Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je suis moi aussi étonné par votre amendement, surtout quand vous le déposez dans le cadre d’un projet de loi qui contient dans son titre les mots « dialogue social », ce qui laisse à penser que, pour vous, le mot « dialogue » est important. Vous auriez peut-être déjà dû commencer par « dialoguer » avec l’ensemble des parlementaires…
Sur le contenu de l’amendement, on peut se poser la question, comme l’ont fait les intervenants précédents, d’une surreprésentation des grandes entreprises, même s’il n’est pas complètement idiot de tenir compte du nombre de salariés. Pour une grande entreprise, il est très simple d’adhérer à une organisation patronale ; en revanche, c'est plus difficile pour des petites entreprises. Par conséquent, ces dernières sont forcément sous-représentées. À cela s’ajouterait la prise en compte du nombre de salariés.
Cela étant, je n’ai pas eu le temps d’examiner l’impact de votre amendement, je n’irai donc pas plus loin, car vous avez visiblement davantage étudié la question que moi et vous finiriez par trouver une faille dans mon raisonnement. J’indique simplement que j’ai reçu des mails de certaines organisations patronales qui n’auraient pas été consultées. Si vous les aviez entendues, vous auriez intégré votre mesure dans le projet de loi initial. Or vous nous la présenter maintenant, dans l’urgence. Une consultation a-t-elle eu lieu ? Qui a été consulté ? Reconnaissez que c'est une modalité quelque peu particulière de dialogue social…
La question de la représentation est importante – c’est le cas aussi pour les parlementaires. Or nous allons la traiter en une dizaine de minutes. Madame la rapporteur, vous auriez dû demander la réunion de la commission.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Nous avons examiné cet amendement en commission ce matin !
M. Jean Desessard. C’est vrai que je suis arrivé en retard…
Je me demande quand même pourquoi vous en remettre à la sagesse du Sénat, alors qu’il semble y avoir une opposition plus ou moins formelle à cet amendement. Normalement, c'est quand on n’est pas parvenu à dégager une position qu’on adopte une position de sagesse.
Même si je n’ai pas assisté à la discussion de ce matin, il me semble que le temps nous a manqué pour examiner cet amendement. Dans ces conditions, je ne le voterai pas.
M. Jean-François Longeot. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Mes chers collègues, cela va peut-être vous déplaire, mais Montesquieu écrivait dans L’esprit des lois que la loi peut se réformer elle-même. C'est ce que nous faisons ce soir ! D’ailleurs, mieux vaut que cela se passe dans le cadre du débat parlementaire en séance publique, même s’il n’y a pas beaucoup de spectateurs – le compte rendu relatera nos débats –, plutôt que de laisser au Gouvernement le soin d’agir par décret.
Si nous discutons depuis trois jours, et encore pour quelques heures, c'est parce que la négociation a échoué. Le Gouvernement a donc pris ses responsabilités. Je rappelle que la négociation a capoté en raison d’une surenchère patronale. Reste que le législateur n’est pas là pour arbitrer entre les organisations patronales.
M. Jean Desessard. Si, quand elles ne sont pas d’accord !
Mme Nicole Bricq. J’ai moi aussi reçu le communiqué présentant l’argumentation des organisations patronales. J’ai remarqué qu’il émanait de quatre de ces organisations, mais qu’il en manquait une. Tout le monde a compris qu’il s’agissait du MEDEF.
Je ne suis pas là pour défendre le MEDEF, mais il n’a rien à voir avec le CAC 40. Je trouve que l’argument était franchement caricatural. Nous savons qu’il y a une petite concurrence entre les organisations patronales, mais nous ne sommes pas là, je le répète, pour régler ce problème.
M. Gabouty nous a lu leur communiqué en évoquant les entreprises non délocalisables, celles qui créent des emplois en France… Je voudrais dire, très sincèrement et avec conviction, qu’il ne faut pas oublier que, depuis Colbert, le capitalisme français est vertical – les Allemands raisonnent à l’horizontale – et que nous avons besoin de toutes les entreprises : les grandes, les petites et les toutes petites. Les grandes sont des flagships qui entraînent avec elles toute une filière à travers le monde entier. Aussi, il ne faut pas chercher à opposer les unes aux autres.
Le 9 juin dernier, le Premier ministre a présenté, conjointement avec le ministre du travail et celui de l’économie, une série de mesures dont certaines figurent dans ce texte et d’autres dans le projet de loi que nous examinerons la semaine prochaine. La CGPME a publié un communiqué pour s’en féliciter. Alors ne dites pas que le Gouvernement, la majorité qui le soutient et l’opposition sénatoriale ne sont pas favorables aux petites et moyennes entreprises ! Je le répète, nous avons besoin de tout le monde.
Le Gouvernement a présenté un amendement que la commission a examiné ce matin. On peut toujours dire qu’il a été déposé trop tard, mais je rappelle que le Gouvernement, tout comme la commission, dispose du privilège de pouvoir présenter des amendements tout au long de la discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Beaucoup de choses ont déjà été dites, et je ne veux pas allonger les débats. Simplement, vous constaterez que votre amendement, monsieur le ministre, fait réagir l’ensemble des parlementaires sur pratiquement toutes les travées. Mme Bricq vient de nous faire un numéro…
Mme Nicole Bricq. Soyez poli !
M. Alain Vasselle. … pour nous dire qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir et que les petites et moyennes entreprises ne feront pas les frais de cette nouvelle représentation. La démonstration a pourtant été faite par nos collègues que c'est tout à fait le contraire auquel nous aboutirons. Si vous voulez assurer une représentation équitable à la fois des petites, des moyennes et des grandes entreprises, la voie que vous prenez n'est certainement pas la meilleure pour y parvenir.
J’ajoute que vous avez invité les auteurs de l’amendement n° 185 rectifié bis à le retirer, parce qu’il fallait se donner du temps pour mesurer les conséquences du dispositif que nous proposions. Et là, d’un seul coup, sans que la commission ait pu avoir un temps suffisant pour apprécier les conséquences de votre amendement, vous nous dites qu’il faut l’adopter les yeux fermés, que l’application du dispositif ne se fera qu’après une concertation… Pourtant, Mme Bricq vient de le dire à l’instant, si le Parlement se saisit maintenant de cette question, c'est parce que la concertation sur le dialogue social n’a pas abouti.
Mme la rapporteur a indiqué que la commission s’en remettait à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Pour ma part, je voterai contre, comme nous y invite le président Milon. Vous qui êtes un ancien sénateur, j’espère que vous avez conservé l’esprit de sagesse que nous avons tous ici. Or la sagesse vous commanderait de retirer purement et simplement votre amendement pour vous éviter l’affront de ne pas le voir adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Beaucoup de choses ont été dites, et j’adhère à nombre d’arguments qui ont été développés. Je pense en effet que cet amendement conduira à une moins bonne représentation des petites entreprises dans les organisations professionnelles.
Monsieur le ministre, en matière électorale, le gouvernement auquel vous appartenez est favorable à la proportionnelle pour permettre aux partis les moins bien représentés de siéger dans les assemblées. Je suis donc tout à fait surpris que, pour ce qui concerne les entreprises, vous prôniez exactement le contraire, et ce au détriment des plus petites d’entre elles.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J’évoquerai rapidement trois points pour rebondir sur les propos du ministre, qui, très habilement, nous a présenté cet amendement comme visant à apporter une « précision ». Je salue la performance !
Tout d’abord, l’article L. 2151-1 du code du travail fixe six critères pour déterminer la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs. Le sixième critère dispose que l’audience se mesure « en fonction du nombre d’entreprises adhérentes ». C’est donc bien la notion d’entreprise qui est prise en compte et non celle de salarié.
Ensuite, l’article 18, que nous examinons en ce moment même, est très largement inspiré du protocole d’accord signé par les organisations patronales le 30 janvier 2014. J’ai pris soin de consulter à nouveau ce document. Le point 5 précise que « ce protocole ne porte pas sur les questions relatives au financement qui devront être traitées par ailleurs ». Or cet amendement vise à modifier l’article L. 2135-13 du code du travail, qui a trait au fonds paritaire, et donc au financement, et qui est la traduction de ce protocole. Vous êtes donc hors protocole ! Cela explique certainement la réaction parfois vive de certaines organisations et de nos collègues. En matière de dialogue social, nous avons l’habitude de suivre un certain nombre de procédures et de règles.
Enfin, le Sénat est une assemblée qui n’a de cesse de ne pas se plier au simple fait démographique – je pense notamment aux réformes qui touchent aux collectivités. Or prendre en considération le nombre de salariés est un fait démographique pur en matière de démocratie sociale ou de démocratie économique. Il serait cohérent que notre assemblée soit également sensible à cette dimension du problème.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Je constate que nombreux sont ceux d’entre vous qui ont été sensibles aux communiqués, mails et SMS que vous avez reçus.
Monsieur Lemoyne, la remarque que vous avez faite est juste, et elle me servira de point de départ. Il y a incontestablement une confusion – mais vous avez bien fait le distinguo – entre les règles de représentativité, qui découlent du nombre d’adhérents dans les branches, et celles relatives au financement du fonds paritaire.
Concernant la représentativité, on m’a fait en quelque sorte un procès d’intention – en tout cas, je l’ai pris comme tel, peut-être à tort. Certains d’entre vous connaissent peut-être le résultat des élections, moi pas. C'est en 2017 que seront faites les mesures d’audience. Les conséquences financières découleront des mesures de représentativité, dont personne ne peut préjuger. C'est pourtant ce que vous faites les uns et les autres en considérant qu’elles seront gagnées par les petites et très petites entreprises. Ai-je besoin de le préciser, je suis bien évidemment favorable au développement des petites entreprises ? Comme l’a fort justement rappelé Mme Bricq, le Premier ministre a pris un certain nombre de décisions pour aider les petites entreprises qui créent des emplois.
L’amendement que nous avons déposé est de cohérence. Contrairement à ce que vous croyez, le critère des effectifs n’apparaît pas ici subrepticement. Il est déjà pris en compte dans les négociations collectives, puisque le droit d’opposition des organisations patronales à un accord se fonde sur le critère des effectifs à hauteur de 50 %. Nous ne sommes donc pas en train d’inventer quelque chose ce soir !
Malgré tout le respect que j’ai pour les artisans – je les engage d’ailleurs à recruter gratuitement des apprentis mineurs, puisque les nouvelles mesures du Gouvernement prévoient le financement de la première année par l’État –, vous ne pouvez pas considérer qu’un coiffeur équivaut financièrement à l’entreprise Renault. Y a-t-il quelqu’un ici pour soutenir le contraire ? Je suppose que cet exemple restera dans les annales et que, lorsque vous retournerez dans vos départements, vous direz : « voilà ce qu’il pense des coiffeurs ! »
Mme Nicole Bricq. Attention, j’y vais toutes les semaines !
M. François Rebsamen, ministre. J’aime beaucoup les coiffeurs, je le précise tout de même ; j’en ai d’ailleurs besoin en ce moment, et j’irai dès que j’aurai le temps. (Sourires.)
J’en reviens au sujet. De quelle répartition s’agit-il ? Des cotisations prélevées sur la masse salariale ! Vous ne pouvez donc pas écarter d’un revers de la main les grandes entreprises.
M. Claude Bérit-Débat. Bien entendu !
M. François Rebsamen, ministre. J’entends l’argument en faveur des petites entreprises ; il m’arrive moi-même de l’utiliser. Mais, dans la mesure où les fonds sont prélevés sur les entreprises en fonction des effectifs, vous ne pouvez pas considérer que cette masse financière ne sera répartie qu’en tenant compte du principe « une entreprise, une voix », quelle que soit la taille de l’entreprise. Cela n’est pas possible !
Je cherche un autre exemple…
M. Jean Desessard. L’impôt sur les sociétés ou encore les cotisations sociales. Certains paient plus cher !
M. François Rebsamen, ministre. Prenons plutôt le cas des communes. Au sein de l’AMF, l’Association des maires de France, un maire égale une voix : par exemple, la maire de Paris égale le maire de l’éminente commune de Pouilly-en-Auxois, en Côte-d’Or. Je cite cette commune, parce qu’elle vient d’accepter d’accueillir quatre-vingts migrants. Si un maire égale une voix en termes de représentativité, ce n’est pas pareil en matière de financement. Or nous nous trouvons exactement face au même schéma avec les entreprises. D’un côté, se trouve la question de la représentativité, qui a été très bien expliquée par M. Lemoyne, et, de l’autre, celle de la répartition de ces cotisations, dont l’objet est d’abonder le fonds paritaire qui financera les organisations syndicales et patronales en se fondant sur la masse salariale des entreprises. Il faut en tenir compte ! Comment ? À hauteur des 50 % – c’est un exemple – permettant de faire opposition aux organisations patronales.
J’ai entendu les objections, mais faut-il considérer que la répartition de dix sièges entre organisations patronales se fera à vie avec, par exemple, six sièges pour le MEDEF, trois pour la CPGME et un pour l’UPA ? Ce n’est pas notre avis : les mesures de la représentativité auront lieu en 2017, nous verrons alors ! Je ne connais pas encore les résultats.
Concernant la répartition financière de ce qui constituera demain le prélèvement pour le fonds paritaire des organisations patronales et syndicales, j’appelle votre attention sur le fait qu’une TPE n’égale pas Renault, Peugeot ou n’importe quelle autre grande entreprise. Entre nous, je pense qu’il faut prévoir au moins 50 %, cela me paraît la moindre des choses, si l’on veut atteindre un équilibre. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je vous remercie de vos explications, monsieur le ministre, mais nous contestons la forme, pas le fond. Pourquoi aller si vite ? Mettons les partenaires sociaux autour d’une table, laissons-leur le temps de discuter, nous verrons ensuite.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. S’il était aussi facile de les mettre tous dans la même pièce pour qu’ils discutent, ce serait fait depuis longtemps.
Mme Nicole Bricq. Eh oui :
Mme Nicole Bricq. Si nous sommes là, c’est bien parce que ce n’est pas possible !
M. Jean Desessard. Les négociations, c’est au ministère du travail qu’elles se font, pas au MEDEF !
Mme la présidente. L'amendement n° 316, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 10
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 3142-8. – Le salarié bénéficiant du congé de formation économique, sociale et syndicale a droit au maintien total ou partiel par l’employeur de sa rémunération, sur demande d’une organisation syndicale satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement.
« Si l’entreprise est couverte par un accord qui prévoit, en application du 1° du L. 3142-14, la prise en charge par l’employeur de tout ou partie du salaire, la demande de l’organisation syndicale ne peut porter que sur la différence entre le montant dont la prise en charge est prévue par l’accord et le montant total de la rémunération du salarié.
« La demande de l’organisation syndicale doit être expresse et écrite. Elle précise le niveau demandé du maintien de rémunération.
« L’employeur maintient les cotisations et contributions sociales afférentes à la rémunération maintenue.
« Une convention conclue entre l’organisation syndicale et l’employeur fixe le montant que l’organisation syndicale rembourse à l’employeur et le délai dans lequel ce remboursement est effectué. À défaut de convention, la demande de l’organisation syndicale l’engage à rembourser la totalité du montant maintenu, y compris le montant des cotisations et contributions sociales afférentes à la rémunération, dans un délai défini par un décret en Conseil d’État.
« En cas de non-remboursement, l’employeur peut procéder à une retenue sur le salaire du bénéficiaire, dans les conditions et les limites prévues par un décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Cet amendement vise à généraliser le dispositif de subrogation prévu par le projet de loi pour les salariés partant en formation économique, sociale et syndicale ; cela correspond à une demande unanime des organisations syndicales, que j’ai consultées. Le maintien de tout ou partie de la rémunération sera de droit si une organisation syndicale présente depuis au moins deux ans dans l’entreprise en fait la demande. Les cotisations et contributions sociales liées au salaire seront également maintenues.
L’organisation syndicale sera tenue de rembourser l’employeur à hauteur de la totalité du montant maintenu. En cas de non-remboursement – on ne sait jamais, mieux vaut prendre les devants –, l’employeur pourra procéder à une retenue sur le salaire du bénéficiaire, ce qui garantit à l’entreprise qu’elle sera remboursée. Une convention pourra cependant être signée entre l’employeur et l’organisation syndicale pour adapter ce régime.
Ce dispositif a été étudié avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales et n’entraînera pas de charge supplémentaire pour les entreprises. C'est une mesure importante qui doit renforcer le dialogue social dans notre pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement nous est également parvenu très tardivement, mais, contrairement à l’amendement précédent, nous en avions entendu parler au cours des auditions. De nombreux syndicats appelaient en effet de leurs vœux une telle disposition, absente du projet de loi initial. Finalement, l’amendement est arrivé hier, mais, compte tenu du fait que nous siégeons toute la journée, et même la nuit, la commission n’a pas pu approfondir son analyse. Elle s’en remet donc de nouveau à la sagesse du Sénat, même si, cette fois-ci, l’amendement ne semble pas poser de problème.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Même si cet amendement a été déposé, comme l’a dit Mme la rapporteur, dans les mêmes conditions que le précédent, son impact est beaucoup plus facile à mesurer. Par conséquent, les écologistes le voteront.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
I A. – (Non modifié) Le deuxième alinéa de l’article L. 1226-12 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut également rompre le contrat de travail si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. »
I B. – (Non modifié) Au 3° de l’article L. 4622-2 du même code, après les mots : « sécurité et », sont insérés les mots : « celle des tiers, ».
I C. – (Non modifié) La seconde phrase de l’article L. 4622-3 du même code est complétée par les mots : « , ainsi que toute atteinte à la sécurité des tiers ».
I. – L’article L. 4624-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le médecin du travail recherche le consentement du salarié sur les propositions qu’il adresse à l’employeur. Il peut proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien en emploi. » ;
2° À la seconde phrase du dernier alinéa, les mots : « Ce dernier » sont remplacés par une phrase et les mots : « Il en informe l’autre partie. L’inspecteur du travail ».
I bis. – (Non modifié) Après le mot : « sont », la fin du III de l’article L. 4624-3 du même code est ainsi rédigée : « transmises au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, aux délégués du personnel, à l’inspecteur ou au contrôleur du travail, au médecin inspecteur du travail ou aux agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1. »
I ter. – (Non modifié) L’article L. 4624-4 du même code devient l’article L. 4624-5.
I quater. – (Non modifié) Le même article L. 4624-4 est ainsi rétabli :
« Art. L. 4624-4. – Les salariés affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, celles de leurs collègues ou de tiers et les salariés dont la situation personnelle le justifie bénéficient d’une surveillance médicale spécifique. Les modalités d’identification de ces salariés et les modalités de la surveillance médicale spécifique sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
II. – (Supprimé)
III. – (Non modifié) La loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites est ainsi modifiée :
1° Le treizième alinéa de l’article 10 est supprimé ;
2° Après la date : « 1er janvier 2015 », la fin du II de l’article 16 est supprimée.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. J’anime un atelier législatif sur la santé au travail, qui a déjà réuni une centaine de participants de milieux divers. Je veux témoigner ici d’une grande inquiétude des différents acteurs sur l’avenir de la santé au travail. La médecine du travail est en effet dans une situation de grande misère : de 10 000 médecins du travail, il y a quelques décennies, nous sommes tombés à un peu plus de 4 000 aujourd'hui. Or si l’on venait à passer sous la barre des 3 500 médecins du travail, le système se gripperait.
De nombreux dysfonctionnements sont par ailleurs constatés. Au nom d’un meilleur suivi des salariés nécessitant une surveillance particulière, la fréquence des visites médicales ordinaires est déjà passée, depuis 2000, de douze à vingt-quatre mois, et il est prévu d’augmenter la période à trente-six mois.
Les salariés nécessitant une surveillance particulière ne sont pas mieux lotis. Ainsi, à la Française de mécanique, entreprise de mon département qui fabrique des moteurs pour PSA, les retards dans les visites médicales pour les salariés – pourtant censés être mieux protégés – sont de six mois à un an, voire deux ! Or, dans cette entreprise, 450 maladies professionnelles ont été dénombrées entre 2004 et 2010 pour un effectif de 6 000 salariés.
L’article 19 du présent texte reprend en réalité les propositions du rapport du député Issindou, remis le 18 mai dernier, c'est-à-dire il y a à peine un mois, et rendu public le 25 mai dernier, soit trois jours avant le début de la discussion du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. Il s’agit donc d’un cavalier législatif qui mériterait d’être supprimé à ce titre par le Conseil constitutionnel.
Mes chers collègues, on nous demande de voter dans l’urgence, sans explication claire ni loyale, un texte extrêmement nocif. Les médecins du travail nous ont alertés sur certaines mesures de cet article 19 et nous ont fait part de leurs inquiétudes. Celui-ci autorise en effet à ne pas suivre les procédures nécessaires à la rupture du contrat de travail pour raisons de santé quand le salarié est atteint d’une maladie très grave, telle que le cancer, d’une pathologie très avancée dont il refuse de reconnaître la gravité ou quand il est victime de harcèlement moral. On pourrait penser qu’il s’agit de situations exceptionnelles, mais, en lisant le rapport de M. Issindou, on s’aperçoit que cette disposition pourrait avoir une application beaucoup plus large.
L’employeur pourrait « également rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ». Dans ce cas, l’employeur serait alors réputé avoir rempli son obligation de reclassement, c’est-à-dire qu’il serait légalement exonéré de toutes ses obligations. Cela s’applique même aux salariés inaptes en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ce qui semble violer, entre autres principes, la protection renforcée de l’emploi de ces salariés. Cette mesure s’ajoute au fait que le texte fait référence aux médecins sans préciser « du travail ».
En l’état du texte, cet article semble par ailleurs autoriser l’employeur à négocier les conditions du licenciement pour inaptitude médicale pendant l’arrêt de travail, à partir des préconisations que lui fournirait le médecin du travail lors de la visite de pré-reprise, et ce avec ou sans l’accord du salarié exigé actuellement.
Le texte prévoit également la transmission d’informations sur la santé des salariés au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ce qui relève pourtant du secret médical.
Nous pensons donc qu’existe un risque potentiel de violation de données individuelles personnelles. Le médecin du travail pourrait ainsi informer l’employeur, dès la pré-reprise, de ses préconisations concernant l’état de santé du salarié et ses possibilités de maintien de l’emploi sans son autorisation. La présence de la mention classique « dans le respect du secret médial » aurait par conséquent été opportune.
Pour beaucoup de raisons, que je n’ai plus le temps de développer ici puisque j’arrive à la fin du temps qui m’est imparti, nous appelons votre attention sur les risques que présenterait cet article, s’il était voté. Il s’agit en outre, je le répète, d’un cavalier législatif. Nous demandons donc que cet article soit supprimé et que le rapport de M. Issindou, qui en est la source, soit diffusé avec toutes les explications adéquates de la représentation parlementaire. On ne peut pas voter des dispositions aussi importantes sur la médecine du travail sans disposer de toutes les informations et de toutes les données nécessaires. Nous relayons ici l’inquiétude des médecins du travail.
Mes chers collègues, nous vous invitons donc, lors du scrutin public que nous allons demander, à rejeter sans hésiter l’ensemble des dispositions de cet article 19.