M. Marc Daunis. M. Macron est un grand cuirassé !
M. Alain Richard. Et M. Potemkine était un grand capitaine !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. En cela, monsieur le ministre, les frondeurs sont injustes avec vous : ils vous critiquent pour bien peu !
Au contraire, la commission spéciale, dont je remercie chacun des membres, s’est attachée à redonner un cap à ce texte. Je souhaite que nos débats permettent d’enrichir encore le travail du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous allons donc examiner en nouvelle lecture un texte qui n’a jamais rassemblé de majorité de gauche pour le soutenir.
À l’heure où le Gouvernement grec a fait le choix de mettre entre les mains de son peuple, par voie référendaire, les décisions majeures que le pays va devoir prendre, nous ne pouvons que dénoncer un déni de démocratie s’agissant de ce projet de loi.
Le déni de démocratie tient d’abord au fait que ce texte va à l’encontre du mandat qui avait été donné en 2012 à François Hollande par nos concitoyens.
M. Philippe Dallier. Mais c’est vieux, ça ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Bosino. Certes, mais c’est toujours valable, cher collègue !
Le déni de démocratie tient ensuite au fait que ce texte n’a pas été élaboré en lien avec les forces sociales, syndicats et associations qui font la richesse de notre pays, mais contre eux.
Le déni de démocratie tient enfin au fait que ce projet de loi, supposé « révolutionner » notre économie, n’a pu être voté par l’Assemblée nationale, bâillonnée par le recours au 49-3.
Ces derniers jours, notre pays a vécu de violents affrontements entre les chauffeurs de taxi et ceux d’UberPop. Si je fais un détour par ce sujet d’actualité, c’est que celui-ci incarne parfaitement le débat qui traverse notre société et se cristallise dans votre projet de loi. Qu’est-ce donc qu’UberPop, sinon la traduction d’une volonté de casser le droit social, d’institutionnaliser la fraude fiscale et d’instaurer une concurrence sauvage en nivelant par le bas les conditions de travail ? Sans statut légal, sans protection sociale ni la moindre retraite, chacun serait « libre » de travailler quinze heures par jour jusqu’à la fin de sa vie, en bon prestataire de services rémunéré à la tâche. Voilà le modèle que défend l’entreprise UberPop, au nom d’un ultralibéralisme décomplexé. À cet égard, il faut espérer que les procédures qui ont été engagées aboutiront ! Or c’est la même logique qui sous-tend le texte dont nous débattons aujourd’hui. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la droite s’y reconnaît si bien au final…
Mme Nicole Bricq. Pas vraiment !
M. Jean-Pierre Bosino. Vous le savez, monsieur le ministre, notre désaccord avec votre politique ne relève pas d’une posture. Nous refusons la logique et l’idéologie qui vous animent. Nous refusons l’instauration d’une société où l’intermittence serait érigée en modèle social et le salariat réservé à une élite « talentueuse », pour reprendre les propos de M. Attali.
Nous ne croyons pas que l’on puisse « librement » travailler de nuit ou le dimanche quand on en connaît les conséquences sur la santé, les relations sociales et familiales. Nous sommes convaincus – c’est une question de réalisme – que les salariés qui ne souhaitent pas travailler le soir et le dimanche y seront de toute façon contraints pour conserver leur emploi.
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bosino. Comment croire, enfin, que faciliter les licenciements, individuels et collectifs, pourra enrayer le chômage et relancer notre économie ? Les politiques de flexibilisation et de réduction du prétendu « coût du travail » se succèdent depuis trente ans sans produire aucun effet positif sur l’emploi.
Ce que vous proposez, à la grande satisfaction de Pierre Gattaz, c’est une généralisation de la précarité, une remise en cause du code du travail,…
M. Jean-Claude Lenoir. C’est aussi ce que suggère M. Badinter !
M. Jean-Pierre Bosino. … sans aucune réelle mesure de relance, aucun élément d’amélioration des conditions de vie et du pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Ainsi, le texte prévoit désormais le plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif. Cela marque la fin de la possibilité, pour chaque salarié, d’obtenir réparation intégrale du préjudice subi, ce qui est pourtant un principe fondamental du droit. Plus encore, c’est tourner le dos à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, que la France a pourtant ratifiée, ou au principe de la réparation intégrale du préjudice posé par la Convention européenne des droits de l’homme. Pis, vous justifiez cette mesure en vous appuyant sur les contre-vérités répandues par la droite, selon lesquelles la France souffrirait d’un recours excessif aux procédures judiciaires ou connaîtrait une explosion du contentieux prud’homal. Pour reprendre la formule du Syndicat des avocats de France, « bienvenue dans un monde de violation programmée des règles du droit du licenciement fondé sur la promesse paradoxale et mensongère que moins sanctionner les licenciements abusifs créera de l’emploi » !
Au reste, ces reculs se constatent dans bien d’autres domaines. En effet, comment croire que l’instauration de lignes de cars privées est une mesure de progrès, alors qu’elle est destinée, vous l’avez dit vous-même, aux jeunes de condition modeste et que, dans le même temps, nombre de trains d’équilibre du territoire seront supprimés ?
Par ailleurs, le projet de loi renonce encore davantage à toute politique industrielle et rompt définitivement avec la notion d’État stratège. Après la privatisation des aéroports, vous avez récemment annoncé la cession de 0,9 % du capital d’Engie, soit 372 millions d’euros d’actions, pour réduire le déficit public et, prétendument, investir dans les secteurs porteurs. Chaque année, les participations de l’État procurent 4 milliards d’euros de dividendes à notre pays. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoyait 4 milliards d’euros de cessions, sur les 110 milliards d’euros d’actifs de l’État, mais vous avez décidé d’aller encore plus loin. Dans le même temps, vous confirmez et renforcez le principe des « actions gratuites ».
En conclusion, rien dans ce projet de loi ne mérite d’être soutenu par le groupe communiste républicain et citoyen, au nom des vraies valeurs de gauche que nous défendons. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Nous n’avons pas la même définition des mots « équilibre » et « contrôle ».
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Bosino. Lors de la première lecture, nous avons cherché à mettre en avant des propositions alternatives, à montrer qu’une autre politique est possible. Nous abordons cette nouvelle lecture dans le même état d’esprit, en espérant susciter un écho parmi celles et ceux qui, dans cette assemblée, entendent agir pour plus de justice sociale et d’efficacité économique. Plus que jamais, nous voulons faire émerger une autre société, où l’économie sera mise au service des femmes et des hommes de ce pays, à l’opposé de ce qui se pratique aujourd'hui. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour la dernière étape de ce qui aura été un véritable marathon législatif. (Sourires.)
Vous connaissez désormais la position nuancée du groupe RDSE sur le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. On peut avoir des désaccords de fond avec l’auteur de ce texte, mais on ne peut pas lui reprocher d’avoir ménagé ses efforts ou sa présence parmi nous ni d’avoir manqué d’audace. Nous reconnaissons et louons l’initiative d’avoir élaboré un texte ambitieux, qui cherche à faire « bouger les lignes » et à sortir de l’immobilisme, pour aller dans la bonne direction, la seule qui vaille pour notre pays : celle du retour de la croissance et de la récupération de marges de manœuvre à tous les niveaux de notre économie.
Certaines de nos propositions adoptées en première lecture ont été maintenues, notamment en matière de vie des entreprises ou d’urbanisme, comme l’élargissement de la composition de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Ensemble, nous contribuons à simplifier la vie de nos concitoyens et à débloquer notre économie.
À la fin de la première lecture, la Haute Assemblée a adopté, sous l’égide des corapporteurs et des membres de la commission spéciale, un texte de meilleure facture que celui issu de l’Assemblée nationale. (Marques d’approbation au banc de la commission spéciale.) Cela démontre, une fois de plus, la qualité du travail sénatorial, même si cela n’a pas suffi pour faire aboutir la commission mixte paritaire, dont l’échec, il est vrai, est peu surprenant.
Cependant, au terme de six mois de travaux législatifs, des points cruciaux restent en discussion. Je pense, en particulier, au chapitre sur les professions réglementées, sur lequel le président de notre groupe, Jacques Mézard, s’est beaucoup investi et qui constitue à nos yeux probablement la partie la plus discutable du projet de loi. Notre position dans ce domaine n’a pas varié : nous restons plus que réservés sur les principales dispositions, qui risquent de dénaturer l’exercice de ces professions et d’éloigner celles-ci de leur mission d’intérêt général.
Nous sommes, monsieur le ministre, des fantassins de l’ancrage territorial. À ce titre, nous estimons que les avocats, notaires, huissiers et autres greffiers des tribunaux de commerce ont un rôle essentiel à jouer dans le maillage et l’animation des territoires. C’est pourquoi nous nous inquiétons, par un vieux réflexe humaniste, de l’ascendant que l’adoption de ce texte donnerait au monde du chiffre sur celui du droit, bouleversement qui va de pair avec une vision par trop technocratique et parisienne des choses, conjuguée à une influence de plus en plus forte du système anglo-saxon.
Nous continuons de déplorer l’adoption de mesures relatives à la liberté d’installation des avocats qui risquent d’aggraver les déserts juridiques et d’entraîner une perte de matière grise dont les territoires ruraux ou hyper-ruraux seront, une nouvelle fois, les premières victimes. La postulation des jeunes avocats aux tribunaux de grande instance préservait un équilibre et nous regrettons sa remise en cause. Cette nouvelle lecture sera l’occasion de défendre haut et fort nos positions dans ce domaine !
Nous avons également quelques réserves à formuler sur le poids donné à certaines autorités administratives indépendantes. Je pense en particulier à l’Autorité de la concurrence, qui se voit confier, selon nous, trop de prérogatives, assorties d’un contrôle très insuffisant.
La déréglementation des transports est un sujet d’inquiétude supplémentaire dans la mesure où elle favorisera les régions dotées des meilleurs atouts, au détriment des territoires plus ruraux et enclavés.
Enfin, certains membres de notre groupe maintiennent leurs fortes réserves sur la réforme de la justice prud’homale et, plus généralement, sur celle du droit du travail. C’est pourquoi nous défendrons de nouveau des amendements sur tous ces sujets.
Au terme de la première lecture, la majorité des membres de notre groupe ont jugé sage de s’abstenir. À l’issue de cette nouvelle lecture, en fonction de la tournure des débats, nous prendrons notre décision. Nous espérons très sincèrement pouvoir alors nous prononcer en faveur du nouveau texte.
Monsieur le ministre, si, comme je l’ai dit en première lecture, dans le Macron, tout n’est pas bon, mais tout n’est pas mauvais, il peut encore être amélioré ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Monsieur le ministre, on pourrait se demander pourquoi vous manifestez un tel empressement à faire adopter ce texte de loi, au point de recourir par deux fois au 49-3, ce qui montre une absence de soutien dans votre propre majorité et le peu de considération du Premier ministre pour le débat parlementaire et le débat démocratique en général. L’Assemblée nationale est déjà loin de représenter l’ensemble des Français ; si, en plus le Gouvernement la musèle… Il est bien beau de donner des leçons de républicanisme et de démocratie à tout bout de champ, mais il faudrait commencer par les mettre en pratique !
Vous nous dites que la discussion a été longue. Cela est normal s’agissant d’un texte fourre-tout, mélangeant tous les sujets quand chacun d’entre eux mériterait un texte spécifique ! Vous nous dites que les Français veulent que l’on aille vite. Sur ce point, je ne suis pas sûr que vous ayez bien compris le message adressé par les Français lors des dernières élections : s’ils veulent qu’on aille vite, ce n’est pas vraiment dans cette direction ! D’ailleurs, pourquoi aller si vite ? Peut-être pour que les enfants du Premier ministre puissent utiliser les nouvelles lignes d’autocar pour partir en vacances, plutôt que les avions de la République ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Plus sérieusement, en réalité, la seule et unique raison qui vous pousse, monsieur le ministre, à aller vite, c’est qu’on vous le demande, ce « on » ne désignant absolument pas les Français, comme vous essayez de le faire croire, mais, bien évidemment, la Commission européenne ! En effet, vous avez en quelque sorte mis l’adoption de ce texte en gage : vous l’avez promise à la Commission européenne pour qu’elle se montre conciliante à l’égard des dérapages budgétaires de la France.
Ces mesures sont donc dictées par la vision libérale, mondialiste que l’Union européenne tente de nous imposer depuis des décennies, malgré l’avis des peuples, voire contre lui ! Dois-je rappeler que nous célébrons cette année les dix ans du « non » des Français au référendum sur le traité établissant une constitution européenne, ce « non » bafoué par M. Sarkozy et le Parlement, au travers de ce qui fut l’une des plus graves atteintes à la démocratie dans l’histoire moderne !
S’il faut reconnaître que, dans une loi fourre-tout, on peut toujours trouver des aspects positifs, ce texte représente globalement le modèle de société que l’Union européenne veut imposer aux peuples des nations d’Europe. La grande majorité de ces mesures sont au service de l’économie et des financiers, et non au service du bien commun et des hommes !
Il s’agit de mesures qui accroissent la financiarisation de notre société, de notre économie et de notre droit. Je pense aux professions réglementées, auxquelles vous imposez le modèle anglo-saxon.
Il s’agit de mesures qui affaiblissent les services publics. Je pense à l’ouverture à tout-va de lignes d’autocar – ce qui, soit dit en passant, n’est pas très écolo ! – venant concurrencer les lignes SNCF payées depuis des décennies par les Français, mais aussi à la privatisation des sociétés de gestion des aéroports de Lyon et de Nice, également financés par les contribuables.
Il s’agit de mesures qui accentuent le consumérisme illimité et détruisent les commerces de proximité. Je pense à l’ouverture dominicale. Non, monsieur le ministre, ce n’est pas en envoyant les Français dépenser le dimanche dans des magasins l’argent qu’ils n’ont pas, de surcroît pour acheter des produits fabriqués la plupart du temps à l’étranger, que vous allez améliorer le « vivre ensemble » et la cohésion sociale !
Plus grave encore, il s’agit de mesures qui restreignent encore un peu plus notre souveraineté et notre indépendance. Je pense au désengagement de l’État du groupe Nexter pour réaliser la fusion avec l’allemand KMW, marquant la fin de notre indépendance en matière d’industries de défense !
Ce texte – c’est sans doute pour cette raison que vous avez du mal à trouver dans votre propre camp des parlementaires disposés à le voter – relève d’une soumission à la vision ultralibérale et financière que veut nous imposer l’Union européenne. Certes, ce ne sont pas encore les grandes mesures rêvées par Bruxelles,…
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Rachline !
M. David Rachline. … mais ce sont les prémices de la grande politique de soumission à Bruxelles, qui demandera des sacrifices toujours plus importants aux Français et dont l’ultime objectif est de faire disparaître notre modèle social, notre histoire, notre souveraineté, bref de faire disparaître la nation française ! (Huées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Annie David. On ne vous a pas vu en première lecture !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi revient au Sénat alors que l’attention est mobilisée par le sort de la zone euro et que l’opinion est préoccupée par une nouvelle vague d’attentats. Peu s’intéresseront à nos débats. Nous allons néanmoins faire notre travail de parlementaires ; la question est de savoir quel travail nous allons réaliser.
Faut-il rappeler que cela fait bientôt six mois que nous débattons de ce texte ? Nous avons examiné des milliers d’amendements. Il faut avancer, il n’est que temps d’amplifier une reprise qui est bien là, avec une croissance modeste mais réelle, une consommation qui se maintient, une très légère amélioration en matière d’investissement et, surtout, une très significative remontée des marges des entreprises. Le pacte de responsabilité commence à porter ses fruits : ce n’est donc pas le moment de temporiser, d’autant que le texte qui nous est soumis aujourd’hui a été bien travaillé par la commission spéciale de l’Assemblée nationale. Sur certains points importants, à partir de la rédaction du Sénat, des compromis ont pu se dégager, des solutions ont pu être trouvées. Je citerai quelques exemples de ces avancées.
L’open data dans les transports, dispositif issu des travaux du Sénat, a été amendé à l’Assemblée nationale, sans remise en cause sur le fond.
L’amendement de Mme la rapporteur Estrosi Sassone relatif aux cessions de fréquences a été rétabli par adoption d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale.
Pour les réseaux de distribution, le compromis qui a été trouvé satisfait les groupes coopératifs. Madame la rapporteur, vous avez souhaité ce matin, en commission spéciale, aller plus loin en faisant droit aux revendications des franchisés. Il s’agit là – il faut assumer ce fait – de satisfaire une revendication catégorielle. Je comprends votre position et je la partage, mais je crains que cette mesure ne survive pas à la dernière lecture du texte par nos collègues députés, dont la volonté doit être prise en compte.
Le débat parlementaire a permis de clarifier la solution initialement proposée en matière d’injonction structurelle.
Le volet relatif à la numérisation a été enrichi à partir du travail sénatorial. Le ministre a tenu l’engagement qu’il avait pris ici, au Sénat : il a convoqué les opérateurs, lesquels se sont engagés par convention à couvrir les zones blanches au-delà des centres-bourgs. Le montant des investissements programmés s’élève à 800 millions d’euros.
Dans le domaine des professions du droit, pour tenir compte des exigences du Sénat, des garanties nouvelles ont été apportées aux sociétés interprofessionnelles, sous forme de l’octroi d’une sorte de droit de veto à chaque membre des conseils d’administration représentant une profession.
Pour les tribunaux de commerce spécialisés, l’Assemblée nationale a tenu compte des rédactions adoptées par le Sénat et des préoccupations exprimées par les juges consulaires.
S’agissant des notaires, et comme le ministre l’avait annoncé au Sénat, le système des remises a été revu. Même si le caractère fixe pose encore problème à la profession, celle-ci ne conteste plus le principe de la taxe, bien que son assiette ne fasse pas consensus.
Autre point important, l’Assemblée nationale a repris l’amendement « Google » relatif aux moteurs de recherche et a encadré les plates-formes. Mme la rapporteur a complété ce matin la rédaction de l’Assemblée nationale. Nous aurons une discussion sur ce sujet, puisque Mme Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, présentera sa propre version du dispositif.
À la suite de la remise des conclusions du rapport de la députée Dombre-Coste, des améliorations importantes ont été apportées au titre du droit d’information des salariés en cas de reprise. La commission spéciale n’a rien trouvé à redire à la formulation de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement a su régler intelligemment le sort de la disposition relative à la publicité au sujet des boissons alcoolisées introduite par notre collègue César.
Le rapporteur de la commission spéciale de l’Assemblée nationale a ouvert la possibilité, pour les établissements de moins de onze salariés, de recourir à une consultation des salariés sur les contreparties prévues pour le travail dominical.
La discorde au sujet du compte de prévention de la pénibilité s’est éteinte ici même au début du mois de juin, grâce aux dispositions introduites, à la suite du rapport Sirugue-Huot, dans le projet de loi relatif au dialogue social, que nous venons d’adopter.
Dans le même temps, le 9 juin, le Premier ministre a présenté des mesures pour développer l’activité des TPE et des PME. Certaines des dispositions adoptées en commission spéciale à l’Assemblée nationale ont été confirmées par la majorité sénatoriale : c’est le cas du dispositif relatif aux indemnités de licenciement en cas d’absence de cause réelle et sérieuse. Le Sénat avait introduit au départ un plafonnement des indemnités à douze mois de salaire, quelle que soit la catégorie d’entreprise. Sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a pris en compte les deux critères de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise, en fixant un plancher et un plafond suffisamment hauts.
Le dispositif de lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs afin de garantir des pratiques concurrentielles loyales a fait l’objet d’une approbation par la commission spéciale du Sénat. Le donneur d’ordres sera désormais réputé coresponsable des infractions éventuelles de ses sous-traitants, ce qui constitue une très importante avancée du droit.
Eu égard à tous ces points positifs, nous avons été surpris d’une certaine obstination des rapporteurs à revenir –encore – à leurs positions de départ.
Madame Estrosi Sassone, croyez-vous que les plus modestes de nos compatriotes et les jeunes vont se mobiliser au sujet du kilométrage entre deux arrêts de car ? Bien sûr que non ! Ce qu’ils veulent, c’est voyager librement, au moindre coût et le plus vite possible !
Madame Deroche, croyez-vous sincèrement que vous agissez pour la croissance et l’attractivité de notre pays quand vous démolissez l’équilibre de la position du Gouvernement sur le travail du dimanche ? Vous bloquez tout en réintroduisant la décision unilatérale de l’employeur, non seulement, comme vous l’aviez fait en première lecture, en dessous de onze salariés, mais pour tous les commerces ! Vous généralisez le champ de la disposition.
Quant à M. Pillet, il récrit les articles relatifs aux professions réglementées avec une certaine application, n’hésitant pas à reprendre des amendements qui n’ont pas survécu à la première lecture, tout en reprochant à ses collègues de représenter en deuxième lecture des amendements qui n’ont pas été adoptés en première lecture !
Je vais redire en latin les propos que j’ai tenus ce matin en français lors de la réunion de la commission spéciale : Nemo auditur proprium turpitudinem allegans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
En adoptant cette attitude, les rapporteurs prennent un double risque : celui de débordements de la majorité sénatoriale sur des points politiquement sensibles, tels les seuils sociaux ou, une fois encore, le compte pénibilité, et celui de la formation d’une majorité improbable unissant des contraires, par exemple sur la question du permis de conduire. Nous avons vu cela lors de la première lecture.
Mes chers collègues, le groupe socialiste et républicain n’a déposé aucun amendement,…
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !
M. François Pillet, corapporteur. C’est donc que le texte est bon !
Mme Nicole Bricq. … le Gouvernement non plus. Nous avons la volonté de privilégier l’essentiel, c'est-à-dire accélérer la croissance et restaurer la confiance.
La majorité sénatoriale ne peut s’exonérer de sa responsabilité en se réfugiant derrière le recours au 49-3 à l'Assemblée nationale. C’est nier le travail accompli par nos collègues députés en commission spéciale. Le document qui le retrace compte plus de 400 pages !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il n’y a pas eu de débat en séance publique !
Mme Nicole Bricq. Monsieur Pillet, vous en avez appelé à l’esprit de réforme et déploré que des lois successives viennent modifier les dispositifs adoptés. Je vous rappellerai cette formule de Montesquieu : « La loi se corrige elle-même. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je vous rappellerai également le précédent de la réforme de la taxe professionnelle, sur laquelle il a fallu revenir à quatre reprises, de loi de finances en loi de finances rectificative. Elle n’a cessé d’être modifiée avant d’être finalement adoptée. La réforme que constitue ce projet de loi se fera aussi, pour le bien des Français, de nos entreprises et de leurs salariés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, après un nouveau recours à l’article 49-3 de la Constitution à l’Assemblée nationale, le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques nous est une nouvelle fois soumis. Si nos débats durent trois semaines, comme en première lecture, cela nous amènera au 14 juillet… Eu égard au recours au 49-3 et au sort qui sera sans aucun doute finalement réservé aux amendements qui ont été déposés, peut-être pouvons-nous nous épargner cette peine, même si nous avons eu beaucoup de plaisir à examiner ce texte en première lecture.
M. Marc Daunis. Il faut aller à l’essentiel !
M. Jean Desessard. Beaucoup a déjà été dit sur l’engagement de la responsabilité du Gouvernement à propos d’un tel texte. N’aurait-il pas été plus simple de découper ce projet de loi en plusieurs volets, selon les principales thématiques abordées ? Cela aurait permis une plus grande continuité de travail et favorisé la participation aux débats. La question reste ouverte. J’ajoute qu’il y a en quelque sorte un jeu de navette entre le texte du Gouvernement, quelque peu modifié par l’Assemblée nationale, et celui du Sénat. Notre travail s’en trouve ainsi compliqué.
Disons-le d’emblée, les écologistes n’étaient pas et ne sont toujours pas favorables aux mesures contenues dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, même si, monsieur le ministre, nous avons apprécié l’adoption de quelques amendements environnementaux par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. En effet, le projet de loi prévoit de déverrouiller un certain nombre de secteurs, dans l’objectif affiché de créer de l’activité, donc de trouver le Graal de la croissance. Ouverture de lignes privées d’autocar, liberté d’installation et regroupement des professions réglementées, simplification du droit de l’environnement, ouverture facilitée des commerces le dimanche et la nuit : telles sont les grandes réformes proposées.
Nous, écologistes, ne souscrivons pas à l’analyse présentée à l’appui du texte. Nous considérons que ces réformes se traduiront par un recul pour les salariés, pour les consommateurs, pour les acteurs des secteurs concernés, sans pour autant engendrer un surplus d’activité notable. (Mme Nicole Bricq le conteste.) Nous en reparlerons, madame Bricq, et nous verrons si la mise en œuvre de ce texte suscite une progression notable de la croissance et de l’activité. Nous estimons pour notre part que certaines dispositions considérées par certains comme des obstacles représentent souvent des garanties, voire des moteurs du développement économique.
À ce titre, l’article 29 est parfaitement emblématique. Supprimé en première lecture au Sénat, puis réintroduit à l’Assemblée nationale, il prévoit que, sur une très grande partie du territoire, y compris dans les parcs naturels régionaux et nationaux, la démolition des bâtiments dont le permis de construire aura été annulé par une décision de justice ne sera plus possible. En d’autres termes, le Gouvernement est prêt à sacrifier le cadre de vie pour relancer l’activité dans le bâtiment ! Nous considérons au contraire que l’environnement est un pilier majeur du développement économique durable, sur lequel il n’est pas possible de transiger.
Monsieur le ministre, mesurez-vous la portée de cet article ? Il permettra à celui qui aura fait construire un bâtiment illégalement de passer outre une décision de justice. Une telle disposition ne peut qu’encourager les activités illégales ! Je ne comprends vraiment pas l’intérêt d’un tel article.
Il faut pourtant reconnaître que le Gouvernement encadre la plupart des réformes contenues dans le projet de loi en prévoyant des contreparties, telles que l’obligation d’un accord collectif pour l’ouverture des commerces le dimanche.
Le texte tendait donc à un certain équilibre, mais la majorité sénatoriale a rompu ce dernier en introduisant ses propres réformes, comme la remise en cause des 35 heures avec les accords de maintien dans l’emploi « offensifs », l’instauration de trois jours de carence dans la fonction publique ou encore la réintroduction du projet CIGEO de centre industriel de stockage géologique de déchets nucléaires. Sur ce dernier point, au moins sommes-nous prévenus : si cette disposition est examinée à 5 heures du matin, je demanderai cette fois un scrutin public ! (Sourires.)
Si le texte issu de l’Assemblée nationale est d’inspiration sociale-libérale, celui du Sénat s’est largement affranchi du social, pour ne garder que le libéral. Nous sommes conscients que le travail qu’effectuera le Sénat sur ce texte ne sera pas repris par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous n’avons déposé que dix-sept amendements, ce qui est peu. Nous tenions toutefois à le faire pour rappeler nos positions principales et par respect envers le bicamérisme, auquel nous sommes attachés.
En conclusion, sauf modification surprise, notre position sera la même qu’à l’issue des débats en première lecture, puisque le texte reste globalement identique. Nous voterons contre ce projet de loi.