner que les lois soient trop lourdes quand on nous demande de voter des textes, que notre majorité sénatoriale refuse d’ailleurs d’adopter, pour ensuite revenir dessus.
Par ailleurs, on essaie de simplifier. Or que fait ce texte avec la loi Hamon ? Il crée encore un nouveau seuil, toujours de nouveaux seuils. Une fois de plus, on crée une complexité supplémentaire.
Je suis favorable au dialogue entre les salariés et les chefs d’entreprise. Ce dialogue marche beaucoup mieux qu’on ne le pense dans les PME. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.) Plus vous encadrerez ce dialogue, plus il risque de ne pas fonctionner.
J’attirerai enfin votre attention sur le fait que tant de bonnes intentions proclamées conduisent à l’enfer. Je vous le répète, nous tenons à cet amendement et, bien entendu, nous le voterons. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Cet article avait déjà donné lieu à une discussion en première lecture. Notre position sur le texte gouvernemental s’explique par la volonté de réussir les transmissions d’entreprise : de là découlent les dispositions que nous voulons mettre en œuvre. Ce n’est pas un modèle dépassé que de vouloir sécuriser et rendre performantes ces transmissions.
Or, en maintenant le dispositif que vous avez prévu, que va-t-il se passer ? Au mieux, les entrepreneurs les plus habiles sur le plan tactique vont acter une telle transaction par un compromis qui n’est pas un acte définitif, puis attendre deux mois pour l’officialiser. On va ainsi ralentir le rythme des transactions et des cessions d’entreprise au lieu de donner la souplesse nécessaire. En effet, ce qui est en cause, ce n’est pas l’information des salariés, c’est la diffusion de l’information sur la cession de l’entreprise à partir de l’information des salariés, c’est-à-dire au second degré et non pas au premier. Je crains que ce dispositif ne soit pas opérationnel ; je crains aussi qu’il ne ralentisse la procédure et ne fragilise les entreprises, dans un certain nombre de cas.
En ce qui concerne l’amendement déposé par mes collègues du groupe Les Républicains, et présenté par Pascale Gruny, je suis tout à fait d’accord avec cette rédaction, à une exception près. Comme je l’avais dit en première lecture, et comme vous l’avez dit très justement, monsieur le ministre, le délai de deux mois n’est pas un délai crédible. Lorsque l’on est à deux mois des formalités finales de radiation du RCS, l’entreprise est déjà en partie liquidée par appartements, les salariés licenciés, etc. Le délai doit donc être plus long que deux mois.
Je n’ai pas déposé de sous-amendement mais bien un amendement séparé, l’amendement n° 237 rectifié bis. Quoique animé de la même philosophie que celui de Mme Gruny, il porte le délai de deux à quatre mois. Cela me semble beaucoup plus raisonnable pour que les opérations puissent se faire dans des conditions d’information correctes à l’égard des salariés. En effet, compte tenu du temps d’informer les salariés, du temps qu’ils réagissent, du temps d’effectuer les formalités au greffe, le délai de deux mois, beaucoup trop contraint, n’est pas réaliste.
Mon amendement a donc pour objet non pas de modifier cet amendement, mais de le crédibiliser et de le renforcer.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne pense pas qu’il faille reprendre le long débat que nous avons eu à ce sujet en première lecture. J’ai bien noté que cet amendement a reçu la signature de quatre-vingt-six parlementaires du groupe Les Républicains. Parmi eux, on compte le président même du groupe, qui défend également la position visant à supprimer le compte pénibilité.
Vous dites que nous détricotons. Non ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous nous sommes aperçus de l’existence d’une difficulté. Sur ce sujet du droit d’information des salariés, vous ne pouvez pas accuser le Gouvernement de nier vous avoir entendu.
M. Jean-Claude Lenoir. Il fallait nous écouter !
M. Antoine Lefèvre. On l’avait dit !
Mme Nicole Bricq. Le Gouvernement a bien entendu qu’il y avait un problème ; il a essayé de le résoudre au mieux après avoir confié des travaux à une mission parlementaire. Voilà ce qui est aujourd’hui en débat. Le Gouvernement a entendu les critiques et a essayé de trouver les meilleures formules, alors que vous voulez tuer le droit d’information des salariés.
Sans reprendre les débats de première lecture, je rappellerai que nos visions de l’entreprise sont très différentes.
M. Éric Doligé. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. On est d’accord !
Mme Nicole Bricq. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi et du présent texte, une entreprise est un bien commun. Elle ne peut pas être confiée au capital seul. Elle comprend des salariés, qui la font vivre. D’ailleurs, je connais nombre de reprises d’entreprise par les salariés qui se sont très bien passées parce que ceux-ci ont été associés tout au long du processus par les détenteurs du patrimoine. Nous avons encore pu le constater au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises, présidée par notre collègue Élisabeth Lamure.
C’est une différence de fond que nous avons avec vous : vous, vous considérez que l’entreprise est un bien patrimonial, point à la ligne.
M. Jean-Marc Gabouty. Non !
MM. Jean-Claude Lenoir et Alain Gournac. Caricature !
Mme Nicole Bricq. Or ce n’est pas vrai ! Le ministre l’a souligné et on en a déjà parlé, le droit d’information que j’appelle continu, mais qui est plutôt régulier, permet aux salariés de partager une vision stratégique. C’est le résultat d’une coresponsabilité entre les salariés et ceux qui détiennent le patrimoine.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Dans les interventions précédentes, il a été fait référence aux intentions du législateur pour ce qui concerne la loi Hamon. À cet égard, je souhaite apporter un rectificatif.
Le problème n’était pas seulement de résoudre la transmission de l’entreprise en cas de cessation de l’activité. Cela a été rappelé, le débat a montré que l’on pouvait avoir des conceptions différentes de l’entreprise. Doit-on résumer l’entreprise à la personne qui détient l’essentiel des capitaux ? Peut-on considérer que la cession de l’entreprise peut mettre au même niveau le mobilier, l’immobilier, dans l’actif, et le personnel ?
Il nous paraissait important de différencier la démarche pour ce qui constitue souvent la principale richesse de l’entreprise, à savoir les salariés.
On peut se faire ici ou là des procès d’intention, mais ils étaient tout de même fondés par quelques réflexions que l’on a pu entendre sur l’entreprise.
Nous sentons une évolution de l’entreprise. Certes, on peut l’apprécier ou la regretter, mais le modèle de l’acte d’entreprendre est en mutation. Je ne reviendrai pas sur les propos de M. le ministre, que je partage.
Si je me place sur le strict plan de l’efficacité, nous constatons chaque année la destruction de dizaines de milliers d’emplois dans des entreprises rentables, même si la marge bénéficiaire est, certes, faible. L’intention du législateur était d’essayer de pallier cet extraordinaire gâchis !
En tant que rapporteur, j’avais effectivement introduit, comme M. le ministre l’a précédemment rappelé, une information un peu en continu, naturelle dans la vie de l’entreprise, une sorte de rendez-vous tous les trois ans. De même, j’avais souhaité mettre en place un dispositif de formation par le biais des chambres consulaires, les chambres de commerce et d’industrie ainsi que les chambres de métiers et de l’artisanat, afin qu’elles puissent donner une impulsion. Ces dispositions ont été adoptées : on a une sorte d’information en continu.
Or l’amendement que vous proposez tue complètement le dispositif que nous avons mis en place et que nous avons d’ailleurs fait évoluer. En effet, nous avions à l’époque reconnu…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc Daunis. Je termine mon propos, monsieur le président, mais jusqu’à présent, je n’étais pas encore intervenu dans le débat !
M. François Pillet, corapporteur. Ce n’est pas une raison ! On ne capitalise pas son temps de parole !
M. le président. La règle est la même pour tous, mon cher collègue !
M. Marc Daunis. Soit ! Je note simplement que, précédemment, M. le rapporteur a dépassé son temps de parole d’une minute, et j’estimais que c’était légitime eu égard au temps imparti. Mais je m’arrête là, je respecte le règlement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)