Mme Claudine Lepage. Tout à fait !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Il y a quinze ans, le 6 juin 2000, la première loi sur la parité était promulguée. Ce gouvernement a porté une nouvelle étape décisive en la matière, avec la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui permet d’assurer une égale représentation des femmes et des hommes dans la société, en politique, au sein des fédérations sportives, des établissements publics et des chambres locales de commerce et d’industrie, des autorités administratives indépendantes et des ordres professionnels.
L’article 75 de cette loi impose qu’un minimum de 40 % de personnes de chaque sexe soit désigné au sein des conseils d’administration des caisses nationales du régime général.
Avec la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, la Caisse des Français de l’étranger sera elle aussi amenée à respecter cette exigence de parité.
Mme Claudine Lepage. Enfin !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Ensuite, la proposition de loi vise à instaurer, comme pour le régime général, une limite d’âge pour l’ensemble des administrateurs de la CFE et rappelle l’exigence d’absence de condamnation pénale.
Enfin, la proposition de loi prévoit d’introduire une plus grande diversité dans les entreprises représentées à la tête de la CFE. Elle introduit en effet une nouvelle catégorie d’administrateurs désignés représentant le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger, en remplacement d’un des deux représentants employeurs. Ce faisant, les représentants des petites et moyennes entreprises auront plus de visibilité.
Au-delà de la réforme de la gouvernance, nous devons mener une réflexion plus large sur la CFE : son positionnement juridique au regard des différentes législations sociales, dans le cadre aussi bien des conventions bilatérales que des règlements européens, a besoin d’être clarifié.
C’est pourquoi la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Mme Marisol Touraine, a mandaté l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances pour une mission relative à la CFE. L’objectif est de dresser un état des lieux complet de la gestion des assurances volontaires des expatriés confiées à la CFE et de questionner la pertinence de son modèle particulier au sein de la sécurité sociale. Les conclusions de ce rapport nous seront remises en juillet prochain.
Cette proposition de loi est donc une première étape. Si elle est adoptée, la réforme de la gouvernance créera les conditions d’une réforme plus ambitieuse de la CFE.
Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, vous avez donc l’avenir de la Caisse des Français de l’étranger en main, puisque vous déciderez aujourd'hui comment se dérouleront les prochaines élections de son conseil d’administration. Votre vote et votre choix seront pris en compte par Mme Touraine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la Caisse des Français de l’étranger a été créée pour offrir une protection sociale aux expatriés permettant de pallier les insuffisances des couvertures offertes par les systèmes étrangers de sécurité sociale.
Elle a été conçue comme une caisse de sécurité sociale régie par les mêmes règles d’organisation et de gestion que les caisses d’assurance maladie du régime général.
La CFE offre à ses adhérents volontaires la protection de l’assurance maladie du régime général, dont elle doit appliquer les règles, sous réserve d’aménagements prévus par la réglementation : absence de sélection des risques, respect des conditions d’octroi et de calcul des prestations.
La loi a également posé le principe de la continuité de protection entre les régimes obligatoires français et cette assurance volontaire. En contrepartie, la CFE est soumise à la tutelle de l’État.
Un rapport de 2010 de la Cour des comptes a mis en évidence la nécessaire évolution du statut et des règles de fonctionnement de la caisse : « La CFE constitue historiquement un organisme de sécurité sociale et continue d’assurer des missions qui peuvent être assimilées à une mission de service public, en offrant une couverture sociale à l’ensemble des Français expatriés, sans sélectionner les risques et en faisant dépendre leur niveau de cotisation de leurs revenus.
« Néanmoins, la caisse a progressivement, dans un contexte de concurrence avec les assureurs privés, développé des modalités d’intervention qui tendent à l’éloigner des organismes de sécurité sociale et à la rapprocher d’un assureur privé. »
Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, une mission conjointe de l’IGAS et de l’IGF est en cours. Elle a pour objet une évaluation des performances, du rôle, de la nature et du périmètre des actions de la CFE.
Chacun peut comprendre que nous souhaitions attendre de connaître les conclusions du rapport de l’IGAS et de l’IGF avant de nous prononcer sur l’opportunité de modifier la structure du conseil d’administration, comme le prévoit l’article 1er de la proposition de loi visant à réformer la gouvernance de la Caisse des Français de l’étranger.
La CFE est administrée par un conseil d’administration, dont la composition diffère de celle des caisses de base du régime général, puisqu’elle comprend 21 membres, dont 18 sont élus par l’Assemblée des Français de l’étranger.
Le conseil d’administration de la caisse est présidé depuis sa création, en 1985, par le sénateur Jean-Pierre Cantegrit. Sous sa conduite, la caisse a toujours présenté des comptes à l’équilibre, ce qui mérite d’être souligné. En réponse à l’attente, voilà quelques années, des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, M. Cantegrit a su mettre en œuvre, avec une rare efficacité, un contrôle externe de la caisse.
Peu de caisses de sécurité sociale peuvent se prévaloir de comptes certifiés sans réserve. Il me paraît donc justifié de rendre hommage à l’action de ce conseil d’administration et de son président.
À la suite de la réforme de la représentation des Français de l’étranger introduite par la loi de juillet 2013, l’Assemblée des Français de l’étranger est passée de 155 membres à 90 membres.
Vouloir élargir le collège électoral pour l’élection des membres du conseil d’administration de la CFE peut répondre à une préoccupation légitime, le nombre de grands électeurs ayant diminué. Dans ce cas, pourquoi se limiter aux seuls conseillers consulaires et ne pas reprendre le collège électoral prévu pour l’élection des sénateurs établis hors de France,…
Mme Claudine Lepage. Pourquoi pas ?
M. Jean-Yves Leconte. Il existe le droit d’amendement pour cela !
M. Olivier Cadic. … qui intègre non seulement les délégués consulaires, mais aussi les parlementaires des Français de l’étranger ?
M. Jean-Yves Leconte. Tout est possible ! Mais il faut agir, monsieur Cadic !
M. Olivier Cadic. Hélène Conway-Mouret, ministre chargée, à l’époque, de la réforme, n’a pas pris en compte cette question. Pourtant, le besoin avait été souligné lors des débats préparatoires, et j’espère qu’on le rappellera. Pourquoi vouloir, dans l’urgence, comme le prévoit l’article 2 du texte, modifier un corps électoral à quelques semaines de l’élection d’un nouveau conseil d’administration ? Ne trouvez-vous pas cette précipitation suspecte ? (M. Richard Yung s’exclame.)
Par ailleurs, un vote électronique pour quelques centaines d’électeurs éparpillés aux quatre coins du monde nécessite une sérieuse préparation.
M. Jean-Yves Leconte. Robert del Picchia est spécialiste de ces questions !
M. Olivier Cadic. Cette option n’avait pas été retenue lors de l’élection sénatoriale. Le seul vote à l’urne avait déjà demandé la mobilisation de l’ensemble des représentations consulaires. Là encore, la précipitation avec laquelle vous semblez vouloir agir est incompréhensible.
Les débats sur la représentation des Français établis hors de France nous avaient permis de pointer toutes les lacunes du nouveau dispositif.
Comme je l’ai évoqué lors de la dernière campagne sénatoriale, en compagnie de Mme Jacky Deromedi et de M. Christophe-André Frassa (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.), la réforme engagée par Mme Hélène Conway-Mouret, alors ministre, fut précipitée. Elle s’est faite pour des raisons politiciennes, afin de tenter d’en tirer un bénéfice électoral pour le camp socialiste dès l’élection sénatoriale de 2014. Hélas !
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Olivier Cadic. L’absence de compétences tangibles attribuées aux élus, la baisse significative des indemnités pour accomplir leur mandat, la création d’un nouvel échelon intermédiaire d’élus ne pouvant siéger à l’AFE, un charcutage électoral sans précédent à l’étranger, une élection à l’AFE au scrutin indirect selon des règles incompréhensibles pour l’électeur : autant de décisions qui démontrent que la réforme a été bâclée.
Au final, la réforme fait subir à la représentation des Français de l’étranger un « choc de complication ». La présente proposition de loi en débat ce jour le démontre une nouvelle fois.
Je vous propose, quant à moi, un choc de simplification. (Ah ! sur les travées du groupe écologiste.) Notre groupe votera donc les trois amendements de suppression des articles déposés par nos collègues du groupe Les Républicains.
M. Jean-Yves Leconte. C’est un choc d’immobilisme !
Mme Claudine Lepage. Les électeurs apprécieront !
M. Olivier Cadic. Nous souhaitons attendre les conclusions du rapport de l’IGAS et de l’IGF. Organisme de sécurité sociale, mutuelle, assurance privée : nous verrons leurs préconisations sur l’avenir de la CFE. Il sera bien temps d’adapter ensuite la gouvernance de la CFE.
Dès lors, comme on le dit en bon français, ne mettons pas la charrue avant les bœufs ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme Claudine Lepage. Quel renoncement !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les Français résidant à l’étranger bénéficient de plusieurs structures d’appui : un réseau consulaire, des établissements d’enseignement, des associations, dont deux reconnues d’utilité publique – l’Union des Français de l’étranger et l’Association démocratique des Français de l’étranger –, et une caisse de sécurité sociale. Seules la France et, dans une moindre mesure, la Belgique ont d’ailleurs créé une telle structure pour les expatriés.
Il est important de rappeler que les règles qui définissent la CFE sont fixées par l’autorité publique française. Sa mission principale est d’assurer et de protéger les Français de l’étranger en leur garantissant une couverture sociale minimale. Pour cela, elle propose de couvrir trois risques pendant leur expatriation : accidents du travail, maladie-maternité, vieillesse. Je tiens à préciser que, pour ce dernier risque, la CFE joue uniquement un rôle d’interface avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
En outre, son adhésion est ouverte à tous les expatriés : salariés, travailleurs indépendants, personnes sans activité, étudiants, retraités. C’est une caisse dont les adhérents sont volontaires.
La CFE telle qu’elle existe aujourd’hui s’est bâtie en plusieurs étapes, dont deux me paraissent particulièrement importantes et méritent que l’on y revienne quelques instants.
Après les travaux de la commission Bettencourt, notre ancien collègue, qui ont abouti à la loi du 31 décembre 1976, première loi créant des assurances sociales spécifiques pour les Français résidant à l’étranger, l’année 1978 marque le véritable point de départ de la CFE : pour la première fois, les salariés français de l’étranger accèdent à la sécurité sociale.
Par la suite, après plusieurs évolutions législatives successives, la loi Bérégovoy du 13 juillet 1984, dont je m’honore d’avoir été le rapporteur au Sénat, marque la création d’une caisse autonome de sécurité sociale dite « caisse des Français de l’étranger ». Cette création a permis à tous les Français de l’étranger, quel que soit leur statut, d’accéder à la couverture maladie.
S’agissant des spécificités de la CFE, j’en retiendrai trois.
La première – je l’ai indiqué au début de mon propos – tient au volontariat. En effet, l’adhésion à cette caisse est volontaire, alors que le principe général en matière de sécurité sociale est le caractère obligatoire.
La deuxième spécificité est l’absence de monopole, contrairement à ce qui existe pour les caisses métropolitaines. Cela oblige la CFE à rechercher des adhérents.
La troisième est l’autonomie financière. La CFE n’est pas intégrée, sur le plan financier, au régime général ; elle doit équilibrer son budget avec les cotisations de ses seuls adhérents. Permettez-moi de souligner qu’elle y est toujours parvenue depuis sa création, ce qui en fait une exception dans le monde de la sécurité sociale. Son conseil d’administration a su prendre les mesures nécessaires pour maintenir cet équilibre. Ses comptes sont certifiés par le cabinet Mazars, important cabinet d’expertise-comptable, sans qu’aucune réserve ait été formulée pour les années 2012, 2013 et 2014, ce qui n’est pas le cas de toutes les caisses de sécurité sociale métropolitaines. Je remercie d’ailleurs M. Olivier Cadic de l’avoir rappelé dans son intervention.
Par ailleurs, afin de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens expatriés, la CFE a su s’adapter en développant des partenariats avec les assureurs complémentaires. En effet, la CFE remboursant les soins dans la limite des tarifs français, l’intervention d’un assureur ou d’une mutuelle est souvent nécessaire. Notons que cette règle est aussi vraie sur le territoire français. Des partenariats ont donc été mis en place, fondés sur la création d’un guichet unique réunissant les deux intervenants pour éviter les multiplications des démarches des assurés.
J’en viens à la question de la gouvernance. Le conseil d’administration de la CFE est composé de 21 membres, dont 18 sont élus par l’Assemblée des Français de l’étranger – ce sont donc des femmes et des hommes de terrain connaissant personnellement les réalités de l’expatriation –, deux membres représentent les employeurs, le MEDEF – ces derniers représentent avec leurs salariés près de 50 % des adhérents de l’assurance maladie-maternité et encore plus pour les accidents du travail et maladies professionnelles ; nous sommes donc loin de la parité employeurs-salariés de certaines caisses métropolitaines–, et un dernier membre est désigné par la Fédération nationale de la mutualité française, la FNMF.
Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de faire une remarque liminaire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 mai 2014, a indiqué que les dispositions relatives au renouvellement des membres des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale ont un caractère réglementaire. Cela vous donne beaucoup de possibilités ; vous en avez d’ailleurs déjà saisi.
Par ailleurs, je tiens à souligner que j’ai sollicité à plusieurs reprises la modification des conventions bilatérales de sécurité sociale existantes, afin que l’adhésion à la CFE permette l’exemption d’affiliation au système de sécurité sociale de l’État d’accueil, lequel, dans de nombreux cas, ne convient pas à nos compatriotes.
Madame la secrétaire d’État, une mission menée conjointement par l’IGAS et l’IGF sur l’activité et les conditions d’intervention de la CFE est en cours. Les conclusions de cette mission pourraient avoir des conséquences substantielles sur le statut et les actions, voire sur la gouvernance de la CFE. Ces deux inspections sont en effet chargées d’étudier de façon prospective, sur la base d’un bilan de l’action menée par la CFE et d’une évaluation de ses performances, le rôle, la nature et le périmètre de ses missions.
Cette étude porte sur plusieurs axes : « clarifier le positionnement de la CFE au sein de la sécurité sociale, notamment au regard des règles des législations de sécurité sociale aux niveaux à la fois européen, dans le cadre des règlements [communautaires], et international, dans le cadre des accords de sécurité sociale » ; « tirer les conséquences de ce positionnement sur le plan du droit de la concurrence ainsi que sur la pertinence actuelle du modèle, à mi-chemin entre caisse de sécurité sociale et assureur privé » ; « étudier les axes d’amélioration de la gestion des risques financiers et du cadre législatif et réglementaire relatif à l’équilibre de la caisse » ; « vérifier si l’offre de la CFE est adaptée à l’environnement international » ; étudier l’opportunité et la pertinence, au regard de leur coût, de différentes mesures, comme l’élargissement des « conditions d’affiliation à l’assurance volontaire retraite pour les assurés maladie de la CFE n’ayant pas eu d’activité suffisante en France » ou encore la possibilité pour la CFE de rembourser des soins hospitaliers préalablement négociés et non plus sur la base d’un prix de journée.
Vous constatez comme moi qu’il s’agit d’une étude d’une très grande ampleur.
Mardi dernier, après avoir présidé le conseil d’administration de la CFE, nous avons inauguré le second bâtiment de cette caisse. Beaucoup de sénateurs représentant les Français établis hors de France y ont d’ailleurs participé, ce dont je les remercie. Dans son discours, la représentante du ministère des affaires sociales, d’ailleurs ici présente, a évoqué l’important rapport confié à l’IGAS et à l’IGF, lequel ne sera remis qu’à la fin du mois de juillet ou au début du mois d’août.
Il m’apparaît donc que cette proposition de loi est prématurée et que les importantes modifications qu’elle est susceptible d’apporter la rendent inopportune, en l’absence du rapport de l’IGAS et de l’IGF.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à supprimer les trois articles de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question de la représentation des Français de l’étranger est aussi ancienne que la Révolution française.
Elle a connu de nombreuses évolutions législatives. La dernière en date, la loi de juillet 2013, a réformé en profondeur – cela a été rappelé à plusieurs reprises – la représentation de nos concitoyens établis à l’étranger. Si, auparavant, ces derniers élisaient les 155 conseillers au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger, la loi a créé les conseillers consulaires, au nombre de 443, élus au suffrage universel direct dans le cadre de 15 circonscriptions consulaires, afin de favoriser l’émergence d’élus de proximité. Le terme « proximité » requiert, dans ce cas, une vision des choses assez large… Ces conseillers élisent désormais, en leur sein, les 90 membres chargés de siéger au sein de l’AFE.
Cette évolution représente une réelle avancée démocratique. Je profite d’ailleurs de cette intervention pour saluer Kalliopi Ango Ela, qui fut la chef de file du groupe écologiste lors de l’examen de ce texte.
M. Jean-Yves Leconte. Très bien !
M. Jean Desessard. Cette réforme a eu comme conséquence indirecte de bouleverser l’organisation de la Caisse des Français de l’étranger. Cet établissement, créé par la loi du 31 décembre 1976, a pour but d’assurer et de protéger les Français de l’étranger en leur garantissant une couverture sociale. Elle est actuellement dirigée par un conseil d’administration composé de 21 membres, dont 18 sont élus par l’Assemblée des Français de l’étranger.
Avec l’adoption de la loi de 2013, ces membres du conseil d’administration de la CFE se retrouveront de fait élus au troisième degré, ce qui est assez peu démocratique, comme l’a peu ou prou reconnu M. Cadic. De plus, les représentants principaux des Français de l’étranger sont désormais les conseillers consulaires et non plus les membres de l’AFE ; il est donc illogique que ces derniers continuent à élire des représentants au sein de la Caisse des Français de l’étranger.
C’est pour répondre à ces questions que Jean-Yves Leconte présente cette proposition de loi. La mesure phare de ce texte est de donner pouvoir aux conseillers consulaires, et non aux membres de l’AFE, pour élire les administrateurs de la CFE.
Il s’agit d’une évolution logique et souhaitable, que les écologistes soutiendront.
En plus de cette mesure, il est également proposé de davantage intégrer le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger, en leur permettant de désigner des administrateurs au sein de la CFE. La proposition de loi introduit aussi la parité dans la constitution des listes de candidature à l’élection des représentants des assurés pour plus d’égalité entre les Françaises et les Français, même à l’étranger. Elle instaure, enfin, une limite d’âge pour les administrateurs et précise que le président du conseil d’administration est un assuré actif, élu au sein du conseil parmi les représentants des assurés.
Toutes ces mesures concrètes vont dans le sens de plus de démocratie et de plus de parité.
Il y a urgence à légiférer au plus vite puisque l’élection des représentants des assurés est prévue pour octobre 2015. Sans ce texte, la légitimité de ces élus s’en trouverait fortement amoindrie.
Quelle est la divergence ? Nous ne sommes pas convaincus par les amendements de suppression, déposés au motif qu’il nous faudrait attendre les résultats d’une mission de l’IGAS et de l’Inspection générale des finances sur le sujet. En effet, il nous semble que cette mission rendra son rapport uniquement sur les questions touchant à l’activité et non à la gouvernance de la CFE. Il suffit pour s’en assurer de consulter la lettre de mission signée par Bercy et par le ministère des affaires sociales en février de cette année. Comme visiblement il y a là une différence d’interprétation – l’orateur précédent l’a dit –, pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner davantage d’informations sur ce point et préciser quelle est cette mission ?
En conclusion, le groupe écologiste salue le travail effectué par notre collègue Jean-Yves Leconte.
M. Richard Yung. Très bien !
M. Jean Desessard. Sa proposition de loi apporte les évolutions législatives indispensables pour que les Français de l’étranger soient correctement représentés au sein de leur caisse de sécurité sociale. Aussi, vous l’aurez compris, les écologistes voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi tendant à réformer les organes dirigeants de la Caisse des Français de l’étranger constitue, pour la plupart des membres de notre assemblée, l’occasion de constater qu’il existe un organisme dont la mission est de s’assurer de la couverture sociale de nos compatriotes – souvent au demeurant des binationaux – vivant à l’étranger.
Rappelons cependant rapidement que la Caisse des Français de l’étranger n’est pas un régime de sécurité sociale obligatoire et qu’elle procède, en grande partie, comme une société d’assurance maladie complémentaire.
Sa gestion est assurée par un conseil d’administration jusqu’à présent élu, sur listes, par les seuls membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ceux-là mêmes qui désignent, une fois tous les trois ans, la moitié de nos collègues représentant les Français de l’étranger.
Mais les choses ont changé – nul ne l’ignore ! En effet, comme chacun le sait, le corps électoral élisant nos collègues sénateurs s’est singulièrement accru, puisque les délégués et conseillers consulaires, élus dans chaque circonscription, participent désormais à cette élection.
L’objectif de la proposition de loi est donc, en grande partie, de faire en sorte que le corps électoral désignant les membres de la caisse de sécurité sociale soit le plus proche possible de celui qui participe à l’élection sénatoriale. Un choix qui semble s’imposer d’autant plus que le renouvellement du conseil d’administration a pris du retard, en l’attente d’une « réforme » plus importante de l’organisme.
J’observe, et mon groupe avec moi, que nos collègues membres de la majorité sénatoriale semblent très bien s’accommoder de l’état des choses puisqu’ils nous proposent, au travers de leurs amendements, de ne rien changer à l’existant, dans l’attente de la remise du rapport conjoint IGF–IGAS sur cette caisse.
Notons, d’ailleurs, que la situation financière plutôt positive de la Caisse semble autant liée à la qualité de sa gestion qu’au nombre relativement réduit de ses cotisants et ayants droit.
Reconnaissons qu’un organisme de protection sociale dont les cotisations sont fixées en référence au montant des cotisations de couverture maladie volontaire du régime général de sécurité sociale ne peut être a priori dans une situation financière délicate, puisque les adhérents de la Caisse des Français de l’étranger ne présentent pas tout à fait la situation moyenne de nos compatriotes expatriés.
Par conséquent, pour nos collègues de la majorité, il est urgent d’attendre et de ne rien changer au mode de fonctionnement de la Caisse, la situation financière étant saine. Oc c’est précisément parce que la gestion semble saine et que la norme des choses veut que, de temps à autre, on accepte de voir cette gestion soumise à l’avis des électeurs qu’il nous paraît nécessaire d’adopter la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui.
Si nous ne sommes pas capables d’adopter, parce que le texte provient de la minorité du Sénat, une proposition de loi qui ne fait que traduire quant au fond un certain « parallélisme des formes » avec l’existant en matière de droit électoral, cela pose question.
Supprimer un à un les articles du texte qui nous est proposé aux fins de pousser à l’adoption d’une « coquille vide » en lui opposant, comme cela est encore le cas aujourd’hui, la loi implacable de la majorité, montre le peu de cas que l’on peut faire ici de l’activité parlementaire.
M. Jean-Yves Leconte. Très bien !
M. Dominique Watrin. Nous le regrettons, car le problème qui nous est posé dépasse la seule question des organes de direction de la Caisse des Français de l’étranger.
Sorte de « compagnie d’assurance exerçant des missions de service public », la Caisse est en effet appelée, dans les années à venir, à connaître des évolutions, ne serait-ce que parce que le mouvement du monde, l’interpénétration des économies, la grande qualité des salariés et des diplômés français sont autant de faits générateurs de mouvements plus ou moins importants de population.
L’expatriation de nombre de nos compatriotes ne repose d’ailleurs pas uniquement sur des motivations fiscales, les cieux de quelques pays prétendus plus cléments que les nôtres, selon des légendes assez répandues – allez en parler aux Français salariés résidant en Suisse, qui sont soumis à de lourds prélèvements !
Non, il s’agit d’abord de la reconnaissance de la qualité professionnelle de nombreux salariés et diplômés français – singulièrement les plus jeunes d’entre eux et le plus souvent issus des classes populaires –, qui passe de plus en plus par un séjour professionnel, plus ou moins long, à l’étranger.
Au demeurant, dans certains de nos grands groupes, le « stage » plus ou moins prolongé dans une filiale ou dans un établissement domicilié à l’étranger est un moment incontournable du déroulement de carrière.
Repenser et réformer la Caisse des Français de l’étranger nous paraît donc inévitable, et il n’y a pas lieu d’attendre.
S’opposer aujourd’hui à la réforme nécessaire de sa gouvernance augure mal de la capacité à entendre les évolutions ultérieures et indispensables de l’intervention de cet établissement.
Nous, les membres du groupe CRC, sommes favorables à cette évolution logique – du point de vue de l’évolution du droit électoral, comme il a été précisé, et même si ce n’est qu’une première étape, comme l’a souligné Mme la secrétaire d’État –, qui n’est qu’un préalable somme toute modeste au regard d’autres évolutions nécessaires que nous serons amenés à accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)