Mme Annie David. La suppression du rapport de situation comparée des femmes et des hommes a fait couler, à juste titre, beaucoup d’encre. Nous proposons de le réintégrer, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, le rapport de situation comparée est devenu un objet familier, que les négociateurs ont fini par s’approprier. Il présente l’avantage de clarifier les différentes étapes de la négociation. En effet, cet outil comporte deux parties bien distinctes : l’une porte sur un diagnostic chiffré et son analyse, l’autre porte sur le plan d’action à mettre en œuvre pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ensuite, cet article 13 est à rebours de l’esprit de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes adoptée voilà moins d’un an, qui avait renforcé les données et visait à en améliorer le recueil. Or l’article 13, en l’état, va conduire à une dispersion des données sur cette question.
De plus, le socle législatif « minimal » que constituait le rapport de situation comparée est doublement mis à mal par une autre disposition de cet article qui prévoit, à l’alinéa 89, qu’un « décret en Conseil d’État précise le contenu des informations prévues au présent paragraphe, qui peut varier selon que l’entreprise compte plus ou moins de trois cents salariés ».
Enfin, il est important de souligner que ce texte introduit une déconnexion entre le diagnostic sur la situation comparée des femmes et des hommes et la négociation. Ce lien disparaît, alors qu’il est pourtant essentiel pour tendre vers une égalité professionnelle réelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Madame David, vous voulez réintroduire le rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes sur support papier.
Cet amendement, qui maintient la situation existante, va à l’encontre de la philosophie de la base de données unique créée par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, votée voilà tout juste deux ans, et visant à mettre à disposition des représentants du personnel un site intranet comportant l’ensemble des données économiques et sociales de l’entreprise.
Il ne me paraît pas judicieux de modifier un texte qui commence tout juste à s’appliquer. Les débats témoignent, me semble-t-il, d’une incompréhension. Tout ce qui concerne l’égalité entre les femmes et les hommes se trouvera plus facilement dans la base de données unique sur intranet que, comme auparavant, dans un document sur support papier qui n’était publié que de temps en temps.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Je partage l’analyse de Mme la rapporteur. Les éléments de diagnostic et d’analyse sont regroupés.
À cet égard, je rappelle les termes de l’alinéa 26 : « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise : diagnostic et analyse de la situation respective des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise en matière d’embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l’âge, de la qualification et de l’ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise ; »
Tout y est, madame David ! Et tout était déjà dans l’ANI de 2013, qui prévoyait de regrouper ces éléments dans une base de données unique, permettant ainsi d’avoir une vision plus globale. Il ne faut pas laisser penser qu’il s’agit d’un recul ! Tout est regroupé dans la base de données unique, y compris le maintien de la pénalité financière, si nécessaire.
Dès lors, votre amendement porte uniquement sur la publication d’un rapport sur support papier. Est-ce vraiment nécessaire ? Pour ma part, je ne le pense pas, et c’est pour cette raison de forme que le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Le fond y est, puisque l’on retrouve les neuf items. Je ne veux donc pas laisser penser que ce projet de loi traduirait un recul sur la question de l’égalité femmes-hommes, un thème porté par le Gouvernement et, plus largement, par l’ensemble des parlementaires, ou alors je ne m’y connais pas.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, un rapport sous forme électronique nous conviendrait bien évidemment tout à fait. Néanmoins, en réalité, là n’est pas le problème.
Puisque vous nous dites que vous ne voulez rien retirer au rapport de situation comparée tel qu’il existait précédemment et n’ôter aucun droit, mais juste simplifier, pourquoi avoir modifié de ce document, avoir changé son emplacement et l’avoir déconnecté des négociations ?
Cela fait plusieurs fois que je vous fais remarquer que chacune de ces simplifications se traduit en réalité pour les salariés par de moindres possibilités de se faire entendre dans l’entreprise. La situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise recouvre l’évolution de la carrière, la rémunération, la formation, le temps de travail. Sur ce dernier point, nous savons tous ici que le temps partiel imposé revient la plupart du temps aux femmes – c’est d’ailleurs l’un des chevaux de bataille de mon groupe.
Je me demande pourquoi vous avez souhaité faire tous ces changements et, surtout, pour quelle raison vous avez dû revenir en arrière. Heureusement, des associations nous ont alertés et nous ont montré la dangerosité et la nocivité de ce que vous proposiez dans votre texte initial ; ainsi, ces dispositions ont pu être modifiées lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous nous dites beaucoup de belles choses, mais votre texte n’est, en réalité, ni si progressiste ni porteur de droits nouveaux pour les salariés dans l’entreprise !
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote.
Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le président, mon explication de vote vaudra également pour l’amendement n° 147 rectifié.
Ces deux amendements nous paraissent formels. Je veux revenir sur les propos de M. le ministre, s’agissant de l’introduction des données du rapport de situation comparée dans la base de données unique d’informations obligatoires, un point que j’avais également abordé dans mon intervention lors de la discussion générale. Cette disposition date de l’ANI de 2013, dont nous avons voté la transcription dans la loi.
Le texte prévoit que la base de données unique comporte un certain nombre d’informations obligatoires. Je ne relirai pas l’alinéa intégralement cité par M. le ministre, mais je tiens à dire que l’insertion de ces mentions, ajoutées notamment par l’Assemblée nationale sous l’impulsion de sa délégation aux droits de la femme, est fondamentale. Cet ajout a contribué à lever un certain nombre d’inquiétudes qui avaient pu se faire jour dans les associations. Les choses sont maintenant tout à fait claires.
J’évoquerai, en second lieu, la mise à la disposition du comité d’entreprise « [des] informations et [des] indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, mentionnés dans la base de données unique, ainsi que les accords ou, à défaut, le plan d’action établi pour assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. »
L’article 4 apporte des précisions quant à la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle, en insistant notamment sur la nécessaire articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, un point qui a été soulevé par les délégations aux droits des femmes. Le contenu de l’accord est également indiqué : il faut des critères clairs, précis et opérationnels, une évaluation des mesures prises au cours de l’année écoulée, des objectifs de progression et des actions qualitatives et quantitatives à mener l’année suivante avec une évaluation de leur coût.
Il est certes toujours possible d’améliorer la rédaction de cet article. Toutefois, il faut relever que les énumérations sont extrêmement détaillées. Ainsi, des indicateurs chiffrés sur la situation comparée sont expressément mentionnés. Les informations de la base de données reprendront donc toutes les données du rapport, jusqu’à présent séparé, sur la situation comparée.
Chacun a pu le constater, ce rapport n’est pas toujours réalisé. La mention des informations qu’il est censé contenir, parmi celles qui doivent figurer obligatoirement dans la base de données, peut en réalité représenter une avancée, notamment dans les entreprises qui faisaient abstraction de la négociation sur le rapport.
La situation comparée des femmes et des hommes devient donc un élément pleinement intégré aux bases du dialogue social et de la négociation collective. L’ensemble des représentants du personnel aura cette information. On peut même dire qu’ils ne pourront plus la considérer comme un aspect spécifique de la politique sociale de l’entreprise.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, étant retenue par un rendez-vous, je n’ai pu assister au début de la discussion. Je suppose que les auteurs de cet amendement sont revenus sur les raisons de son dépôt. La délégation aux droits des femmes a procédé à des auditions sur ce texte. S’agissant de ce rapport, elle s’est particulièrement préoccupée de son emplacement, qui est important, tandis que la forme du support importe peu.
En effet, il était nécessaire non pas seulement de recueillir des données, mais aussi de les argumenter avec des indicateurs chiffrés permettant, au moment des négociations – c'est la raison pour laquelle la déconnexion avec celles-ci pose problème –, d’apporter des préconisations et de soutenir des propositions pour faire progresser, de façon substantielle, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises.
Nous savons tous ici qu’il reste beaucoup à faire en la matière, tant les femmes sont confrontées au plafond de verre – je dirais même aux « murs » de verre. C’était la raison du dépôt de cet amendement, mais nous en avons aussi déposé d’autres allant dans le même sens. Or la modification qui nous est proposée n’est pas anodine.
M. le président. L'amendement n° 147 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Bouchoux, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette analyse repose sur des indicateurs chiffrés définis par décret qui peuvent varier selon que l'entreprise compte plus ou moins de 300 salariés.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le ministre, comme cela a déjà été dit, les dispositions initiales du texte ont suscité beaucoup d’émotion, voire d’interrogations, quant aux messages quelque peu contradictoires envoyés par le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle vous avez rétabli certaines dispositions à l’Assemblée nationale.
Brigitte Gonthier-Maurin l’a indiqué à l’instant, la délégation aux droits des femmes a mené des auditions, notamment celle de Brigitte Grésy, qui nous a suggéré quelques amendements de précision afin de clarifier nos attentes à l’égard des entreprises.
Ce premier amendement vise à préciser, d’une part, que la base de données unique doit comprendre des indicateurs chiffrés, afin que l’on puisse réaliser de véritables comparaisons de données, et, d’autre part, que ces indicateurs doivent être différents selon la taille de l’entreprise, avec un seuil fixé à 300 salariés.
Certes, l’alinéa 89 de l’article 13 renvoie déjà à un décret. Il nous a néanmoins semblé utile de préciser ce point dans l’alinéa 26.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Madame Jouanno, votre amendement est satisfait par l’alinéa 75, qui prévoit la mise à disposition des « informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des hommes et des femmes au sein de l’entreprise, mentionnés au 1° bis de l’article L. 2323-8, ainsi que les accords ou, à défaut, le plan d’action établis pour assurer l’égalité professionnelle entre les hommes et femmes ».
Je vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, la commission y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Madame la sénatrice, je partage l’avis de Mme la rapporteur. Dans l’alinéa 75 de l’article 13 figurent précisément les informations que vous souhaitez.
Je sollicite donc également le retrait de votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. La délégation aux droits des femmes n’a pas eu le temps matériel de se prononcer sur les différents amendements qui nous ont été présentés.
Je vais cependant maintenir mon amendement, car il vise non pas simplement le renvoi à un décret, mais également la différenciation en fonction de la taille des entreprises. Mme Grésy avait insisté tout particulièrement sur ce point : les entreprises de plus petite taille, comprenant moins de 300 salariés, devaient pouvoir fournir des indicateurs moins complets que les entreprises de plus grande taille, qui disposent de services administratifs.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Madame Jouanno, je n’ai cité que l’alinéa 75, mais je peux également vous renvoyer à l’alinéa 89, lequel prévoit qu’« un décret en Conseil d’État précise le contenu des informations prévues au présent paragraphe, qui peut varier selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés ».
Votre amendement est donc, me semble-t-il, totalement satisfait !
M. le président. Madame Jouanno, l'amendement n° 147 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Oui, je le maintiens, monsieur le président, au nom de la délégation aux droits des femmes.
M. le président. L'amendement n° 183 rectifié bis, présenté par M. Vasselle, Mme Micouleau, MM. Vogel, Perrin et Raison, Mme Bouchart, M. Médevielle, Mme Debré, MM. Laménie, Mayet, Commeinhes, Longuet et P. Leroy, Mme Gruny, MM. G. Bailly, Trillard, Pierre et Gabouty, Mme Garriaud-Maylam et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé
…) Le treizième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À la demande d’une branche professionnelle, ce décret peut faire l’objet d’une adaptation en vue d’un accord de branche ou d’entreprise. » ;
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. J’ignore si cette disposition est à sa place. Nous nous étions rapprochés des services de la séance pour savoir à quel article rattacher cet amendement, mais je reste dubitatif. Je vais malgré tout le présenter.
Il s'agit simplement d’apporter un peu de souplesse au dispositif et de permettre à une branche professionnelle d’adapter l’accord de branche ou d’entreprise.
La rédaction actuelle du texte ne permet pas aux entreprises ou aux branches d’adapter le contenu de la base de données à la réalité des entreprises en fonction de leur organisation ou de leur domaine d’activité, ce qui – vous l’imaginez bien, mes chers collègues ! – alourdit la charge administrative des entreprises au mépris du dialogue social.
Il nous est donc apparu nécessaire de permettre une rationalisation des informations économiques, financières et sociales transmises, afin de permettre un dialogue social de qualité, tant pour les entreprises que pour les instances représentatives du personnel et des salariés.
Tel est l’esprit et la lettre de cet amendement, qui – je le répète – a pour objet de favoriser le dialogue social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Vasselle, je comprends votre souci de donner de la souplesse aux employeurs qui doivent mettre en place la base de données unique.
Néanmoins, l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2323-7-2 du code du travail prévoit déjà que la base de données unique peut être enrichie par un accord de branche ou d’entreprise ou, le cas échéant, un accord de groupe en fonction de l’organisation et du domaine d’activité de l’entreprise.
Comme pour les précédents amendements, je rappelle que les partenaires sociaux, s’ils concluent un accord pour adapter la consultation du comité d’entreprise aux spécificités de l’entreprise, peuvent en même temps adapter leur base de données unique. Si M. le ministre va dans le même sens que moi, vous pourrez rassurer, grâce au compte rendu de nos débats, tous ceux qui sont inquiets.
Mon cher collègue, je vous suggère donc de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Comme Mme la rapporteur, je pense que vous avez satisfaction, monsieur le sénateur. C’est pourquoi, moi aussi, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 183 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, ce n’était pas la peine de terminer votre intervention en émettant un avis défavorable ! Dès lors que vous confirmez que, en ce qui concerne l’application future du dispositif, vous partagez l’interprétation de Mme la rapporteur, que je remercie de m’avoir éclairé sur ce point, je vais bien entendu accepter de retirer mon amendement, puisque son objet est satisfait !
En revanche, lorsque le présent texte sera appliqué, si les entreprises constatent que cette interprétation n’est pas la bonne, vous imaginez bien que nous nous représenterons devant vous à la prochaine occasion.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 183 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 236, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 43 à 46
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il est, à notre avis, impensable que la consultation sur les orientations stratégiques se fasse à l’échelon du groupe et que les comités d’entreprises des filiales ne soient consultés que sur les conséquences de ces orientations. C’est, selon nous, une façon de tenir les salariés éloignés du débat, ce qui n’est pas acceptable !
Prenons un exemple. Le lundi 4 mai dernier, une réunion extraordinaire du comité de groupe de la société Norbert Dentressangle s’est tenue, faisant suite à l’annonce du rachat de ce groupe par XPO Logistics. L’ordre du jour de cette réunion était d’informer le comité de groupe d’une offre publique d’achat, une OPA, puisque le groupe XPO Logistics souhaitait se porter acquéreur de 33 % des actions.
On peut comprendre l’inquiétude de l’ensemble des salariés face à une telle annonce : le groupe XPO Logistics emploie dix mille personnes réparties sur deux cents sites et intervient dans différents secteurs d’activité, de l’aéronautique au secteur public en passant par d’autres technologies.
Aujourd'hui, les salariés peuvent compter sur les consultations des comités d’entreprise pour être informés des véritables projets touchant à l’avenir de leur entreprise, qui leur est chère. Demain, en revanche, ils ne disposeront même plus de ce droit et les consultations sur les orientations stratégiques seront limitées aux réunions du comité de groupe !
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de ces alinéas.
M. le président. L'amendement n° 237, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 44, première phrase
Remplacer les mots :
que la consultation sur les orientations stratégiques est effectuée
par les mots :
une consultation spécifique sur les orientations stratégiques des entreprises du groupe
II. – Alinéa 45
Remplacer les mots :
conséquences de ces orientations stratégiques
par les mots :
orientations stratégiques propres à leur entreprise
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 236 qu’a présenté à l’instant Dominique Watrin.
Le comité de groupe est évidemment une instance essentielle qui permet d’avoir une vision globale de la stratégie du groupe. Il ne doit toutefois en aucun cas se substituer aux instances propres à chaque entreprise – c’est tout de même ce que propose le présent texte –, où sont définies des orientations stratégiques internes s’inscrivant dans le cadre des orientations stratégiques du groupe. Il y a bien aujourd'hui une discussion à chaque échelon.
Il est donc indispensable, selon nous, de maintenir la consultation des instances représentatives du personnel propres à chaque entreprise, d’une part, sur les orientations stratégiques prises à cet échelon, et, d’autre part, sur les conséquences, à son niveau, des orientations stratégiques du groupe.
Ces instances sont donc complémentaires et non substituables. Puisque l’on veut, paraît-il, d’améliorer le dialogue social, il ne faut ni supprimer des échelons d’instances représentatives du personnel, ni en substituer un à un autre sous couvert de simplification !
Cet amendement vise donc à harmoniser les consultations du comité de groupe et des comités d’entreprise sur les orientations stratégiques des entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L’amendement n° 236, présenté par M. Watrin, vise à supprimer la possibilité, pour un accord de groupe, d’adapter la consultation sur les orientations stratégiques. Or le nouvel article L. 2323-11 ne le rend pas obligatoire ; il s’agit d’une simple faculté ! Il dispose en effet qu’« un accord de groupe peut prévoir que la consultation sur les orientations stratégiques est effectuée au niveau du comité de groupe ». C’est donc bien aux partenaires sociaux de décider s’ils souhaitent recourir, ou non, à cette possibilité.
Vous avez par ailleurs évoqué, cher collègue, l’exemple de la société Norbert Dentressangle ; je précise à cet égard que le présent projet de loi maintient les dispositions spécifiques applicables au cas des OPA.
L’amendement n° 237, qui est un amendement de repli par rapport au précédent, vise quant à lui à organiser une consultation spécifique sur les orientations stratégiques des entreprises du groupe. Il est néanmoins en retrait par rapport au projet de loi, puisqu’il tend à supprimer la possibilité de réaliser au niveau du groupe l’ensemble de la consultation sur les orientations stratégiques ; vous préférez la création d’une consultation spécifique sur les orientations stratégiques des entreprises du groupe.
La commission préfère quant à elle faire confiance aux partenaires sociaux, conformément aux dispositions du présent texte, en laissant aux entreprises et aux instances représentatives du personnel la possibilité de choisir la solution la plus adaptée.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Watrin, l’exemple que vous avez développé concernant la société Norbert Dentressangle intéresse l’ensemble des sénateurs. J’ai moi-même reçu beaucoup de courriers m’alertant à ce sujet, notamment un du président du groupe socialiste. Toutefois, la position de Mme la rapporteur a éclairé ce point précis au regard du présent texte : il reste en effet des droits spécifiques applicables aux OPA.
Je précise par ailleurs qu’il est possible de consulter les instances représentatives du personnel à l’échelon du groupe, mais que, s’il y a des conséquences à l’échelle d’une filiale, au plus près du terrain, le comité d’entreprise concerné n’est pas exclu du processus, que ce soit clair ! Il reste au contraire consulté sur les conséquences de ces orientations stratégiques.
Ce dispositif est important et a été longuement débattu avec les partenaires sociaux, y compris – cela fera plaisir à Mme David – avec les organisations syndicales. Or, tout le monde en convient, il existe parfois des doubles consultations, qui alourdissent le dialogue. Cela dit, je le répète, s’il y a des conséquences au niveau local, le comité d’entreprise peut être consulté, et le comité de groupe peut s’en saisir, à chaque fois par un accord entre les partenaires sociaux.
Je comprends donc votre préoccupation, mais il me semble que le but de ce projet de loi est tout de même de rendre le dialogue social plus intéressant et plus stratégique, ainsi que de faire en sorte qu’il ne soit pas alourdi par des réunions se doublonnant entre elles. D’ailleurs, quand on constate que seuls 7,5 % des salariés sont syndiqués, on doit se poser des questions ; c’est sûrement que le dialogue social n’est pas suffisamment attractif !
Notre but est d’améliorer celui-ci, de le rendre plus stratégique, plus attrayant, pour que des jeunes s’y intéressent et assurent, par exemple, la représentation du personnel. Ne laissons donc pas tout en l’état ! J’ai donné hier l’exemple d’heures de délégations syndicales perdues quand il y a des réunions obligatoires en août et que l’entreprise est fermée.
Mme Annie David. C’est une caricature !
M. François Rebsamen, ministre. Vous pouvez penser que la situation est satisfaisante, mais tel n’est pas mon cas ! Je pense au contraire que nous pouvons avancer ensemble.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. L'amendement n° 151 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. Bouchet, Cadic, Canevet et Gabouty, Mme Morhet-Richaud, M. Vaspart, Mme Billon et MM. Adnot et Forissier, est ainsi libellé :
Alinéa 52
Supprimer les mots :
, y compris sur l'utilisation du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche,
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à ne pas contraindre les entreprises à consulter leur comité d’entreprise sur l’utilisation du crédit impôt recherche, le CIR.
En effet, le présent texte prévoit déjà que la consultation annuelle du comité d’entreprise relative à la situation économique et financière de l'entreprise porte, entre autres, sur sa politique de recherche et de développement technologique. Il n’apparaît donc pas nécessaire de compliquer encore sa tâche en l’obligeant à détailler, dans ce cadre, son utilisation du CIR.
En effet, autant on peut défendre l’idée que le comité d’entreprise soit consulté sur l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et sur les éventuelles créations d’emplois induites, autant l’usage du CIR ne saurait relever du comité d’entreprise.